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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “Finances publiques. Alarmisme d’automne: cru 2010.” Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, édition du 26 novembre 2010. [Texte diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 20 juin 2011.]

Louis Gill

Finances publiques.
Alarmisme d’automne : cru 2010.”

Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, édition du 26 novembre 2010.


Photo : Clément Allard - Le Devoir.

Selon le Conference Board, le Québec devra reconnaître que ses généreux programmes sociaux ont un coût et qu’il doit l’assumer dans ses prochains budgets s’il veut éviter un dérapage des finances publiques. Sur la photo: le ministre des Finances Raymond Bachand avant le dépôt du dernier budget.

Les dernières années nous ont appris que l’automne est fertile en prévisions alarmistes de l’avenir économique du Québec. Nous avons eu droit notamment au manifeste des « lucides » en octobre 2005 et, l’an dernier, aux trois fascicules des experts « indépendants », conseillers du ministre des Finances, qui ont ouvert la voie aux mesures du budget de l’année 2010-2011. Cette année, c’est le Conference Board du Canada qui se manifeste dans une étude récemment rendue publique, intitulée Les finances publiques du Québec : l’heure des choix a sonné.

Son jugement est radical : si les tendances actuelles des dépenses de programme se maintiennent, « le gouvernement du Québec court à sa perte » ! Dans vingt ans, prévient-il, le déficit budgétaire de l’année 2030-2031dépassera les 45 milliards de dollars (dix fois le déficit prévu pour l’année en cours), résultat d’une croissance annuelle moyenne prévue des revenus budgétaires de 4 %, inférieure à celle des dépenses (5 %). Les facteurs identifiés comme étant à l’origine de cet écart entre revenus et dépenses sont bien connus: une faible croissance du Produit intérieur brut réel découlant d’une faible croissance démographique, le poids prépondérant des dépenses de santé qui subiront l’effet du vieillissement de la population et une forte croissance du service de la dette. Nous revoilà donc en terrain familier, face à un ensemble d’hypothèses contestées par de nombreux chercheurs.

Les finances publiques du Québec le menant « droit vers un mur  », l’heure des choix aurait sonné : si la population du Québec veut maintenir l’universalité des soins de santé et les frais de scolarité les plus faibles en Amérique du Nord, choix de société tout à fait justifiables, précise l’étude, elle devra reconnaître que ces choix ont un coût et qu’elle doit l’assumer si elle veut éviter un dérapage des finances publiques.

Le moyen proposé par le Conference Board pour équilibrer les finances publiques est l’ajout aux mesures du dernier budget d’une augmentation de la taxe de vente du Québec (TVQ) de dix points de pourcentage sur vingt ans, qui permettrait selon ses évaluations de réduire graduellement le déficit budgétaire de 4,3 milliards de 2009-2010 et de réaliser un surplus dans une dizaine d’années.  Après les deux augmentations annuelles de 1 % prévues dans le budget de l’année en cours, qui le porteront à 9,5 % en janvier 2012, le taux de la TVQ atteindrait ainsi 19,5 % en 2030-2031. Il devrait vraisemblablement être augmenté davantage par la suite, un nouveau déficit de quelque 3 milliards étant prévu pour 2030-2031. Pour amortir le choc d’une telle proposition, l’étude rappelle que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée est actuellement de 19,6 % en France.


Les finances du Québec
mises en perspective

Le « chiffre qui tue », mentionné d’entrée de jeu par le Conference Board en guise d’illustration du péril auquel nous ferions face, est ce déficit budgétaire de 45 milliards de dollars qu’il anticipe pour 2030-2031, soit dans … vingt ans ! Or, selon les prévisions de cette même étude, le PIB nominal prévu pour la même année sera de 600 milliards de dollars, soit le double du PIB actuel. Le déficit de 45 milliards de dollars représenterait donc 7,5 % du PIB dans vingt ans. Ce pourcentage est sensiblement plus élevé que le pourcentage actuel de 1,5 %, il faut le reconnaître. Mais il est nettement inférieur au niveau actuel moyen observé dans les principaux pays industrialisés qui est de l’ordre de 10 %, sans parler des 13 % atteints en Grèce et des titanesques 32 % de l’Irlande dévastée par la faillite de ses banques.

Pour ce qui est de l’endettement du Québec, le Conference Board prévoit que la dette brute du gouvernement augmentera de son niveau actuel de 53 % du PIB à 103 % en 2030. Comment cette évolution prévue se compare-t-elle à celle des principaux pays industrialisés ? Selon une étude de la Banque des règlements internationaux (BIS Working Paper 300, mars 2010), les prévisions de la dette des administrations publiques en pourcentage du PIB sont, pour l’année 2030, sans modification des politiques actuelles, 450 % pour le Japon, 350 % pour la Grande-Bretagne, 300 % pour les États-Unis, 280 % pour la France et la Grèce, 250 % pour l’Irlande, 225 % pour l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne et le Portugal.

La mention de ces chiffres astronomiques n’a qu’un seul objectif, celui de relativiser la situation du Québec et de soutenir le point de vue selon lequel la singularisation et l’alarmisme sont de mauvais guides en matière d’évaluation de sa situation financière. Il faut se méfier par ailleurs de verdicts reposant sur des projections de long terme, qui pourraient être radicalement invalidées par des événements imprévus survenant en cours de route et qui ont pour effet d’amplifier de manière exponentielle avec le temps le moindre écart existant au départ, entre le taux de croissance des revenus et celui des dépenses par exemple.

Pour garantir l’équilibre des finances publiques, il y a beaucoup à trouver dans la recherche de moyens de réduire les dépenses sans réduire les services publics. La réduction du coût des médicaments par leur achat centralisé par l’État en est un exemple. Pour ce qui est des revenus, contrairement à ce que propose le Conference Board, j’estime avec bien d’autres qu’il faut renoncer à les augmenter en utilisant une fiscalité régressive qui frappe plus lourdement les bas revenus et revenir à une fiscalité progressive qui a été passablement érodée au cours des dernières décennies. Dans le contexte de la crise des finances publiques qui sévit à l’échelle mondiale, de nombreuses voix ont déjà évoqué cette nécessité, dont celles d’anciens partisans résolus des réductions d’impôts.

En matière de revenus, le Conference Board suppose que les transferts fédéraux dont bénéficie le Québec augmenteront à un rythme annuel moyen de quelque 5 % pour atteindre 36 milliards en 2030-2031, à partir des 15 milliards de l’année en cours. Il ne précise pas toutefois quelle hypothèse il fait quant à l’usage que le gouvernement du Québec fera de ces transferts. Or, il est utile de mentionner qu’entre 2003 et 2010, six milliards de dollars de transferts fédéraux ont été dévoyés par le gouvernement pour réduire du même montant les impôts des particuliers et des entreprises. Au cours de cette période, la part des transferts fédéraux dans les revenus budgétaires a augmenté de 18 % à 25 %, alors que la part des revenus autonomes (impôts et taxes) diminuait de 82 % à 75 %. Une juste appréciation de la situation fiscale du Québec ne peut faire abstraction de ce fait.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 1 juillet 2011 5:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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