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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Hubert Van Gijseghem, “L'inceste père-fille.” in revue La vie médicale au Canada français, vol 4, 1975, pp. 263-271. [Le 30 janvier 2014, l'auteur, Hubert Van Gijseghem, nous accordait son autorisation formelle de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, en accès ouvert et gratuit à tous, toutes ses publications.]

[263]

Hubert Van Gijseghem, Ph.D. [1]

psychologue, professeur émérite, Université de Montréal

L’inceste père-fille.” *

In revue La vie médicale au Canada français, vol. 4, mars 1975, pp. 263-271.


I. INTRODUCTION
II. L’INCESTE DANS LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE RÉCENTE
III. NOTRE ÉTUDE

A.Considérations générales
B.Étude plus approfondie du groupe « pré-pubertaire »

1. Relations avec les parents
2. Identité
3. Évolution postérieure à l’inceste

CONCLUSION
Résumé / Summary
Bibliographie


I. INTRODUCTION

Selon les statistiques officielles, l'inceste est très rare. Ces statistiques (9, 10 et 14), basées sur la détection du délit, démontrent en effet que, dans les pays anglophones, l'inceste n'est commis que par un habitant sur un million durant une année. Bien plus, des enquêtes approfondies prétendent que l'inceste n'existe que sur papier, ou dans l'esprit des psychanalystes, comme l'a dit Kinsey (7) en 1948. Cet auteur concluait que beaucoup de mâles considèrent la possibilité d'avoir des relations incestueuses mais que « ces fantaisies sont délibérément rejetées et ne sont pas agies ». Il est étonnant que cette enquête, qui pouvait pourtant se vanter d'avoir obtenu des réponses franches dans d'autres domaines du comportement sexuel, en soit arrivée à démontrer l'inexistence de l'inceste. Ce fait montre l'extrême réticence que les gens éprouvent à révéler ce genre de « secret ».

Il semble donc difficile d'établir des statistiques objectives en ce qui concerne l'inceste parce que la grande majorité des cas ne sont jamais connus des autorités. Même quand les membres d'une famille sont au courant des faits, ils les taisent pour des raisons économiques, sociales ou psychologiques. Cette dernière considération est d'ailleurs surtout vraie pour l'inceste père-fille et, jusqu'à un certain point aussi, pour l'inceste frère-sœur. Quant à celui qui implique mère et fils, il semble avoir, de nos jours, une signification quelque peu différente. En effet, là où le jeu sexuel entre un père et sa petite fille est considéré (et sanctionné) comme incestueux, ce même jeu, entre une mère et son petit garçon est bien souvent perçu comme un genre d'avant-gardisme et d'ouverture qui est supposé créer une atmosphère de « libération » des tabous fâcheux.

Malgré toutes les apparences du contraire, le phénomène de l'inceste existe, mais sa fréquence est fortement sous-estimée. Les chiffres qui suivent ne ressemblent guère, en effet, à ceux des statistiques pénales ni à ceux des enquêtes sociologiques. D'après un échantillon représentatif de 186 filles, pris dans les institutions pour jeunes filles délinquantes canadiennes-françaises, nous trouvons 52 filles qui ont eu des contacts incestueux avec le père (naturel ou adoptif). Cela signifie donc que 28 pour cent des filles délinquantes ont connu leur père en tant qu'objet sexuel. Ces données ressemblent à celles trouvées par Lemay (8) en France en 1973 dans une population analogue (22 pour cent). Des études plus anciennes (14) arrivent à des résultats comparables : Breckenbridge et Abbott (1912) trouvent une fréquence de 20 pour cent parmi des délinquantes ; le rapport The social evil in Chicago (1911) fait mention de 44 pour cent ; Miner (1916) trouve un taux de 20 pour cent dans une population de prostituées.

Cette courte étude tentera d'explorer le phénomène de l'inceste. Pour ce faire, nous utiliserons la littérature récemment publiée sur ce sujet et nous nous aiderons aussi du matériel fourni par notre échantillon. L'accent sera mis sur la dynamique familiale ainsi que sur l'organisation intrapsychique des participants à l'inceste, et particulièrement sur celle de la fille.

II. L’INCESTE DANS LA LITTÉRATURE
SCIENTIFIQUE RÉCENTE

Peu d'études approfondies concernant l'inceste ont vu le jour. Parmi elles, deux monographies retiennent l'attention ; celle du sociologue Weinberg (14), publiée en 1955, et celle du sexologue Masters (10), en 1963. Les deux, de par leur méthode d'investigation et de par leur conception de base peuvent être considérées comme diamétralement opposées. Weinberg, partant de l'étude d'un échantillon extensif (203 cas dont 159 « père-fille ») en arrive à la conception que le tabou de l'inceste est universel et absolu ; il part du postulat que l'inceste est un crime et celui qui le commet un malade. Masters, qui interroge davantage la littérature, les témoignages uniques et l'anthropologie, reconnaît l'existence du tabou mais ne trouve pas de fondement réaliste à celui-ci. Il croit en outre que les conséquences du tabou sont plus graves que les conséquences de l'absence du tabou, donc de l'inceste vécu. Dans ce sens, Masters se fait l'apologiste de l'inceste, dénonçant le tabou dans notre civilisation comme un héritage fâcheux de trois mille ans d'éthique judéo-chrétienne.

