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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Hubert Gerbeau, “L'Océan Indien n’est pas l’Atlantique. La traite illégale à Bourbon au XIXe siècle.” Un article publié dans Outre-Mers, revue de la société française d’Histoire d’Outre-mer, n° 336-337, décembre 2002, Paris, p. 79-108 (coordination du dossier thématique “Traites et esclavages: vieux problèmes, nouvelles perspectives ?” par Olivier Pétré-Grenouilleau, p. 1-282). [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 24 mars 2009 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Hubert Gerbeau [1937- ]

Poète et romancier, Agrégé d’histoire et docteur d’État,
professeur d’université
Chercheur au CERSOI depuis 2002.

L'Océan Indien n’est pas l’Atlantique.
La traite illégale à Bourbon au XIXe siècle
”.

Un article publié dans Outre-Mers, revue de la société française d’Histoire d’Outre-mer, n° 336-337, décembre 2002, Paris, p. 79-108 (coordination du dossier thématique “Traites et esclavages: vieux problèmes, nouvelles perspectives ?” par Olivier Pétré-Grenouilleau, p. 1-282).

Résumé
Abstract
Silence des sources ou silence de l’histoire ?
Une activité dévoreuse de main-d’œuvre, une traite éhontée
La traite ruine-t-elle ceux qui s’y livrent ?
Souffrance et mort

RÉSUMÉ

La traite dans l'Océan Indien est un fait plus que millénaire, facteur de fracture mais élément du “continuum culturel”. Bourbon, déserte au XVIIe siècle, en reçoit l’essentiel de son peuplement avant que le relais ne soit pris par l’engagisme. Environ 80 000 esclaves arrivent dans l’île avant 1817, année d’interdiction de la traite. Celle-ci se poursuit de façon clandestine : quelque 50 000 captifs débarquent entre 1817 et 1835 et, peut-être, quelques milliers de plus jusqu’en 1848. La traite ruine-t-elle ceux qui s’y livrent ? Est-elle dangereuse pour les acheteurs ? Impose-t-elle des souffrances intolérables à ses victimes ? Malgré trente ans de recherche, les énigmes restent nombreuses en raison des ruses des négriers et des destructions involontaires et volontaires d’archives. Sujet longtemps tabou, la traite illégale relève d’une “histoire du silence” en cours d’édification.

Mots-clés : Traite, esclavage, sucre, Océan Indien, Mascareignes, Bourbon, la Réunion, Maurice, Madagascar, Seychelles, Nantes.

Abstract

In the Indian Ocean, slave trade is an age-old phenomenon, both factor of fracture and of cultural continuity as well. Uninhabited during the seventeenth century, the Reunion island received the most part of its population from the slave trade, before indentured labour took over. Roughly, 80,000 slaves came in the island before 1817, the year when the slave trade was forbidden. It continued through an illegal way : around 50,000 slaves disembarked from 1817 to 1835, and perhaps some thousands more until 1848. Did slave trade ruin people engaged in it ? Was it dangerous for the buyers ? Did it impose its victims intolerable sufferings ? Despite thirty years of research, enigma are still numerous, because of slave traders’ tricks as well as intentional and unintentional records destructions. Taboo for long, the illegal slave trade comes close to a « history of silence » still in the process of being written.

Key words : Slave trade, slavery, sugar, Indian Ocean, Mascarenes, Bourbon, Reunion, Mauritius, Madagascar, Seychelles, Nantes.

* * *

Est-ce user d’un simple truisme que de rappeler que la traite des esclaves qui se déroule dans l'Océan Indien n’est pas celle que l’on rencontre dans l’Atlantique ? Celui-ci, jusqu’aux voyages de Colomb, est une barrière. L’Océan Indien, lui, depuis des milliers d’années, par la traite, le commerce, la guerre ou l’aventure unit les hommes. “Les Méditerranées, écrit Michel Mollat, car l'Océan Indien en est une, ont toujours été des foyers de civilisation”. J. de V. Allen souligne l’existence de trois strates d'unité dans cet océan. La première est née des migrations, notamment des migrations austronésiennes, désignées autrefois sous le titre plus explicite de malayo-polynésiennes. La deuxième est marquée par les influences culturelles rayonnant à partir du sous-continent indien, la troisième est liée à l'islam. H. N. Chittick estime, quant à lui, que l'Océan Indien a constitué le “plus grand continuum culturel du monde au cours des quinze premiers siècles de notre ère”[1].

Les colonisateurs européens vont rencontrer dans cet “ensemble millénaire” des sociétés depuis longtemps organisées. Paradoxalement, cet espace va leur offrir aussi des terres vides d'hommes, comme les Mascareignes et les Seychelles, alors que l'Atlantique, “espace-barrière”, les conduit à des îles et un continent déjà peuplés.

Quel rôle la traite joue-t-elle dans l’espace indianocéanique ? Est-elle un facteur de destruction ou de construction, modifie-t-elle, conforte-t-elle ou mine-t-elle les trois “strates d'unité”? La colonisation européenne semble constituer elle-même une quatrième “strate” unificatrice. Mais par certaines de ses méthodes - et notamment par l’impulsion qu’elle donne à de nouvelles formes de traite - n’introduit-elle pas, dans un acier dont l’apparence de solidité était trompeuse, la paille de futures ruptures ?

L’esclave, par la violence dont il est victime, est un facteur de fracture. Mais il est aussi un élément du “continuum culturel”, un trait d'union . La traite, insulte à la civilisation est un fait de civilisation. La Réunion, petite île des Mascareignes située au cœur des pages qui suivent, en porte aujourd’hui la trace. Les tentatives de destruction ou de falsification de la mémoire sont mieux connues. Leur déchiffrage permet à une société qui se veut créole, et de plus en plus métissée, de mieux comprendre son passé et ses cicatrices, de mieux s’accepter.

La seule ambition de ce texte est de suggérer qu’un travail obstiné consacré à la traite clandestine permet de montrer qu’elle a existé de façon massive à Bourbon, ce qui avait été longtemps ignoré ou nié. Ce trafic présente des caractéristiques originales mais bien des mystères subsistent : la tâche des chercheurs n’est donc pas achevée.


Silence des sources ou silence de l’histoire ?

Dans l’étude de l’esclavage, et dans celle de la société qui l’organise, la traite figure avec les relations sexuelles, la couleur des uns et des autres, les mauvais traitements et le marronnage parmi les sujets que les habitants des îles tentent le plus souvent de taire ou, au contraire, d’enrichir d’affabulations. Dans ce domaine, l'Océan Indien est l’Atlantique.

Une année de rencontres avec des “captifs de case” dans la vallée du Niger, suivie de quelques années de travail à la Martinique, m’avaient préparé à recevoir de plein fouet certaines remarques d’Antoine Gisler, qui estimait que la question de l'esclavage avait “cessé de préoccuper les moralistes”, alors qu'elle avait été “abandonnée plutôt que résolue” [2]. Cet abandon traduisait-il absence d'intérêt ou volonté d'oubli ? La question méritait d'être posée au-delà du cercle des moralistes, en particulier dans des sociétés qui avaient connu ou connaissaient l'esclavage et paraissaient avoir abandonné le problème. Ceux qui jouissaient de quelques privilèges dans ces sociétés n'exigeaient-ils pas que l’on oublie des aspects essentiels, voire la totalité, de l'esclavage, sauf à n'en mémoriser que les affabulations ? Loi du silence.

Mais je souhaitais me référer aussi à un autre “silence”. Affronté à une surabondance d'archives, dans lesquelles les esclaves ne s'exprimaient jamais directement, je m'interrogeai sur les moyens de dépasser le vide apparent des sources. Les chemins suivis par les rebelles offraient-ils une voie d'approche au chercheur ? Par eux, l'esclave semblait affirmer sa qualité d'être humain et ne plus se résigner à être seulement un “facteur de production” [3]. Ces voies d'investigation présentaient peut-être un double mérite, celui de conduire à l'histoire des intéressés en suivant les traces qu'eux-mêmes, par une de leurs rares actions volontaires, avaient laissées; le mérite aussi de les saisir dans leur totalité d'hommes. Hommes semblables à tout homme et non plus seulement individus tronqués dont les documents du “groupe écrivant” se limitaient presque toujours à analyser la rentabilité et les écarts, s'attardant sur l'indigence ou l'atrocité d'une sous-humanité tantôt bouffonne, tantôt criminelle [4].

Silence des uns et des autres : ne pouvait-on penser qu'il y avait un lien entre ces deux formes de silences, et que finalement ils se rejoignaient ? Triviale était sans doute l'explication initiale du silence servile : ce n'était pas pour les entendre qu'on avait acheté des esclaves mais pour en tirer un profit ou un plaisir. L'absolue domination que semblait légitimer un voisinage dangereux entraînait-elle à des excès que l'on voulait taire ? Le silence faisait tache d'huile, silence de l'esclave ou sur l'esclave. On appréciait peu les gloses, sinon celles qui concluaient à l'excellence ou au moins à la nécessité de l'institution.

Les destructions d'archives participaient de ce combat pour le silence et la nature des pièces disparues pouvait faire penser que certains choix relevaient d'une volonté de rendre l'histoire “politiquement correcte”, bien avant que ces termes connussent aux États-Unis la vogue que l'on sait. Correcte pour les représentants du groupe dominant, c’est-à-dire dépouillée de documents qui pourraient desservir ce groupe ou valoriser la communauté servile.

“Les traces du passé sont fragiles”, écrit Benoît Jullien, alors directeur des Archives Départementales de la Réunion. L'intérêt porté aux archives, poursuit-il,

“a varié en fonction de l'idée que l'on se faisait de la documentation historique. C'est ainsi que des commissions mises sur pied au XIXe siècle pour trier les archives ont procédé à des destructions que les historiens regrettent beaucoup aujourd'hui. En 1861 par exemple, on a fait disparaître des déclarations de marronnage, des rapports de police qui feraient actuellement l'objet de tous les soins” [5].

Autre disparition dans le même dépôt, celle de l’ensemble de documents concernant, pour reprendre la formule d’André Scherer, la “très grave insurrection d'esclaves” survenue à Saint-Leu en 1811. Le chercheur qui souhaite consulter ce recueil factice en trouve une seule trace, une fiche, dans un tiroir, portant la mention : “Le dossier de cette affaire est perdu”.

Les archives privées ont souffert plus encore de ces éliminations sélectives : celles effectuées, par exemple, par telle grande famille de la Réunion qui voulait éviter que l’appartenance maçonnique de certains de ses ancêtres soit dévoilée. Conservées par des particuliers, les archives de plusieurs ateliers ont échappé aux destructions ordonnées par Vichy mais ont subi, elles aussi, des amputations. Ainsi, les pages 35 et 36 d’un registre ont été arrachées : elles correspondent à la date de mise en application de l’abolition de l’esclavage. A-t-on voulu supprimer les traces d’un débat trop vif ? Les maçons des plus hauts grades présents dans l’île ont dû s’affronter sur le sujet. Ainsi, lors de la tenue du “6e Jour du 9e Mois 5848 (6 9bre 1848) au 30e Dégré”, qui rassemble six “t... t... ill... chev...”, Lesiner “dépeint avec beaucoup de lucidité l’affreuse position où se trouveront réduits les infirmes et les vieillards de la population appelée a (sic) jouir de la liberté le 20 Xbre prochain”. Aubert demande que l’on n’oublie pas “les infirmes les vieillards les veuves et les orphelins de la population actuellement Libre, qui par suite de l’émancipation”, vont connaître “la plus affreuse misère” [6].

Un des précurseurs de ces destructions de pièces jugées délicates est Bouvet de Lozier. À la mort du curé de Saint-Paul, survenue en 1815, le gouverneur ordonne que l'on détruise les documents d'ordre généalogique que le prêtre avait rédigés. Ceux-ci sont “brûlés dans la cour” devant trois témoins [7]. On peut supposer que les origines malgaches de certaines familles de notables “blancs” avaient été dévoilées par Davelu et que ces révélations avaient semblé aussi incongrues que dangereuses à une époque où de nombreux esclaves malgaches vivaient dans l'île.

Cette activité destructrice ne devait pas épargner, bien entendu, les archives de la traite illégale : le chercheur qui se penchait sur la question aux Archives départementales de la Réunion, avait la surprise de trouver la mention “à brûler” portée au crayon sur des liasses essentielles pour le sujet [8]. Ces liasses survivaient mais combien avaient disparu ?

Quand, associé à la préparation d’un colloque international organisé à la Réunion sur les mouvements de populations, je demandais à A. Scherer quelles possibilités de communications sur le XIXe siècle offrait le dépôt d’archives qu’il dirigeait, j’eus la bonne fortune d’être orienté vers un ensemble de documents rassemblés sous l’appellation “Traite interlope”. Le directeur des Archives Départementales de la Réunion ne me cachait pas que le sujet était difficile d’accès. Le recueil factice qui permettait de l’aborder était constitué de liasses épaisses où des documents peu ou pas classés et, pour certains, en mauvais état, ne donnaient qu’une vue très partielle de la question. Il faudrait donc chercher dans d’autres séries d’archives mais aussi dans d’autres dépôts pour effectuer ce travail.

Après plusieurs mois de dépouillement, conscient de l’extraordinaire complication de la plupart des affaires et des lacunes de la documentation, j’indiquais au début de ma communication, en 1972, que je ne proposais que le résultat très provisoire d’un début de recherche. Mais j’ignorais que le terme de “provisoire” et quelques autres formules garderaient trente ans plus tard une certaine validité :

Présentation du problème. Immigration forcée, illégale, clandestine, telle apparaît, dans l’optique d’une étude des mouvements de populations, la traite des esclaves à Bourbon pendant une partie du XIXe siècle. Il arrive qu’on saisisse un des navires qui abordent  subrepticement, alors les plumes s’aiguisent. Mais les transportés sont muets, les négriers parlent à contre-cœur et les acheteurs font des éclats quand on les interroge. Avec patience, administrateurs et magistrats arrivent cependant à réunir des dossiers imposants pour quelques affaires. Un siècle et demi de présence sous les tropiques ont fait, hélas, disparaître des pans entiers de liasses” [9].

