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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article du Dr Hubert Van Gijseghem, “L’expertise psycho-légale : science ou pratique.” In ouvrage sous la direction de Danielle Zucker, Rape, chapitre 10, pp. 166-186. Bruxelles: Fondation Bernheim, 2005, 350 pp. [Le 16 octobre 2019, l'auteur, Hubert Van Gijseghem, nous accordait son autorisation formelle de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, en accès ouvert et gratuit à tous, cet article.]

[166]

Hubert Van Gijseghem, Ph.D.

psychologue, professeur émérite, Université de Montréal

L’expertise psycho-légale :
science ou pratique
.”

In ouvrage sous la direction de Danielle Zucker, Rape, chapitre 10, pp. 166-186. Bruxelles: Fondation Bernheim, 2005, 350 pp.

Abstract [167]
Introduction [168]
Section 1reExercice clinique ou scientifique ? [169]
Section 2. Qu’en disent les tribunaux ? [178]
Section 3. L’expert psycho-juridique dans différents systèmes judiciaires [180]
Section 4. L’avenir de l’expert psychojuridique [182]
Références [183]

[167]

ABSTRACT

A « psy » expert is a professional concerning psychological sciences, vrho has developed an expertise in a specific domain that relates to human behaviour : he has carried out scientific research or, he, at least, knows the recent literature on this subject. He is therefore in a privileged position to maintain this knowledge which the courts, in normal circumstances, do not have. There has been some discussion about the following question : does the psycho-forensic expert have to be a clinical person, or above all, a scientist. Even if the practical cases are far off front being clear, the important texts and manuals do not leave any doubt concerning this question : psycho-forensic expertise is a identific undertaking, rather than a clinical ad. The difference is enormous. The clinical intervention makes an appeal to the concept help, empathy. One of the clinical resources is intersubjectivity, and therefore also, interpretation. Science, on the other hand, is according to the rules of the investigation, and at the same time as objective as possible. Helped by valid and reliable sources. It is obvions that in a judicial context, the concepts help and empathy, and a fortiori, intersubjectivity, are out of place.

Un expert « psy » est un professionnel des sciences psychologiques qui a développé une expertise dans un domaine spécifique qui louche au comportement humain : il a fait de la recherche scientifique ou. du moins, il connaît l'état de la littérature récente sur le sujet. Il est ainsi dans une position privilégiée pour alimenter les connaissances que les juridictions, normalement, [168] ignorent. Il y a eu controverse autour de la question : l'expert psycho-légal doit-il être clinicien ou, avant tout, un scientifique ? Même si, dans la pratique, les choses sont loin d'être claires, les textes et les guides importants sur cette question ne laissent point planer de doute : l'expertise psycho-légale est une entreprise scientifique plutôt qu'un acte clinique. La différence est énorme. L’intervention clinique fait appel à la notion d'aide, d'empathie. Un des outils de la clinique est l'intersubjectivité et, partant, l'interprétation. La science, quant à elle, est de l'ordre de l'investigation, aussi objective que possible. à l'aide d'outils valides et fiables. Il est évident que dans le contexte juridique, les notions d'aide et d'empathie et, a fortiori, celle de l'intersubjectivité, n'ont pas leur place.

INTRODUCTION

C'est Münsterberg (1908) qui. le premier, attira l'attention des cours de justice sur l'importance de l'expertise psychologique. Les magistrats et les avocats ont répliqué sur-le-champ par de vives réticences, sinon, carrément, une fin de non-recevoir (Wigmore, 1909). Il a fallu attendre la demie du siècle passé pour que l'expertise psychologique devienne pratique courante en Amérique du Nord et cela, à la suite d'une cause importante (Jenkins vs United States, 1962) qui en introduisit les paramètres. Dès lors, la règle d’admissibilité du témoignage de l’expert psychologue s’est arrimée comme tout naturellement au test Frye. (Frye vs United States, 1923) qui, depuis des décennies déjà, s'appliquait dans les autres champs d'expertise (chimique, biomédicale, balistique, etc.).

Le test Frye est la règle dite de « l'acceptation générale » qui veut que les notions avancées ou les outils utilisés par l'expert psychologue correspondent à un consensus raisonnable quant à leur validité, c’est-à-dire qu'ils soient généralement acceptés par la communauté scientifique dont relève le professionnel. Cette règle sera subséquemment intégrée dans les Principes éthiques émis par l’Association Américaine des Psychologues (Ethical Principes for Psychologists, 1981).

Au cours des décennies suivantes, les psychologues munis de l’outillage psychométrique se sont progressivement substitués aux psychiatres dont l’expertise ignorait sciemment cet outillage pourtant favorisé par les cours de justice, même en matière criminelle (Perline, 1980).

[169]

Bien que. par la suite, des guides plus spécifiques de l'expertise psycho-légale aient vu le jour (APA. 1994), de larges zones grises subsistent en ce qui a trait au rôle du psychologue devant les cours et. surtout, au genre de témoignage qui lui revient.

La présente contribution tente d'examiner quelques-unes de ces zones grises à la lumière d'une enquête menée par l’auteur et ses collègues (Van Gijseghem, Joyal et Queniart, 2004) et. d’autre part, sous l'éclairage de l'abondante littérature émanant tant du domaine judiciaire que du domaine de la psychologie légale depuis les deux dernières décennies.