[264]

Weinberg, dont la démarche nous semble plus scientifique, s'intéresse principalement à la famille incestueuse. Les résultats de ses recherches démontrent que l'inceste se produit dans une grande variété de types de famille et que la signification de l'acte, ainsi que ses conséquences physiques, sociales et psychiques sont très diversifiées et cela, aussi bien pour l'agresseur que pour la victime. Dans une introduction au livre de Weinberg, Blumer tire de cette recherche les conclusions suivantes : le fait que le tabou de l'inceste ne puisse être maintenu dans une famille est dû, la plupart du temps, au faible statut ou à l'incapacité de la mère. L'inceste ne se produirait que dans des familles désorganisées ou désintégrées. La promiscuité, l'absence de discipline familiale, la qualité sadique des modes de comportements, l'isolement de la famille sur le plan social, ou la faiblesse évidente de certains membres ne sont que quelques-unes des manifestations de la désorganisation d'une famille incestueuse. L'initiateur est vu lui-même comme ayant eu une carrière de désorganisation personnelle, antérieure à l'acte. À l'arrière-plan de cette désorganisation, l'inceste émerge comme un symptôme parmi d'autres. Des facteurs socio-économiques comme la pauvreté, les lits communs, le manque d'espace vital ne seraient que des circonstances « facilitantes » et non des causes réelles de l'inceste.

Une des conclusions intéressantes de cette étude est la distinction de trois types d'inceste reliés surtout à la personne de l'agresseur. Le type de père « endogame » concentre ses activités sociales et sexuelles à l'intérieur de sa famille et reste habituellement « fidèle » à sa femme ou à ses femmes ; le type « pédophile » cherche comme objet sexuel la petite fille jeune, et choisit sa propre fille parce qu'elle constitue l'objet le plus accessible ; finalement il y a le type « promiscu » qui, sans discrimination, cherche n'importe quel objet pour assouvir ses besoins. Weinberg remarque que le premier type a fréquemment une structure de personnalité tendant vers la psychose [2] ; que le deuxième type se caractérise par une névrose de caractère avec acting-out, et que le troisième est du type psychopathe.

Quant à la fille, si elle n'ignore pas complètement l'existence du tabou, elle vit un conflit aigu dû à des exigences contradictoires ; d'une part, du père qui permet l'inceste, et d'autre part, de la mère qui le prohibe. Ce conflit la distancie fréquemment de l'un ou l'autre parent ou parfois des deux. Souvent, une rivalité intense se développe entre mère et fille, bien que dans certains cas la mère adopte une attitude protectrice vis-à-vis de sa fille et n'entre pas dans la compétition.

Quelques autres publications récentes méritent d'être étudiées. Ainsi, Heims et Kaufman (5) croient que les deux parents, consciemment ou inconsciemment sont complaisants face à l'inceste. Ces auteurs trouvent fréquemment une constellation familiale dans laquelle le père est resté enfant et cherche auprès de sa fille un genre de maternage. Ceci est également vrai pour la mère qui prend bien soin d'éviter une sexualité génitale avec son mari. Aux prises avec ses propres angoisses de séparation, elle fait vivre à sa fille une extrême discontinuité dans la relation, alternant entre l'abandon et la captation orale. La fille est ainsi prématurément poussée dans un rôle de maternage, ce qui lui donne souvent un air de pseudomaturité. Elle semble consciente de la complaisance des deux parents face à l'inceste et peut ainsi rester relativement libre de culpabilité. Le traumatisme ne résiderait pas dans l'expérience incestueuse comme telle mais, éventuellement, dans la brisure de la famille qui suit la détection de l'inceste.

Le fait suivant est remarquable, et d'ailleurs corroboré par tous les chercheurs : un attachement très intense peut se développer entre le père et la fille. Cet attachement, vécu sur une base d'amour ou de désir sexuel, porte néanmoins toutes les caractéristiques du lien sado-masochiste et rend les partenaires d'une possessivité, d'une jalousie et d'une méfiance extrêmes. Quant au développement de la fille, ultérieur à l'inceste, Heims et Kaufman (5) remarquent que la fille tombe fréquemment dans l'homosexualité, celle-ci alternant, dans certains cas, avec une promiscuité hétérosexuelle. Ces agissements homosexuels peuvent être vus en tant que mesure défensive ou annulatrice, mais s'inscrivent plus fondamentalement dans le contexte d'une fixation orale à la première relation mère-enfant. Bigras (1 et 2) est encore plus pessimiste quant au pronostic et prévoit, après la cessation de la relation incestueuse, une régression qui, potentiellement, est sans limite. Cet auteur croit d'ailleurs que les agissements incestueux signifient [265] une fixation au père, basée sur une motivation narcissique plutôt qu'erotique. La fille, sentant le danger d'être détruite par une mère « mauvaise » qui la rejette, s'accroche au père, quelles qu'en soient les conséquences [3]. Ainsi, l'inceste la protège d'une régression vers la psychose. Après la cessation de l'inceste, elle se trouve devant l'alternative suivante : ou la répétition compulsive par une hyperactivité sexuelle répétant le mode sadomasochiste, ou la régression vers la mère destructrice, c'est-à-dire la psychose.