Mais, pensera-t-on, si une trentaine d’années n’ont pas suffi à présenter un bilan satisfaisant de la traite illégale à Bourbon, ailleurs des recherches ont progressé : les résultats obtenus peuvent être utilisés, au moins à titre comparatif. Je citerai toutefois ce qu’écrivait Herbert J. Klein en 1998 :“Jusqu’au dernier quart de ce siècle, malgré son importance centrale dans l’histoire économique et sociale de l’impérialisme occidental, son rôle fondamental pour l’histoire américaine et son influence profonde sur la société africaine, la traite atlantique est restée l’un des domaines de l’historiographie occidentale les moins étudiés” [10]. On pourrait y ajouter une remarque de Serge Daget : “Pour la plupart, les travaux de référence sur la traite négrière française s’appliquent à la traite du XVIIIe siècle. Le silence de la littérature historique francophone sur la traite négrière du XIXe siècle permet donc au chercheur d’aborder un sujet pratiquement neuf” [11].

Ce qu’écrivent S. Daget et H. J. Klein de la traite atlantique vaut, à plus forte raison, pour son homologue indianocéanique, qui a été durablement négligée par les chercheurs. Je pense que l’étude de Bourbon au XIXe siècle peut, en ce qui concerne la traite, être considérée aujourd’hui encore comme celle d’un “sujet pratiquement neuf”.

L’indulgence dont font preuve certains représentants de l’autorité, quand ils ont à réprimer les pratiques négrières, incite à se demander si cette attitude n’est que le fruit de l’indifférence et du laisser-aller. Bourbon offre des exemples nombreux de négligences, qu’on peut souvent expliquer par le manque de moyens et par la tentation éprouvée par les détenteurs de l’autorité de se sentir proches des propriétaires - surtout quand, comme certains magistrats, ils sont eux-mêmes de riches “habitants”. Les archives, malgré les destructions subies, abondent en informations sur l’arrivée des traites et sur le sort réservé aux négriers. Ces derniers bénéficient parfois de la complicité de subalternes, dont la corruption est avérée. Mais ils sont poursuivis activement par certains gouverneurs, Milius en fournit l’exemple. À l’occasion, des documents nous révèlent même que l’administration n’épargne pas des officiers de la marine royale [12].

Dans les années qui suivent le colloque de 1972, je tente de combler les nombreux vides qui subsistent dans mes fiches en m’aidant de documents conservés tant en Europe que dans des pays de l’Océan Indien. Je recours aussi aux sources orales mais me heurte à une série de difficultés, dont deux sont majeures. La première se résume en une formule : “Honte et silence”. La seconde tient à la confusion entre trois groupes de travailleurs, les engagés libres venus sous contrat, les esclaves, voire les descendants des uns et des autres, tous rangés par la mémoire populaire dans la même catégorie servile. “Mon papa était esclave”, ou même, “dans ma jeunesse, j’étais esclave”, entend-on dire à des ouvriers agricoles, dans les années 1970-1980. Plusieurs de mes étudiants réunionnais de première année, en réponse à mes mises en garde devant les risques de contresens auxquels leurs enquêtes les exposent, m’avouent d’ailleurs qu’ils ont eux-mêmes confondu jusque-là les statuts d’engagé et d’esclave. La confusion est particulièrement répandue chez les Réunionnais d’ascendance indienne, dont peu comptent d’esclaves parmi leurs ancêtres mais dont beaucoup descendent de travailleurs engagés [13]. Ainsi, Daniel Singaïny, “prêtre malabar” de Chapelle-la-Misère, revendique, dans les brochures qu’il publie son appartenance à une lignée d’esclaves [14]. Des formules ambiguës, comme celles utilisées par Isabelle Hoarau, rendant compte d’un roman de Firmin Lacpatia, peuvent même laisser craindre que la confusion soit entretenue par des publications en apparence scientifiques [15].

On doit supposer que par une sorte d’assimilation des statuts par la nature des tâches, de “malédiction de la pioche”, un amalgame s’est fait, révélateur de la réalité de certaines des conditions de vie de ces travailleurs, libres ou esclaves [16]. Une telle constatation est captivante pour qui étudie la société réunionnaise et ses représentations. Mais elle montre au chercheur, avide de puiser quelque trace de traite illégale dans un récit, que ce qu’il va ranger dans la rubrique “esclavage” concerne vraisemblablement des engagés arrivés à la Réunion par le coolie trade. Faut-il, pour autant, renoncer à tout recours à l’oralité ? Je m’en tiendrai à trois exemples qui incitent à poursuivre les investigations.

Des informations, contemporaines des faits de traite, ont pu circuler - sans laisser sur le moment de traces dans les documents - et resurgir quelques années plus tard : c’est ce qui se passe sans doute lors de la controverse Houat-Barbaroux. “La dernière traite a été débarquée à Bourbon, le 9 août 1831 (...). Depuis ce jour, tout vestige de traite a disparu. L'assertion de M. Houat n'est pas seulement téméraire; elle est faite en haine de son pays”. Cette répartie du procureur général Barbaroux est extraite d'une brochure, imprimée à son initiative, dans laquelle figurent, sur deux colonnes, les affirmations d'un homme de couleur, impliqué dans un complot, emprisonné puis exclu de Bourbon, et les réponses du magistrat. Le paragraphe que vient de viser Barbaroux est celui où Houat évoque “la continuation clandestine de la traite jusque vers 1834” [17].

Ombline Desbassayns est la plus grande propriétaire d’esclaves de l’île. Son pouvoir est renforcé par le mariage d’une de ses filles qui épouse Villèle. Dans les  documents que j’ai consultés, son nom n’apparaît pas directement lié à la traite illégale. Certaines sources orales associent pourtant le nom d’Ombline au trafic mais, curieusement, présentent celui-ci comme licite. C’est ce qui ressort d’une rencontre avec Madame Hoarau-Dupont qui raconte qu’O. Desbassayns participait à la traite sur des navires dont elle était propriétaire, et qu’ensuite elle revendait les esclaves. Notre informatrice ajoute qu’Ombline aurait contribué à l’installation des Britanniques dans l’île parce qu’elle pensait que ceux-ci étaient favorables au maintien de la traite et de l’esclavage [18]. Ce commerce et cette anglophilie expliqueraient son impopularité. Mais, conclut G. Hoarau-Dupont, “Madame Desbassayns a été calomniée par des gens malfaisants : son comportement à l’égard des esclaves était analogue à celui de ses contemporains. Or, dans cette île, la plupart des maîtres se comportaient de façon humaine” [19].

Un point de vue comparable avait été présenté, une douzaine d’années plus tôt, lors d’une interview : “Les familles qui ont torturé les noirs sont connues et nos prédécesseurs n’avaient pas cette triste réputation. (...) Madame Desbassayns était une femme énergique, intelligente, peut-être sensible, dont la mémoire a été ternie par la traite des Noirs. Ce commerce licite de son temps suscite chez nous une telle réprobation que nous condamnons sans examen” [20]. On remarque la formule : “Ce commerce licite de son temps...”. Il est évident que pendant quelques années de l’époque révolutionnaire et surtout pendant les trente dernières années de la vie de cette grande propriétaire - née en 1755, morte en 1846 - un tel commerce était totalement illicite. Faut-il voir dans l’affirmation de G. Hoarau-Dupont une erreur de chronologie ou une confusion, assez courante, entre traite et esclavage ? Celle-ci expliquerait que 1817, la date de l’interdiction du trafic, soit oubliée au profit de 1848, la date de l’Abolition. Il est tentant, cependant, de proposer une autre hypothèse qui serait révélatrice d’un point de vue très partagé par les négriers et leurs clients, à l’époque de la traite illégale. Ceux-ci estiment que la traite, interdite sous la pression anglaise par une Métropole oublieuse des réalités, est véritablement “licite”. À défaut de pouvoir imposer leur point de vue dans la vie réelle, les propriétaires d’esclaves et leur entourage ont-ils fait passer dans la mémoire de leur groupe ce qu’ils considéraient comme juste - et qui avait contribué à leur fortune ?

Le troisième exemple qui peut être proposé est celui de Madame Y. B. qui puise ses informations à la fois dans des récits transmis oralement par la famille de son mari, et dans l’étude généalogique qu’elle effectue sur celle-ci. Cette informatrice a reconstitué l’histoire d’un réseau mis en place dès le XVIIIe siècle, et renforcé au XIXe [21]. Son récit confirme la validité d’indications éparses, que l’on peut recueillir par ailleurs, sur les liens qui existaient entre Nantes et les Mascareignes ainsi qu’entre les apports de travailleurs et l’activité sucrière. L’époux de Madame B., né à la Réunion dans la première moitié du XXe siècle, s’était installé très jeune à Madagascar. Il avait de nombreux cousins qui appartenaient au milieu “Gros Blanc” de la Réunion et possédaient des propriétés sucrières dans l’île. Une fille B. avait épousé, au XVIIIe siècle, un Monsieur M., installé à l’Ile de France. Ce dernier pratiquait la traite, en collaboration avec le frère de son épouse qui, lui, vivait dans la région nantaise. Vers 1815, la famille B., en s’implantant à Bourbon, avait poursuivi une ascension sociale que Madame Y. B. estimait liée, pour partie, à la traite.

On ne peut tirer, bien sûr, aucune conclusion d’un seul récit, mais quelques autres indices font penser qu’à Bourbon un lien existe peut-être entre les bénéfices procurés par la traite et les investissements sucriers. Le schéma offert par l’île serait donc différent de celui qui a été analysé à Nantes par Olivier Pétré-Grenouilleau.

Présentant un des ouvrages de ce dernier, Louis Bergeron constate que la traite, cette activité à hauts risques, “échappe aux prises rigoureuses de l’histoire quantitative”. Il approuve, par ailleurs, l’auteur de réviser “à la baisse” le rôle quasi planétaire que l’on a parfois assigné à la traite et à l’esclavage :

“La traite a été, bien sûr, un ressort essentiel de l’économie de plantation - influant durablement, de ce fait, sur les sociétés et les cultures locales. (...) Elle a sécrété, indiscutablement, une partie de l’accumulation en capital qui, dans la Nantes de 1789, se chiffrait par dizaines de millions de livres (...), mais (...) il paraît impossible d’attribuer à la traite une responsabilité historique, que certaines hypothèses voudraient lui imputer, dans le déclenchement de la révolution industrielle. (...) Du côté de Nantes, toute la recherche d’Olivier Pétré-Grenouilleau tend précisément à prouver que l’argent de la traite (une ‘loterie’, un ‘capitalisme aventureux’) ne s’est pas dirigé vers l’investissement actif dans l’industrie” [22].

À Bourbon, de nombreux bateaux négriers sont armés dans l’île. Souvent de dimension modeste, ils sont employés en priorité pour les brefs trajets de traite vers Madagascar, notamment vers Tamatave. Sauf exception, les frais sont peu élevés et les risques moins grands que pour des navires plus gros qui franchissent des distances considérables.

Propriétaires de bateaux, armateurs, subrécargues, capitaines, pour autant que nous disposions de leurs noms, se recrutent souvent dans les mêmes familles. Bourbon fournit une part importante de ces principaux acteurs de la traite. Dans des fonctions diverses, ils peuvent, au fil des années, réapparaître sur plusieurs bâtiments. Certains de ces patronymes, qui se retrouvent aujourd’hui aux Mascareignes, sont ceux de groupes familiaux, ou de groupes alliés, socialement bien établis et honorablement connus. Quelques-unes de ces familles n’ont pas eu de descendants du même nom, soit en raison de mariages, soit qu’elles se soient éteintes, mais leur implication est évidente au XIXe siècle à la fois dans la traite et dans l’industrie sucrière, ou dans les activités qui leur sont liées.

Le lien entre une active participation à la traite illégale et une manifeste réussite sucrière semble établi dans le cas d’une famille comme celle des Bellier-Monrose. François Xavier fait construire au début du XIXe siècle, dans sa propriété de Bois-Rouge, une des premières sucreries de Bourbon [23]. En 1822, celle-ci produit plus de 800 000 livres de sucre par an et figure parmi les trois principales usines de l’île. Louis Dumas a représenté dans une de ses aquarelles la maison de Bois-Rouge, dont les habitants possèdent, en 1830, “un des plus importants domaines sucriers de la côte est” [24]. Cette maison est située près de la mer. Une telle situation n’est pas sans intérêt en un lieu où s’opèrent de multiples débarquements de Noirs de traite illégale [25].


Une activité dévoreuse de main-d’œuvre,
une traite éhontée

Les premiers habitants de Bourbon trouvent à Madagascar des épouses et des domestiques. Ils imposent à ces derniers un statut de semi-dépendant qui, pour certains auteurs, est déjà de l’esclavage. Celui-ci est, en tout cas, formellement attesté à partir de 1687 [26]. En 1664, la Compagnie des Indes orientales avait publié des statuts qui devaient être appliqués “dans l’Ile de Madagascar et adjacentes, et dans tous les lieux à elle concédés par Sa Majesté”,  L’article XII stipulait : il “est très expressément défendu de vendre aucuns habitans originaires du pays comme esclaves, ni d’en faire trafic, sous peine de la vie” [27]. On peut donc, dès l’origine, considérer comme illicites des traites qui proviennent de la Grande Ile.

En 1764, sur les conseils de Choiseul, le roi rachète les Mascareignes à la Compagnie des Indes. La traite négrière connaît alors “un essor sans précédent”. Jean-Michel Filliot estime que sur les quelque 160 000 esclaves qui arrivent dans l’archipel, de 1670 à 1810 - dont 115 000 entre 1769 et 1810 - 45 % sont des Malgaches, 40 % des Africains de l’Est (Mozambique et comptoirs arabes), 13 % des Indiens et  2 % des Africains de l’Ouest (Gorée et Ouidah) [28]. Comme l’écrit A.G. Field, “By 1790 a flourishing trade existed, the negroes coming from Madagascar, the Portuguese settlements in East Africa and the territories of the Iman of Muscat” [29]. Des mesures, en apparence draconiennes, de suspension de la traite sont prises à partir de 1794. Celles-ci interviennent d’abord à l’Ile de France mais, ainsi que le fait observer J.-M. Filliot, le simple fait que l’on trouve aux Archives de Maurice “plusieurs textes réitérant la prohibition” montre que ces mesures, auxquelles l’Assemblée coloniale a souscrit “à contrecœur”, sont peu respectées [30]. L’institution servile, elle, n’est pas remise en cause : “La volonté préméditée et catégorique des habitants et dirigeants des Mascareignes” fait que le décret de pluviôse an II, abolissant l’esclavage ne peut être appliqué dans l’archipel [31].