SECTION 1re.
EXERCICE CLINIQUE OU SCIENTIFIQUE ?

Une enquête récente auprès d'un échantillon d’experts francophones montréalais (Joyal. Quéniart, Van Gijseghem et Cloutier, 1999 ; Van Gijseghem et al., 2004) révèle que ces derniers, à l'unanimité, situent leur travail dans le genre clinique. Au chapitre des qualités requises pour l'exercice de ce travail, tous mentionnent en tète la « compétence et l'expérience cliniques » de l'expert. Pour plusieurs raisons, il y a lieu d’examiner sur le mode critique une telle perception.

Considérons la définition du terme « clinique » dont l’étymologie, tout en n’écartant pas l'idée de l’observation, renvoie tout d'abord à la notion d'aide : gr. klinê, lit ou klinikos, « qui visite le malade au lit ». Dans le contexte psychologique, la préoccupation première du clinicien consiste effectivement à « aider » le patient. Ses outils sont l’écoute empathique ainsi que l'interprétation du matériel qui émerge du discours du patient ou de certains tests qui lui sont administrés. Autant dire que l'intersubjcctivité fait partie de l’exercice clinique. Dans l’enquête citée, incidemment, la moitié des experts montréalais situent « l'écoute empathique » parmi les principales qualités de l'expert psycho-juridique. D’où la question suivante : quand le psychologue-clinicien est sollicité pour contribuer à la recherche de la vérité - laquelle constitue l'objet même des démarches judiciaires -, se trouve-t-il encore dans un contexte approprié à ses fonctions ? Le système judiciaire s’intéresse en effet à une autre vérité que celle psychique. Ce qui lui importe est davantage une vérité objective, factuelle ou historique. D'emblée, lorsque l'expert contribue à la recherche de la vérité, l'empathie clinique qui crée une inévitable intersubjectivité, ne [170] semble plus avoir sa place. Qu’il suffise de citer à cet égard Pruett et Solnit (1998). [1]

« L'empathie est un outil essentiel pour le professionnel de la santé mentale. Par contre, si ce professionnel est invité à évaluer les parties dans une cause judiciaire, son empathie doit être mise sous réserve d'une façon inhabituelle dans le travail clinique, mais essentielle dans ce cas s'il veut parvenir à des évaluations justes et fidèles à l’éthique. » [2]

L’interprétation, aussi bien celle du matériel narratif du sujet que celle des résultats de lests, est également sujette à caution. Elle garde évidemment toute son importance lorsqu’il s’agit d’attribuer un sens au discours ou à la symptomatologie d’un sujet dans un contexte curatif ; clic contribue alors à la construction ou à la reconstruction de la réalité psychique dans le but d’améliorer un état mental. Dans le domaine thérapeutique, il s’agit de dire la vérité plutôt que de chercher la vérité, pour citer le psychanalyste Laor (1985). Par contre, fruit de l’intersubjectivité, l'interprétation risque fort de prêter au malentendu là où le but visé s'apparente plutôt à la recherche d’une vérité objective.

Les défenseurs de la thèse voulant que l'interprétation fasse émerger la vérité s'en réfèrent souvent à Freud. Or, Freud n’a jamais confondu les données psychiques révélées par un discours et la réalité objective ou factuelle pour laquelle, précisément, l’expert psycho-juridique se voit consulté. Dans son article de 1899 sur les souvenirs-écrans, Freud signalait déjà la distinction fondamentale entre réalité psychique et réalité objective ou historique. Ses propos se feront encore plus incisifs dans son dernier grand texte sur Les constructions dans l'analyse (1937) où il est clairement exprimé que l’interprétation est en effet une construction qui ne coïncide pas nécessairement avec la réalité historique. Le psychanalyste français Viderman, dans son ouvrage intitulé la construction de l'espace analytique (1970), insiste à son tour et de façon magistrale sur cette distinction. Si l’interprétation, donc, reste tout à fait légitime dans le contexte de la cure, elle n’a pas lieu de figurer dans le travail d'un psychologue officiellement mandaté pour contribuer à la recherche d'une vérité objective. Dans ce contexte, il devrait s'apparenter davantage au chercheur rivé à son microscope qu’au psychanalyste attentif aux significations cachées du dire. Car on attend [171] plutôt de lui qu'il observe et qu'il étudie rigoureusement ce qu'on lui présente à l'aide d'outils scientifiquement éprouves.

Underwager et Wakefield (1988) [3] parlant de l'expert psycho-juridique écrivent :

« Le rôle spécifique du psychologue est de rester fidèle à la quantification, aux données empiriques, à la notion de probabilité plutôt qu'à celle de certitude. Le rôle du psychologue est de confronter le monde avec des faits (...). Cela exige d'être un scientifique avant d'être un aidant ou le défenseur d'une cause. » [4]

Cette opinion est partagée par une foule d'auteurs plus récents, notamment Coles et Veiel, 2001, Faigman. 1996, Youngstrom et Bush, 2000. Goodman-Delahunty, 1997 ou Lavins et Sales, 1998 [5] qui écrivent simplement :

« Notre analyse suggère que les psychologues doivent limiter leur témoignage d'expert à des faits scientifiques. » [6]

L'expert ne peut donc plus témoigner sur la base de son expérience clinique puisque, comme la recherche empirique l’a amplement prouvé, celle-ci n'aura jamais la fiabilité d'un outil actuariel validé, si simpliste que celui-ci apparaisse au clinicien (Dawes. 1994). Nous reviendrons sur ce point.

