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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Alain G. Gagnon et François Rocher, “Pour prendre congé des fantômes du passé.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon et François Rocher, Réplique aux détracteurs de la souveraineté du Québec, pp. 471-500. Montréal: VLB Éditeur, 1992, 507 pp. Collection: Études québécoises. [Autorisation accordée par l'auteur, vendredi le 17 mars 2006, de diffuser tous ses travaux dans Les Classiques des sciences sociales.]

[471]

Troisième partie.
LES INCIDENCES ÉCONOMIQUES

Pour prendre congé
des fantômes du passé
.”

Alain-G. GAGNON et François ROCHER


Tout ce qu'il faut savoir c'est est-ce que c'est dans l'intérêt des francophones canadiens d'être une majorité à l'intérieur d'un État québécois pluraliste ou d'être une minorité dans un État canadien pluraliste, et c'est là-dessus que tout le débat se déroule !

P. E. TRUDEAU, 1980


Le nationalisme a historiquement traduit la volonté des francophones, d'abord dans l'ensemble canadien et par la suite à l'intérieur des frontières du Québec, d'affirmer leur identité. Bien entendu, il s'est manifesté sous plusieurs formes depuis le milieu du XIXe siècle. Il a teinté tous les courants sociaux, économiques et politiques ayant marqué la société québécoise. S'adaptant à l'évolution de celle-ci, sa configuration s'est modifiée en fonction des multiples changements qu'a connus le Québec : l'industrialisation et l'urbanisation, la prise en charge de multiples secteurs de l'économie par les francophones, la croissance et la consolidation de l'État québécois, la diversification ethnique associée au phénomène de l'immigration, l'échec répété des tentatives de modifier le régime fédéral en fonction [472] des besoins du Québec, la mondialisation de l'économie, pour ne mentionner que ces aspects. Ces mutations ont continuellement forcé à appréhender le Québec dans des termes neufs et à définir des voies nouvelles pour faire face à l'avenir. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant de constater que le discours nationaliste a lui aussi dû s'ajuster à ces nouvelles réalités. À la suite de l'échec du référendum de 1980, de la faiblesse des réactions ayant succédé au rapatriement et à l'imposition par le reste du Canada d'une Constitution modifiant les pouvoirs de l’Assemblée nationale en 1982 et du climat de morosité qui s'en est suivi, autant imputable à ces défaites qu'à la crise économique du début des années 1980, plus d'un ont soit constaté ou prédit le déclin du nationalisme québécois. Or, l'histoire est faite de retournements imprévus. En fait, le nationalisme québécois n'était pas mort, il était plutôt entré temporairement en hibernation.

Constater la présence indélébile du nationalisme dans la vie politique, économique et sociale du Québec est une chose, en saisir tous les contours en est une autre. En fait, la notion de nationalisme est elle-même difficile à définir. Elle renvoie à une réalité mouvante qui relève pour une grande part de la perception qu'ont les individus de leur collectivité d'identification et d'appartenance. Pour les uns, elle s'exprime à travers un ensemble de caractéristiques partagées par le plus grand nombre qui, amalgamées, contribueraient à former une nation : langue, territoire, religion, valeurs, histoire, aspirations, habitudes, institutions, etc. Prises une à une, ces caractéristiques ne sont pas suffisantes pour justifier la reconnaissance de l'existence d'une nation. Considérées comme un tout cependant, elles sont suffisamment puissantes pour inciter une collectivité particulière à se considérer comme une nation. Ces supports identitaires peuvent varier, certains peuvent disparaître sans pour autant que l'identité du groupe en soit affectée. En fait, le plus important reste la volonté de vivre en commun et de s'épanouir comme groupe autonome. L !existence d'une nation s'explique donc essentiellement par une [473] expérience historique unique. Le nationalisme exprime l'attachement à la nation à laquelle les individus appartiennent. En d'autres termes, il s'agit d'un « sentiment d'unification d'un groupe de personnes qui ont une expérience historique commune, réelle ou imaginée, et une commune aspiration à vivre ensemble dans un groupe indépendant [1] ». Le nationalisme québécois contemporain est porté par la revendication du droit, reconnu par un grand nombre d'États à travers le monde, à la souveraineté politique.

Bien que le nationalisme constitue l'un des pôles les plus puissants ayant contribué à alimenter la volonté des Québécois, et plus particulièrement des francophones, de se doter d'un État disposant de tous les pouvoirs, cette réalité continue à avoir mauvaise presse parfois au Québec, mais surtout dans le reste du Canada. Les dynamiques nationalitaires qui ont littéralement explosé récemment dans les pays d’Europe de l’Est ont quant à elles été accueillies avec méfiance par la communauté internationale. Le processus de déconstruction de l'ancienne Union soviétique a été accompagné de mouvements politiques s'appuyant en grande partie sur l'existence d'anciennes « nations » qui revendiquent leur droit à constituer des États souverains. Outre le fait que ces mouvements déstabilisent les vieux régimes et contribuent à mettre en place des alliances politiques dont on mesure encore mal les conséquences, ce qui en soit justifierait amplement la suspicion de l'Occident à leur endroit, on a surtout retenu dans les médias les affrontements « ethniques » qui ont marqué l'expansion des velléités nationalitaires, le cas yougoslave étant le plus frappant à cet égard. Ici même au Canada, quelques-uns ont déjà invoqué cette réalité pour agiter le spectre de guerre civile qui menacerait le Québec et le Canada si les Québécois optaient pour la souveraineté. C'est dire que les références au droit des « nations » à disposer d'elles-mêmes sont perçues négativement au sein de la communauté internationale. On associe à ce phénomène plusieurs dangers qui s'articulent autour des dynamiques [474] d'exclusion, d'intolérance et de survalorisation de l'homogénéité sociale [2]. En termes simples, nous pouvons dire que le nationalisme ethnique est perçu comme valorisant l'appartenance à un groupe social défini par les liens du sang et de la culture (dont la langue représente l'une des caractéristiques les plus évidentes), par opposition au patriotisme qui considère chaque individu d'abord et avant tout comme un citoyen sans égard à ses attributs ethniques, linguistiques ou culturels. Pierre Elliott Trudeau s'est fait un ardent pourfendeur du nationalisme canadien-français dans ses écrits polémiques publiés dans les années 1960. Il n'a pas changé d'idée, une fois élu Premier ministre du Canada. Sa vision du fédéralisme alimente toujours le discours politique canadien. Clyde Wells, son épigone, n'a-t-il pas défendu ardemment la vision de Trudeau au moment des pourparlers ayant conduit à l'échec de l'Accord de Meech ? Le nationalisme serait donc, par définition, une mauvaise chose, alors que le patriotisme serait une valeur supérieure.