Le 20 juin 1802, l’Assemblée coloniale de l’Ile de France rend sa légalité à la traite. La même décision est prise par l’Assemblée coloniale de la Réunion le 28 septembre (6 vendémiaire an XI). Depuis le 20 mai 1802, (30 floréal an X), une loi votée en France a rétabli la traite et l’esclavage dans les colonies, tels qu’ils existaient en 1789 [32]. Ce retour à la légalisation du trafic négrier comble les vœux du négoce métropolitain qui souhaitait sa reprise officielle “pour l’humanité, même la morale, et pour nos colonies qui la réclament indispensablement” [33].

Auguste Toussaint estime que “dans le domaine agricole l’événement capital de l’histoire de Bourbon après 1815 fut le passage d’une économie caféière à une économie sucrière” [34]. Dans l’histoire des îles à sucre, Bourbon, mais aussi sa voisine, l’île Maurice, représentent un cas paradoxal : alors qu’aux Antilles la traite des Noirs et la canne à sucre avaient prospéré de conserve au XVIIIe siècle, les habitants des Mascareignes développent avec ardeur la culture et l’industrie de la canne, réputées dévoreuses d’esclaves, au moment précis où la traite est interdite et où l’esclavage lui-même semble menacé [35]. “La fabrication du sucre, écrit l’ordonnateur Thomas, exige de nombreux ateliers de noirs; elle leur impose, durant la roulaison (...), un travail continuel et fatigant qui ne permet presque aucun repos. De là (...) des maladies (...); de là une mortalité (...). C’est un fait incontestable, depuis long-temps reconnu aux Antilles, et qui s’est déjà vérifié à Bourbon” [36]. Dans les colonies à sucre, écrit pour sa part Yvan Debbasch, “sont conduites au travail d’imposantes masses serviles, constituées et entretenues par l’indispensable recours à la traite négrière” [37].

 La croissance du groupe servile va donc de pair avec celle de l’activité sucrière de Bourbon, mais il faut accueillir avec prudence les précisions qu’on trouve à ce sujet. Le caractère clandestin du trafic accroît les incertitudes qui sont déjà manifestes à l’époque de la traite légale. Ainsi, au recensement de 1788, sur une population totale de 47 195 personnes, l’île compte officiellement 37 984 esclaves [38]. Mais tous les témoignages s’accordent “à souligner que, pour frauder le fisc, les maîtres ne (les) déclarent jamais tous”. Des contemporains suggèrent qu’il faut majorer leur nombre d’un tiers, voire presque le doubler [39].

Plusieurs auteurs indiquent qu'en 1804 la population totale de Bourbon est de 65 152 personnes, dont 12 106 Blancs, 2 696 Libres de couleur et 50 350 esclaves. Ces derniers se répartiraient entre 75 % d'hommes et 25 % de femmes [40]. Thomas pense qu’on serait plus près de la réalité en majorant le groupe servile de 10 000 à 20 000 individus. Poursuivant sa réflexion sur les recensements, cet administrateur scrupuleux tente d’y déceler la trace de l’introduction illégale de captifs. Tout en estimant qu’il y a quelque 70 000 esclaves à Bourbon en 1824, il se résout à utiliser les chiffres officiels de 57 530 au 1er janvier de cette année-là et de 60 698 au 1er janvier de 1826 et constate que 6 604 esclaves ont mystérieusement fait leur apparition [41].

L’ordre de grandeur de ces arrivées illégales est confirmé par l’analyse du procureur général Barbaroux qui porte sur l’année suivante : “Dans les états officiels de 1826, écrit-il, Mr Betting de Lancastel fait figurer 3 456 Noirs sous l’indication assez claire d’immigrations, à une époque où aucune immigration autre que celle de la traite n’était possible, et où les décès excédaient tout comme aujourd’hui les naissances” [42].

On peut estimer qu’il y a en moyenne, de 1817 à 1830, un excédent des décès sur les naissances d’au moins 1 500 esclaves par an. Le nombre de ces derniers étant passé officiellement de 52 000 environ en 1817 à 70 927 en 1830, a augmenté à peu près de 19 000 en treize ans alors qu’il aurait dû, par le simple jeu des décès, diminuer de 19 500 environ [43]. C’est donc à une introduction globale de 38 500 esclaves en treize ans qu’on pourrait penser, ce qui nous donnerait une moyenne d’à peu près 3 000 entrées clandestines par an. Total assez proche des 3 300 arrivées annuelles que l’on peut déduire des calculs effectués par Thomas pour les années 1824 et 1825.

Pour ces deux années, j’ai retrouvé dans les archives administratives et judiciaires la trace de quinze navires négriers. On sait que des esclaves ont été saisis sur cinq d’entre eux [44]. Les dix autres transportaient des Noirs, mais ceux-ci n’ont pas été saisis [45]. Le dénombrement annuel des arrestations est donc sans commune mesure avec le total des “importations”.

Un bilan est-il possible ? Le nombre de bateaux ayant eu une activité de traite illégale à Bourbon est certainement élevé mais je n’ai pu en répertorier que 143. Ils se répartissent ainsi :

Activité négrière prouvée

Activité négrière probable et, dans quelques cas, seulement envisageable

Bateaux qui sont nommés et dont la destination est connue :

80 [46]

31 [47]

Bateaux restés anonymes :

14

15 [48]

Bateaux de destination incertaine :

1

2


Quand le bateau a changé de nom au cours de sa carrière, ou est connu sous plusieurs noms au cours de la même période, je ne le comptabilise qu’une fois. L’activité négrière, dont des documents - très incomplets - permettent de retrouver la trace, est circonscrite en quasi-totalité dans la période 1817-1833. Mais on a pris en compte trois affaires qui datent de l’époque de l’occupation anglaise. La plus ancienne est celle de la Joséphine (I) : des Noirs, “présumés introduits” par cette goélette, auraient été arrêtés à Bourbon en décembre 1813 [49]. Les deux autres affaires datent de 1814 et concernent des bateaux restés anonymes [50]. Les dernières affaires, elles, se situent en 1845 : l’Augustine et la Mouche (II), armées à Bourbon, sont soupçonnées d’avoir débarqué des Noirs à Mayotte et l’équipage du Sans-Souci est accusé d’avoir voulu se rendre en Afrique orientale pour y acheter des esclaves cafres afin de les introduire à Bourbon, sous prétexte d’en faire des travailleurs sous contrat [51].

Certains négriers, qui ont effectué plusieurs traites, ont pu changer, pour une ou plusieurs de celles-ci, de points de départ. Je comptabilise ces derniers, même quand ils concernent le même bateau. Le total des divers points de départ et celui du nombre de bateaux ne coïncident donc pas. Ils sont de plus, l’un et l’autre, inférieurs au nombre réel de traites. Les bateaux ont été expédiés soit de ports de métropole (10, par exemple, de Nantes), soit de ports de l’Océan Indien (1 de Zanzibar, 1 du Mozambique, 6 de Maurice, 79 de Bourbon). On est sûr que, dans la plupart des cas, les navires qui partent de Bourbon ont été armés par des habitants de l’île, où résident également nombre de propriétaires de bateaux et où sont recrutés la majeure partie des équipages. Mais les précisions manquent souvent sur ces derniers points. Dans 48 cas, le lieu de départ reste inconnu.

Certains bateaux ont puisé leurs cargaisons humaines en divers lieux d’approvisionnement. Si on tente de distinguer à l’intérieur de chaque transport les groupes de captifs en fonction de leur lieu d’achat ou de capture, on constate donc que le nombre de ces groupes est supérieur à celui des traites repérables dans les archives. Mais de nombreuses incertitudes demeurent.

Pour 145 “cargaisons”, globales ou partielles, l’origine des captifs est certaine. Il faut leur ajouter 24 traites, dont l’origine n’est que probable, soit un ensemble de 169 “cargaisons”. Dans 43 cas - et peut-être 47, la présence de 4 bateaux n’étant que possible - l’origine des captifs reste inconnue. On comptabilise donc un total de 212 à 216 “cargaisons”, globales ou partielles. Des zones lointaines sont sollicitées : la présence de Malais est attestée à 6 reprises et elle est à peu près sûre dans 2 autres cas; l’Inde fournit sans doute à un négrier une partie des captifs qu’il transporte; l’Afrique occidentale alimente sûrement 3 traites et, vraisemblablement, 2 autres [52]. Sous des dénominations diverses, les zones plus proches de Bourbon contribuent de façon massive à son approvisionnement en esclaves : une traite vient d’Anjouan, 2 traites viennent de Maurice, 9 du Mozambique et 9 aussi de Zanzibar. La mention “Afrique orientale” revient 8 fois, celle de “Côte d’Afrique” 3 fois et 7 fois celle de “Cafres”. À ces indications d’origine, qui sont indiscutables, et concernent essentiellement la côte orientale d’Afrique, il convient d’ajouter des traites qui ne sont que probables : 3 de “Cafres”, 3 de la “Côte d’Afrique”, 5 d’“Afrique orientale” et une de Zanzibar. Madagascar est, de loin, le lieu qui fournit le plus de traites : 54 en proviennent de façon indubitable et vraisemblablement, de façon au moins partielle, 7 autres. Comme l’écrit Milius :

“Il me paraît bien difficile qu’elle (la traite) n’ait pas toujours lieu 1° à cause de la volonté générale des habitans qui lui est favorable. 2° de notre voisinage des Côtes de Madagascar, de Mozambique & de l’Ile de Zanzibar, cette dernière Ile est une mine de traite exploitée particulièrement (?) par les portugais & les espagnols qui y envoient des forts bâtimens armés en guerre. Les Caboteurs de Maurice et de Bourbon y vont aussi de tems à autres chercher des cargaisons mais il leur est plus avantageux de traiter à Madagascar ou les noirs s’obtiennent à meilleur compte” [53].

Les débats qui entourent la question de l’activité négrière ne facilitent pas le choix des estimations les plus vraisemblables. Un exemple en est fourni par la controverse qui oppose les autorités françaises au gouvernement britannique, à propos d’un trafic de “noirs malais”. Les accusations de commissaires anglais, transmises au gouverneur de Bourbon, provoquent cette réponse : “Il est dit (...) que la côte occidentale de Sumatra est fréquentée par des navires français employés à la traite et que l’Ile Bourbon consacre à ce trafic 80 bâtimens dont 15 ou 20 pour transporter des noirs de Pulo-Nyas”. Or, “Bourbon n’a en tout que 37 bâtimens affectés à la navigation du petit et grand cabotage” et “ces bâtimens sont presque uniquement employés au transport des vivres et des objets nécessaires à sa consommation que la colonie est obligée de tirer de Madagascar et de l’Inde” [54]. Controverse dans laquelle exagération et mauvaise foi ont leur part mais qui nous oriente vers une réflexion sur les parts respectives de visible et d’invisible qui affectent la documentation dont nous disposons. Très peu de “traites malaises” affleurent en effet dans les documents. Si on supposait qu’une déperdition analogue affecte les informations concernant les traites provenant du continent africain et de Madagascar, on obtiendrait un total vertigineux. Sans aller jusqu’à de telles extrapolations, on peut être certain que nombre de traites échappent au comptage, surtout sur le trajet Tamatave-Bourbon qui, en raison de sa briéveté, est emprunté par des bateaux qui font de véritables navettes entre les deux îles.

L’économiste Hai Quang Ho, en utilisant une méthode et des sources que j’avais renoncé à exploiter, tant leur valeur semblait incertaine, émet l’hypothèse de l’arrivée clandestine d’environ 5 000 esclaves dans l’île au cours des années 1836-1847. Cet auteur utilise les statistiques officielles concernant la population servile recensée de 1835 à 1847 et en retranche le nombre d’esclaves qui ont disparu à cause des affranchissements et de l’excédent de décès sur les naissances [55]. Citant, d’autre part, la convention du 29 mai 1845, signée par les souverains britannique et français,  M. Ho estime qu’elle nous donne la “certitude” que la traite clandestine se poursuit au-delà de 1835 à Bourbon. “La preuve” s’en trouverait dans le fait que les deux souverains décident de lutter contre ce trafic, “considérant que les conventions du 30 novembre 1831 et du 22 mars 1833 ont atteint leur but en prévenant la traite des noirs sous les pavillons français et anglais, mais que ce trafic odieux subsiste encore”. Je n’adhère pas à cette interprétation et pense que la convention de 1845 vise d’autres coupables que les négriers français et anglais des Mascareignes, puisque ses auteurs écrivent que les décisions prises en 1831 et 1833 “ont atteint leur but”. Daget rappelle d’ailleurs que le système de répression, tel qu’il est formulé par Denman en 1845, repose sur “l’application méthodique d’un blocus des foyers de traite où seuls les Espagnols, les Portugais et les Brésiliens étaient actifs, car ni les navires ni les capitaux français ou anglais n’étaient impliqués dans ce trafic” [56].

Au total, la piste empruntée par M. Ho est une piste intéressante, que j’avais moi-même explorée, dès 1972, pour les années 1820-1830, et qui semblait, à la rigueur, utilisable jusqu’en 1835. Mais j’avais évité de l’exploiter au-delà, car les déductions toujours fragiles que l’on peut proposer à partir de données démographiques suspectes ne semblent avoir quelque valeur que si elles sont étayées par d’autres indices, comme la capture ou, au moins, la présence, le passage, de navires négriers. Si le comptage suggéré par M. Ho pour la période 1836-1848 était réalisable, il faudrait porter le total des entrées plausibles à quelque 55 000 captifs.

En 1972, je pensais que la traite illégale à destination de Bourbon avait dû amener dans l’île au moins 45 000 esclaves dont l’immense majorité avaient été débarqués entre 1817 et 1831, tandis que 4 500 captifs avaient pu arriver de 1832 à 1835. Je situerais aujourd’hui ce total aux alentours de 50 000.  Les quelque 5 000 “immigrants” que je crois pouvoir ajouter à l’évaluation primitive proviennent pour l’essentiel d’une perception plus précise de l’ampleur de la dissimulation qui affecte les statistiques, de la multiplicité des traites que tel ou tel négrier effectue sur de courtes distances, et enfin de la découverte, plusieurs fois grâce aux travaux de Serge Daget, d’une poignée de navires négriers dont j’avais ignoré le trafic.