Les mêmes considérations poussent Mellon, Petrila, Poythress et Slobogin (1997) â se demander « dans quelle mesure les professionnels de la santé mentale méritent d'être considérés comme des experts devant les Cours de justice ? » [7], ce dont ils doutent d'emblée. Ces auteurs citent â profusion Morse (1982) pour qui l’expertise devrait se limiter â la présentation de « faits quantifiables », toute interprétation ou toute recherche de sens étant jugées taboues. On aura compris que ces auteurs voient l'expertise comme un acte scientifique et non clinique.

[172]

Lorsque Melton et ses collègues se penchent sur la nature et la méthodologie de l'expertise psycho-juridique, ils maintiennent l'idée que l’expert est tout d’abord préoccupé de précision et que le point de vue du « client » reste secondaire.

Les experts montréalais interrogés dans notre élude citée plus haut, objectent que ces règles peuvent s’appliquer dans un contexte criminel ou dans l'établissement de la dangerosité d’un sujet, mais que la méthode clinique traditionnelle garde toute sa pertinence dans le contexte familial quand l'expert doit faire des recommandations quant â, par exemple, la garde d’un enfant ou les droits d’accès. Pourtant, Melton et al. citent Grisso (1984) [8] qui disqualifie sans ambages le clinicien, même dans ce contexte :

« Les professionnels de la santé mentale n'ont pas de raison d'être fiers de leur performance dans le domaine de l'expertise psycho-légale (en matière familiale) (...). Trop souvent, nous continuons à faire confiance à des méthodes et des instruments dévaluation confus pour ne répondre qu'à des questions cliniques. » (souligné dans le texte) [9]

En accord avec Grisso et Morse, Melton et al. poursuivent :

« Nous ne voulons pas insinuer que les cliniciens sont complètement dépourvus de rôle particulier. Il arrive probablement que h spéculation clinique conventionnelle, par exemple sur la dynamique familiale, puisse aider le juge à décider de la garde d'un enfant (quoique nous considérions cette assistance limitée). Toutefois, nous nous rallions à la position de Morse quant au rôle du clinicien dans les évaluations relatives à ce type de problème. Autrement dit, le premier rôle des professionnels de la santé mentale dans ce genre de cause en est un d'investigateurs. » (souligne dans le texte) [10]

Pour donner davantage de poids à leurs affirmations, ces auteurs se réfèrent aux Guidelines for child custody evaluations in divorce proceedings (APA, 1994) dans lesquelles il est surtout question de la collecte de données (data gathering), ce qui renchérit sur la dimension investigatrice du rôle de l'expert Le même Guide décourage d’ailleurs l’expert de procéder à l’interprétation [173] des données sans qu'une validation convergente ne soit recherchée.

Dans la littérature contemporaine, le consensus des auteurs tend â enraciner l'expertise dans la science ou, comme disent Ornstein et Gordon (1998) :

« l'expertise doit résulter d'un travail basé sur les études scientifiques publiées dans des revues savantes, c'est-à-dire qui ont passé l'épreuve d'un jugement neutre et indépendant de la part de juges (lecteurs-arbitres choisis parmi les pairs reconnus pour leur rigueur) ». [11]

Qu'en est-il donc de l'expert psycho-juridique â titre d'investigateur ou, pour le dire de façon plus pointue, à titre de « chercheur de faits ».

En 1949, relativement à la formation des psychologues, l'APA (American Psychologial Association) adoptait résolument le modèle Boulder. Ce modèle exige que le psychologue ait d’abord une formation de scientifique avant d’en acquérir une de praticien. Depuis lors, le psychologue occupe une place unique dans le monde des professionnels qui s’occupent de la santé mentale. Autrement dit, il ne fait pas que consommer de la science, il est en mesure d'en produire. Cette spécificité a sans doute contribué à ce que, depuis les années 1950, on le sollicite de plus en plus à titre d’expert devant les cours de justice. « Cela exige la ferme résolution (de la part du psychologue) de faire ce travail selon un esprit scientifique », constataient Wakefield et Underwager (1988, p. 50) qui renvoient par là â la célèbre admonition de Meehl (1986) sur l'engagement scientifique général « de ne pas se faire berner et, d'autre part, de ne pas berner les autres ».

Tavris (20O3) [12], en s’inquiétant de la présence des cliniciens dans le monde de l’expertise, affirme :

« Il s'agit d'une chose sérieuse quand les thérapeutes sortent de leur giron, s'arrogeant expertise et certitude dans des domaines où l’opinion clinique non-vérifiée peut ruiner des vies mais où la connaissance des données scientifiques. au contraire, peut sauver des vies. » [13]

[174]

Le caractère scientifique de l'expertise réside dans l'observation systématique au moyen d'outils valides et pertinents qui permettent une certaine quantification des données. Ce résultat permet à son tour de comparer un phénomène ou un individu particulier à des groupes de référence ou normatifs. En d'autres termes, l'observation ou la collecte des données ne peut se faire indépendamment d’une bonne connaissance des taux de base (base rates) inhérents aux prévalences ou aux incidences du phénomène observé ou investigué.