Le débat actuel sur l'« étroitesse d'esprit » des nationalistes québécois s'inspire encore largement des propos tenus par Trudeau il y a plus de deux décennies. Il n'est pas inutile d'y revenir. Il importe aussi de montrer que le nationalisme contemporain ne ressemble plus à celui qui prévalait au Québec au milieu du siècle. Il a connu de multiples mutations qu'il peut être utile de rappeler. On peut penser que l'obtention par le Québec du statut d'État souverain participerait à modifier substantiellement les contours du nationalisme tel qu'il s'est développé au cours des dernières décennies et même tel qu'il se présente aujourd'hui. Nous pouvons même penser que ce saut politique contribuerait à atténuer la nécessité pour la majorité des Québécois de s'identifier en fonction de leur appartenance à la « nation », définie étroitement, au profit d'une définition se constituant davantage en fonction de leur participation à la vie du « pays » à titre de citoyen. En somme, la souveraineté du Québec enlèverait une des raisons d'être du courant nationaliste actuel, à [475] savoir la constitution d'un État indépendant. Ne resterait plus que la volonté de vivre en commun, sous un même régime de lois, et d'assurer le mieux-être de chacun des citoyens vivant au Québec. Paradoxalement, le nationalisme court à sa perte. Nous pouvons même ajouter que l'acquisition de la souveraineté est la condition obligée pour garantir la transition du nationalisme ethnique vers le nationalisme civique, ou, en d'autres termes, le patriotisme.

Débusquer les fantômes du passé

Les objections énoncées par les tenants du fédéralisme centralisateur contre le projet souverainiste sont de plusieurs ordres. Elles relèvent aussi bien d'une aversion à l'endroit de toute identité basée sur l'appartenance à une nation « ethnique » ou « sociologique », considérée comme rétrograde, que de l'aventurisme du projet souverainiste, notamment à cause de la mise en péril du niveau de vie des Québécois. À l'encontre du projet souverainiste, Trudeau a fait le pari du fédéralisme canadien. D’abord parce qu'il percevait le fédéralisme comme une forme de gouvernement flexible, mais surtout à cause de la sécurité que procurerait aux francophones leur appartenance à un plus grand ensemble politique et économique. L’adhésion de Trudeau au fédéralisme canadien constituait une réaction à l'endroit du nationalisme conservateur dominant avant la Révolution tranquille. Tout en reconnaissant les injustices qu'avaient dû subir les francophones au Canada, il reprochait à ces derniers de n'avoir pas su s'imposer sur la scène fédérale. Ainsi, pour que les Canadiens français pèsent de tout leur poids à Ottawa, Trudeau identifiait deux conditions ; d'abord, qu'ils désirent et essaient de s'y imposer, quitte à abandonner la mentalité d'assiégés qui les caractérise si bien et, ensuite, que le « jeu du fédéralisme » soit joué honnêtement par le Canada anglais de telle sorte que le Canada applique « au fait français les mêmes règles [476] d'équité que le Québec a toujours appliquées au fait anglais [3] ».

Rappeler ces deux conditions n'est pas inutile. Si de tels propos pouvaient légitimement être tenus il y plus de vingt ans, tel n'est plus le cas aujourd'hui. Depuis lors, les Québécois ont véritablement « joué le jeu » du fédéralisme. Plusieurs ont investi la fonction publique fédérale et occupent maintenant des postes importants à Ottawa. À cet égard, les Québécois ont abandonné leur « mentalité d'assiégés », pour reprendre l'expression de Trudeau, sans que cela ne modifie véritablement la dynamique des relations Québec-Ottawa. D'autre part, on ne peut pas dresser un bilan des plus positifs de la quête de réciprocité telle qu'entendue par Trudeau. Il y a eu bien sûr la Loi sur les langues officielles adoptée en 1969. Celle-ci toutefois n'a cessé d'être décriée au Canada anglais comme l'imposition par les francophones d'une « réalité » qui ne correspondait pas à leur vision de la société canadienne. Le bilinguisme au Québec bien sûr, à Ottawa peut-être, mais pas dans le reste du Canada. Évidemment, le bilinguisme « personnel » est considéré comme un atout ; il suffit pour s'en convaincre de constater la popularité des classes d'immersion en français au Canada. Toutefois, le bilinguisme « officiel » est perçu comme une source de division : il coûte trop cher, est injuste à l'endroit des autres minorités et contribue à approfondir les clivages entre les communautés francophones et anglophones à travers tout le Canada. Du reste, on ne croit pas que le Canada puisse jamais devenir un pays bilingue, contestant ainsi la vision politique encore véhiculée par certains fédéralistes qui pêchent toujours par excès d'optimisme [4].

À un autre niveau, le Québec s'est montré ouvert à renégocier les termes de la Constitution de 1867 depuis le gouvernement Lesage. Or, la vision du fédéralisme qu'il a mise de l'avant a continuellement été prise à partie, aussi bien par le gouvernement fédéral que par les autres provinces [5]. Il y a des limites à participer à un jeu où le Québec sort toujours perdant. Le Québec a cherché [477] à revoir la Constitution canadienne sur la base de l'existence des deux nations fondatrices alors que dans l'esprit du reste du Canada les négociations devaient se faire à onze, parfois à douze (en incluant les premières nations) et même à mille (si on considère l'importance prise par les multiples groupes disant représenter des intérêts particuliers et qui tentent d'être partie prenante à tout nouveau débat portant sur la Constitution). Le reste du Canada en est venu à considérer le Québec comme une province comme les autres à laquelle il ne faudrait surtout pas accorder un statut spécial (autre que symbolique, sans implication en termes de droits et de pouvoirs devant découler de ce statut), ni même admettre que la différence justifie l'octroi d'une plus grande capacité d'agir sur son propre développement social, culturel, économique et politique.