Bigras (1) explique la nature sado-masochiste du lien incestueux à partir de l'article de Freud A child is being beaten (1919). L'hypothèse de Freud est que, là où le fantasme culpabilisant du désir incestueux est réalisé avec la complicité du père, la culpabilité est telle que la punition fera partie même de la gratification. « Être aimé » devient donc en même temps « être battu », faisant régresser la relation au niveau anal, c'est-à-dire selon un mode sado-masochiste.

Une autre étude qui s'attarde principalement à la dynamique de la famille incestueuse est celle de Lustig (9). Cet auteur voit l'inceste comme une « transaction » qui protège et maintient l'unité de la famille dans laquelle il se produit. Dans cette famille, l'inceste peut servir à réduire la tension et cela, en évitant une confrontation directe avec les sources mêmes de la tension. Là, où le père est vu comme un « pseudopatriarche », la mère est considérée comme hostile et froide face à la fille, mais elle développe en même temps une forte dépendance envers cette dernière. Lustig croit que la complaisance de la mère peut être due au fait qu'elle trouve une gratification vicariante dans l'inceste. Elle utiliserait le père comme un véhicule pour satisfaire, par ricochet, ses propres impulsions homosexuelles inconscientes envers sa fille.

Ainsi, l'inceste, tout en répondant aux besoins prégénitaux des deux parents, aurait comme fonction centrale la préservation de la famille. Le recours à l'inceste devient facilité par la forte angoisse de séparation dont semblent souffrir les protagonistes.

Une synthèse des points importants de l'étude de la littérature sur ce sujet nous permet de dresser le tableau suivant.

L'inceste semble se produire dans une famille désorganisée qui s'en sert pour sauvegarder son unité précaire. Les deux parents sont aux prises avec une dynamique prégénitale et ils espèrent trouver auprès de leur fille une gratification des besoins qui en découlent. Le père est faible ou démontre tout au plus une pseudopuissance. La mère, elle, joue un rôle important dans la dynamique familiale. Tout en voulant sauver une « façade », elle refuse aussi bien son rôle d'épouse que celui de mère et cherche éventuellement une satisfaction vicariante de ses impulsions homosexuelles. Il est probable que, pour la fille, l'inceste ait une signification narcissique plutôt qu'érotique. Fortement carencée dans son contact avec une mère qui la rejette, la fille chercherait un réconfort narcissique auprès du père. L'inceste s'inscrit dans une dimension sado-masochiste qui sera perpétuée par le truchement d'une répétition compulsive même après cessation des relations père-fille (évitant une régression plus profonde). Un mode d'agissements homosexuels peut s'installer comme mécanisme d'annulation ou de défense.

Dans ce qui suit, nous n'essayons pas nécessairement de confirmer ou d'infirmer les éléments de ce tableau. Nous avons tenté plutôt, par cette étude de la littérature, de poser certains jalons et d'énoncer des hypothèses à l'arrière-plan desquels figureront les résultats, les impressions et les intuitions de notre recherche.

III. NOTRE ÉTUDE

A. Considérations générales

Entre 1965 et 1969, nous avons rencontré 186 filles entre douze et dix-huit ans, toutes placées dans des institutions de rééducation à la suite d'une décision de la Cour et cela sous l'accusation de délinquance, ou encore en vertu de la loi de la protection. Les rencontres ont été faites dans le contexte d'une évaluation psychologique, comprenant une entrevue, des tests d'intelligence et des tests de personnalité.

À l'intérieur de cette population, nous avons retrouvé 52 filles ayant été impliquées dans des agissements incestueux avec le père naturel ou avec le père adoptif. Ce nombre correspond donc à 28 pour cent de la population des filles rencontrées. Cette population elle-même peut être considérée comme un échantillon représentatif des filles vivant en institution de rééducation. Parmi les 52 filles, il y en a 22 dont les relations incestueuses avec le père naturel ont débuté avant la puberté, ces relations ayant duré, de façon continue ou intermittente, pendant une période prolongée allant parfois jusqu'à plusieurs années. Une deuxième catégorie est constituée de six filles dont l'inceste a débuté après l'avènement de la puberté. [266] Dix-huit autres filles ont eu des contacts sexuels avec un substitut paternel, le plus souvent avec le père adoptif. Finalement, pour les six filles restantes, la durée, ainsi que les circonstances de l'inceste n'ont pu être précisées.

En explorant le matériel provenant des deux premières catégories, c'est-à-dire des sujets dont le début de l'inceste remonte à la période précédant la puberté, et ceux où l'inceste eut lieu après la puberté, il devient clair qu'il existe des différences importantes entre les deux groupes.