Les observations ou les interprétations « cliniques », pour des raisons évidentes, ne répondent pas à ces standards. Dans le domaine clinique, les « taux de base » n’émanent habituellement pas de la recherche scientifique mais bien plus souvent de l'intuition et/ou de l’expérience clinique du praticien.

Précédemment, nous nous référions brièvement â Dawes (1994) [14] qui a riposté de façon virulente à l’idée que l’expérience clinique puisse revêtir quelque valeur dans le contexte de l’expertise. Dans un chapitre intitulé Experience : the myth of expanding expertise, il écrit :

« Les données scientifiques indiquent que la justesse du jugement des cliniciens ne s'améliore pas en fonction de leur expérience clinique. » [15]

Dawes appuie cette affirmation surprenante sur le rappel sélectif, l'interprétation sélective et les présomptions quant à ce qui est probablement vrai même en l’absence d’observations précises. Selon lui. l'expérience ne ferait que confirmer, par une attention sélective, les premières impressions du praticien (souvent imprégnées d’éléments idéologiques ou pré-scientifiques). Plus le praticien avance en âge et en expérience, plus il se trouve confortable dans ses intuitions ou ses impressions puisqu'il ne retient que les données qui confirment son observation initiale ou anecdotique. Bref, l’écoute ou la compréhension du thérapeute risque toujours d’être faussée par la recherche inconsciente de voir confirmées ses hypothèses de départ : nous sommes en présence ici du biais de confirmation ou de l'effet Rosenthal. (Rosenthal, 1976). Selon Dawes et les recherches empiriques sur lesquelles il se base, l'expérience ne devrait jamais être invoquée pour rehausser la crédibilité d'un expert. Par contre, on comptera sur ses aptitudes en regard des outillages techniques, donc sur sa connaissance approfondie des meilleures techniques validées. Évidemment, â outil égal, l'expérience peut de nouveau jouer comme bonificateur.

[175]

Dawes est loin d'être le seul à faire une telle analyse : plusieurs auteurs ont pris le relais pour disqualifier l'expérience clinique à titre de fondement à l’expertise. Lavin et Soler (1998) [16] écrivent :

« Lorsque le psychologue donne une opinion professionnelle uniquement basée sur son expérience auprès de tel ou tel groupe clinique, il transgresse les règles de la déontologie ». [17]

Et ils concluent : « notre analyse a de quoi troubler un bon nombre de cliniciens ». [18]

Récemment, Garb et Boyle (2003) [19] ont recensé la littérature scientifique sur la valeur de l'expérience et du jugement clinique. Ils remarquent que le « folklore » clinique suggère que les professionnels de la santé mentale apprennent par l'expérience. Ils concluent que :

« Une large somme d'études contredit la croyance populaire qu’il y a un lien entre expérience et compétence clinique. De fait, la recherche suggère qu'il est difficile, pour les praticiens, d'apprendre par l'expérience. » [20]

Garb et Boyle, tentant de comprendre pourquoi il en est ainsi, arrivent à peu près aux mêmes observations que Dawes. Ils remarquent :

« Quand les cliniciens veulent voir confirmées leurs hypothèses et développent une bonne confiance en leur jugement, il y a très peu de chances qu'ils arrivent à vaincre les partis pris qui, au départ, ont mené à la formulation de leurs hypothèses. » [21]

Garb et Boyle observent aussi que, contrairement aux cliniciens du monde médical, par exemple, ceux de la santé mentale ne jouissent malheureusement pas de la rétroaction potentiellement correctrice des tests de laboratoire qui viennent, après coup, confirmer ou infirmer les premières impressions cliniques.

[176]

Déjà en 1968. Goldberg, pour résumer les éludes sur le jugement clinique, concluait que la justesse de ce jugement est indépendante de la formation de l’expert et de son expérience clinique. En plus, la quantité d'informations disponibles n’ajoute rien mais ne fait qu'augmenter la fausse confiance du clinicien dans son jugement. Enfin, le même cycle de recherches montrait l’absence de toute fidélité ou accord inter-juges du jugement clinique et cela même lorsque différents cliniciens disposaient des mêmes données. Ces recherches poussaient Wiggins, en 1973, à recommander que les cliniciens soient plutôt employés â faire la collecte des données sans les interpréter, celles-ci devant plutôt être intégrées dans un modèle actuariel.

Voilà autant d’affirmations cohérentes par rapport à la vaste littérature empirique qui atteste que la fiabilité de la méthode dite clinique est significativement plus faible que celle de la méthode dite actuarielle. La première recherche d’envergure dans ce domaine a été menée par Meehl (1954) dont nous avons déjà fait mention, mais elle a été suivie par maints travaux qui, tous, mettent en doute l'utilité de la méthode clinique en dehors du strict domaine de la psychothérapie ou de ses dérivés.

Au terme de trente années de recherche, Quinsey, Harkis, Rice et Cormier (1998) [22], chercheurs canadiens de première importance sur les « prédictions » dans l’expertise psycho-légale, écrivent :

« Ce que nous recommandons, ce n'est pas d'ajouter l'utilisation des méthodes actuarielles au jugement clinique, mais plutôt de remplacer radicalement la pratique courante par les méthodes actuarielles (...)