La vision de Trudeau continue de hanter le reste du Canada. Elle contribue aussi à évacuer la dynamique nationaliste au Québec. Elle s'oppose en effet à ce que le Québec obtienne des pouvoirs lui permettant de préserver et de développer ses particularités. Cette vision a alimenté un discours niant au Québec le droit de se considérer comme le seul État dont disposent les francophones en Amérique du Nord pour assurer leur épanouissement. La charge contre le nationalisme plonge ses racines dans cette négation.

Trudeau s'est attaqué avec beaucoup de vigueur à la notion même de nationalisme, lui reprochant entre autres de favoriser un repli des Québécois sur eux-mêmes. L’appartenance à une nation sociologique ne doit pas, selon lui, déterminer les frontières politiques. Le but de la société politique n'est pas l'exaltation du fait « national », ce qui conduirait au chauvinisme et à l'intolérance à l'égard de ses minorités, mais la recherche du bien commun [6]. Il ajoutera qu'« un gouvernement vraiment démocratique ne peut pas être « nationaliste », car il doit poursuivre le bien de tous les citoyens, sans égard à leur origine ethnique [7] ». En somme, un gouvernement démocratique [478] doit pratiquer la vertu du civisme et non celle du nationalisme : « sans doute, un tel gouvernement fera des lois où les groupes ethniques prendront leur profit, et le groupe majoritaire en prendra proportionnellement à son nombre ; mais cela viendra comme une conséquence de l'égalité de tous et non comme un droit du plus fort [8] ». L’État est d'abord et avant tout au service de tous les citoyens qui y vivent, indépendamment de leur origine ethnique et de leur langue. L’essentiel du propos tient en peu de mots : le nationalisme est rétrograde et s'oppose au principe même de la démocratie libérale fondée sur l'égalité des citoyens.

Reprenant ce type d'argument, l'écrivain Jacques Renaud s'attaque au nationalisme à travers ceux qu'il désigne comme des « nationalistes unilinguistes ». Il leur reproche de favoriser une identité qui se nourrit d'exclusion :

Les nationalistes unilinguistes québécois ont éliminé de « l'hallucination » plusieurs centaines de milliers de gens. Les nationalistes unilinguistes québécois ont « éliminé » les anglophones du Québec tout comme ils se sont idéologiquement eux-mêmes graduellement éliminés du Canada en se concentrant sur le Québec [9].

En somme, les Québécois francophones reprennent à leur compte l'idéologie de la primauté linguistique, l'appliquant au fait français plutôt qu'au fait anglais. Renaud en vient même à nier l'existence des nations, associant ce support identitaire à une « illusion collective », à une « hallucination » qui conduit aux pires excès : « Le nationalisme livre l'être humain, la conscience humaine, à des puissances aliénantes, à ce qu'on appelait anciennement des « dieux ». Le nationalisme transforme les êtres humains en chair à délire. Parfois, en chair à couteaux, à bombes, à déportation ou à canons [10]. » C’est vite oublier que le nationalisme québécois est loin de fermer la porte au pluralisme. Et même si telle était l'intention de quelques-uns, la réalité [479] pluriethnique du Québec, et plus spécifiquement de Montréal, les rappellerait à l'ordre. C'est ainsi que Renaud, dans le sillage de Trudeau, en vient à privilégier l'égalité des individus devant la loi qui garantit à tous les libertés et les droits fondamentaux.

Il faut admettre que théoriquement, Trudeau et Renaud ont raison. Toute société démocratique doit être fondée sur l'égalité des citoyens. Il ne peut y avoir de droits reconnus à certaines catégories de la population qui seraient par ailleurs refusés à d'autres. Un tel système ressemblerait à s'y méprendre à l'apartheid. Il n'a jamais été question d'instaurer un tel régime au Québec. Le problème se situe donc à un autre niveau. Il logerait dans la volonté de voir un groupe majoritaire, nommément les francophones du Québec, déterminer les règles du jeu en fonction de ses propres intérêts en oubliant de considérer ceux de l'ensemble des citoyens. On retrouve ici le fondement de l'argumentation de Trudeau contre le tribalisme national et de Renaud contre la fiction identitaire qui serait fondée sur l'appartenance à un groupe national donné. C'est ce « tribalisme » qui serait source d'exclusion et d'intolérance à l’égard des minorités ethniques ou linguistiques. Ce type d'argument appelle deux réponses. La première renvoie à une donnée sociologique de base que semble oublier cette école de pensée, la seconde concerne le prétendu exclusionnisme qui serait propre à tout nationalisme.

Le modèle des Trudeau et Renaud renvoie à l'idéal démocratique, mais en évacuant les faiblesses de la pensée libérale et de sa pratique. En insistant surtout sur les règles de fonctionnement du libéralisme, le « procedural liberalism », qui cherche à établir des règles applicables à tous sans distinction, on oublie que la société est composée d'individus et de groupes dont les chances ne sont pas égales au départ. Le libéralisme classique, qui met d'abord l'accent sur l'individu, ne tient pas compte du fait que la vie en société est d'abord déterminée par des rapports de forces et des relations de pouvoir où les individus appartenant à des groupes minoritaires sont défavorisés par des [480] règles du jeu fixées par la majorité. En ce sens, le libéralisme « individualiste », appliqué à la dynamique des relations Québec-Canada, prend peu en compte le contexte dans lequel s'établissent les rapports entre deux communautés qui se considèrent comme des majorités et entendent agir en conséquence. Il faut de plus reconnaître que dans toute société, la définition des « règles du jeu » ne s'établit pas essentiellement de manière consensuelle. Elle s'impose à travers un rapport de forces entre classes, sexes, régions, générations, langues et ethnies. Les idées et les comportements dominants sont bien souvent ceux des éléments qui ont réussi à faire valoir leurs intérêts et à imposer leurs visions du monde à l'ensemble de la collectivité. Chaque groupe cherche à faire valoir aux autres sa propre définition des éléments importants qui constituent la société. Celle-ci n'est pas monolithique pour autant. Elle comporte des variantes qui contribuent à en changer la configuration avec le temps en fonction de l'évolution des rapports de forces que l'on retrouve au sein de chaque collectivité. Ces rapports conflictuels sont évidemment source de tension, mais aussi de vitalité dans la mesure où ils permettent aux sociétés de s'adapter aux défis qui surgissent constamment. Cela établi, l'idéal démocratique incarné dans une réalité historique donnée impose que la majorité n'agisse pas de manière tyrannique à l'endroit des minorités, d'où l'importance de reconnaître les mêmes droits à l'ensemble des citoyens qui forment la société. Il n'y a donc pas d'antinomie entre l'établissement d'un État national et la participation de tous les citoyens à la vie publique, celle-ci allant au-delà des attributs linguistiques, culturels et ethniques de chacun des individus.