Une première différence réside dans le fait que les prépubères ne résistent habituellement pas aux avances du père, ce qui aboutit en une relation durable. L'inceste peut parfois prendre fin avec l'avènement de la puberté, et cela, à l'instigation d'un des deux partenaires ; parfois encore, l'inceste peut se continuer pour une durée indéterminée. Le deuxième groupe, c'est-à-dire les filles qui ont été approchées après la puberté, souvent résistent aux invitations et, en les dénonçant ou en fuyant, elles font en sorte que les relations ne se perpétuent pas [4]. Ainsi, la participation active à l'inceste est donc moins fréquente et l'incidence de la fugue protectrice est plus forte, ce qui mène à une forme de « délinquance » quelque peu différente.

Les filles du premier groupe sont généralement plus affectées, en ce sens qu'elles sont plus désorganisées, ou moins structurées au départ. Il y a dans ce groupe beaucoup plus de promiscuité et d'acting-out de tous genres ayant souvent la signification d'une répétition compulsive. Dans le deuxième groupe on retrouve davantage la notion du traumatisme dans l'organisation psychique ; il y a plus de refus de toute sexualité et on peut alors anticiper un développement vers une structuration névrotique. Au niveau de l'ego, nous constatons des différences marquantes. Là où il peut y avoir un ego fort et bien organisé dans le deuxième groupe, la fille du premier groupe, ayant connu l'inceste avant la puberté, reste avec un ego faible, fragmentaire, désorganisé ou fragile [5].

En somme, sans vouloir simplifier à outrance, la fille du premier groupe nous paraît plus perturbée que la fille du deuxième groupe. Elle semble porteuse d'une pathologie de nature prégénitale ou même préobjectale dans laquelle figurent des éléments carentiels et sado-masochistes. Le deuxième groupe, par contre, est caractérisé par des éléments moins graves qui dénotent plutôt un développement vers la névrose. Ces différences ne sont évidemment pas nécessairement dues à l'âge de la fille au moment de l'inceste. On pourrait en effet émettre l'hypothèse suivante : la famille dans laquelle le père séduit sa fille prépubère est plus perturbée que la famille dans laquelle le père séduit sa fille pubère. Ceci expliquerait, par le fait même, dans le premier groupe une dynamique personnelle plus primitive et plus perturbée des participants à l'inceste. Nous avons néanmoins le sentiment que l'âge du premier contact incestueux, s'il n'est pas tout à fait déterminant, est au moins très marquant dans le développement de la personnalité de la fille.

Dans l'étude qui suit, nous nous attarderons davantage au premier groupe, c'est-à-dire au groupe « prépubertaire » où les sujets sont plus nombreux et semblent plus représentatifs de ce qu'on appelle « la fille incestueuse ».

B. Étude plus approfondie
du groupe « pré-pubertaire »

Le groupe consiste en 22 filles qui ont commencé des relations incestueuses avec le père à un âge qu'on peut appeler « prépubertaire » lequel peut varier entre deux et douze ans. Au moment de nos évaluations, l'âge moyen de ces filles est de 16 ans et 8 mois. Elles sont toutes d'intelligence normale, le quotient intellectuel global moyen étant de 104,6 (verbal : 100,5 ; performance : 109). Cette moyenne correspond à la moyenne générale de l'échantillon complet des filles délinquantes (186) qui est de 103,0 (verbal : 99,4 ; performance : 107,4) [6].

Nous considérerons successivement les relations avec les parents, l'identité, et l'évolution postérieure à l'inceste.

[267]

1. Relations avec les parents

Les interrelations à l'intérieur de la famille incestueuse sont marquées par une profonde ambivalence. Là où la relation objectale existe, celle-ci est colorée, à la fois par l'amour et par la haine, par le désir de donner et par le désir de détruire. Habituellement, les relations sont troubles et s'inscrivent dans une dimension sado-masochiste. Néanmoins, un bon nombre de filles arrivent à exprimer clairement une préférence pour un des parents. Il n'est pas rare que, par sa perception, la fille désigne les deux parents en termes du « bon parent » et du « mauvais parent ». Que ceci soit pour elle un moyen de résoudre artificiellement l'ambivalence fondamentale qu'elle éprouve et pour l'un et pour l'autre des parents est hors de doute. Cette perception « dichotomisante » permet néanmoins au clinicien de reconnaître dans cette dynamique familiale certains vecteurs libidinaux ou agressifs.

Dans notre échantillon, ce qui frappe beaucoup, c'est le fait qu'il n'y a que peu de sentiments négatifs envers le père : seulement 14 pour cent des filles en font mention [7]. Il est vrai que le même pourcentage prévaut pour la population complète des filles délinquantes, mais compte tenu du fait que le père incestueux joue un rôle particulièrement traumatisant, ce chiffre reste assez étonnant dans le cas des filles incestueuses.

Les sentiments négatifs face à la mère sont beaucoup plus fréquents (41 pour cent de l'échantillon) bien que le pourcentage s'approche également de celui, existant dans la population complète des filles délinquantes (50 pour cent).

Pour ce qui est des sentiments positifs, face à un des parents, 32 pour cent des filles incestueuses verbalisent un amour filial prononcé face à la mère. Ce pourcentage, pourtant élevé, est surpassé par celui qui existe pour les mêmes sentiments face au père. En effet, 36,5 pour cent des filles font mention d'un profond amour, voire d'adoration, face au père.