Dans une communication présentée en 1990, S. Daget  ne dément pas les totaux que je suggère, mais arrive à un total inférieur en s’appuyant surtout sur des sources dont on dispose en Europe. Je persiste à penser qu’il faut ajouter à ce minimum irréfutable ce que les sources disponibles dans les pays de l’Océan Indien nous apportent [57].

Les colonies anglaises de la zone ne respectent guère mieux que Bourbon la réglementation dont leur métropole a eu pourtant l’initiative. Des estimations des entrées clandestines d’esclaves à l’île Maurice ont été faites. Elles sont partielles et souvent faussées par les polémiques [58]. Au total, on a l’impression que la traite fut massive mais que les documents se dérobent à toute exigence de précision statistique. On peut faire cette constatation à la lecture du mémoire de maîtrise d’Eileen Wanquet-Williams [59]. On peut la faire à nouveau en se reportant au texte d’une communication présentée au Colloque international sur la traite des Noirs, organisé à Nantes en juillet 1985 [60].

Certains aspects du sujet sont cependant éclairés par des travaux récents. La croissance de la production sucrière semble avoir eu, par exemple, des effets comparables à ceux que l’on peut constater à Bourbon [61]. Le nombre d’entrées clandestines commence lui-même à être mieux cerné. Richard B. Allen pense que “the number of slaves imported illegally into Mauritius and the Seychelles after 1811 remains a subject of informed speculation. Various contemporary observers estimated that at least 30,000 slaves had been introduced surreptitiously into the colony by the early 1820s” [62]. Poursuivant ses investigations sur le trafic illégal, Allen confirme l’importance des entrées clandestines à Maurice et aux Seychelles [63]. Le même auteur qui, pour Bourbon, m’a fait l’amitié de s’appuyer sur mes travaux, tente de réévaluer l’ensemble de cette traite pour la période 1811-1848. Il écrit  :

“A review of Réunionnais census data using the methodology outlined above suggests that 48,900-66,400 slaves reached the Ile de Bourbon between 1811-48. This approach, when applied to Mauritian census data, has yielded an estimate that 52,550 slaves were introduced illegally into Mauritius and the Seychelles between 1811-27. These figures point in turn to the importation of no fewer than 90,900, and perhaps as many as 119,000 slaves into the Mascarenes between 1811-48 [64].

Nous remarquons qu’Allen choisit l’hypothèse la plus élevée que formule actuellement un chercheur. Je ne dispose pas d’éléments assez sûrs pour évaluer le degré de probabilité du nombre de 52 550 entrées illégales à Maurice et aux Seychelles. En ce qui concerne Bourbon, l’hypothèse de 66 400 arrivées de captifs n’est pas absurde mais me semble invérifiable pour l’instant. La plage chronologique très large prise en compte par l’auteur peut se justifier par l’histoire : l’année 1811 est celle qui suit immédiatement la conquête de l’île par les Anglais, l’année 1848 marque la fin de l’esclavage. Mais comme dans le cas des analyses proposées par Ho, les déductions fondées sur les seules données juridiques et démographiques restent incertaines si d’autres indices ne peuvent être utilisés. Or pour les débuts de la période choisie par Allen et, plus encore, pour les dernières années de celle-ci nous manquons à l’évidence d’informations sur les arrivées de négriers. Aussi, sans contester les avancées réalisées grâce aux travaux de ce chercheur américain, qui est un des meilleurs spécialistes de l’histoire de Maurice au XIXe siècle, il semble nécessaire de rester prudent devant toute évaluation globale de la traite clandestine à destination des Mascareignes et des Seychelles.


La traite ruine-t-elle ceux qui s’y livrent ?

Le gouverneur Duval d'Ailly, donnant son opinion sur le trafic illégal, écrit : “Ceux mêmes qui l'ont fait le plus heureusement ont fini par se ruiner” [65]. Epidémies, révoltes, naufrages ou captures ont pu ruiner des négriers, mais qu’en est-il de ceux qui ont bénéficié des circonstances les plus “heureuses” ?

Sully-Brunet fait état dans ses mémoires du naufrage de la Paix, qui serait fatal à “la maison Savarian”. Celle-ci, propriété du “négociant le plus considérable” de la ville de Saint-Denis, a “des armements pour la traite des nègres; des relations avec l'amérique” et fait “en grand, le commerce des approvisionnements” [66]. Certes, ce naufrage se produit en 1806, période de traite légale, il concerne des denrées et non des captifs, et touche un bâtiment de 1 000 tonneaux, donc de plus forte taille que les modestes bricks ou goélettes armés dans l’île pour la traite à courte distance. Mais cette faillite attire notre attention sur l'étonnante fragilité d'une maison de commerce, qu’on aurait pu croire puissante et qui, comme bien des plantations de l'île, et entreprises - négrières ou non -vivait sans doute dans un état d’endettement qui ne lui permettait pas de survivre à des pertes imprévues.

On dispose de quelques détails sur le sort des principaux responsables du trafic de la goélette l’Antoinette, poursuivis pour traite devant la Cour d’assises après que des Noirs aient été saisis à bord le 13 avril 1832. Le bateau est confisqué et les trois hommes sont condamnés à cinq ans de bannissement. Le capitaine, François Debray, est en outre interdit de commandement. L’armateur, Edouard Gicquet, né au Havre, qui se trouvait sur le négrier et souffrait du scorbut ne tarde pas à décéder. Michel Piot, lui, “intéressé dans l’armement” de l’Antoinette, doit s’exiler en Inde et à Madagascar. Revenu à Bourbon au bout de cinq ans, Piot travaille pour plusieurs maisons de commerce. En 1842, “dans un état de fortune plus que médiocre”, il désire rentrer en France, mais la direction du Domaine le lui fait interdire tant qu’il n’aura pas payé les 1 675,05 F d’amende et de frais divers auxquels il a été condamné en 1832 pour traite. Le Conseil privé lui accorde finalement une réduction de la somme due, pour lui permettre de partir [67].

La courte et tragique histoire vécue par Charles Busschop pourrait, plus encore, alimenter le thème d’une traite illégale qui devient parfois ruineuse pour ses acteurs. Né en 1797, le jeune homme débarque à Port-Louis le 28 août 1818. Son père, né à Bruges, naturalisé français, est conseiller à la Cour de Cassation. Charles dispose de “lettres de recommandation pour divers pays”. Venu pour se lancer dans les affaires, le jeune Busschop est porteur d’une “pacotille” évaluée à 17 600 francs, mais le gouverneur lui interdit de se fixer à Maurice. Busschop se rend donc à Bourbon et, en novembre, part aux Seychelles où il achète “un petit bâtiment nommé la Joséphine”, puis il se rend à Madagascar [68]. Dayot, “agent du Gouvernement français” en poste à Tamatave, précise que le jeune homme  est arrivé “sur la petite goélette nommée L’Espoir jadis la bamboche et en dernier Lieu Lafara capturée comme contrebandier sur les côtes de Bourbon, renvoyée ici sous l’Escorte de la gtte de S.M. Lamaranthe et enlevée le jour de son mouillage par son Equipage”.  Busschop, poursuit Dayot, “eut avec moi des difficultés qui me forçat à le mettre déhor”. À Tamatave, il “fut atteint des fièvres (...), denué de tout secours, dans une misère affreuse (...), il mourut le 6 juin 1819” [69]. Ce désastreux bilan, fruit de moins de dix mois de séjour dans les îles, reste sans doute l’exception chez les négriers.

Des formules comme celles employées par Misson ont contribué précocement à accréditer l’idée de l’exceptionnelle rentabilité de la traite. Le pirate affirmait qu'à la Barbade un esclave coûtait 750 à 1 250 livres, tandis qu'à Madagascar, avec une douzaine de livres de marchandises, on pouvait acheter autant de Noirs qu'on voulait. Et Misson ajoutait : “Nous y avons un beau gars pour un vieil habit” [70].

O. Pétré-Grenouilleau écrit : “Sur le thème de la rentabilité de la traite, les chiffres les plus extravagants ont couru, popularisant l’idée de bénéfices extraordinaires, dépassant souvent les 100 % par voyage. En fait, bien que convenables pour l’époque et par rapport à d’autres spéculations, les profits moyens annuels étaient assez réduits (2,6 % pour les Hollandais entre 1741 et 1800, 4 à 6 % pour les Nantais et 10 % pour les Anglais au XVIIIe siècle), et ils eurent sans doute tendance à diminuer” [71]. H. J. Klein estime, pour sa part, “que les profits de la traite n’avaient rien d’extraordinaire par rapport aux standards européens. Une moyenne de 10 % était considérée comme un bon taux de profit mais était tout-à-fait comparable à d’autres investissements de l’époque” [72].

Sans minimiser les risques de saisie, il est vraisemblable que les profits ont augmenté aux époques de traite illégale. C. Wanquet, quand il étudie le renforcement des mesures répressives décidées en 1796, pense qu’on peut “douter de l’efficacité de cette législation car les bénéfices que procure la traite interlope l’emportent vraisemblablement sur toute autre considération” [73]. Le sud-ouest de l’Océan Indien, au XIXe siècle, semble toujours propice à de fructueuses affaires : S. Daget cite l’opinion d’un contemporain qui fait état d’une “impunité qui assurait à la traite des bénéfices énormes, de 200 %, 300 %; qui lui permettait de s’étendre à Bourbon” [74]. Le trafic attire-t-il dans cette zone des capitaux étrangers ? La réponse est affirmative dans le cas de participations de voisins malgaches ou arabes, ainsi que de Portugais du Mozambique. Elle l’est aussi pour les originaires des métropoles, française sûrement, britannique de façon moins nette. Au-delà, l’incertitude demeure, même si une affaire comme celle de l’Orphée (ex-Apollon ou Apollon II) incline à supposer que l’activité négrière a bénéficié parfois, aux Mascareignes, de financements européens - en l’occurrence belges [75].

À Bourbon, l’année même où l’esclavage est aboli, est reproduit dans la presse un article où on peut lire que “sous le régime” de la traite illégale les profits étaient tels que l'on pouvait “risquer trois et jusqu'à cinq armements pour avoir la chance d'en sauver un seul”. Profits considérables s’il est vrai que la vente d'une seule cargaison pouvait compenser la perte de cinq navires et de leur chargement [76].

O. Pétré-Grenouilleau a, écrit-il, confronté les données établies par S. Daget à des documents d’époque, en se demandant si la traite pouvait toujours alimenter la dynamique sociale nantaise au XIXe siècle. Ayant constaté qu’en 1825 Nantes arme encore 50 négriers, alors qu’au total elle n’envoie pas plus de 140 navires au long cours, O. Pétré-Grenouilleau estime qu’un armateur négrier peut s’attendre à un bénéfice oscillant entre 66 % et 150 %. Mais, comme “l’essentiel des retours s’étale sur cinq ans, les bénéfices annuels seraient compris entre 13 % et 30 %”. Bénéfices qui dépassent largement ceux “qu’un négociant peut espérer retirer de placements ordinaires”, qui se situent entre 3 % et 5 % [77]. Il faut souligner que ces calculs, qui sont établis essentiellement à partir de données nantaises, ne sont pas sans intérêt pour notre sujet en raison de l’importance du rôle joué par les négriers nantais à Bourbon.

Un signe supplémentaire des liens noués entre Nantes et Bourbon est donné par l’auteur quand il écrit qu’à Nantes, “on persiste plus qu’ailleurs”, ajoutant que “selon C. Lloyd, il y aurait encore 80 négriers stationnés en 1831” dans ce port [78]. Bourbon, comme ceci va se passer au cours des décennies suivantes, offre à Nantes un relais. Celui-ci est pendant quelques années constitué par une traite “persistante”, à laquelle va s’ajouter de façon croissante le trafic du sucre et celui des engagés, ancré dans la traite. Mais il est certain que l’île Bourbon ne peut, à elle seule, suppléer à toutes les défaillances et il n’est donc pas étonnant que, comme l’indique O. Pétré-Grenouilleau, les ventes de navires négriers se multiplient à Nantes entre 1830 et 1834 et qu’en outre des “maisons” y soient “déclarées en faillite” [79].

D’ailleurs, la “très grande irrégularité des profits” provoque, à d’autres périodes, des “faillites spectaculaires”. Parmi les facteurs d’aléas figurent la conjoncture européenne, la concurrence sur les côtes africaines, les révoltes et le taux de mortalité sur les navires et, à l’issue des ventes, les “queues”, autrement dit “les rentrées tardives de capital du fait des avances consenties aux planteurs antillais”, dont il arrive parfois que les dernières s’échelonnent “plus de dix ans après la campagne négrière” [80].

Les “queues” concernent également Bourbon. Il faudrait aussi ajouter aux aléas retenus par l’auteur ceux de la navigation : si le trafic triangulaire, à travers l’Atlantique, offre des dangers, les négriers qui, partis de France, effectuent leurs “livraisons” dans l’Océan Indien affrontent des dangers encore plus grands, ne serait-ce qu’à cause de la longueur du trajet. Les tempêtes sont, par ailleurs, redoutables pour les bateaux de petit tonnage armés dans l’île.  Enfin, le risque d’être capturé - qui grandit avec le renforcement de la législation - pousse certains négriers, à utiliser des embarcations hors d’usage, ce qui diminue les coûts en cas de perte, mais augmente les souffrances de ceux qui sont à bord et les dangers qu’ils encourent.


Souffrance et mort

Dans son désir d’assurer à son successeur, et au gouvernement, que la traite a déserté Bourbon, Duval d'Ailly, après avoir évoqué la ruine des négriers, écrit : “Les habitants qui se sont procurés des noirs nouveaux les ont presque tous perdus par la maladie et ont compromis l'existence de leurs ateliers (...) ils paraissent avoir renoncé aujourd'hui de bonne foi à la traite” [81].

Les déplorables conditions de transport et l’absence de contrôle médical à l’arrivée ne sont pas préjudiciables qu’aux Noirs nouveaux, elles risquent, par leur intermédiaire, d’être une menace pour l’ensemble de la population [82].