L’ethnicité et la langue représentent sans aucun doute des éléments importants de la nation. Toutefois, ils en constituent des éléments parmi d'autres. La formation des identités individuelle et collective n'est pas uniquement déterminée en fonction des attributs ethniques. Mais l'appartenance à un groupe ethnique particulier et l'usage d'une langue donnée contribuent souvent à surdéterminer [481] le sentiment d'appartenance à une collectivité en termes symboliques, idéologiques et institutionnels.

La société québécoise comprend indubitablement plusieurs groupes ethniques. En termes abstraits, tous ces groupes méritent d'être considérés sur le même pied. Toutefois, force est d'admettre que toute société a besoin pour fonctionner d'un minimum de dénominateurs communs. Au Canada, c'est la culture anglo-saxonne qui s'est imposée comme culture dominante à travers notamment la langue anglaise portée originellement par les membres du groupe ethnique d'origine britannique. On peut toujours arguer que la composante britannique de la société canadienne ne constitue plus la majorité [11] et que la société canadienne est d'abord multiculturelle (en n'oubliant pas d'accorder un statut particulier aux « premières nations »), il n’en demeure pas moins qu'elle continue de façonner le reste du Canada aux plans politique, linguistique et culturel. D'ailleurs, ces nombreuses références au pluralisme n'ont jamais empêché Ottawa de vouloir définir une « culture nationale » qui subsumerait tous les particularismes régionaux, linguistiques et ethniques au profit d'une identité nationale indivisible [12]. Au Québec, c'est la culture de tradition française, à travers notamment la langue portée originellement par les membres du groupe ethnique d'origine française, qui constitue celle par laquelle l'intégration devrait normalement se réaliser.

La société québécoise est donc composée d'un groupe ethnique français majoritaire, d'un groupe ethnique britannique minoritaire et de nombreux autres groupes minoritaires d'origine diverse. Néanmoins, l'appartenance au Québec n'est pas fonction des attributs ethniques ou linguistiques. Le Québec cherche maintenant à intégrer à sa société les nouveaux venus dans le tissu social de la majorité. Rien de plus normal. On ne saurait déceler dans ce processus de l'intolérance et un repli sur soi des Québécois francophones. Au contraire, ils se comportent comme toute majorité qui cherche à accueillir les nouveaux venus dans un cadre fixé par la société, cadre ouvert aux changements [482] et aux mutations que des facteurs domestiques et externes accéléreront ou ralentiront. Mais ce cadre s'articule toujours autour de la protection des droits et libertés individuelles. À ce chapitre, tous les citoyens sont considérés égaux devant la loi.

L'ambivalence du nationalisme tient au double statut des francophones qui sont à la fois majoritaires et minoritaires. C'est cet élément qui a amené ces derniers à revendiquer la reconnaissance de droits collectifs et qui a conduit à l'adoption de législations comme les lois 101 et 178. Dans la mesure où ces lois garantissent à la minorité francophone une protection contre la tyrannie de la majorité anglo-canadienne, les droits collectifs se présentent comme un accroc acceptable au libéralisme. La promotion de droits collectifs pour la majorité est cependant dangereuse lorsqu'elle sert une communauté qui dispose déjà du poids et des avantages du nombre pour faire valoir ses intérêts. Or, le changement de statut politique du Québec modifierait profondément la donne en retranchant un des éléments qui fondent l'ambiguïté trois fois séculaire du Québec, à savoir son statut minoritaire. Le nationalisme perdrait l'une de ses principales forces motrices qui consistait à obtenir ce double changement de statut. Dans ce nouveau contexte, les droits collectifs à protéger et à promouvoir seraient ceux des communautés minoritaires du Québec et non ceux des francophones québécois. C'est d'ailleurs dans cet esprit que Daniel Johnson proposait l'adoption d'un code des minorités, idée maintes fois reprise depuis, notamment par Gil Rémillard. On peut même envisager que les lois linguistiques, perçues comme coercitives, n'auraient plus leur raison d'être. Les nouveaux venus s'identifieraient par attraction naturelle au groupe majoritaire.

Pour reprendre les propos avancés dans le premier chapitre de ce livre, la volonté des Québécois de se doter d'un État souverain traduit le fait que le Québec se pose maintenant comme une société globale. De ce fait, l'apprentissage de la langue française devient une condition [483] essentielle d'intégration, tout comme l'apprentissage de l’anglais est obligatoire pour toute personne qui entend vivre et travailler à Toronto, à Calgary ou à Vancouver sans que personne ne remette jamais en question ce phénomène. Cette intégration ne se fait pas en fonction d'un clivage ethnique, mais plutôt en fonction d'un clivage culturel et social. L’identité québécoise ne peut plus être seulement définie et portée par les francophones « de souche », pour reprendre une expression péjorative en ce qu'elle souligne l'impossibilité d'adhérer à ce groupe, mais aussi par ceux qui se sont joints à la société québécoise. Le pluralisme implique que celle-ci puisse définir son identité au-delà des seuls paramètres traditionnels qui plongent leurs racines dans leurs origines européennes. Comme le mentionnait à juste titre Pierre Anctil, « les communautés culturelles, porteuses de renouveau et de créativités inédits jusque-là, voudront elles aussi faire reconnaître comme spécifiquement québécoise et pertinente à notre histoire leur contribution, telle qu'élaborée et déployée sur notre territoire et aux fins de leur enracinement dans notre réalité francophone et démocratique [13] ». Or, comme dans toute société, l'intériorisation de cette nouvelle identité nationale exige plus que le simple apprentissage de la langue de la majorité. Elle suppose aussi que tous les citoyens soient appelés à adopter les valeurs publiques communes (démocratie, tolérance, égalité), à respecter les réalités, symboles, institutions de la francophonie québécoise (ce qui présuppose leur connaissance), à y contribuer par leurs apports spécifiques et, finalement, à respecter et à s'approprier les symboles qui sont au cœur de la vie publique québécoise [14]. Cela est vrai pour toutes les sociétés, y compris le Québec, tout en reconnaissant l'inévitable transformation que sont appelés à connaître les contours de l'identité québécoise dans un proche avenir.