Il ressort de ces chiffres que le nombre de filles qui ont des sentiments positifs envers le père triple presque le nombre de filles qui lui vouent des sentiments négatifs. Par ailleurs, le nombre de filles qui haïssent la mère dépasse de plus de trois fois le nombre de celles qui haïssent le père. Il devient donc clair que malgré le fait que le père soit l'agresseur sexuel, la fille ne le rejette pas pour autant, et que c'est plutôt la mère qui est perçue comme le « mauvais parent ». Plusieurs filles vont jusqu'à excuser l'attitude du père et mettent la responsabilité de l'inceste du côté de la mère. Une d'entre elles déclare :

« Il prend ses enfants comme sa femme, mais c'est parce que ma mère ne lui donnait pas assez d'affection. »

Une autre dit :

« Tomber c'est humain, se remonter c'est divin ; à part cela, c'était toute la faute à ma mère, elle ne couchait même pas avec lui. »

Parmi les filles qui s'expriment positivement à l'égard du père, on entend des verbalisations dichotomisantes de ce genre : « Tous les hommes sont des cochons, sauf mon père ». Pour sauvegarder l'image du père, la fille choisit plutôt d'avilir l'image de l'homme en général.

Pour quelques filles (au moins trois du groupe) l'inceste est un moyen d'éviter la mère. Ces filles, sentant en elles la panique d'une régression vers la mère pré-œdipale c'est-à-dire vers l'homosexualité, se défendent contre cette régression par un acting-out hétérosexuel avec le père. Plus souvent, l'inceste est utilisé comme une arme contre la mère ; c'est-à-dire, pour la blesser, l'anéantir ; ou, comme une des filles le disait, « pour lui donner une leçon ». Une autre fille déclara :

« J'ai attendu pour en parler à ma mère, jusqu'à un moment où ça allait mal entre elle et moi et où je voulais réellement lui faire de la peine. »

Par contre, quelques filles étant en mauvais termes avec la mère, se rapprochent sensiblement de cette dernière pendant la période de l'inceste, poussées par un sentiment de culpabilité ou par le désir de « réparer » simultanément le mal qu'elles font à la mère, même si celle-ci n'est pas au courant des agissements.

Une fille se défait de son sentiment de culpabilité en rationalisant l'inceste. Elle croit que ses agissements ont rapproché ses parents, qu'elle a été, en quelque sorte, l'artisan de ce rapprochement. Elle dit :

« Après l'aveu, ma mère a été très compréhensive pour mon père. Tous les deux ont fait une retraite fermée ; ce fut un nouveau mariage et lorsqu'ils sont revenus à la maison je leur ai préparé un beau gâteau... »

Plusieurs auteurs qui parlent de l'inceste ont rapporté des cas de « ménages à trois » relativement heureux, en ce sens que les membres du triangle acceptent la situation. Citons ici le cas d'une des filles de notre échantillon qui a été au su de la mère « la favorite » de son père de l'âge de quatre ans [268] jusqu'à son placement en institution (pour délinquance sexuelle). Cette fille, que nous avons rencontrée peu de temps après son arrivée à l'institution (elle avait alors 12 ans et 8 mois), était très amoureuse de son père et déclara ouvertement le manquer beaucoup sexuellement. Le père a toujours dit qu'il préférait sa fille à sa femme, qu'elle était « bien meilleure dans le lit ». La fille partageait le lit avec le père tandis que la mère couchait dans une autre chambre. La fille, bien qu'enfant prépubère, était, à tous points de vue, traitée comme la femme du père : c'est à elle qu'il donnait l'argent pour le ménage, il la comblait de cadeaux et l'emmenait en voyage. Tout ceci à la fierté et au grand bonheur de la petite. La mère, tout en tolérant la situation, était néanmoins jalouse, mais se taisait pour autant que la fille lui passât de l'argent. D'autre part, le père était très jaloux, lui aussi, quand sa fille sortait avec d'autres garçons. Elle lui racontait ses (fréquentes) aventures en grand détail : « je faisais exprès, j'aimais ça le voir souffrir à cause de ça » dit-elle. Il est clair que cette fille ne connaît ni angoisse ni culpabilité, et n'attend que son retour à la maison pour reprendre sa vie de « favorite ». L'amour du père semblait très important pour elle, et presque aussi importante, la jalousie de sa mère qui lui donnait un sentiment de triomphe et de toute-puissance, sentiments clairement verbalisés en entrevue. Dans ce cas, l'inceste et toutes les impulsions qui gravitent autour, semblent absolument egosyntones.

La dimension sado-masochiste envers le père, reconnue aussi dans ce dernier cas, est fréquente chez les filles incestueuses. Il est vrai que pour l'observateur ces filles sont les « victimes » de l'inceste, mais très souvent, si, au départ, elles ne séduisent pas déjà le père, par la suite, elles le manipulent à leur aise. L'inceste devient pour elles un moyen puissant pour exploiter le père, faire du chantage, s'assurer argent ou faveurs, et, éventuellement, obtenir son incarcération.