Les méthodes actuarielles sont trop fécondes et le jugement clinique trop pauvre pour risquer que celui-ci ne contamine celles-là. » [23]

Une foule de recherches systématiques ont en effet comparé, en matière de prédiction, le taux de succès du clinicien â celui d'un outil valide. À titre d’exemple, Rice, Harris et Quinsey (1996) se sont penchés sur la justesse de la prédiction de récidive en regard de la mise en liberté conditionnelle de contrevenants. Suivant le critère du taux de récidive réel, les résultats sont ahurissants : les cliniciens jugent moins dangereux les sujets qui le sont le plus, alors qu’ils recommandent une supervision serrée pour les contrevenants les moins dangereux.

[177]

De cette littérature scientifique, Quinsey et ses collègues (1998) tirent ce qui suit :

« On peut apparemment conclure que l'intuition, l'expérience et la formation cliniques au sens traditionnel du terme ne sont d'aucune utilité pour ce qui est de prédire ou de choisir la forme de traitement. Bien qu'elle soit pour le moins décourageante, celte conclusion n'est pas pour autant nihiliste. Car la formation, qui suppose une bonne connaissance de la littérature empirique et la capacité d'appliquer les techniques scientifiques et statistiques, doit certainement jouer dans la sélection des outils appropriés. » [24]

Autant dire que l'expert devrait tout d'abord cire un chercheur dans le domaine du mandat confié. En tant que tel, il connaît parfaitement la littérature scientifique sur le sujet et, dans la présentation de son travail d'expertise, on ne trouvera pas d'éléments non vérifiables (interprétatifs), ni d'opinions, ni de croyances. En revanche, on trouvera des hypothèses et des énoncés de probabilité (Camper et Loftus, 1985 ; Coles et Veiel, 2001 ; Lilienfeld, Lynn et Lohr. 2003).

Toutes ces réflexions posent implicitement la question de la spécialisation versus la polyvalence de l'expert. Dans la mesure où celui-ci se doit de connaître à fond les données scientifiques du domaine d'expertise en cause, on ne peut guère s’attendre à ce qu’il soit un expert universel ou polyvalent. Tout psychanalyste qu’il est, Leonoff [25], dans son Guide to custody and access assessments. écrit :

« Telle qu'elle se présente généralement, la formation clinique des psychiatres, des psychologues ou des travailleurs sociaux ne prépare pas le professionnel à pratiquer des expertises en matière de garde d'enfant. » [26]

[178]

Pour les mêmes raisons, Berliner [27] (1998) précise :

« Même si des professionnels peuvent éventuellement rencontrer les critères légaux en vertu de leur longue expérience, cela ne veut pas toujours dire qu'ils connaissent la littérature sur le sujet. » [28]

Ziskin et Faust (1988) vont beaucoup plus loin. D’abord, ils regrettent que les cliniciens (c’est-à-dire les professionnels qui recourent au jugement clinique basé sur l'expérience) continuent de se prêter à la qualification d’expert devant les tribunaux. Compte tenu des recherches empiriques sur le jugement clinique, ils concluent que la notion de l’expertise et celle de la pratique dite clinique sont tout simplement antinomiques

SECTION 2.

QU’EN DISENT LES TRIBUNAUX ?

L’admissibilité du témoignage de l’expert devant les cours de justice a été fortement influencée par un certain nombre d’arrêts de la Cour Suprême des États-Unis : Frye vs United States (I 923), Daubert vs MDP (1991) et Kumho TC. vs C. (1999).

Jusqu’en 1993, les juges s’appuyaient encore sur le test Frye qui veut que la facture du témoignage de l’expert corresponde à ce qui est généralement accepté dans sa communauté scientifique (general acceptance test).

En 1993, la Cour Suprême des États-Unis élabore sur ce test en spécifiant que le témoignage de l’expert, ses références théoriques et les outils auxquels il recourt doivent avoir l’aval scientifique (test de fiabilité scientifique) Dans Daubert, en effet, les juges disposent des critères permettant de reconnaître la fiabilité - et donc l’admissibilité - d’un témoignage d’expert.

La théorie ou les techniques prônées, voire utilisées par l’expert, doivent :

  • être vérifiables ainsi que réfutables ;
  • comporter l’énoncé de leur taux d’erreur ;
  • avoir l’aval officiel des pairs et, autant que possible par le biais de publications ;
  • être généralement acceptées (Frye).

[179]

Bernstein (1995) remarque que souvent, dans les faits, le témoignage de l'expert ne rencontre pas le minimum de ces critères. Il insinue, sur la foi du test cité, que l’interprétation est une pratique absolument inacceptable puisque, susceptible de varier d'un expert à l’autre, elle transgresse fatalement le critère de l'acceptation générale par la communauté scientifique. Bernstein souligne à son tour que l'expert qui se fie à sa propre expérience ne peut être déclaré crédible. Même dans le cas où l'on ne retiendrait que le critère de « l'acceptation générale » d'une théorie, d’une technique ou d'une interprétation (c'est-à-dire le test Frye), la Cour devrait tenir la preuve de nature clinique pour non scientifique et, par conséquent, gravement sujette à caution.