Au-delà du spectre de l'intolérance et du repli sur soi, l'argumentation mise de l'avant par Trudeau à l'encontre du projet souverainiste tient au potentiel de déconstruction associé à tout projet national mettant d'abord l'accent sur [484] la formation de la nation : « Affirmer que la nationalité doit détenir la plénitude des pouvoirs souverains, c'est poursuivre un but qui se détruit en se réalisant. Car toute minorité nationale qui se sera libérée découvrira presque invariablement en son sein une nouvelle minorité nationale qui aura le même droit de réclamer la liberté [15]. » Revenant en quelque sorte au point de départ, Trudeau soutient que les problèmes du pluralisme ethnique ne doivent pas être résolus de cette manière mais plutôt à travers le fédéralisme démocratique [16]. Il préfère substituer au concept de nation sociologique celui de société politique, de telle sorte qu'il est tout de même possible de parler d'une « nation canadienne » en dépit de la présence de plusieurs ethnies en son sein. Encore une fois, ces propos soulèvent deux problèmes : celui de la remise en question des frontières actuelles du Québec advenant l'affirmation de la volonté des minorités d'invoquer leur droit à l'autodétermination et de faire bande à part ou de maintenir leur association avec le reste du Canada ; celui de la vertu intrinsèque du fédéralisme démocratique pour respecter la diversité culturelle canadienne.

Nous avons déjà abordé la question de la reconnaissance de la diversité par le reste du Canada dans le premier chapitre. Soulignons néanmoins que la vision du fédéralisme préconisée par Trudeau a continuellement cherché à nier l'existence des deux « nations » au Canada (aujourd'hui, il serait plutôt question de trois). Tout au plus, il s'agissait de minorités ethniques et linguistiques. Dans ce contexte, les fédéralistes centralisateurs ont sans relâche contesté la légitimité du gouvernement du Québec de parler au nom de sa majorité, invoquant le fait incontestable que la communauté francophone est dispersée A mari usque ad mare. Ainsi, pour assurer la vitalité et la valeur du français, il ne faut pas que la collectivité concentre ses énergies uniquement sur le territoire québécois. Les Canadiens français doivent s'imposer, à travers un rapport de forces reposant sur le fait qu'ils ont le pouvoir réel de défaire ou de refaire le pays :

[485]

C'est cette réalité qu'on prétend traduire par le concept de deux nations au Canada. À mon avis, ce concept est dangereux en théorie, et mal fondé en fait. [...] Tandis que la conséquence de la thèse opposée, celle du fédéralisme canadien groupant deux communautés linguistiques, et que je soutiens ici, c'est que les Canadiens français peuvent peser le poids d'un pays de dix-huit millions d'habitants, partageant le deuxième ou troisième plus haut standard de vie au monde, et arrivé à un degré de maturité industrielle qui lui promet le plus brillant des avenirs [17].

En ce sens, le fédéralisme canadien constituerait la meilleure garantie contre l'érosion de la culture des « Canadiens français » et assurerait le cadre institutionnel nécessaire au développement économique du Québec.

Prenant appui sur cette vision des choses, Trudeau en est venu à vouloir faire d'Ottawa le principal lieu pouvant assurer la protection et la promotion des intérêts des francophones au Canada et à remettre en question la légitimité du gouvernement du Québec d'agir au nom de sa majorité. L'engagement politique de Trudeau tenait même à ces deux éléments : faire en sorte que les Canadiens français puissent exercer leurs droits dans tout le Canada et s'assurer que ces droits « individuels » ne soient jamais fondés sur l’identification d'une collectivité à un gouvernement provincial, à savoir le Québec [18]. Ce projet politique allait à l'encontre de la prétention de tous les gouvernements du Québec, particulièrement bien exprimée par Daniel Johnson, pour qui ceux qui constituent la majorité du Québec « cherchent à s'identifier à l'État du Québec, le seul où ils puissent prétendre être maîtres de leur destin et le seul qu'ils puissent utiliser à l'épanouissement complet de leur communauté, tandis que la nation canadienne-anglaise tend de son côté à faire d'Ottawa le centre de sa vie communautaire [19] ». Or, pour les Québécois, la vision mise de l'avant par les stratèges fédéraux va au-delà du simple contentieux qui oppose parfois le gouvernement fédéral à un gouvernement provincial, mais se fonde sur la négation [486] même de l'existence des deux peuples fondateurs au Canada. Partant de là, la mission dont s'investit Ottawa est moins de chercher des compromis permettant de trouver des arrangements viables, respectueux des deux entités nationales, entre le Québec et le reste du Canada dans un cadre institutionnel de type fédéral, que de s'approprier les pouvoirs assurant la formation d'une identité « canadienne » dans laquelle on reconnaît l'existence de particularités réduites à leurs seules dimensions linguistiques. En ce sens, l'action fédérale vise davantage à préserver les droits linguistiques « individuels », lorsqu'ils subsistent dans un environnement minoritaire, que de s'assurer que la « communauté » québécoise, considérée comme une société ayant des objectifs propres, puisse contrôler son évolution culturelle, économique, sociale et politique. On comprend mieux l'opposition traditionnelle des fédéralistes centralisateurs à toute reconnaissance d'un statut particulier pour le Québec dans les années 1960 et leur farouche opposition à l’Accord du lac Meech qui reconnaissait, bien que timidement et sans implications sur le partage des compétences, le Québec comme « société distincte » et qui favorisait non pas une décentralisation des pouvoirs, mais plutôt des mécanismes permettant aux provinces d'avoir leur mot à dire sur la manière dont Ottawa entendait intervenir à l'avenir dans les champs de compétence provinciale [20].

Mais l'école de pensée fédéraliste soulève un autre problème lié cette fois à l'existence de communautés « nationales » à l'intérieur des frontières, du Québec qui réclameraient pour elles-mêmes ce que le Québec cherche à obtenir en vertu de son droit à l'autodétermination. Bien que le Québec constitue une société pluraliste, comme nous en avons largement fait état, cette question ne se pose en fait que pour les membres des communautés anglophone et autochtones. Les autres minorités sont à la fois démographiquement petites et déjà intégrées dans le tissu social formé par les communautés francophone ou anglophone. Pour ce qui est de cette dernière, il faut rappeler qu'elle est massivement concentrée dans la région montréalaise. [487] Le seul moyen dont elle dispose pour éventuellement demeurer attachée au reste du Canada serait de former une enclave à l'intérieur du territoire québécois. Cette hypothèse est non seulement politiquement inacceptable pour le Québec, mais aussi impraticable dans les faits puisqu’elle nie le principe de l'intégrité du territoire [21].