Les habitants savent que divers fléaux peuvent venir des régions de traite. Ainsi, il arrive que les traitants débarquent des lépreux [83]. Mais les deux maladies les plus redoutées sont la variole et le choléra. Au XVIIIe siècle, à deux reprises, la variole a frappé Bourbon de façon meurtrière. Gilbert Gérard écrit qu’en 1729 le virus de cette maladie “fut introduit dans la Colonie, par des esclaves venus de Madagascar” [84]. En 1815, sont frauduleusement débarqués de l’Auguste des captifs varioleux [85]. En 1827, des Noirs atteints de variole sont saisis et contaminent la région de Saint-Denis où, malgré les vaccinations massives, la maladie sévit pendant un an, “alimentée par d’autres bâtimens négriers”, porteurs d’esclaves de la côte d’Afrique où sévit “cette affreuse maladie” [86].

Le choléra avait provoqué une hécatombe à Maurice, où certains médecins avaient conclu malencontreusement à l’absence de contagion [87]. Bien que cette épidémie ait été amenée par une frégate venue de Manille, avec relâche à Calcutta, la responsabilité des traites d’origine malgache ou africaine est évoquée par les contemporains. La maladie touche Bourbon mais, bien circonscrite, n’y tue que 200 personnes de janvier à mars 1820. Dans les années qui suivent, des cas de choléra sont signalés sur plusieurs négriers. Ainsi, toute arrivée d’esclaves devient “un fléau pour le pays, une cause constante d’inquiétude sur son état sanitaire”, mais elle est “aussi une source de ruine, car (...) à quel prix reviennent les noirs que l’on parvient à conserver ?”. Constat aggravé par le fait qu’en l’absence de toute épidémie on peut enregistrer une mortalité considérable dans les mois, voire dans les jours, qui suivent le débarquement [88].

Hubert Deschamps indique, pour sa part, qu’un tiers des esclaves ayant effectué le trajet, relativement court, Madagascar-Le Cap, mourait “après le débarquement” [89]. L’auteur ajoute qu’un quart des captifs était déjà mort “pendant la traversée”. Ces deux indications nous mettent sur la piste d’une recherche encore peu avancée dans cette zone. J’ai constaté que sur des distances qui semblaient courtes, la mortalité pouvait être plus élevée que sur de longues distances. Les causes accidentelles - révoltes, épidémies, tempête - étant écartées, et l’entassement et la nourriture semblant analogues, l’explication pouvait venir du temps mis à effectuer le trajet, notion que la clandestinité du trafic empêchait souvent de préciser [90].

Dans ses premiers travaux, J.-M. Filliot, partant des estimations de Toussaint et de Lougnon, propose des pourcentages de pertes sur les négriers qui effectuent leur trafic dans la trentaine d’années qui précèdent l’interdiction de la traite [91]. Lors de recherches ultérieures, J.-M. Filliot affine ses calculs, utilisant systématiquement les “procès-verbaux du jour de la mort” et les journaux de bord, avec leurs “petites croix latines dans les marges”. Il aboutit à des conclusions analogues : “Pour Madagascar, entre 1775 et 1807, sur 2 423 esclaves, la mortalité est de 12 %. Pour la côte orientale d’Afrique, entre 1777 et 1808, sur 15 109 esclaves, le pourcentage est de 21. Pour la côte occidentale d’Afrique, les estimations donnent entre 25 et 30 %. Quant à l’Inde, la mortalité devait y être de 20 à 25 % si l’on compare les temps de voyage” [92].

Sans négliger quelques cas isolés, comme celui de l’Espoir, il est à peu près certain que ces pourcentages ont dû s’élever pendant les années de traite illégale, dans la mesure où dans les deux ou trois décennies qui  suivent la période analysée par Filliot les conditions de navigation dans la zone évoluent peu alors que la clandestinité du trafic impose des souffrances plus grandes aux captifs.

Milius écrit au ministre que les négriers “semblent se faire un jeu de violer tout ce qu’il y a de plus sacré (l’honneur et l’humanité) pour satisfaire leur vile cupidité” et qu’il sont parvenus “par un rafinement de Barbarie à faire la traite sur des chaloupes de 8 à 10 Tx à bord desquelles ils trouvent le moyen d’embarquer jusqu’à 40 noirs”. Le gouverneur  ajoute que le Gagne-petit “est dans ce cas et qu’il est resté un mois à la mer avant de pouvoir mettre à terre sa cargaison cadavéreuse” [93].

On peut citer, par exemple, des négriers qui, outre leur équipage, arrivent à entasser de deux à cinq captifs par tonneau : 200 Noirs pour les 70 tonneaux des Deux-Frères II), 200 Noirs encore pour les  45 tonneaux. du Bon-Accord (II). Sur la Mouche (I), brick  de 198 tonneaux qui va devenir la Caroline, 460 captifs et sur le Victor (I), venu vraisemblablement de Bali, 260 “noirs malais” pour 93 tonneaux. Le voyage de la Joséphine (II) a été moins long, puisque ce négrier de 23 tonneaux vient de Madagascar, mais c’est peut-être lui qui, transportant 117 Noirs, détient le record d’un entassement inhumain avec plus de cinq captifs par tonneau [94].

S. Daget a comparé, pour l’époque de la traite illégale, les tonnages de quelques négriers partis de Bourbon à ceux de quelques négriers de Nantes : les premiers jaugent entre 12 et 50 tonneaux, les seconds, en moyenne 214 tonneaux. Pour ces navires nantais, Daget émet l’hypothèse d’un “surentassement à la mode portugaise”, avec une moyenne de 4,5 Noirs par tonneau [95].

Jean Boudriot, grâce aux archives du port de Rochefort, a établi la monographie d’un négrier nantais de 250 tonneaux. “Le nombre de captifs, écrit l’auteur est de l’ordre de 2,4 au tonneau”, dans les années 1785-1786 [96]. En “surentassant” jusqu’à plus de 5 captifs par tonneau, les négriers qui ont approvisionné Bourbon en traites clandestines ont donc largement dépassé les moyennes que l’on rencontrait sur des bâtiments nantais au temps de la traite “légale”.

Une énigme demeure : on ne mentionne pratiquement plus de grandes révoltes, d’atroces répressions et des tueries du type de celles que les traitants avaient signalées à l’époque antérieure. Faut-il conclure à l’absence de tels épisodes ou au silence des sources ? Je n’ai trouvé trace que d’un capitaine soupçonné d’avoir fait jeter des captifs à la mer; encore celui-ci affirme-t-il, quand on l’en accuse, que ce qu’on a vu tomber du pont n’étaient pas des corps mais des sacs de riz avarié [97].

Dans l’affaire de l’Alcyon en 1830, on ne dépasse pas non plus le stade des soupçons : le navire “aurait débarqué dans la partie du vent de l’île 126 noirs et un crime épouvantable aurait conduit à ce dernier crime; 144 noirs auraient été tués ou noyés pour comprimer une révolte à bord” [98]. On chuchote chez les habitants que l’Alcyon était parti prendre des Malais et que les esclaves se sont “rendus maitres du navire pendant six jours” avant d’être ramenés à la raison [99].

Faut-il souligner l’existence d’une autre énigme, de portée plus générale ? On lit dans un récent ouvrage de Nelly Schmidt qu’en ce qui concerne “la traite négrière transatlantique au XIXe siècle, (...) le taux de mortalité des traversées était de 20 à 30 %” [100]. Rendant compte de ce volume, Lawrence C. Jennings écrit que N. Schmidt soutient à tort “que 20-30 % des esclaves périrent dans la traite dans les années 1830 (chiffres extraits de quelques citations de Quakers, qui voulaient montrer l’horreur de la traite en exagérant ses méfaits), quand tout un corpus d’études quantitatives par des historiens de langue anglaise tels David Eltis et Stanley Engerman montre que le chiffre tournait autour de 10 à 15 %” [101].

Mon incompétence m’interdit de suggérer la moindre hypothèse en ce qui concerne le trafic transatlantique, mais le débat me laisse perplexe, surtout quand une certaine ambiguïté dans les formulations peut laisser croire au lecteur que les chiffres proposés ont une valeur quasi-planétaire.

En ce qui concerne l’Océan Indien, je pense qu’un taux de mortalité de 10 à 15 % est plausible pour le trafic Madagascar-Mascareignes, mais qu’il peut atteindre 20 à 30 % pour les trajets de longue durée. La marge d’erreur reste importante pour des périodes de traite clandestine, au cours desquelles il est souvent difficile - voire impossible - de chiffrer le nombre de captifs débarqués et, à plus forte raison, celui de captifs embarqués et celui des morts.

On lit dans la Feuille Hebdomadaire de l'Ile Bourbon que, quand elle était autorisée, la traite “amenait plus d'esclaves aux Colonies mais en enlevait moins” au continent africain [102]. Une telle opinion pourrait laisser entendre que, sensibles aux cruautés du trafic illégal, certains regrettent l’âge d’or d’une traite qui était bénéfique aux colons mais aussi aux Noirs. Les uns et les autres souhaiteraient donc le rétablissement de la traite légale. N’est-ce pas cette vision, mêlant l’utopie au cynisme, qui était proposée aux habitants de Bourbon, onze ans plus tôt ? On lisait dans un journal local : “1°- que la traite n'a été qu'un transport d'esclaves d'un pays dans un autre, 2°- que les nègres ainsi transportés gagnaient en bien-être moral et matériel” [103].

Lescouble, auteur d’un précieux texte où il note “les travaux et les jours” de sa plantation, fait partie des adeptes les plus fervents de la traite. Il n’est pourtant pas insensible à ses dangers. Prompt à berner l’administration, quand il s’agit d’acquérir des esclaves, il tient compte des mises en garde d’ordre sanitaire. Ainsi, fait-il état en 1829 de deux lettres, une “du mair et une de Mr Béting qui recommandent la plus grande surveillance sur les débarquements illicites, attendu qu’il existe une maladie terrible à la côte d’Affrique”. Un peu plus tard, Lescouble note que l’arrivée d’une traite provoque la perplexité d’acheteurs potentiels : “Camille a reconnu un des navires de Frédéric et il est dessendu de suite pour savoir ce qu’on ferait, vu les ordres sévères donnés à propos de la maladie” [104]. Il est vrai que le planteur a, dans ce domaine, déjà éprouvé des craintes : quelques mois plus tôt, il a acheté “six noirs”, de traite clandestine qu’il croyait être “de toute satisfaction” [105]. Dès le lendemain, il constate qu’un d’entre eux a “le cours de ventre et soufre”, avec “beaucoup de fièvre”. Je serai “peut-être assez chanceux, pour perdre celui-là et peut-être d’autres encore”, écrit-il. Le 3, le mal se confirme : “Le noir nouveau malade a la dissenterie et je crains fort qu’il ne tourne à mal”. Le 4, le malade va mieux. Le 5, le pronostic de départ redevient le bon : “Le malade est assez bien” [106].

Mais il est d’autres dangers que ces menaces d’épidémie : l’aggravation des sanctions dans les années 1820-1830 et les pertes financières ne sont pas les moindres. On estime aussi que le trafic introduit “des hommes dont les habitudes sauvages et barbares sont constamment un sujet d’inquiétude dans un pays à esclaves (...)”, alors qu’il est très important “pour le maître et pour l’ordre public d’avoir des noirs élevés sur l’habitation” [107].

A ces risques d’ordre intérieur s’ajoutent ceux qui proviennent d’interventions extérieures. Les colons ne peuvent ignorer le poids des pressions diplomatiques du Royaume Uni, même s’ils sont exaspérés par celles-ci. Ils savent, par ailleurs, que les abolitionnistes et autres philanthropes s’indignent des conditions atroces dans lesquelles s’effectue le transport. En outre, comme le fait observer Lancastel, “l’impudeur avec laquelle on fait la traite” risque d’irriter le Gouvernement et de fournir “un nouvel argument aux hommes qui parlent en France de supprimer l’esclavage ou d’abandonner les colonies” [108].

Dès les années 1820, des administrateurs, comme Milius, ont tenté de persuader les habitants de renoncer à la traite et d’user de formules de remplacement. Les sucriers les plus riches et les plus éclairés, comme les Desbassayns, ne sont pas hostiles à la venue d’engagés mais, dès l’origine, les liens que cette formule de travail libre entretient avec les pratiques de la traite et de l’esclavage sont évidents [109]. L'affaire de la Cécile fournit en 1823-1824 un exemple révélateur de la tentative de combinaison d'une traite clandestine avec le système d'engagement mis en place à l'île Sainte-Marie [110]. Très visible à Bourbon jusqu'en 1833, la traite clandestine, sans changer vraiment de nature, s'oriente précocement vers la “fourniture” de travailleurs dits “libres”, dont les premiers représentants sont recrutés en Inde en 1828. Les trafiquants profitent de l'étonnante conjonction dans l’île des deux systèmes de production, pendant une vingtaine d'années, pour se couler dans le moule du coolie trade. Système dont les employeurs de Bourbon useront bientôt à grande échelle, demandant à l'Inde mais aussi à l'Afrique et à Madagascar une abondante main-d'œuvre. De ce type de trafic, les Britanniques vont montrer qu'ils ne veulent pas être dupes, rangeant pendant des décennies, sous le titre Slave Trade, nombre d'affaires de transports d'engagés, surtout quand ces derniers sont des Africains ou des Malgaches [111].

À l’instant de conclure, je suis tenté de souscrire à la remarque d’O. Pétré-Grenouilleau : “Par la pluralité de ses dimensions, par sa position, à l’intersection sur la longue durée d’une bonne partie des systèmes-mondes planétaires, (la traite) devrait naturellement trouver sa place dans une histoire évolutive comparée des sociétés, des civilisations et des économies” [112]. Mais ce souhait, qui nous entraîne vers une “macro-histoire”, ne devrait pas nous détourner d’une autre tentative, celle de cerner le visage de ceux qui furent l’objet du trafic clandestin.