2. Identité

Dans le cas de neuf filles sur vingt-deux (41 pour cent), l'examen psychologique révélait une identification nettement masculine. Parmi ce nombre, six en sont très conscientes et verbalisent qu'elles sont « le vrai portrait de leur père » sans qu'aucune question ne soit posée dans ce sens. Il est à remarquer que dans la population globale des filles délinquantes, le pourcentage des filles accusant une identification masculine nettement décelable est de 33 pour cent. Les filles incestueuses s'identifient donc davantage au père que leurs compagnes non incestueuses. Ceci peut être expliqué par l'identification à l'agresseur, mécanisme qui, pour des raisons évidentes, s'avère plus fréquent chez les incestueuses que chez les non incestueuses. Une autre explication de ce phénomène peut être le suivant : normalement la petite fille résoud son complexe d'Œdipe et devient « féminine » en perdant graduellement l'envie du pénis et en érotisant la castration. Or, si à la période de latence, la fille possède le pénis paternel, la réalisation de l'envie du pénis rend impossible l'érotisation de la castration et par là l'édification de l'identité féminine. Cet état de choses peut également être en partie responsable du taux d'homosexualité (agie) qui est plus élevé parmi les filles incestueuses (18 pour cent) que parmi la population globale des filles délinquantes (8 pour cent). Le taux d'homosexualité pourrait être aussi expliqué par l'hypothèse que les incestueuses auraient eu un développement psychosexuel plus primitif et seraient, de ce fait, sexuellement, plus indifférenciées. Le choix du partenaire serait donc également indifférencié. Cette hypothèse ne semble toutefois pas nécessairement se vérifier puisque l'échantillon des filles incestueuses ne comprend proportionnellement pas plus de filles « indifférenciées » (carentielles, prépsychotiques) que la population globale des filles délinquantes. La recherche d'une satisfaction érotique de nature orale existe néanmoins dans notre échantillon comme dans tout syndrome d'acting-out hétérosexuel. Une des filles homosexuelles de notre groupe dira :

« J'aime ma mère, mais elle ne m'a jamais aimée ou comprise. J'ai 17 ans et partout où je suis, je cherche une maman. »

Un grand nombre de filles incestueuses sont porteuses d'une profonde identité négative. Elles ont le sentiment d'être mauvaises et croient que cela est irréversible. Ceci est particulièrement vrai pour les filles qui s'identifient au père. Il est fréquent que dans l'identité négative du père, la fille ressente un genre de complicité et de communion. Fréquemment, on voit que le père est perçu comme mauvais, comme rejeté de la famille et de la société, buveur et paresseux : que la fille a le sentiment d'être choisie comme objet sexuel parce que « dans le fond elle est pareille ». Une des filles l'exprime de façon frappante :

« Mon père et moi nous avons toujours été les boucs émissaires de la famille... les êtres rejetés se cherchent et se trouvent. »

La perception d'être mauvaise est donc vue par la fille comme une cause de l'inceste, plutôt que comme une conséquence.

[269]

Comme d'autres auteurs l'ont observé, très peu de filles manifestent une culpabilité reliée aux agissements incestueux eux-mêmes. S'il y a culpabilité, celle-ci est plutôt reliée au fait que l'aveu de l'acte ait éventuellement amené une brisure de la famille. Deux des filles verbalisent leur culpabilité du fait que le père soit allé en prison et non elles :

"parce que j'avais participé avec plaisir, et le pire, c'est que ce soit moi qui l'aie finalement dénoncé... »

Dans ce contexte, il est à remarquer que malgré le fait que l'inceste comme tel soit egosyntone et qu'il n'y ait pas de culpabilité consciente, nombre de filles cherchent une forme de punition et démontrent des tendances nettement autodestructrices qui semblent être reliées à l'inceste.

Une des conséquences d'un inceste prolongé réside dans la désorganisation de l'ego. Ceci a été nettement décelable auprès de la moitié des filles de notre échantillon. Cette désorganisation se révèle surtout au niveau de la possibilité de tolérer un délai ou une frustration, de contrôler les impulsions, d'utiliser des moyens adaptatifs pour se sortir d'une situation pénible. Elle se révèle particulièrement au niveau de l'image corporelle et de là au niveau de l'identité comme un tout. L'image corporelle est devenue ou reste désunifiée et semble (à travers le Rorschach et les dessins) déchirée et « pénétrée ». La démarche vers un sens d'identité stable et unie est sérieusement mise en danger et semble, dans bien des cas, irréversiblement interrompue.

3. Évolution postérieure à l'inceste

La période d'inceste est habituellement suivie par un acting-out sexuel sans bornes qui porte tous les signes d'une répétition compulsive. Dans notre échantillon, la moitié des filles incestueuses se sont ainsi engagées dans une hyperactivité sexuelle, ce qui les a finalement amenées en institution de rééducation. Cet acting-out débute quelquefois pendant la période d'inceste, mais, le plus souvent, il se déclenche après son arrêt.