Le contentieux possible avec les communautés autochtones relève d'un autre niveau de complexité. Il faut d'abord souligner qu'elles sont dispersées sur l'ensemble du territoire québécois et non pas uniquement concentrés dans le Grand Nord. Il existe ainsi des communautés autochtones dans les environs de Montréal et de Québec, mais aussi dans les régions des Laurentides, de l'Abitibi-Temiscamingue, de la Côte-Nord, etc. Se pose pour ces dernières le même problème que pour la communauté anglophone dans la mesure où elles sont enclavées dans le « sud » du territoire québécois. Mais à l'inverse de la communauté anglophone, elles ne représentent que de petits îlots dispersés et de faible concentration démographique. Cela ne veut pas dire que le Québec ne doit pas prendre au sérieux leurs revendications basées sur la reconnaissance de leur autonomie gouvernementale, mais la menace sécessionniste est moins préoccupante parce qu'en réalité impraticable. La question se pose en des termes différents pour les communautés crie et inuit qui sont concentrées dans la portion nordique de la péninsule québécoise. On connaît aujourd'hui la popularité de la « cause » des autochtones et l'accueil réservé à leurs revendications auprès de la population canadienne-anglaise. On ne peut être qu'étonné de constater que la rhétorique des leaders autochtones ressemble, à quelques nuances près, à celle des nationalistes québécois, mais qu'elle reçoit un accueil beaucoup plus favorable dans le reste du Canada [22]. Les premières nations disposent d'un pouvoir de négociation considérable et sont disposées à s'en servir. Leur présence dans le débat constitutionnel vise moins à embêter le Québec qu'à promouvoir leurs propres intérêts dans une conjoncture qui semble, du moins temporairement, les [488] favoriser. On semble rapidement oublier que les représentants des premières nations étaient présents lors des négociations constitutionnelles du début des années 1980 et que plusieurs rencontres ont porté sur la recherche de voies possibles pour répondre à leurs besoins. René Lévesque avait désigné des représentants autochtones du Québec lors des conférences qui portaient sur la façon de les intégrer à la Constitution canadienne, lesquelles eurent lieu immédiatement après le rapatriement de 1982. Quoi qu'il en soit, elles se disent disposées à reconnaître le droit du Québec à son autodétermination dans la mesure où elles obtiendraient la réciproque. Dans ce contexte, la question est moins de savoir si les communautés autochtones ont le droit de faire sécession que de s'assurer leur attachement au Québec. Pour ce faire, il importe que le Québec assure ces communautés qu'elles obtiendront des garanties équivalentes, sinon meilleures, à celles dont elles disposent aujourd'hui et que ces garanties seront enchâssées dans la Constitution québécoise et ne pourront être modifiées sans leur accord [23]. Pour éviter un débat acrimonieux, revanchard et opportuniste de la part du reste du Canada sur la question de l'« ajustement » des frontières prenant comme prétexte la situation des autochtones, certains ont proposé que le Canada et le Québec signent un protocole constitutionnel engageant chacune des parties à offrir le même type de reconnaissance du droit à l'autonomie gouvernementale dans les deux États, à même l'accord sur la souveraineté du Québec [24].

L'opposition des tenants du fédéralisme au projet souverainiste ne reposait pas exclusivement sur la volonté de faire du Canada un État pluraliste, contrairement à l'unanimisme, ainsi qu'à la faiblesse de l'attachement aux valeurs démocratiques qu'ils décelaient chez les nationalistes québécois [25]. Ils s'en sont pris aussi à l'incertitude économique qu'engendrerait la souveraineté du Québec et au peu de cas qu'on faisait des conséquences de cette option sur le niveau de vie de la population.

[489]

Pour Trudeau et ceux qui l’ont suivi, les coûts et les avantages de la souveraineté n'avaient pas été démontrés, sinon en termes généraux faisant appel aux sentiments (dignité et fierté) et non à la raison et aux faits. En d'autres termes, le droit à l'autodétermination dont se réclament les Québécois :

ne peut être que le prélude à l'aventurisme cette école de pensée se contente d'affirmer que l'indépendance ne se traduira pas nécessairement par une chute radicale du niveau de vie ; elle reconnaît toutefois que les données manquent pour en être sûr. Ces gens opinent qu'un Québec « libre » serait peut-être dominé par une bourgeoisie rétrograde et autoritaire, mais ils sont prêts à courir ce risque. Ils comptent qu'un État souverain mettrait fin au sentiment d'aliénation culturelle réelle ou imaginaire dont souffrent certains Québécois ; mais ils conviennent que le Québec devra peut-être, pour y arriver, passer par une période d'obscurantisme. Toutefois, ils ne s'arrêtent guère à démontrer comment tout cela est au préalable nécessaire pour secourir ceux qui vivent dans les taudis, ou ceux qui végètent sur la ferme. En guise de consolation, ils nous disent qu'après l'indépendance, les erreurs que nous commettrons auront au moins l'avantage d'être nôtres [26] !

Ainsi, l'indépendance est plus affaire de « passion » que de raison, ce qui ne résout en fin de compte aucun problème. La passion, une fois enclenchée, conduit à des actions imprévisibles, incontrôlables, inefficaces et décevantes en termes de résultats. On pourrait toujours retourner l'argument à ceux qui l'ont d'abord énoncé en soulignant qu'il s'agit maintenant là du problème des défenseurs du fédéralisme actuel qui se plaisent à prédire la réaction « passionnée et irrationnelle » du reste du Canada à l'endroit du Québec qui déclarerait démocratiquement sa souveraineté.

La prospérité économique, de nous dire les stratèges fédéraux, est présentée par les souverainistes comme une [490] conséquence de l'indépendance, même si cette dernière impliquera nécessairement une diminution de la richesse collective. L’impératif culturel domine l'impératif économique, poursuivant une longue tradition québécoise qui a mis l'accent surtout sur la survie de la nation au détriment de la prospérité des citoyens. L’indépendance serait donc sans conteste un changement pour le pire, du moins en ce qui concerne le développement économique. Par ailleurs, les principales réformes économiques et sociales nécessaires au Québec peuvent être réalisées sans problèmes sous l'actuel régime constitutionnel, réformes qui sont plus urgentes que la remise en question du fédéralisme.