Percer le silence apparent des esclaves d’une plantation représente déjà pour le chercheur une enquête presque impossible. A plus forte raison est-il démuni pour approcher les enfants, les femmes, les hommes qui composent ces cargaisons de navires, cargaisons mouvantes, illégales et secrètes. Le souvenir embrumé de l’épouvantable voyage a survécu dans quelques récits mais ceux-ci ne donnent que peu d’informations, au-delà de l’expression de sentiments de peur, de souffrance, de fureur. Il faut donc s’en tenir presque toujours aux documents, rares et mutilés, dont nous avons fait état. Et déplorer que les captifs y figurent non seulement à travers des regards et des mots qui leur sont étrangers mais aussi rarement en qualité d’êtres humains. Marchandises prohibées aux premiers temps de l’interdiction de la traite, ces “déportés” figurent dans la liste des objets qui révèlent un délit, avant que le législateur ne les range dans la catégorie des indices qui signalent l’existence d’un crime.

Ce trafic, affaire de police pour les uns, affaire de survie pour les autres, soumet les chercheurs qui s’y consacrent aux affres que doivent éprouver ceux qui reçoivent mission de conduire une enquête sur des forfaits dont les auteurs ont effacé les traces. Sur ce qui pourrait paraître essentiel, qui serait d’écouter, de lire, les captifs, il faut renoncer. Pour le reste - noms, nombres, lieux, dates, profits... - les indications sont fragmentaires, les certitudes manquent. Mais l’usage conjoint de diverses sources permet  de progresser : documents administratifs et judiciaires, minutes notariales, sources orales offrent un champ accessible et parfois encore mal exploré.

Les archives privées, correspondance familiale ou d’affaires, journaux intimes, documents conservés par des congrégations religieuses, des maisons de commerce ou des associations peuvent réserver d’heureuses surprises.

Des spécialistes de la traite atlantique sont arrivés à utiliser ce type d’archives, qui ont largement fait progresser nos connaissances.

En ce qui me concerne, la générosité avec laquelle on m’a permis de consulter des archives privées m’a aidé à mieux analyser les phénomènes d’esclavage et d’engagisme aux Mascareignes. Ceci est un encouragement à poursuivre la tâche.



[1] Pour plus de détails, on peut se reporter à H. Gerbeau, “La traite esclavagiste dans l'Océan Indien du XVe au XIXe siècle; problèmes posés à l'historien, recherches à entreprendre”, in Histoire Générale de l'Afrique, Etudes et Documents, vol. 2, La Traite négrière du XVe au XIXe siècle, Paris, UNESCO, 1979, p. 194-217 - ou aux diverses traductions du volume.

[2] L'esclavage aux Antilles Françaises (XVIIe-XIXe siècle). Contribution au problème de l'esclavage, Fribourg (Suisse), Editions Universitaires, 1965, XV-213 p. (p. 2). J'ai présenté l'ouvrage et quelques-unes des interrogations qu'il suscite dans “Un mort-vivant : l'esclavage”, Présence Africaine, Paris, n° 61, 1er trimestre 1967, p. 180-198. L'étude d'A. Gisler, revue et corrigée, a été rééditée sous le même titre qu'en 1965, chez Karthala (Paris, 1988, 228 p.).

[3] Expression que j’emprunte au titre d'un volume dont Sidney W. Mintz a dirigé l'édition : Esclave = facteur de production. L'économie politique de l'esclavage, Paris, Dunod, 1981, XVII-271 p.

[4] Le volume né de ces réflexions s'intitule Les esclaves noirs. Pour une histoire du silence (Paris, Edit. A. Balland, Coll. R, 1970, 217 p.). Sur proposition du Conseil général de la Réunion, le livre a été réédité en 1998 (Saint-André, Océan Editions et Département de la Réunion, avec la participation de la Région Guyane, 2e édition revue et corrigée, 196 p.).

[5] Bulletin trimestriel du Cercle généalogique de Bourbon (BTCGB), n° 54, décembre 1996, “Les sources de l'histoire de Saint-Benoît”, p. 1710-1713 (p. 1713). En paraphrasant le directeur des Archives, qui suggère en termes diplomatiques le peu d’innocence de telle ou telle destruction opérée, on pourrait ajouter que “les traces du passé sont d’autant plus fragiles” qu’elles menacent la bonne conscience ou les intérêts d’un groupe qui a pouvoir de les détruire.

[6] Archives privées maçonniques conservées à la Réunion (APMR) : Registre des tenues du “ G... Conseil et du G... Consistoire des 30e, 31e et 32e Degré ” (du 4 février 1841 au 9 août 1880), II-91 p.  (p. 32-34).

[7] “Le livre rouge de l'abbé Davelu, curé de Saint-Paul”, par Robert Merlo, BTCGB, n° 53, octobre 1996, p. 1661.

[8] C’est le cas, par exemple, d’une des liasses contenues dans le carton 174 M 1.

[9] “Quelques aspects de la traite illégale des esclaves à Bourbon au XIXe siècle”, Mouvements de populations dans l'Océan Indien, Paris, Champion, 1980 - et non 1979 comme imprimé sur la première de couverture - 462 p. (p. 273-308, cf. p. 273).

[10] “La traite atlantique : nouvelles interprétations”, in Katia de Queiros Mattoso (dir.), Esclavages. Histoire d’une diversité de l’Océan indien à l’Atlantique sud, Paris, Centre d’Etudes sur le Brésil, L’Harmattan, 1998, 195 p. (p. 31-53 - cf. p. 31).

[11] Introduction au volume La répression de la traite des Noirs au XIXe siècle. L’action des croisières françaises sur les côtes occidentales de l’Afrique (1817-1850), Paris, Karthala, 1997, 625 p. (p. 11). L’auteur ajoute que “la côte orientale d’Afrique, les Mascareignes, les Seychelles sont exclues” de cette étude (ibid). Cet ouvrage représente l’édition du texte, revu et abrégé, de la thèse de doctorat d’Etat soutenue par S. Daget en 1987. L’auteur, prématurément décédé, n’avait pu réaliser cette édition. Ce travail a été effectué par Eric Saugera, un des ses anciens étudiants.

[12] Archives Départementales de la Réunion, Sainte-Clotilde, île de la Réunion (ADR), 15 K 11, séance du 25 mars 1822 : le gouverneur de Freycinet informe les membres de son conseil que les officiers de “la goélette du Roi” la Bacchante, et Frappaz qui commande cette dernière, ainsi que plusieurs officiers de “la flute du Roi” la Normande, sont compromis dans le trafic illicite à Madagascar.

[13] Des précisions sur ce sujet figurent dans une communication que j’ai présentée au colloque international de l'Indian Council of Historical Research, organisé à New Delhi en 1989 : “The Indians of the Mascarenes. A Success in Diaspora : Mauritius and Réunion (17th-20th centuries). Texte remanié et publié sous le même titre dans Bengal Past and Present. A Journal of Modern Indian and Asian History, Calcutta Historical Society, vol. 116, n° 222-223, parts 1-2, 1997, p. 35-79). La version française a paru dans l’Annuaire des Pays de l'Océan Indien,  vol. XII, 1990-1991, Aix, Paris, PUAM-CNRS, 1992, p. 15-45, “Les  Indiens des Mascareignes. Simples jalons pour l'histoire d'une réussite (XVIIe-XXe siècle)”. Marina Carter a bien voulu se charger de la traduction anglaise destinée à la revue de Calcutta.

[14] On peut lire en 1ère de couverture de La suite de Langouti (s.l.n.d., 34 p.) : “JE SUIS TEVANIN SINGAÏNY Daniel Descendant d’Esclaves”. L’auteur ajoute que les membres de sa famille paternelle “étaient engagés sur la propriété de Villèle. Village très marqué par l’esclavagisme.” (p. 15). Dans une autre brochure (Langouti, Villèle, Saint-Gilles les Hauts, ronéo de Chapelle-la-Misère, 1982, 38 p.), D. Singaïny écrit : “Oui amoin minm malbar rénioné” (p. 8) et, plus loin, “Lesklavaz lé pa fini” (p. 18). En 4e de couverture, on lit que l’auteur est né en 1943, que dès l’âge de 12 ans il a aidé son père dans son travail d’agriculteur et de “prêtre”, puis a créé en 1967 “la Sapel la Mizer”, symbole de la “rolizion malbar popilèr ek son kontenu révolisionér”, qui veut mobiliser le peuple “pou so prop libérasion”.

[15] “Les immigrés indiens descendants des anciens esclaves évoqués par F. Lacpatia”, écrit I. Hoarau (“La littérature réunionnaise”, Bulletin d’information du CENADDOM, n° 73, 1er trimestre 1984, p. 54-61 - p. 59). Or, si la vie et les souffrances des engagés libres sont retracés dans Boadour, du Gange à la Rivière des Roches, le roman de Lacpatia, ce dernier n’évoque absolument pas les esclaves indiens. Si l’on s’en tient à la définition du Robert, “descendant” signifie qui “est issu d’un ancêtre”. I. Hoarau  a-t-elle usé d’un terme impropre en écrivant “descendant” au lieu  de “successeur” ? A-t-elle considéré que les termes “esclave” et “engagé” étaient synonymes ?

[16] La bonne société créole a, par exemple, usé dès le XIXe siècle du terme “noir”, qu’elle réservait aux esclaves, pour désigner des engagés indiens : tel est le cas du P. Levavasseur (Archives privées de la Congrégation du Saint-Esprit, Chevilly (ASE), Bte. 232, A I, Bourbon, lettre adressée par le missionnaire à son supérieur, le P. Libermann, le 13 décembre 1842). En revanche, un de ses confrères d’origine métropolitaine prend soin d’indiquer que lesdits Indiens sont des gens libres (ASE, Bte. 232, A III, Bourbon, Rivière des Pluies, 6 novembre 1844, lettre du P. Blampin à sa grand-mère).

[17] C.-O. Barbaroux De l'application de l'amnistie du 8 mai 1837 aux condamnés de l'île Bourbon et du mémoire de M. Houat, I'un des amnistiés, Paris, J. Gratiot et J.-B. Gros, s.d. (1838), 88 p. (p. 54-55). Le complot, dit de Saint-André, pour lequel Houat était poursuivi, unit des esclaves et des hommes de couleur libres.

[18] On remarque le décalage chronologique : ce qui pouvait être vrai lors de l’Abolition de 1794 décidée par la Convention ne l’était évidemment plus en 1810, année de l’installation des Britanniques aux Mascareignes. Dans le premier cas, maints propriétaires d’esclaves, soucieux de préserver leur fortune, avaient  manifesté leur sympathie à une métropole attachée à l’institution servile, dans le second ils ne pouvaient ignorer que l’interdiction de la traite, décidée par les Anglais en 1807, compromettait la survie de l’esclavage. Ce type de glissement, fréquent dans la transmission de traditions orales, semble confirmer que Madame Hoarau-Dupont fait ici état de récits qu’elle a entendu raconter et non d’informations recueillies dans un ouvrage.

[19] Entretien qui m’a été accordé à la Réunion, le 12 avril 1977, près de Saint-Pierre, au domaine de “La Vallée”. G. Hoarau-Dupont, née dans une famille de la bourgeoisie créole, passe le baccalauréat à la Réunion puis réside sept ans à Paris, d’où elle revient avec un diplôme de dentiste. Elle épouse en 1937 un ingénieur et en 1942, à la mort de son père, s’installe sur la propriété de La Vallée, dont elle va diriger l’exploitation. En évoquant les calomnies colportées “par des gens malfaisants”, elle se réfère au contenu d’une “mémoire populaire” qui attribue à O. Desbassayns les pires méfaits dont des esclaves aient pu pâtir. En prenant la défense de la grande propriétaire, connue pour son hospitalité, G. Hoarau-Dupont s’appuie sur le témoignage de contemporains qui ont bénéficié de ses largesses et dont les récits ont nourri une “mémoire aristocratique”, celle qui s’efforce aussi de transmettre l’idée qu’à Bourbon l’esclavage était plus “humain” qu’ailleurs.

[20] Le texte issu de ces entretiens a été publié sous une double signature : Gabrielle Hoarau-Dupont et Constance Wong-Hee-Kam, Autour d’un domaine créole, Saint-Joseph, Réunion, Imprimerie-librairie Ganowski, 1966, non paginé (22 p.), ill. (cf. p. 8). “Ma domesticité actuelle et plusieurs de mes colons sont les arrières petits-fils d’esclaves libérés chez mes grands-parents”, explique G. Hoarau-Dupont (ibid., p. 9. Il faut entendre ici le terme “colons” dans le sens, habituel à la Réunion, de “métayers”).

[21] Madame B. a bien voulu m’accorder cet entretien le 6 août 1983. Elle vivait alors près de Nice.

[22] Préface à L’argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier, 1996, VII-423 p. - p. III-VII (cf. p. IV-V). Les formules “capitalisme aventureux”, “loterie” sont employées à la p. 66 par O. Pétré-Grenouilleau. Ce volume constitue la version remaniée et allégée d’une thèse de doctorat, soutenue en 1994, à l’Université de Rennes 2 Haute-Bretagne, sous le titre : “Milieu maritime et monde moderne. Le milieu négrier nantais du XVIIIe siècle à 1914. Contribution à l’étude des rapports entre dynamique sociale et histoire”.

[23] ADR, Fonds Wetzell, 5 J 20, “Mémoire sur les Etablissements de Sucrerie de l'Isle de Bourbon...”, adressé au Ministère de la Marine et des Colonies, le 12 avril 1822, par Gaudin, ingénieur en chef.

[24] Notice sur “l’Habitation Monrose” in Benoît Jullien (coordonnateur) et al., Ile de La Réunion. Regards croisés sur l'esclavage (1794-1848), Paris, Somogy Editions d'art et CNH, La Réunion, 1998, 287 p. - p. 43.

[25] Tant à Paris qu’à Bourbon, les autorités considèrent que le Bois-Rouge est le siège d’un “trafic éhonté” et qu’un des habitants qui y réside est “l’agent principal de la traite” : ADR, 174 M 1, Cheffontaines à Lancastel, 5 juillet 1828 et ADR, 174 M 2, Lancastel à Cheffontaines, brouillon de lettre du 8 juillet 1828. (La série M est en cours de classement aux ADR. Des tables de concordance entre anciennes et nouvelles cotes y sont à la disposition des lecteurs).