On voit alors un essai de répétition de la relation sado-masochiste vécue avec le père ; cette relation se reconnaît à travers le choix du partenaire (il serait plus juste de dire qu'il n'y a pas de choix du tout) et de l'incapacité de dire « non ». L'acting-out paraît d'autant plus compulsif que les agissements sexuels ne procurent aucun plaisir réellement libidineux à la fille ; ils procurent tout au plus une satisfaction par le rétablissement d'une relation de dépendance ou de manipulation avec ces « substituts paternels ». En plus, la promiscuité, dans certains cas, a clairement la signification d'une vengeance sur l'homme. La fille veut reprendre contrôle en introjectant le sadisme du père et tourne avec plus ou moins de succès cette attitude envers les autres hommes. Une fille qui, après la période de l'inceste, avait fait 14 fugues « promiscues » déclarait :

« Je me doutais bien de ce qui pouvait m'arriver lors de mes fugues ; je voulais me « revenger » sur les autres (hommes) mais c'était toujours sur moi que ça retombait. »

Certaines, tout en étant « promiscues », dénigrent l'homme en le traitant de « cochon » et de « maniaque ». Toutefois, les filles ne s'engagent pas toutes dans la promiscuité après la cessation de l'inceste. Dans notre échantillon, quatre filles se sont abstenues de tout contact avec l'homme. Une d'elles dira :

« J'imagine que tous les hommes sont comme mon père. »

Ces filles visent moins le père que le concept de la sexualité même. L'homme peut être bon en soi, mais c'est la sexualité qui le rend mauvais. Une des filles dira :

« La sexualité mine la vie. »

Plusieurs, et cela même parmi les filles « promiscues », jurent de ne jamais se marier et quelques-unes rêvent de devenir religieuses, pour échapper ainsi à une vie sexuelle qu'elles perçoivent comme destructrice.

CONCLUSION

Une étude exploratrice de ce genre pourrait finir par le dessin d'un portrait-robot, qui caractériserait la population étudiée. Nous croyons que, du moins dans le cas de l'inceste, ceci ne rendrait pas justice à la réalité. Le terme « incestueux » n'est pas un terme diagnostique, pas plus d'ailleurs que le terme « délinquant ». Nous avons rencontré, dans cet échantillon, des filles incestueuses fonctionnant selon les différents modes du développement psychosexuel. Il y a des prépsychotiques et des carentielles, comme il y a des névrotiques, parmi lesquelles les fixations orales, anales ou phalliques sont toutes sensiblement représentées. De plus, l'inceste ne dénote pas seulement la pathologie personnelle d'un des participants, ni même un seul lien déviant, c'est-à-dire celui qui implique père et fille. Il s'agit avant tout, d'une pathologie familiale dans laquelle la triade « mère-père-fille » est vue comme un « système » dont chaque composante relationnelle est reliée à chacune des autres composantes.

Si typologie il y a, les types apparemment les plus différenciés concernent les filles qui ont été [270] séduites avant la puberté par rapport à celles qui ont été séduites après la puberté. Cette typologie peut d'ailleurs s'appliquer aussi bien à la famille comme un tout, qu'à chacun des individus impliqués. En outre, la différenciation de ces types peut être bel et bien antérieure à l'inceste, en ce sens qu'elle en soit une cause plutôt qu'une conséquence. On pourrait dire que plus l'inceste se produit tôt dans la vie de la fille, plus on peut inférer une pathologie familiale profonde.

En ce qui concerne le groupe prépubertaire qui a fait plus particulièrement le sujet de cette étude, nous croyons pouvoir avancer les points de vue suivants [8].

La famille incestueuse est caractérisée dans ses interrelations par une forte ambivalence. Les rapports entre père et fille se situent au niveau d'une dimension sado-masochiste, et c'est cette dimension que la fille recréera compulsivement dans ses agissements sexuels après cessation de l'inceste. Fréquemment, la mère est perçue par la fille comme étant « le mauvais parent » tandis que le père est perçu comme « le bon parent ». Si l'identité sexuelle de la fille n'est pas floue, elle tend à être masculine, l'identification au père semblant être très fréquente. L'homosexualité est d'ailleurs un développement assez fréquent une fois que les agissements incestueux comme tels ont cessé. On peut dire également que la fille est porteuse d'une identité négative bien qu'elle voie celle-ci comme une cause plutôt que comme une conséquence de l'inceste : « le père l'a choisie parce qu'elle est rejetée, comme lui ». Dans beaucoup de cas, il n'y a pas de culpabilité apparente reliée aux agissements incestueux eux-mêmes ; cette culpabilité se rattache à l'éventuelle brisure de la famille qu'a occasionnée l'inceste.

Plus généralement, l'inceste semble être un événement marquant dans la vie de la fille qui, dans la presque majorité des cas, laisse des blessures psychiques irréversibles. L'ego reste dans un état désorganisé ou désorganisable ; l'image corporelle est déchirée et morcelée par cette « pénétration » précoce ; le développement de l'identité, ainsi que l'épanouissement du sens féminin sont irréversiblement interrompus ou du moins, sérieusement compromis. Le développement ultérieur de la fille ne pourra pas extrapoler la brisure du tabou qui, d'un coup, a signifié la disparition du père comme « père » amenant de ce fait l'arrêt brusque du développement moral. Rééducation et psychothérapie, même si elles se font conjointement, n'arrivent bien souvent qu'à panser superficiellement la blessure causée.

