Gabriel Gagnon, sociologue, “ Notes de recherche. Aménagement et changements socio-culturels aux Îles-de-la-Madeleine. ” (1968)

“ Notes de recherche. Aménagement et changements socio-culturels aux Îles-de-la-Madeleine ”. (1968)
Introduction

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gabriel Gagnon, sociologue, “ Notes de recherche. Aménagement et changements socio-culturels aux Îles-de-la-Madeleine ”. Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 9, n° 3, septembre-décembre 1968, pp. 299-306. Québec: Les Presses de l’Université Laval. [Autorisation confirmée par l’auteur, dimanche 28 mars 2004, de diffuser cet article, ainsi que plusieurs autres.]

Introduction (1)

Depuis l'été 1963, des travaux de recherche et d'aménagement se sont poursuivis dans neuf comtés québécois sous l'égide du Bureau d'aménagement de l'est du Québec (BAEQ). (2) Ces travaux ont abouti, en juin 1966, à la présentation d'un «plan de développement du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine».

C'est alors que nous avons eu l'idée de suivre l'application éventuelle de ce plan dans un des secteurs du territoire-pilote. L'est du Québec avant été divisé en quatre territoires pour fins de planification, nous avons choisi le plus petit d'entre eux, les Îles-de-la-Madeleine, qui, avec ses 13,213 habitants au recensement de 1966, constituait, selon nous, la meilleure unité de base pour une étude intensive de type ethnologique. Notre recherche ayant débuté à l'été 1967, ce n'est qu'un an plus tard, après la signature de l'entente générale de coopération Canada-Québec du 26 mai 1968, que nous avons pu nous attaquer au cœur de notre problème, celui du cheminement des décisions d'aménagement et de leur transformation sous l'influence du milieu socio-culturel particulier des Îles.

L'archipel des Îles-de-la-Madeleine est situé presqu'au centre géométrique du golfe Saint-Laurent, entre 47°12 et 47°51 de latitude nord et 61°8 et 62°13 de longitude ouest. Bien que reliées politiquement au Québec, les Îles font partie, au point de vue géographique, des provinces maritimes. Elles sont en effet situées à 60 milles de Chéticamp (Cap-Breton), a 65 milles de la pointe nord-est de l'Île du Prince-Édouard, à 90 milles du cap Ray (Terre-Neuve), à 115 milles de la pointe est de l'Île d'Anticosti et à 135 milles de la péninsule gaspésienne.

L'archipel comprend 10 îles principales, dont 7 sont reliées entre elles par des dunes de sable: du sud au nord, Havre-Aubert, Cap-aux-Meules, Havre-aux-Maisons, Pointe-aux-Loups, Grosse-Île, Île de l'Est et Grande-Entrée. À l'exception de l'Île de l'Est, ces unités sont toutes habitées et reliées par des routes construites sur les dunes. Les trois autres îles sont l'Île d'Entrée, l'Île Brion et le Rocher-aux-Oiseaux, dont seule la première est habitée régulièrement par une population exclusivement anglophone. (3)

Les Îles comptent actuellement neuf municipalités, sept paroisses et six commissions scolaires catholiques francophones. Comme on pourra le constater en consultant le tableau 1, la population a tendance à se concentrer dans les deux îles centrales. (4)

Au point de départ de notre étude, nous voulions surtout essayer de répondre aux questions suivantes:

De quelle façon une micro-société comme celle des Îles-de-la-Madeleine a-t-elle réagi et continue-t-elle de réagir aux processus d'aménagement, d'animation et de régionalisation auxquels elle est soumise?

- Dans quelle mesure cette société traditionnelle peut-elle composer efficacement avec les innovations proposées par la planification?

- Dans quelle mesure son organisation sociale et ses valeurs sont-elles compatibles avec les modes d'organisation et l'idéologie d'inspiration urbaine suggérés par le plan d'aménagement?

- De quelle manière, par quels mécanismes (assimilation, transformation, résistance, rejet, etc.) s'opéré l'adaptation à la situation nouvelle?

Pour tenter de répondre à ces questions, nous disposions au départ d'une bibliographie abondante, (5) dont un étudiant a tente par la suite une recension exhaustive. (6) Malheureusement ces divers ouvrages, riches du point de vue de l'histoire et de l'économie, demeurent très superficiels et incomplets lorsqu'on aborde le domaine socio-culturel. Par ailleurs, plusieurs des recherches à caractère sociologique entreprises sous l'égide du BAEQ ont négligé d'inclure les Îles dans leur échantillonnage pour des raisons tenant é la fois a la distance de Mont-joli et é la spécificité de ce territoire.

Le répit qui nous fut accordé à l'été 1967 par le retard dans la réalisation du plan nous permit donc d'approfondir les travaux déjà faits sur les structures régionales et les changements socio-culturels globaux.

Notes : 1. La recherche dont cet article rend compte provisoirement a été possible grâce à des octrois du Conseil canadien des recherches urbaines et régionales et du Conseil des arts du Canada. 2. À la fin de son travail, le BAEQ fut remplacé, en juillet 1966, par le Comité de liaison de l'est du Québec (COLEQ), qui lui-même céda la place, en 1967, à un Conseil régional de développement (CRD), auquel vint se joindre, au printemps 1968, l'Office de développement de l'est du Québec (ODEQ), dernier élément de la structure de planification prévue pour cette région. 3. Nous avons laissé de côté dans notre étude la population anglophone qui ne forme qu'environ 7% de la population totale des Îles et qui a très peu de contacts avec le secteur francophone. Il serait toutefois intéressant de lui consacrer une étude particulière. 4. Pour une description exhaustive, on consultera Pierre BÉLANGER. «De la paroisse à la région: le processus de régionalisation aux Îles-de-la-Madeleine», Thèse de maîtrise, Université de Montréal, septembre 1968. 5. Mentionnons particulièrement: BAEQ, Esquisse du plan: les Îles-de-la-Madeleine, vol. 9 (2 tomes) 1965. BAEQ, Plan de développement, cahier 10, chapitre 8, «Le plan des Îles-de-la-Madeleine», 1966. N. FALAISE, Les Îles-de-la-Madeleine, Thèse de doctorat en géographie, Université de Montréal, 1964. P. HUBERT, Les Îles-de-la-Madeleine et les Madelinots, Rimouski, 1926. R. RUMILLY, Les Îles-de-la-Made1eine, Montréal, Chantecler, 1951. R. SANSCHAGRIN, Led Îles-de-la-Madeleine, Ministère des richesses naturelles, Québec, 1964. 6. P. BÉLANGER, op. cit., appendice B.