[26] Jean Barassin,  “L’esclavage à Bourbon avant l’application du Code Noir de 1723”, in Recueil de documents et travaux inédits pour servir à l'histoire de la Réunion (RD), ADR, Nérac, G. Couderc, n° 2, 1956, p. 19-20. Du même auteur : Bourbon des origines jusqu’en 1714, Saint-Denis, Impr. Cazal, 1953, XXI + 448 p. (en particulier p. 200) : un document daté du 27 mai 1687 fait état de la cession à un habitant de Bourbon d’un jeune esclave indien amené par un moine portugais dans l’île. Le terme “noir”, ou “Noir”, y devient synonyme d’esclave.

[27] Cité par J. Barassin, “L’esclavage à Bourbon...”, art. cit., p. 15.

[28] La Traite des esclaves vers les Mascareignes au XVIIIe siècle,  Paris, ORSTOM. 1974, 274 p. - p. 62 et 69. Bourbon entre à peu près pour moitié dans le total de ces traites. Dans une communication postérieure, l’auteur propose, pour l’essentiel, la même répartition que celle que l’on trouvait dans sa thèse, mais au lieu des 40 % d’Africains de la côte orientale, l’auteur penche vers 45 %, alors qu’il attribue non plus 45 mais 40 % à Madagascar (“La traite vers l’Ile de France. Les contraintes maritimes”, in Slavery in South West Indian Ocean, ed. by U. Bissoondoyal and S.B.C. Servansing, Moka, Mahatma Gandhi Institute, 1989, (XV)-406 p. (p. 84-95 - cf. p. 85).

[29] The Expedition to Mauritius in 1810 and the establishment of British control,  thesis, M. A. (dactylogr.), London, 1931, p. 94.

[30] La Traite des esclaves vers les Mascareignes au XVIIIe siècle, 1974, op. cit., p. 66. L’auteur cite cinq “arrêts” datés respectivement du 20 septembre et 29 octobre 1794, 24 juin 1795, 16 février 1797 et 22 février 1798, tous conservés sous la cote AM, Z 3 B.

[31] C. Wanquet, La France et la première abolition de l’esclavage (1794-1802). Le cas des colonies orientales, Ile de France (Maurice) et La Réunion, Paris, Karthala, 1998, 724 p. (p. 325). Gaston-Martin avait lui-même souligné l’importance de ce refus (Histoire de l’esclavage dans les colonies françaises,  Paris, PUF, 1948, p. 239).

[32] C. Wanquet, La France et la première abolition de l’esclavage (1794-1802)..., 1998, op. cit., p. 702. Le 17 juillet 1802, Richepance rétablit l’esclavage à la Guadeloupe.

[33] Eric Saugera, “Les armements négriers français vers l’Océan Indien sous le Consulat”, in Révolution Française et Océan Indien.Prémices, paroxysmes, héritages et déviances, textes réunis par Claude Wanquet et Benoît Jullien, Paris, L'Harmattan, 1996, 526 p. (p. 103-112). La citation reproduite par E. Saugera est extraite d’un texte publié par L’Echo de Bordeaux du 26 frimaire an X.

[34] Histoire des îles Mascareignes, Paris, Berger-Levrault, 1972, 351 p. (p. 189).

[35] Malgré l’interdiction de 1807, l’occupation des Mascareignes par les Britanniques avait eu peu d’incidence sur le trafic dans les années 1810-1815. Mais le retour de Bourbon à la France est assorti de l’obligation faite à Louis XVIII d’y supprimer la traite. La mesure entre en application en 1817. Or, l’île qui exporte 573 tonnes de sucre brut vers la France en 1818, va en exporter 18 360 tonnes en 1836 (Notices statistiques sur les colonies françaises imprimées par ordre de M. le vice-amiral de Rosamel, ministre secrétaire-d'Etat de la Marine et des Colonies, seconde partie, Bourbon, Guyane française, Paris, Imprimerie royale, 1838, p. 11).

[36] Essai de statistique de l'île Bourbon, Paris, Bachelier, 1828, 2 t., 294 et 402 p. (t. 2, p. 38-39). Sur les débuts et les progrès de la plantation et de l'industrie sucrières à Bourbon, on consultera les deux thèses et plusieurs publications de Sudel Fuma, ainsi que les travaux de Jean-François Géraud, qui prépare une thèse sur l’archéologie industrielle des usines sucrières dans l’île.

[37] Couleur et Liberté. Le jeu du critère ethnique dans un ordre juridique esclavagiste. Tome I : L'affranchi dans les possessions françaises de la Caraïbe (1635-1833), Paris, Dalloz, 1967, 312 p. (p. 9).

[38] Dans sa thèse, C. Wanquet utilise comme base de départ ce nombre mais pense qu’il est “notoirement faux” (Histoire d'une Révolution. La Réunion 1789-1803, Marseille, J. Laffitte, 1980-1984, 3 t., 779, 514, 622 p. - t. 1, p. 43).

[39] C’est le cas de P.A. Monneron qui estime que les esclaves de Bourbon sont plus de 70 000 en 1788 (C. Wanquet, La France et la première abolition de l’esclavage (1794-1802)..., 1998, op. cit., p. 12).

[40] ADR, L 86, “Mémoire de M. de Chanvalon, sous-préfet...”, 3 germinal An XII (24 mars 1804). Cf. aussi Louis Maillard, Notes sur l'île de la Réunion (Bourbon), Paris, Dentu, 1867, 344 p. + Annexes - cf. p. 295. Pour l’ensemble de Bourbon, on a donc en 1804 environ 3,40 esclaves pour une personne libre, ou, si l’on compte à part les Libres de couleur, 4,16 esclaves pour un Blanc.

[41] En effet, 540 naissances et 3 976 décès ont été déclarés au cours de cette période. La population servile aurait dû diminuer de 3 436 individus, elle en compte 3 168 de plus. Pour les années 1818 à 1823 l’excédent moyen annuel de décès sur les naissances était de 1 423, il est de 1 713 pour 1824 et 1825. Il faudrait tenir compte aussi des affranchissements mais on peut considérer ceux-ci comme négligeables : il y en a par exemple 9 en 1825 (Essai de statistique ..., op. cit., t. 1., p. 221, t. 2, p. 182 et 319-320).

[42] Centre des Archives d’Outre-Mer (Archives Nationales), Aix-en-Provence (CAOM), Réunion, C 174, d 1402, “Mémoire sur l’abolition de l’Esclavage dans les Colonies françaises et principalement à l’Ile Bourbon”, 1839, p. 133. Lancastel, qui est lui-même l’auteur d’un volume de Statistique, est directeur de l’Intérieur. Dans le même passage, Barbaroux fait état du caractère approximatif des recensements et considère qu’ils n’ont été “réellement exacts que depuis les trois dernières années”. L’amélioration est en effet perceptible vers 1836 mais on semble loin encore de l’exactitude.

[43] Thomas, Essai de statistique ..., t. 1, p. 221 : en 1815, 49 369 esclaves; en 1818. 54 259. CAOM, Réunion, C 174, d 1402, “Mémoire...”, p. l32, Etats officiels cités par Barbaroux.

[44] 111 sur la Cécile, en janvier 1824, 7 sur la Mouche (I) en novembre 1825, 14 sur l’Hersilie  en décembre 1825, 32 sur la Sémillante en août 1825 et 260 sur le Victor (I) , dont les Noirs arrivent en juillet 1825 mais ne sont confisqués que le 2 janvier 1826. Les références d’archives et quelques précisions sur ces traites se trouvent dans le tableau, d’une cinquantaine de pages, des “Bateaux de traite illégale en activité à Bourbon”, qui figure dans la thèse de doctorat d'Etat que je dois prochainement soutenir à Aix-en-Provence (“L'esclavage et son ombre : l'île Bourbon aux XIXe et XXe siècles”).

[45] Huit bâtiments sont signalés en 1824, dont deux restent anonymes. Deux autres sont signalés en 1825. S’y ajoutent pour ces deux années quelques navires qui sont seulement soupçonnés. Lors du colloque de 1972, je n’avais retrouvé la trace que de six navires négriers pour les années 1824 et 1825. Des esclaves avaient été saisis sur quatre d’entre eux, et pour trois de ceux-ci je disposais des nombres (7, 32 et 14 individus) : “Quelques aspects de la traite illégale...”, in Mouvements de populations..., 1980, op. cit., p. 292.

[46] Pour établir ce total, on a considéré que si le même nom est attribué à des bateaux qui sont impliqués dans des affaires différentes, avec - dans la mesure où ils sont mentionnés - des équipages, des propriétaires et des armateurs différents, il est vraisemblable que chacun de ces noms désigne non pas un mais deux ou plusieurs bâtiments. Nous affectons un numéro à ces bateaux pour distinguer ce qu’en première hypothèse nous considérons comme des cas d’homonymie, soit 26 bateaux différents. L’activité négrière de 21 d’entre eux étant prouvée, ces derniers sont inclus dans le total de 80.

[47] L’activité négrière de 5 des 26 bateaux individualisés dans la note précédente est probable ou envisageable, ils sont donc inclus dans le total de 31. Si - hypothèse peu vraisemblable dans la plupart des cas - on supposait que chaque nom ne représente qu’un bateau, on comptabiliserait non pas 26 mais 11 bâtiments. On n’obtiendrait plus un total de 80 + 31, soit 111 bateaux, mais de 111-15, soit 96 bateaux.

[48] Avec 15 bateaux, nous optons pour l’hypothèse qui semble maximale, mais l’imprécision des formules utilisées dans les documents ne nous permet pas de trancher entre ce nombre et celui de 11 bateaux, qui représente l’hypothèse minimale. Si on optait pour cette dernière et qu’on choisisse en outre l’hypothèse minimale des 96 bateaux “nommés”, il faudrait envisager un total non plus de 143 bateaux mais de 96+14+11+1+2, c’est-à-dire 124, minimum irréfutable et certainement très en-dessous de la réalité.

[49] Archives Nationales de l'île Maurice, Coromandel, Mauritius (AM), SA 1, 7-29, Rapport du procureur général Virieux, Port-Louis, 25 février 1814.

[50] ADR, 1 J 19/3 (“Journal d’un colon (...)”, Jeudy 15 déc. 1814). Un des navires fait l’objet de soupçons mais la traite de l’autre est attestée en décembre.

[51] ADR, 47 M 2, “Récapitulation des faits reprochés par Romain Desfossés”. Le détail s’en trouve dans la réponse du gouverneur Bazoche au ministre (lettre n° 555, datée du 30 novembre 1845).

[52] Viennent d’Afrique occidentale les traites de la Magicienne (ex-Lutine) du Diligent (ou Diligent II ?), de l’Orphée, et peut-être de l’Apollon I et de la Chevrette.

[53] ADR, 45 M 5, lettre du gouverneur au ministre, n° 87, 10 mars 1820 (à propos des affaires de la Fara et de l’Eglée). Tamatave, on l’a vu, semble être le port le plus fréquenté par les négriers. Gwyn Campbell, qui pensait que le Mozambique jouait au cours de cette période un rôle dominant dans la fourniture d’esclaves aux Mascareignes a nuancé son propos initial : “Madagascar and Mozambique in the Slave Trade of the Western Indian Ocean, 1800-1861”, in  The Economics of the Indian Ocean Slave Trade in the Nineteenth Century, ed. by Gervase Clarence-Smith, London, F. Cass, 1989, VII-222 p. (p. 166-193 - cf. p. 169).  Richard B. Allen vient d’ailleurs de montrer l’importance des apports malgaches à Maurice : “A traffic of several nations : the Mauritian Slave Trade”, in History, Memory and Identity : the Origins of Mauritian Slaves,  Edward A. Alpers and Vijaya Teelock, eds., 2001.

[54] ADR, 45 M 10, lettre du gouverneur de Cheffontaines au ministre, n° 19 du 12 janvier 1828. Pulo-Nyas (ou Poulo Nias) est une petite île située à l’ouest de l’île de Sumatra.

[55] Ainsi M. Ho relève un total de 70 406 esclaves au 31 décembre 1835, en soustrait 1 672 individus, qui représentent le total des disparitions de 1836, et obtient une “population théorique” de 68 734 esclaves au 31 décembre 1836, alors que leur “population recensée” est de 69 296. Au 31 décembre 1847, la “population théorique” est de 55 086 esclaves et la “population recensée” de 60 260 esclaves (“Données statistiques et hypothèses économiques sur la traite, les affranchissements et le prix des esclaves à la Réunion (1837-1847)”, Cahiers des Anneaux de la Mémoire, revue annuelle, n° 2, Nantes 2000, p. 61-93 (p. 71-72).

[56] Les croisières françaises de répression de la traite des Noirs sur les côtes occidentales de l’Afrique (1817-1850), thèse pour le doctorat d’Etat, Paris IV, 1987, 2 t., XIV-596 p. et 297 p. Cf. t. 1, 1987, p. 526-529. Le texte signé le 29 mai comporte onze articles. L’un d’eux prévoit qu’une croisière anglaise surveillera la côte orientale d’Afrique.

[57] “Révolution ajournée : Bourbon et la traite illégale française (1815-1832)”, in Révolution Française et Océan Indien..., op. cit., p. 333-346. Daget estime que les 94 navires qu’il a pu repérer dans les archives, ou dans des travaux antérieurs à sa communication, ont débarqué à Bourbon 20 600 Noirs entre 1815 et 1831 (p. 336-337).

[58] Pour les mêmes raisons qu’à Bourbon, le comptage de Noirs nouveaux y est presque impossible. S’y ajoutent certaines spécificités, comme le fait que les esclaves enregistrés aux Seychelles, devenues elles aussi anglaises, soient admis à Maurice sans formalités. Des transferts d’esclaves sont ainsi réalisés, parmi lesquels les Noirs de traite illégale peuvent être nombreux (cf., par exemple, aux Archives Nationales des Seychelles (AS), Victoria, Mahé, Seychelles, B/2, 15 mars 1827 : Charles de Quincy et ses deux sœurs peuvent emmener 80 esclaves des Seychelles à Maurice;  B/3, 3 août 1827 : même autorisation accordée à Madge pour 79 esclaves; B/7, 12 décembre 1832, le transport de 14 esclaves domestiques à Maurice est autorisé, etc.).

[59] “The application of British slave policy to Mauritius, 1810-1835”, Université de Paris III, 1984, 258 p. dact.