Cette étude n'a pas la prétention d'aller au fond du problème de l'inceste ni de peindre une image complète de la fille incestueuse. Il s'agit plutôt d'une étude exploratrice qui s'attarde aux éléments qui ressortent de l'examen psychologique de ces filles. Certaines conclusions ne se situent qu'au niveau de l'impression ou de l'intuition clinique. Dans un deuxième temps, nous espérons faire une étude systématique des éléments « pro-jectifs », recueilli aux examens, et rechercher de façon plus approfondie l'image corporelle et l'identité.

RÉSUMÉ

Un échantillon de 52 filles incestueuses est étudié à la lumière d'éléments fournis par des examens psychologiques approfondis. Il sort de cette étude avant tout, que l'inceste ne dénote pas seulement la pathologie personnelle d'un des participants, mais plutôt une pathologie familiale. Quant à la fille même, plus l'inceste a lieu tôt dans sa vie, plus il y a de risques que les blessures psychiques soient irréversibles, particulièrement au niveau de l'identité. Le développement ultérieur de la fille est caractérisé par la répétition compulsive, ce qui, le plus souvent, confirme l'identité négative.

SUMMARY

A sample of 52 incestuous girls is studied on the basis of the material supplied by extensive psychological investigation. This study shows in the first place that incest is the manifestation not only of the personal pathology of one of the two partners but also of a familial pathology. As to the girl herself, the sooner incest takes place in her life, the bigger are the chances of irreversible psychic damage, particularly at the level of identity. The ulterior development of the girl is characterized by compulsive repitition which most often confirms a negative identity.

[271]

BIBLIOGRAPHIE

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6. KAUFMAN, I. PECK, A. L. et TAGIURI, C., The family constellation and overt incestuous relations between a father and daughter, Amer. J. Orthopsychiat., 24 : 266-279, 1954.

7. KINSEY, A., POMEROY, W., et MARTIN, C., Sexual behavior in the human male, Philadelphie, Saunders, 1948.

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13. VAN GIJSEGHEM,  H., La  délinquance juvénile féminine : une approche quantitative, Le Cahier du Centre d'Orientation, (n° 2) : 69-79, 1969.

14. WEINBERG, S. K., Incest behavior, New York, Citadel Press, 1955.



[1] Communication présentée au 18e Congrès international de psychologie appliquée, tenu à Montréal, le 1er août 1974.

* Psychologue clinicien, Ph.D., Centre d'orientation et de réadaptation de Montréal et professeur-adjoint, École de psychoéducation. Université de Montréal.

[2] Cormier et ses collaborateurs (3) qui ont étudié un échantillon de 27 pères du type « endogame » prétendent que ces pères ne sont ni malades mentaux ni pervers sexuels. Les auteurs parlent néanmoins de la « psychopathologie » de ces pères et ils la résument comme suit : le père recherche dans sa fille une remplaçante de sa femme comme elle était jadis et se conduit lui-même comme un jeune homme, bien qu'il utilise son autorité paternelle pour vaincre les résistances éventuelles de la fille. Le père recherche en plus dans sa fille la mère de son enfance, tandis que sa propre épouse devient une figure sévère punitive.

[3] Une étude plus ancienne, celle de Gordon (4), situe également l'inceste à un niveau oral : la fille recherche auprès du père ce que la mère n'a pas réussi à lui donner.

[4] Ces observations sont sûrement contraires à celles de Bigras (2] qui, presque par définition, situe au début de la puberté le moment déclenchant de l'inceste « et cela chez toutes les jeunes filles bien que deux d'entre elles (l'échantillon complet était de neuf) aient été antérieurement séduites par le père à l'âge de cinq ans ». Contrairement à ceci, Kaufman (6) trouve l'incidence de l'inceste au moins aussi élevée avant la puberté de la fille qu'après, et affirme que la maturité sexuelle de la fille ne contribue pas de façon significative à favoriser l'inceste. L'étude de Szabo (12) confirme ceci : dans la moitié de son échantillon de 96 cas, les filles étaient impubères au moment où les relations incestueuses se sont nouées avec le père. Dans l'échantillon de la présente recherche, la grande majorité des filles incestueuses avaient été séduites avant la puberté.

[5] Sloane et Karpinski (11) croient qu'il y a plus de dommages émotifs pour les filles séduites après la puberté. Nous croyons néanmoins que les dommages sont moins profonds bien que, peut-être, plus spectaculaires.

[6] Quand, dans cette étude, nous mentionnons des résultats ou des pourcentages de l'échantillon complet des filles délinquantes, nous référons à une étude antérieure de Van Gijseghem (13).

[7] Ici comme plus loin, quand il sera question de sentiments positifs ou négatifs, référence est faite à ces cas où il y a des verbalisations claires concernant l'un ou l'autre de ces sentiments.

[8] Nos conclusions ne veulent ni infirmer ni confirmer l'image qu'a laissée la revue de la littérature consultée, nous les proposons plutôt comme un complément à cette image.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 18 février 2015 13:21
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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