On peut invoquer deux facteurs qui viennent modifier l'analyse des avantages du fédéralisme canadien sur le plan économique par le Québec : d'abord, la rentabilité économique du fédéralisme n'est plus évidente ; ensuite, la mutation de l'environnement économique canadien, à travers notamment le processus de mondialisation, le libre-échange et la crise fiscale canadienne, favorise une décentralisation des pouvoirs.

Si au cours des années 1960 et 1970 il était possible de soutenir que le fédéralisme canadien profitait économiquement au Québec et que les coûts de la souveraineté étaient trop élevés, la situation actuelle ne permet plus de tenir le même discours. D'aucuns reconnaissent que l'économie d'un Québec souverain serait viable. Son produit intérieur brut est comparable à bien des pays industrialisés dont le niveau de vie est enviable. Selon l'économiste Pierre Fortin, les arguments économiques qui favorisent la souveraineté et défavorisent le fédéralisme sont fort nombreux. Parmi ceux-ci, on compte les suivants : l'inefficacité administrative croît avec la taille des institutions ; les chevauchements de compétence engendrent le gaspillage, l'incohérence, et favorisent les luttes de pouvoir entre les ordres de gouvernement ; la décentralisation des services sert mieux la population ; l’État fédéral est incapable de contrôler la progression de ses dépenses et l'ampleur de son déficit, alors que le gouvernement du Québec s'est [491] montré beaucoup plus responsable à cet égard ; le Québec bénéficie de moins en moins des paiements de transfert et se paie lui-même sa propre péréquation [27].

Bien entendu, la prospérité est fonction des conditions politiques qui déterminent les choix posés. Ainsi, il ne fait aucun doute que la croissance économique sera d'autant mieux assurée que les coûts de transition vers un Québec souverain seront limités [28]. C'est l'incertitude entourant le climat des futures négociations entre le Québec et le reste du Canada qui justifie l'opposition de certains à l'égard de l'option souverainiste. Mais tout compte fait, l'insertion du Québec dans la fédération canadienne n'est plus une condition de base à son développement économique. On pourrait ajouter à cela que le gouvernement fédéral a souvent adopté des politiques économiques qui ont nui à la mise en place d'une base industrielle moderne et diversifiée pour le Québec. Mais la question ici n'est pas tant de faire un bilan des politiques fédérales à l'endroit du Québec que de souligner la maturité de l'économie québécoise permettant aux Québécois de faire des choix autonomes concernant son avenir [29].

Le deuxième facteur a trait à l’environnement économique canadien qui a subi d'importantes mutations au cours de la dernière décennie. Cette dynamique affectera le rôle joué par les gouvernements nationaux de deux façons : d'une part, en transférant à des instances supérieures des fonctions remplies par les États-nations et, d'autre part, en forçant une certaine décentralisation des pouvoirs vers les institutions plus près des citoyens. Pour Thomas Courchene, les forces mondiales obligent le Canada à repenser et à restructurer les institutions politiques qui président la fédération [30]. La consolidation de l'espace économique mondial se traduira par un accroissement de l'importance des firmes transnationales. En fait, ce sont ces firmes qui alimentent présentement le processus de mondialisation [31]. Dans ce contexte, la réglementation des activités économiques, traditionnellement sous la responsabilité des gouvernements [492] nationaux, sera graduellement transférée aux institutions internationales.

Deux autres forces favorisent plutôt une décentralisation des pouvoirs. Premièrement, la révolution de l'information privilégie les citoyens-consommateurs. Ce sont eux qui détermineront les choix de production des entreprises. Deuxièmement, et de manière plus importante, la mondialisation ne peut s'étendre qu’à travers un réseau de villes internationales [32]. Elles sont les lieux où se développent les réseaux de communication et de commerce, par où se réalise la mondialisation des marchés. Et elles sont les créatures des gouvernements provinciaux, limitant d'autant le rôle joué par le gouvernement national.

Le libre-échange canado-américain représente une autre force favorisant la décentralisation. En privilégiant les forces du marché, il limite les moyens politiques susceptibles d'être utilisés pour encadrer les activités économiques. D'autre part, parce qu'elle met en place une dynamique commerciale rompant avec l'axe traditionnel des échanges commerciaux (est-ouest), l'Ontario jouera de moins de moins son rôle de pivot à l'égard des échanges avec les États-Unis. Au niveau politique, le soutien pour de tels échanges ne peut que s'éroder, limitant la protection traditionnellement accordée à certaines régions du pays contre les forces du marché.

Finalement, il faut noter que la crise fiscale que traverse l'État central favorise aussi une décentralisation des pouvoirs. Les transferts fédéraux vers les provinces tomberont à rien d'ici moins de deux décennies. Cela sera avant l’an 2000 pour le Québec qui a obtenu au cours des années 1960 des points supplémentaires d'impôt sur le revenu des particuliers pour le financement de certains programmes établis. De ce fait, ce sont les provinces qui décideront de l’ampleur des services à fournir et de leur mode de financement. La notion même de programmes nationaux perdra de son sens, Ottawa n'étant plus en mesure d'imposer des normes ou objectifs nationaux. Dans le cas de dissidence [493] de certaines provinces, le gouvernement fédéral ne disposera plus de moyen financier de rétorsion.

Dans ce nouveau contexte économique, où se conjuguent les impératifs de la mondialisation, de la continentalisation du commerce et de la crise fiscale, les Québécois ne peuvent que s'interroger sur la capacité des institutions politiques canadiennes à gérer la croissance économique. Les gouvernements régionaux sont perçus comme étant davantage en mesure de répondre à leurs besoins immédiats. De plus, les agents économiques québécois (entreprises privées, coopératives, syndicats, groupes de citoyens) peuvent exercer une plus grande influence sur le gouvernement du Québec, plus proche de leurs préoccupations, que sur le gouvernement qui loge à Ottawa. À un autre niveau, la mondialisation de l'économie et le rôle de plus en plus important que sont appelées à jouer les institutions internationales de réglementation font en sorte que les frontières économiques correspondent de moins en moins aux frontières politiques. On constate que l'argument voulant que la souveraineté du Québec soit synonyme d'isolement économique ne tient plus.