[60] C. Wanquet, “La traite illégale à Maurice à l’époque anglaise (1811-1835)”, in De la traite à l'esclavage, éd. Serge Daget, Nantes, Centre de recherche sur l'Histoire du monde atlantique et Paris, Société française d'histoire d'outre-mer, 1988, t. 1 : du Ve au XVIIIe siècle, XXX-551 p.; t. 2 : XVIIIe-XIXe siècles, 733 p. - cf. t. 2, p. 451-465.

[61] Vijaya Teelock, Bitter Sugar. Sugar and Slavery in 19th Century Mauritius, Moka, Mauritius, Mahatma Gandhi Institute, 1998, IX-326 p. (l’auteur a soutenu en 1994 une thèse intitulée “Bitter Sugar : Slavery and Emancipation in 19th Century Mauritius”, Ph.D thesis, University of London).

[62] Slaves, Freedmen and Indentured Laborers in Colonial Mauritius, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, XVII-221 p. (p. 14-15).

[63] Slaves, Freedmen and Indentured Laborers in Colonial Mauritius, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, XVII-221 p. (p. 14-15).

[64] “The Mascarene slave trade during the Eighteenth and Nineteenth Centuries : a reassessment”, 17 p. dact. (p. 8). Document provisoire que l’auteur m’a communiqué avant sa présentation à l’atelier organisé par Gwyn Campbell à l’Université d’Avignon, du 18 au 20 mai 2000, sur “Les systèmes d’esclavage en Asie et dans l’Océan Indien”. Allen a apporté quelques corrections à cette étude et en a élargi le champ dans une communication intitulée “The Mascarene slave trade and labor migration in the Indian Ocean during the Eighteenth and Nineteenth Centuries”, 21 p. dact. (workshop on “Reasserting Connections, Commonalities, and Cosmopolitanism : The Western Indian Ocean Since 1800”, Yale University, 3-5 November 2000).

[65] CAOM, Réunion, C 85, d 558, Bourbon, 8 novembre 1832, copie du Mémoire remis par M. Duval d'Ailly, ex-gouverneur de Bourbon au contre-amiral Cuvillier son successeur (...), annoté par deux fonctionnaires du Ministère.

[66] Archives privées de la famille Ricquebourg-Brunet, “A mon Fils. Mes souvenirs par Sully-Brunet” manuscrit de VII-411 p. - qui m’a été aimablement communiqué par M. L. J. Camille Ricquebourg -  p. 67 et 69.

[67] CAOM, Réunion, C 37, d 297, extrait des délibérations du Conseil privé.

[68] ADR, 42 M 12, note établie à Paris le 20 septembre 1820 par les parents de Busschop et jointe à la lettre qu’adresse le ministre au gouverneur le 7 mars 1821.

[69] ADR, 42 M 12, pièce jointe à la lettre du ministre. L’Espoir , qui pratique aussi la traite sous le nom de la Bamboche et de la Fara, Phara ou Sara, est un négrier notoire.

[70] Alfred et Guillaume Grandidier, Collection des ouvrages anciens concernant Madagascar, tome III (de 1640 à 1716), Paris, 1905, p. 511. Ernestine Carreira rappelle que tel auteur évoque, par ailleurs, des profits de 1 000 % (“Au XVIIIe siècle : l’Océan indien et la traite négrière vers le Brésil”, in Katia de Queiros Mattoso (dir.), Esclavages. Histoire d’une diversité..., 1998, op. cit., - p. 55-89, cf. p. 88, n. 89).

[71] L’argent de la traite..., 1996 op. cit., p. 65-66.

[72] “La traite atlantique : nouvelles interprétations”, art. cit., in Esclavages. Histoire d’une diversité..., 1998, op. cit., (p. 31-53 - cf. p. 44).

[73] Histoire d'une Révolution..., op. cit., t. 3, p. 113.

[74] Les croisières ..., thèse, 1987, op. cit., t. 1, p. 304.

[75] F. Donnet, “Quelques notes sur le commerce des esclaves en Belgique”, Bulletin de la  Société de géographie d'Anvers, n° 46, 1926, p. 6-37 (p. 23).

[76] Feuille Hebdomadaire de l'Ile Bourbon, n° 1524, 15 mars 1848, p. 3.

[77] Ibid, p. 227.

[78] L’argent de la traite..., op. cit., p. 198. L’ouvrage de C. Lloyd, intitulé The Navy and the Slave Trade in the Nineteenth Century, a été édité à Londres en 1949 (cf. les p. 46-50 de cette étude).

[79] L’argent de la traite..., p. 198. L’auteur précise que ces faillites permettent de solder des affaires et de reprendre pied dans une autre activité. Elles sont, en somme, un artifice

[80] Ibid., p. 66.

[81] CAOM, Réunion, C 85, d 558, Bourbon, 8 novembre 1832, copie du Mémoire remis (...) au contre-amiral Cuvillier (...), annoté par deux fonctionnaires du Ministère.

[82] Pour plus de détails, on peut se reporter à H. Gerbeau, “Maladie et santé aux Mascareignes : une histoire aux prises avec l'idéologie”, in Au visiteur lumineux. Des îles créoles aux sociétés plurielles. Mélanges offerts à Jean Benoist (Jean Bernabé et al. éd.), Petit-Bourg (Guadeloupe), Ibis rouge éditions, 2000, 704 p. (p. 557-574).

[83] ADR, future série U, en cours de classement (fut.U), 21 212-57-2, n° 24, lettre adressée au juge de Paix de Saint-Paul, 19 juillet 1823.

[84] “Les grandes épidémies à la Réunion pendant la colonisation”, thèse de médecine, Rennes, 1969, 104 p. dact. - dont 81 paginées (p. 15).

[85] ADR, future série U, en cours de classement (fut. U), 21 211-57-1, n° 15, brouillon d’une lettre adressée le 9 octobre 1815 par le procureur (?) à l’ordonnateur.

[86] ADR, 174 M 1, lettre du directeur de l’Intérieur au gouverneur, 11 juin 1828.

[87] AM, IB 22/23, “Cholera-morbus mortality return (19 Nov. 1819-19 Jan. 1820)”, rapport du 29 novembre 1819.

[88] Ainsi, 415 Noirs, qui ont survécu à la traversée, sont saisis sur trois négriers en septembre 1827. En quelques mois, 142 d’entre eux, soit plus du tiers, meurent à l’Atelier colonial malgré le repos et les suppléments de nourriture (ADR, 57 M 1, fragments d’un rapport de 1828 qui peut être attribué à Betting de Lancastel). Analyse corroborée par d’autres exemples, comme ceux de la Rosalie (II) en 1830, ou d’un brick anonyme en 1832 (tableau des “Bateaux de traite illégale...” déjà cité).

[89] Histoire de Madagascar, Paris, Berger-Levrault, 4e édit., 1972, 358 p. (p. 86). J’ai constaté que c’est une proportion  qu’on rencontre aussi à diverses reprises dans les mois qui suivent l’arrivée de Noirs de traite illégale à Bourbon.

[90] J’ai représenté sur deux cartes les voyages vers Bourbon de la Cécile , qui effectue sa traite à Lindy, en Afrique orientale, et de la Magicienne  qui amène ses captifs d’Afrique occidentale et complète sa traite” à Madagascar (“Covert Slaves and Coveted Coolies in the Early 19th century Mascareignes”, (en coll. avec Marina Carter), The Economics of the Indian Ocean Slave Trade, 1989,op. cit. p. 194-208 - cf. p. 201-202). On constate que les zigzags de la Cécile allongent beaucoup le voyage qu’elle effectue alors que celui de la Magicienne , qui semblait infiniment plus long et plus redoutable pour les captifs, s’avère plus rapide et moins meurtrier pour eux. J’ai donné des informations complémentaires sur la Magicienne dans “Profits, rêves et tourments. Nantes et la Réunion au XIXe siècle”, Droit et anthropologie de la complexité. Mélanges dédiés à Jean Mas, Paris, Economica, 1996, 426 p. (p. 193-213 - cf. p. 195-198) et sur les deux négriers dans “Histoire oubliée, histoire occultée ? La diaspora malgache à la Réunion : entre esclavage et liberté”, L’esclavage à Madagascar, textes réunis et présentés par Ignace Rakoto, Antananarivo, Institut de Civilisations, 1997, VI-415 p. (p. 3-27 - cf. p. 13-14).

[91] La Traite des esclaves vers les Mascareignes au XVIIIe siècle, 1974, op. cit., p. 228.

[92] La traite vers l’Ile de France. Les contraintes maritimes”, art. cit., in Slavery in South West Indian Ocean, 1989, op. cit., p. 91. Ces données moyennes doivent être complétées par l’analyse de la diversité des cas. Certaines traversées sont marquées par des hécatombes : La Minerve embarque par exemple, en décembre 1807,  260 captifs à Zanzibar , en un seul jour de tempête, le négrier en perd 166, qu’on retrouve morts “et baignés dans leur sang” (AM, GB 40/312, Amirauté, Port-Louis, 27 janvier 1808, document transcrit par A. Toussaint, in La route des îles, Paris, SEVPEN, 1967, 540 p. - cf. p. 357). En revanche, une traite comme celle del’Espoir, goélette de 45 tonneaux, amène à Bourbon des Noirs “tous bien portants n’ayant eu que trois jours de traversée” (ADR, 174 M 1, rapport de croisière duLys, 10-18 octobre 1820). Les captifs, partis de Tamatave, ont pourtant été entassés à raison de près de quatre par tonneau, sur une distance de quelque 800 kilomètres.

[93] ADR 45 M 5, lettre n° 344 du 2 octobre 1820. Milius. Quelques années plus tard, l’état lamentable dans lequel se trouvent les Noirs de l’Eurydice, à leur arrivée à Bourbon, provoque à nouveau l’indignation des administrateurs (ADR, 54 M 2, lettre du 29 avril 1824).

[94] Des détails sur ces traites et les références d’archives figurent dans le tableau des “Bateaux de traite illégale...” déjà cité.

[95] Révolution ajournée...”, art. cit., in Révolution Française et Océan Indien..., op. cit., p. 336-337.

[96] “Le navire négrier au XVIIIe siècle”, in De la traite à l'esclavage, éd. S. Daget, 1988, op. cit., t. 2, p. 159-168 (cf. p. 162-163, 166 et, pour les plans du navire négrier, p. 167-168.

[97] ADR, 174 M 2, affaire des Deux-Amis, choléra à bord, décembre 1819.

[98] ADR, 174 M 4, Le directeur de l’Intérieur (?) au commissaire de police de Saint-Denis, brouillon de lettre confidentielle, 20 janvier 1830.

[99] ADR, fut. U, 21 212-57-2, n° 24, Interrogatoire du sous-lieutenant Guignot par le capitaine Demandot, 25 janvier 1830.

[100] Abolitionnistes de l’esclavage et réformateurs des colonies  (1820-1851). Analyse et documents. Paris, Karthala, 2001, 1196 p. (cf. p. 38).

[101] Compte rendu paru dans Outre-Mers (RFHOM), t. 88, n° 332-333, 2e semestre 2001, p. 430-432 (cf. p. 432).

[102] Numéro 1524, 15 mars 1848, p. 3.

[103] L'lndicateur Colonial, n° 106, 6 avril 1837.

[104] ADR 1 J 19/15, “Journal d’un colon (...)”, 10 et 12 avril. On peut utiliser aussi la transcription qui a été publiée en 1990 par L’Harmattan : Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble, Journal d'un colon de l'île Bourbon  - texte établi par Norbert Dodille - 3 vol., XL-1501 p. + 24 p. de pl. (cf. vol. 2, p. 774-775). Mais, dans ces trois volumes, de légères modifications, dues parfois à des erreurs de lecture, sont apportées au texte original.

[105] ADR, 1 J 19/14, “Journal d’un colon (...)”, 1er septembre 1828 (ou texte établi par N. Dodille, op. cit., vol. 2, p. 690). Les Noirs, arrivés à Bourbon depuis une dizaine de jours, semblaient être en excellente santé (ADR, 1 J 19/13, “Journal d’un colon (...)”, 21 août 1828 : “Camille (...) a porté bien portante 160 pièces”).

[106] ADR, 1 J 19/14, “Journal d’un colon (...)”, 2-5 septembre 1828 (ou texte établi par N. Dodille, op. cit., vol. 2, p. 690-692, mais “noirs” y devient “Noirs”, “attrappé” est corrigé en “attrapé” et “le cours de ventre” se transforme malencontreusement en “escars de ventre”).

[107] ADR, 174 M 1, Lancastel au gouverneur, 11 juin 1828. W.L. Mathieson estime qu’aux Antilles anglaises la condition des esclaves put s’améliorer quand prit fin l’apport annuel “of the savage Africans who had caused the revolts and provided a pretext for all the barbarous laws and punishments” (British Slavery and its abolition 1823-1838, London, 1926, p. 60).

[108] ADR, 174 M 1, lettre adressée au gouverneur, 11 juin 1828.

[109] H. Gerbeau, “De la traite dans l’Océan Indien à l’engagisme : les anticipations d’un gouverneur de Bourbon au début du XIXe siècle”, Cahiers des Anneaux de la Mémoire , revue annuelle, n° 2, Nantes, 2000, p. 39-60.

[110] Liste récapitulative des sources consultées : ADR, 45 M 7, 50 M 3, 50 M 4, 54 M 2, ADR, 56 M 10, 56 M 11, 56 M 12, 174 M 2, 174 M 5, U 1492, U 1502, CAOM, Généralités, C 166, d 1340, Public Record Office, Foreign Office Records, London (PRO, FO) 84/33, Annales Maritimes et Coloniales, 1826, et S. Daget, Répertoire des expéditions négrières françaises à la traite illégale (1814-1850), Nantes, 1988, VIII-605 p. (p. 317).

[111] H. Gerbeau, “Engagees and Coolies on Réunion Island, slavery's masks and freedom's constraints”, in Colonialism and Migration; Indentured Labour before and after Slavery, ed. by P. C. Emmer, Dordrecht, M. Nijhoff, 1986, VI-303 p. (p. 209-236).

[112] La traite  des Noirs, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1997, 128 p. (p. 125).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 17 mai 2009 9:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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