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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Vers un nouvel imaginaire social” (2000)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gabriel Gagnon, sociologue, Vers un nouvel imaginaire social”. Un article publié dans la revue Possibles, vol. 24, no 2-3, printemps-été 2000, pp. 50-61. [Le 18 novembre 2004, M. Gabriel Gagnon nous donnait son autorisation de diffuser toutes ses publications.]

Introduction

Castoriadis nous a quittés en décembre 1997. En juin dernier, nous étions nombreux à participer à Paris à un colloque international intitulé « Penser la création humaine, agir vers l'autonomie. Rencontre autour des idées mères de Castoriadis ». [1] 

Ces idées mères, qui opposent à « la pensée héritée » le projet d'autonomie qu'il a poursuivi toute sa vie, sont : « la société et l'histoire comme créations humaines, l'imaginaire comme puissance de position des significations et institutions sociales, l'imagination radicale comme source de créativité de la psyché ». 

Tout en partageant l'inquiétude de Castoriadis sur l'avenir d'une société occidentale qui, malgré les mythes de la globalisation, semble entrer dans une « longue période de régression historique », je tenterai ici, poursuivant la réflexion amorcée lors de ce colloque, d'explorer à sa suite les voies nouvelles que pourraient prendre dans le siècle qui commence la création individuelle et l'autonomie collective qui ont caractérisé les meilleurs moments de l'histoire humaine. 

Nous sommes en effet, selon la belle expression d'André Gorz, « condamnés à la poursuite de l'autonomie », menacée à la fois par la dégradation de l'environnement et par les contradictions internes d'un capitalisme qui produit toujours plus de guerres, d'aliénation et d'exclusion. 

Bien sûr les critiques ne manquent pas face à cette situation intolérable pour la plus grande partie de l'humanité, mais on doit se demander sérieusement si elles tiennent toujours compte du fait que comme l'a écrit Castoriadis « le prix a payer pour la liberté c'est la destruction de l'économique comme valeur centrale et en fait unique ». 

D'un côté, un certain nombre de penseurs et d'acteurs sociaux, obnubilés par les contraintes du système mondial, ne semblent plus distinguer à l'horizon d'autres possibles vraiment émancipatoires. Ainsi, chaque mois, on peut explorer de façon approfondie dans le Monde diplomatique les conséquences inexorables de la mondialisation et de l'impérialisme culturel sans y trouver cependant d'autres voies pour sortir de l'imaginaire dominant que la « gauche de la gauche » autoproclamée par Pierre Bourdieu ou les comités ATTAC préconisant la taxe Tobin sur les transactions spéculatives internationales. Même si ces comités ont élargi leurs perspectives en se développant de façon phénoménale en France, dans le monde et au Québec, ils proposent plutôt une résistance ponctuelle et un peu résignée à la mondialisation prônée par l'Organisation mondiale du commerce qu'une alternative réelle à cette rationalité économique qu'ils prétendent combattre. 

Pour d'autres, encore plus résignés, la recherche des possibles ne peut plus s'effectuer qu'à l'intérieur d'un système mondial et d'une économie de marché devenus incontournables. On trouve un bon exemple de cette attitude dans « Le pari de la réforme » qu'a tenté d'explorer la revue Esprit dans son volumineux numéro de mars-avril 1999. L’ensemble de la social-démocratie européenne et même la gauche plurielle française, convertis à une nécessaire responsabilisation des individus face au déclin de l'État-providence, y apparaissent complètement à court d'un nouvel imaginaire cohérent à opposer à la « pensée unique ». 

La démocratie procédurale, la communication non perturbée de Habermas, l'anti-totalitarisme, la tolérance et la défense des droits de la personne sont sans doute des conditions nécessaires au maintien de sociétés autonomes toujours fragiles mais elles ne sauraient suffire à la tâche. En ce sens, sauf peut-être chez Pierre Rosanvallon qui, se souvenant sans doute d'avoir jadis écrit L'Âge de l'autogestion et Misère de l'économie, nous appelle à dépasser l'économie de marché sans retourner à un idéal communautaire impossible, le dossier d'Esprit nous laisse aussi sans véritable espérance. 

Si l'on veut tenter de prolonger le projet social-historique de Castoriadis, il nous faut plutôt constater à sa suite que l'implantation universelle de l'économie de marché n'est qu'une construction imaginaire historiquement datée susceptible comme celles qui l'ont précédée d'être dépassée par un autre imaginaire liant différemment vie privée (oikos), société civile (agora) et État (ecclesia). 

Au heu de continuer a opposer démocratie libérale et révolution, peut-être pourrions-nous aller voir du côté des « réformes révolutionnaires » jadis prônées par André Gorz ou des « utopies concrètes » que proposait Anthony Giddens avant de devenir le gourou de Tony Blair.


[1] Les livres les plus actuels de Castoriadis sont l'incontournable L'Institution imaginaire de la société (Seuil, 1975), repris l'an dernier dans Points Essais et les six volumes des Carrefours du labyrinthe (« Les Carrefours du labyrinthe », 1978, « Domaines de l'homme », 1986, « Le Monde morcelé  », 1990, « La Montée de l'insignifiance », 1996, « Fait et à faire », 1997, « Figures du possible », 1999) tous publiés aux Éditions du Seuil.


Retour au texte de l'auteur: Gabriel Gagnon, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le vendredi 15 décembre 2006 6:52
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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