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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L’impératif du vivant. Suggestions pour la réorganisation du monde. (2013)
Épilogue


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Thierry Gaudin, L’impératif du vivant. Suggestions pour la réorganisation du monde. Paris: Éditions l’Archipel, 2013, 280 pp. Collection: Géographie du futur. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 9 janvier 2016 de diffuser ce livre en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.]

[305]

L’impératif du vivant.
Suggestions pour la réorganisation du monde.

Épilogue

Les chapitres qui précèdent montrent qu’il est possible d’imaginer une organisation du monde et des travaux d’aménagement qui résolvent les difficultés actuelles. Néanmoins, ce programme se heurte à des habitudes et même à des convictions : l’attachement à des communautés ethniques ou religieuses jalouses de leur souveraineté et surtout l’omniprésence des marchés et la marchandisation de tout.

Au lieu d’un « doux commerce » l’excès marchand met en danger non seulement la sauvegarde concrète de la biosphère, mais aussi le principe même de la vie qui, depuis le niveau moléculaire jusqu’à nous, est celui de la musique de l’échange amoureux.

Les effondrements qui menacent le 21ème siècle sont assez clairement identifiés :

- l’effondrement financier et économique, causé par une gestion désastreuse des monnaies et de l’informatique financière.
- l’effondrement alimentaire lié au changement climatique, et à une mauvaise gestion des eaux et des approvisionnements.

[306]

- l’effondrement des écosystèmes, du fait de la surexploitation par les humains et de la vulnérabilité de certaines espèces, les pollinisateurs par exemple.

Il en résultera une reconstruction des conceptions de la vie, de la mort et de la connaissance.

L’histoire montre que, lorsqu’une population n’arrive pas à réajuster sa façon de voir le monde à de nouvelles réalités, elle retourne son énergie amoureuse en violence. Les innombrables guerres passées en sont l’illustration.

D’où l’urgence du travail de l’esprit ; à cet effet, je propose l’aide d’une approche inspirée des notions d’information et d’individuation [1].

Les détails des fonctionnements de la vie sont certes l’objet d’un vaste travail scientifique. Mais rien n’empêche d’en donner une image simple, facile à retenir.

En voici une, inspirée par les dessins d’enfants. Son auteur [2] est une psychologue qui s’est longuement penchée sur leur signification et leur a trouvé des liens avec les traditions mystiques.

Elle fait observer qu’on y trouve trois formes fondamentales, le cercle, le carré et le triangle, chacune associée à des moments différents de la vie.

Le cercle représente l’état fusionnel, protégé, du fœtus dans la matrice

Le carré l’épreuve de l’accouchement, confrontation initiale avec le monde

Le triangle l’être individué, libre et autonome

[307]

Enlart2

Puis, en étendant sa réflexion aux mentalités, elle en arrive à distinguer trois types de sociétés ou modes de socialisation.

L’appartenance tribale, dans laquelle chacun est en relation fusionnelle avec la collectivité qui l’abrite et le nourrit (le cercle).

La confrontation, où c’est le rapport de force, la conquête, l’exploitation, voire le pillage qui assure la survie (le carré).

Les civilisations autonomes, en équilibre avec le reste du monde (le triangle).

Ce schéma simple, cercle carré triangle, représente un fonctionnement général de la vie, celui de l’individuation.

Dès la cellule, en effet, apparaît une membrane qui isole le fonctionnement interne et ne laisse passer dans un sens et dans l’autre que ce qui est utile à la survie (le cercle).

Le passage aux pluricellulaires suppose une confrontation, un échange d’information avec les autres cellules (le carré).

L’aboutissement, après une lente mise au point des échanges internes, est un être individué autonome plus complexe (le triangle), qui à son tour va se protéger, puis interagir et se confronter, puis donner naissance à un être plus grand etc..

[308]

À chaque stade de ces gestations successives, ce n’est pas la matière qui détermine la transformation, c’est l’échange informationnel.

Si je lis de cette manière l’histoire des civilisations, je vois d’abord des tribus de chasseurs cueilleurs en équilibre avec le milieu naturel (le cercle) puis, il y a dix mille ans, transformation de la relation informationnelle : l’homme, commence à prendre le contrôle de son environnement (le carré) par l’élevage et l’agriculture et se stabilise dans le village néolithique (le triangle qui deviendra cercle pour le stade suivant).

Cinq mille ans plus tard, sortie du village (le cercle) : c’est l’invention de l’écriture, nouveau fonctionnement de l’information. Se constituent les premières routes commerciales et les urbanisations. C’est aussi le début d’une phase de pillages et d’affrontements (le carré) guerriers entre cités états, royaumes, empires et, de nos jours, États Nations et compagnies multinationales.

Cette époque de l’évolution, qui a duré cinq mille ans, est vraisemblablement en train de se terminer, dans des scénarios mouvementés,  pour donner naissance à une nouvelle symbiose (le triangle, d’où notre insistance à proposer des structures trifonctionnelles).

Nous savons que la civilisation actuelle n’est pas durable. Elle sera donc nécessairement remplacée par une autre. Le signe de ce remplacement est la mutation informationnelle. D’où, après la fin du matérialisme, une autre philosophie, que j’appelle l’immatérialisme.

Dès lors que l’essence de la vie n’est pas dans la matière, qui n’en est que le support, mais dans l’information ;

Dès lors que la transmission instantanée et globale s’active et que l’écriture est audio visuelle, pour la [309] première fois dans l’histoire ;

Les manifestations concrètes de la vie ne peuvent pas ne pas évoluer.

C’est sans doute la naissance d’une conscience planétaire que l’humanité va porter et, comme lors des évolutions précédentes de la nature, la vie et la mort n’auront plus le même sens.

Or, la manifestation de cette conscience planétaire, étendue à l’ensemble de la biosphère, est précisément ce que refusent à la fois les intégrismes et l’idéologie libérale, au nom de la doctrine de la « lutte pour la vie » (struggle for life), qui est un contresens dans l’interprétation de la nature même du vivant. L’impératif du vivant est d’abord d’ouvrir les yeux sur ce qu’il est vraiment.

[310]


[1] Au sens du philosophe Gilbert Simondon.

[2] Jeanine Enlart dans Adam ou la géométrie incarnée, éditions Sophon.



Retour au texte de l'auteur: Thierry Gaudin, prospectiviste Dernière mise à jour de cette page le mardi 23 février 2016 11:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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