Baute (1999) reprend ces arguments en faisant pour sa part grand cas du critère de rentabilité, ce qui exclut ipso facto l'interprétation, surtout freudienne, en ce qu’elle ne prête aucunement à la critique.

Rappelons que le critère de réfutabilité, mis au point par Popper (1959), distinguerait la science de la non-science. Se révèle réfutable l’affirmation susceptible d'être contredite au cours d’expériences ou d'observations répétées. La démarche scientifique consiste donc à multiplier les expériences en vue de vérifier les résultats antérieurement obtenus, ce qui conduit à confirmer ou à infirmer les conclusions avancées. Or, comme le constate Baute, une interprétation, par définition, ne saurait satisfaire ce critère puisque, ne prêtant pas à la vérification, elle reste irréfutable. Comment, en effet, vérifier une affirmation selon laquelle, par exemple, « tel parent maltraite son enfant parce que celui-ci représente inconsciemment sa propre mère détestée » ? En aucun cas, l'interprétation ne peut être considérée d'ordre scientifique puisqu'il n'y a aucun moyen de la réfuter, les motivations inconscientes échappant par définition â la vérification (Van Gijseghem. 1990).

Nombre d'experts cliniciens ont tenté de mettre leur témoignage basé sur l'expérience ou leur opinion cliniques à l'abri du test Daubert. Pour ce faire, ils ont souvent recouru à la distinction toujours en vogue aujourd'hui entre « expert » au sens générique du terme et « expert scientifique » au sens strict (Rotgers et Barrett, 1996). Un autre arrêt de la Cour Suprême des États-Unis contrecarre toutefois leurs prétentions. Il s’agit de Kumho T.C. vs. C. (1999). En effet, cet arrêt étend les critères d'admissibilité déjà présentés dans Daubert à toute catégorie d'experts. En d'autres termes, Kumho exige que tout témoignage d’expert (y compris l'expert technicien ou praticien) rencontre les critères scientifiques établis par Daubert, énumérés précédemment. Voilà donc anéanties les prétentions du clinicien.

[180]

Au Canada, l’arrêt de la Cour Suprême (La Reine c. MOHAN. 1994) ne contredit pas l'essentiel des arrêts américains, et les cours canadiennes appliquent principalement le test Daubert, du moins en apparence. Dans les faits toutefois, une foule de témoignages d'experts continuent d'être admis sans qu’ils ne satisfassent le moindrement les exigences de Daubert (Coles et Veiel, 2001). Une étude récente sur les perceptions des juges et des procureurs américains (Redding, Floyd et Hawk, 2001) démontre d’ailleurs que, malgré Daubert, la majorité de ces agents de la justice ne sont que modérément intéressés par les témoignages d'experts scientifiques ou par les preuves actuarielles. D’où la question : à l’instar des experts, les tribunaux eux-mêmes ne devraient-ils pas procéder à un examen critique de leur pratique en matière de recours à l'expertise sous l'angle du critère d’admissibilité ?

SECTION 3.
L’EXPERT PSYCHO-JURIDIQUE
DANS DIFFÉRENTS SYSTÈMES JUDICIAIRES

Si l'on retourne aux résultats de l’enquête mentionnée au début de cet article (Joyal et al.. 1999 ; Van Gijseghem et al., sous presse), ils apparaissent en nette contradiction avec la présente argumentation.

Bien que l’interprétation fasse l’objet de sévères critiques dans ce qui précède, c’est néanmoins à l’aide d'une interprétation que nous osons expliquer ici le gouffre qui sépare les experts francophones montréalais des experts d’ailleurs en Amérique du Nord pour ce qui est de la perception des avis trouves dans la littérature.

Rappelons que l’enquête a été menée auprès d'experts francophones, sélectionnés parmi les plus sollicités de la région métropolitaine. Ils ont reçu une « formation clinique » dans une université francophone québécoise traditionnellement fondée sur le modèle académique européen plutôt que sur le modèle « Boulder » précédemment décrit, d’où la ressemblance de ces psychologues avec des pairs européens plutôt qu’avec des pairs américains. Leurs maîtres souvent eux-mêmes européens - s’inspiraient probablement davantage du paradigme latin de la psychologie (légale et autre) qui, pour des raisons évoquées plus loin, diffère significativement de celui des pays anglo-saxons. Sur le plan précis des pratiques psycho-juridiques, on ne doit pas perdre de vue les différences fondamentales qui marquent l'un et l’autre système judiciaire malgré quelques aires de chevauchement. À l'instar de l'Angleterre d’où est issu son système judiciaire (la Common Law), l'Amérique du Nord déploie en effet le modèle accusatoire (ou [181] contradictoire), alors que l'Europe continentale a conservé le modèle inquisitorial revu et améliore par Napoléon.

Dans le système napoléonien, un seul expert agit et il appartient toujours à la catégorie des cliniciens. Il est assigné par le juge qui, d'ailleurs, le choisira souvent en fonction de ses propres points de vue ou convictions idéologiques (Voue. 1993). Qui plus est, ce dernier n'est souvent que trop content de remettre à l'expert la responsabilité du jugement final (Terré. 1969 ; Spencer. 1998), auquel cas le magistrat acceptera sans sourciller l'opinion de celui-ci perçu d’emblée comme une autorité dans le domaine concerné, peu importent sa réelle compétence ou son respect des régies Frye ou Daubert (Spencer. 1998).

