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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Serge Genest, “Introduction à l'ethnomédecine. Essai de synthèse (1978)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Serge Genest, “Introduction à l'ethnomédecine. Essai de synthèse”. Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 2, no 3, 1978, pp. 5-28. Numéro intitulé: Ethnomédecine et ethnobotanique. Québec : département d'anthropologie de l'Université Laval.

Introduction

On a tôt fait de constater, en parcourant la littérature d'intérêt général et théorique sur l'ethnomédecine, que les écrits en langue française font gravement défaut. On court même peu de risque en affirmant qu'il n'y en a pratiquement aucun. C'est à combler ce vide que le présent article entend contribuer. 

S'atteler à pareille tâche paraîtra sans doute prétentieux. C'est pourquoi il importe de préciser dès le départ les limites dans lesquelles s'inscrit ce travail. Tout d'abord, même si le but de cet article en est un d'introduction et de synthèse, il ne prétend pas couvrir toute la littérature du domaine de l'ethnomédecine, encore moins de l'anthropologie médicale (traduction littérale de l'expression "medical anthropology" apparue au début des années soixante dans la littérature américaine). Chacun repérera des lacunes qu'il jugera importantes dans telle aire géographique ou sur tel thème. Par exemple, les amérindianistes seront déçus de ne pas trouver de références à une littérature descriptive pourtant abondante. De même, les spécialistes de la psychologie interculturelle considéreront peut-être qu'un bien mauvais sort est fait à un secteur de recherche fort développé par ailleurs, en particulier en Afrique noire. 

Qu'on ne se méprenne pas cependant. La démarche proposée ici vise à qualifier le champ de l'ethnomédecine par rapport aux autres groupes en anthropologie médicale et à présenter les axes majeurs de son contenu. Une telle approche ne saurait être qu'éclectique. Néanmoins, cette introduction vise à présenter les grandes lignes - et quelques travaux marquants - du champ à l'étude : le cadre général du développement de la recherche en ethnomédecine. Cette préoccupation, plutôt qu'une énumération exhaustive de type bibliographique, guidera la progression de ce texte. 

Bien sûr, de remarquables travaux ethnographiques sur les médecines non occidentales existent, de même que des réflexions théoriques sur l'un ou l'autre aspect de ce domaine de recherche. Mais il faut admettre l'absence de présentation synthétique générale d'introduction à l'ethnomédecine en langue française. 

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'expression couramment utilisée pour parler de ce vaste secteur de recherche provient du vocabulaire anglais. Timidement dans les années cinquante, puis avec un accroissement marqué dans les années soixante et encore davantage dans la présente décennie, les Américains en particulier ont considérablement développé les recherches en anthropologie médicale, autant sur le plan ethnographique que théorique. Les analyses d'anthropologie médicale ont pris une ampleur telle que des départements d'anthropologie en ont fait un champ de recherche privilégié. Landy (1977) présente un historique assez élaboré du développement de l'anthropologie médicale (aux Etats-Unis) dans l'introduction de Culture, Disease and Healing. 

Donc, un développement relativement récent de cette sous-discipline chez les anthropologues américains pourtant grands producteurs dans ce domaine. Il convient cependant de ne pas ignorer deux choses. D'abord, il faut songer que des intérêts individuels ont conduit certains chercheurs à publier des travaux sur les pratiques médicales étrangères au contexte savant occidental. La monographie de Forrest Clements, Primitive Concepts of Disease, parue en 1932, entre dans cette catégorie. Ensuite, l'ethnographie des premiers anthropologues, voire des premiers explorateurs-conquérants des terres lointaines (c'est-à-dire éloignées de l'Europe d'alors) renfermait parfois des indications sur un certain nombre de coutumes thérapeutiques colligées par ces personnes au même titre que tout autre élément "exotique". Le caractère Il magique" de ces coutumes frappait en particulier l'imagination des voyageurs occidentaux. Un des premiers anthropologues à avoir fait systématiquement référence aux pratiques médicales fut Rivers qui écrivit un ouvrage publié après sa mort, Medecine, Magic and Religion (1924). 

Sans vouloir entreprendre ici un relevé exhaustif de tous les travaux des pionniers dans le domaine [1], il importe de faire référence aux analyses de Erwin Ackerknecht, médecin venu à l'anthropologie et influencé par les travaux du courant "culture et personnalité" (surtout par ceux de Ruth Benedict) des années trente et quarante aux Etats-Unis. Une série d'articles publiés dans les années quarante font paraître Ackerknecht comme un des pionniers en matière de réflexion générale sur les systèmes médicaux "primitifs" [2]. Un fait intéressant à noter au passage : que Ackerknecht ait été amené à se familiariser avec l'anthropologie pour traiter de pratiques médicales non occidentales annonçait déjà le caractère nécessairement multidisciplinaire que devrait revêtir toute étude sur la médecine. 

Quant aux premiers relevés "ethnographiques", il semblait aller de soi qu'y figurent des coutumes "étranges" et, chose significative, que les rituels thérapeutiques retiennent l'attention par leur caractère dramatique (dans le sens théâtral) et soient classés avec toutes les manifestations religieuses. Cette conception de la médecine non occidentale continue d'influencer le discours des anthropologues en particulier. C'est souvent sous la rubrique religion qu'on trouve des références en matière thérapeutique. 

Somme toute, ce domaine de l'activité anthropologique est à la fois ancien et nouveau. Ancien par certaines descriptions de croyances et de pratiques thérapeutiques ; nouveau par les analyses en profondeur et les synthèses produites depuis quinze ou vingt ans. Par ailleurs, on aurait tort d'assimiler l'analyse ethnomédicale uniquement à l'examen des thérapies et des maladies dans des contextes non occidentaux, même s'il faut reconnaître que le poids de l'histoire agit dans ce sens. À une époque où les institutions médicales occidentales subissent des critiques répétées [3], l'ethnomédecine ne reçoit-elle pas par ce biais une impulsion nouvelle qui expliquerait en partie la production croissante dans ce domaine ? Il y aurait là d'ailleurs une excellente occasion d'élargir le concept et aussi l'analyse à des systèmes médicaux qui lui ont jusqu'à maintenant plus ou moins échappé, en particulier la tradition occidentale. Dans un tel contexte, l'introduction de l'ethnomédecine dans la littérature anthropologique d'expression française semble nécessaire. 

Cette introduction conserve un certain flou dans la présentation de l'anthropologie médicale et de l'ethnomédecine et évite d'entreprendre une définition prématurée de ce champ. C'est précisément ce en quoi vont consister les paragraphes qui suivent. Pour parvenir à circonscrire l'ethnomédecine il faut la replacer par rapport aux autres secteurs qui figurent dans le domaine de l'anthropologie médicale. Il s'agira, si l'on veut, d'une définition de "l'extérieur", exclusive, indiquant ce que l'ethnomédecine n'est pas. Puis, la discussion portera ensuite sur la description de ses principales dimensions ou approches. Définition de "l'intérieur", qui indiquera ce qui caractérise ce type d'analyse.


[1] Edward Wellin (1977) présente une excellente analyse des travaux de quelques pionniers de l'anthropologie médicale.

[2] Plusieurs de ses écrits ont été regroupés dans un ouvrage intitulé Medicine and Ethnology, paru en 1971.

[3] Pensons aux réflexions d'Illich dans Némésis médicale (1975), pour ne citer qu'un des ouvrages les plus diffusés.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 31 mai 2008 6:38
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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