Également, dans ce système inquisitorial, c’est la Cour elle-même, par le truchement du juge d'instruction, qui produit l'enquête et, par conséquent, qui décide quels témoins entendre. La preuve étant ainsi constituée par la Cour, les avocats des parties jouent un rôle secondaire comparativement à celui des avocats impliques dans le système anglo-saxon où le juge se montre beaucoup plus passif : il ne fait qu'entendre la preuve que les parties veulent bien lui présenter. Dans un contexte criminel, le procureur de la Couronne présentera donc sa preuve, tandis que l’avocat de la défense y opposera la sienne. D'où la notion d'une justice adversariale ou contradictoire. Notons toutefois qu’en matière familiale et surtout dans la sphère de la Protection de la Jeunesse, le style inquisitorial s'est avantageusement infiltré, le juge y tenant un rôle accru.

On comprendra que le rôle et même le statut de l’expert se révèlent fort différents selon qu’il agit dans l’un ou l'autre système. Dans le système inquisitorial, puisqu'il est assigné par le juge d'instruction, l'expert n'a d'autre allégeance qu'à la Cour et trouve donc - en principe - les conditions réunies pour garantir sa pleine objectivité, ce qui représente certes un avantage. Son expertise sera généralement acceptée par la Cour bien qu’il puisse occasionnellement se voir défier par une contre-expertise sollicitée par l'une des parties, ce qui laisse entière au juge la décision d'admettre ou non celle-ci à titre d’élément de preuve. Bref, dans le paradigme napoléonien, l'expert n'a généralement aucun compte â rendre quant à sa rigueur professionnelle ou scientifique. Il règne en roi et maître.

Dans le système accusatoire ou adversarial, les choses vont tout autrement pour l'expert. D'abord, la plupart du temps, il est mandaté par une des parties (la défense ou la Couronne dans une juridiction criminelle, l'une ou l'autre des parties opposées dans des causes civiles ou familiales). D’emblée, on pourrait prétendre que son objectivité risque de s'en trouver affectée [182] parce que son allégeance pourrait tendre vers son mandant qui, de surcroît, le paie. Par contre, et heureusement, il n’est souvent pas seul à témoigner. L'autre partie peut faire entendre son propre expert ou, du moins, lui demander conseil en vue du contre-interrogatoire afférent. Il y a là un précieux garde-fou, car l’expert ne saurait y aller de ses opinions personnelles ou d'informations non fondées sur des bases sûres comme, par exemple, celles que fournit la littérature scientifique récente, sans risquer la contre-attaque de l'expert adverse. Autrement dit, même si dans le système adversarial l’expert peut se comporter comme un mercenaire, il reste toujours soumis à l'œil évaluateur d'un pair et, de ce fait, il s’expose à une plainte devant son Ordre professionnel dans le cas d'un manque de rigueur.

Nous proposons l’hypothèse que les différences relevées des deux systèmes judiciaires aient pu marquer profondément les rôles respectifs de l’expert anglo-saxon et de l’expert tourné vers le système de l’Europe continentale. En somme, les experts montréalais interrogés dans notre enquête n’interviennent-ils pas dans le mauvais système judiciaire, c’est-à-dire celui européen et qui n’est pas le leur ?

SECTION 4.
L’AVENIR DE L’EXPERT PSYCHO-JURIDIQUE

Que ce soit dans le paradigme américain ou anglo-saxon, ou dans le paradigme napoléonien ou latin, les dés sont jetés. La psychologie est une science humaine et nous mettons l’accent ici sur le terme « science ». Dans le texte déjà cité (1937), Freud écrivait :

« Très souvent on ne réussit pas à ce que le patient se rappelle du refoulé. En revanche, une analyse correctement menée, le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui, du point de vue thérapeutique, a le même effet qu'un souvenir retrouvé. »

Freud avait probablement raison de faire une fois de plus claire distinction entre réalité factuelle et réalité psychique tout en privilégiant la dernière puisqu'il parlait d’une psychologie non scientifique mais plutôt herméneutique, comme Ricoeur l’a magistralement démontré, donc d’une psychologie qui reste normalement confinée à l’intimité du cabinet où thérapeute et patient se lovent dans une intersubjectivité éventuellement bienfaisante pour l’un et pour l’autre.

[183]

Lorsque la psychologie sort des pratiques privées et se déploie dans un tout autre univers dont le judiciaire, ce sont les faits qui comptent, et le jeu n'est plus du tout le même. Quelle que soit la nature du système judiciaire en vigueur, le « psy » expert ne pourra pas ou ne pourra plus se complaire dans ses grilles d’interprétation, fatalement subjectives. Il devra, tôt ou tard, pour ne pas perdre la face, s'inscrire dans des paramètres scientifiques, c'est-à-dire présenter à la Cour des faits psychologiques vérifiables, réfutables, quantifiables. Et ces faits devront être recueillis, non pas au flair, mais à l'aide d'outils valides et fiables.

Ce n'est que dans la mesure où le « psy » qui vise l’expertise judiciaire sortira des sciences occultes, selon l’expression de Dawes, qu'il deviendra un partenaire valable et crédible du monde judiciaire

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[2] « Empathic skills are an essential tool in the mental health professionals competence. Yet when he or she is asked to evaluate certaion parties in a case, those empathic skills must be copnstrained in a manner unusual for clinical practice but essential for fair, ethical, evaluative interactions », p. 126.

[3] H. Wakefield et R. Underwager, Accusation of child sexual abuse, Springfield, Thomas, 1988.

[4] « The special role of the psychologist is to remain consciously tied to counting, empirical data, and probabilité rather than certainty. The role of the psychologist is to confront the world with facts (…) To do this requires a commitment to be a scientist first, before any thing else, including a healer or an advocate ». p. 50.

[5] M. Lavin et B. Sales, « Moral justifications for limits on expert testimony », in S. Ceci & H. Hembrooke (eds), Expert witnesses in child abuse cases, Washington, D.C., American Psychological Association, 1998, pp. 59-84.

[6] « Our analysis suggests that psychologists should restrict their expert testimony to scientific facts », p. 74.

[7] G. Melton, J. Petrila, N. Poythress et C. Slobogin, C., Psychological evaluations for the courts, New York, Guilford, 1997, p. 16.

[8] G. Melton, J. Petrila, N. Poythress et C. Slobogin, Psychological evaluations for the courts, New York, Guilford, 1997.

[9] « Mental health professionals do not have reason to be proud of their performance in this area of forensic assessment (...) Too often we continue to rely on the assessment instruments and methods that were designed to address clinical questions... » (p. 484; souligné dans le texte).

[10] « We do not wish to imply that clinicians have no proper role at all. There are probably times when contentional clinical speculation about family dynamics will provide judges with some (albeit limited) assistance in making decisions about child custody (…) At present, however, we find ourselves close to morse’s position in regard to the proper roles of the clinician in custody evaluations. That is mental health professionals are primarly helpful as investigators in custody disputes… » (p. 485, souligné dans le texte)

[11] Ornstein, P. et Gordon, B., « The psychologist as expert witness : A comment », in S. Ceci & H. Hembrooke (Eds), Expert witnesses in child abuse cases. Washington, D.C., American Psychological Association, 1988, p. 238.

[12] C. Tavris, « The widening scientist-practicioner gap (Foreword) » in S. Lilienfeld, S. Lynn & J. Lohr (Eds), Science ans pseudoscience in clinical psychology. New-York, the Guilford Press, 2003, pp. ix-xxii.

[13] « And it matters profoundly when therapists step outside their bounds, claining expertise and certainty in domains in which unverified clinical opinion can ruin lives, ans where knowledge of good psychological science can save them », p. xvii.

[14] R. Dawes, House of cards. Psychology and psychotherapy built on myth. New York, The Free Press, 1994.

[15] « The empirical data indiçâtes that mental health professional’s accuracy of judgment does not increase with increasing clinical experience », 1994, p. 106.

[16] M. Lavin et B. Sales, « Moral justifications for limits on expert testimony » in S. Ceci & H. Hembrooke (Eds), Expert witnesses in child abuse cases. Washington, D.C., American Psychological Association, 1998, pp. 59-84.

[17] « (…) it is a violation (…) for psychologist to testify their professional opinion solely on the basis of their professionally derived knowledge from working with (a specific group) », p. 78.

[18] Ibid.

[19] H. Garb & P. Boyle, « Understanding why some clinicians use pseudoscientific methods. Findings from research on clinical judgment », in S. Lilienfeld, S. Lynn & J. Lohr (Eds), Science ans pseudoscience in clinical psychology. New York, The Guilford Press, 2003, pp. 17-38.

[20] « Despite common lore, a large body of research contradicts the popular belief that experience and clinical competence are politively related. In fatc, research suggest that it is very difficult for mental health workers to learn from experience », p. 18.

[21] « When clinicians engage in confirmatory hypothesis testing and become over-confident, they are unlikely to overcome the biases that led to their formulating a hypothesis », p. 26.

[22] V. Quinsey, G. Herris, M. Rice et C. Cormier, Violent offenders. Appraising and managing risk. Washington, D.C., American Psychological Association, 1998.

[23] « What we are advising is not the addition of actuarial methods to existing practice, but rather the complete replacement of existing practice with actuarial methods (…) Acuarial methods are too good and clinical judgment too poor to risk contaminating the former with the latter », p. 171.

[24] . « The general conclusion seems to be that clinical intuition, experience, and training at least as traditionally conceived, are not helpful in either prédiction or treatment delivery. Although discouraging, this conclusion in not nihilistic. Training, in the sense of knowing the empirical literature and relevant scientific and statistical techniques, must improve the sélection of appropriate (tools) », p. 72.

[25] A. Leonoff et R. Montague, Guide to custody and acces assessments, Toronto, Carswell, 1996.

[26] « General clinical training such as psychiatrist and psychologists receive, or social work practicum, do not usually prepare practitionners to perform this type of assessment », p. 100.

[27] L. Berliner, « The use of expert testimony in child sexual abuse cases », in Ceci & H. Hembrooke (Eds), Expert witnesses in child abuse cases. Washington, D.C., American Psychological Association, 1998, pp. 11-28.

[28] « Although they may meet the legal creteria for being an expert by virtue of their extensive experience, this does not always mean they are familiar with the published literature », p. 21.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 6 novembre 2019 14:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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