Évidemment, dans la perspective des défenseurs du fédéralisme, un Québec indépendant, économiquement affaibli, ne serait pas en mesure de poursuivre des objectifs sociaux conformes à ses besoins. Il est évident qu'advenant la réalisation de la souveraineté, le Québec se verrait dans l'obligation de négocier le partage de la dette fédérale accumulée au cours des deux dernières décennies. De la même manière, ce changement de statut politique serait accompagné d'un ralentissement économique à court terme. Cela se traduirait par un accroissement modéré du déficit qu'aurait à supporter le nouvel État québécois [33]. Dans ce cas, il ne fait pas de doute que le Québec aurait à gérer les finances publiques de manière serrée afin d'assurer une transition en douceur. Il appert que l'ensemble des secteurs où l'État est actif seraient minutieusement scrutés à la loupe et que certains programmes devraient être réaménagés pour tenir compte de la capacité de payer des [494] contribuables québécois [34]. Mais on ne peut pas en conclure pour autant que le nouvel État québécois prendrait un virage aboutissant à une remise en question des politiques sociales. Il faut compter sur la mouvance des groupes sociaux et des organisations syndicales qui devront s'assurer que les intérêts des couches les plus démunies de la société ne fassent pas les frais du réaménagement des activités et des finances publiques [35]. La période de transition que traverserait inévitablement le Québec obligerait la constitution d'un large consensus impliquant l'État, le patronat, les organisations ouvrières et populaires afin d'assurer la continuité des institutions et des programmes étatiques. On peut être certain que les forces progressistes de la société québécoise veilleront à ce que le projet de société qui s'édifiera aux lendemains de la souveraineté tiendra compte des besoins de l'ensemble des Québécois.

Conclusion

Les termes du débat furent très bien posés par Trudeau en 1980. En dernière analyse, toute la question nationale revient à savoir si les francophones veulent constituer une majorité à l'intérieur d'un État québécois pluraliste ou être une minorité dans un État canadien pluraliste. Il faut bien l'admettre, ils ont tenté depuis plus de deux décennies de changer l'évolution de la fédération canadienne en y insufflant davantage l'esprit d'un fédéralisme bien compris, désireux de respecter les compétences du Québec et de les accroître dans le but de lui permettre de se développer en fonction des objectifs qui sont les siens. Or, le système politique canadien a évolué en sens inverse. On y a conservé la forme fédérative tout en cherchant à octroyer à Ottawa de plus en plus de pouvoirs. La démarche politique privilégiée par le Québec n'a rencontré que des obstacles. Il faut reconnaître aussi que le premier choix des Québécois a toujours été de demeurer canadiens. En ce sens, ils ont cherché, sans succès, à concilier leur nationalisme [495] québécois et leur patriotisme canadien. Ce sont ces échecs répétés, particulièrement manifestes en 1982 lors du rapatriement de la Constitution et en 1990 au moment du rejet de l’Accord du lac Meech par le reste du Canada, qui ont conduit de plus en plus de Québécois à vouloir modifier leur statut politique [36]. En termes simples, le Québec avait choisi le Canada mais le Canada a refusé d'être sensible aux besoins manifestés par le Québec. Dans ce contexte d'exaspération et de rejet, la souveraineté politique est devenue le seul choix qui s'offre aux Québécois.

Le nationalisme québécois a toujours été tiraillé et ambivalent. Tiraillé par le fait qu'il est d'abord et avant tout porté par la majorité francophone. Le projet national qu’elle met de l'avant répond à sa volonté de préserver sa langue et sa culture dans un univers où domine la culture de tradition anglo-saxonne et la langue anglaise. En ce sens, il est juste d'affirmer que le nationalisme québécois est tout autant ethnocentrique que culturel et économique. Anctil n'a donc pas tort d'affirmer que :

toutes les considérations relatives aux immigrants sont devenues au sein du milieu francophone dominant un prétexte plus ou moins avoué pour discourir sur l'identité québécoise majoritaire elle-même, sur sa construction ou le cas échéant, le pessimisme aidant, sur sa déconstruction par l'effort conjugué des forces du marché nord-américain, de l'engouement des jeunes pour les modes exogènes et... de l'arrivée des immigrants [37].

Les questions liées à la survie et à la concrétisation des aspirations des francophones québécois en tant que nation continuent à déterminer les paramètres du débat. Mais il importe de faire une distinction fondamentale entre nationalisme et nation. Si le premier élément est largement associe au projet politique de la majorité, le second renvoie essentiellement à l’espace politique qui doit l'encadrer. Or, la nation que veulent établir les francophones québécois n'est pas construite sur le monolithisme, l'intolérance, la [496] xénophobie et la hargne à l'endroit des minorités. Au contraire, le Québec de demain sera pluraliste, la nation s'élargira. L’ambivalence du nationalisme entre l'ethnocentrisme et le pluralisme ne pourra cependant être résolue que lorsque le Québec aura clarifié son statut politique ; lorsqu'il disposera de tous les leviers pour déterminer son avenir. À compter de ce moment, on cessera de se poser des questions sur l'ouverture d'esprit des nationalistes à l'endroit des groupes minoritaires puisqu'ils participeront à l'édification du nouveau pays.

En somme, la souveraineté du Québec est la condition obligée pour assurer ce passage du nationalisme ethnique, culturel et linguistique vers un nationalisme civique et pluraliste, respectueux des droits de tous les citoyens (garantis par l'enchâssement d'une Charte des droits et libertés dans la nouvelle Constitution du Québec) et particulièrement des minorités. La nation québécoise sera celle de tous ses citoyens, n'en déplaise aux fantômes qui continueront à hanter un discours paradoxalement devenu d'arrière-garde.

[496-500] [Les notes en fin de chapitre ont été converties en notes de bas de page. JMT.]



[1] Boyd C. Shafer, Le nationalisme. Mythe et réalité, Paris, Payot, 1964, p. 16.

[2] Sur ce dernier point, voir Gérard Bouchard, « Représentation de la population et de la société québécoise : l'apprentissage de la diversité », Cahiers québécois de démographie, 19 (1), printemps 1990, p. 7-28. Il appert en effet que la configuration de la population québécoise est beaucoup moins homogène que ce qu'un certain courant de pensée en sciences sociales a traditionnellement laissé entendre.

[3] Pierre Elliott Trudeau, Le fédéralisme et la société canadienne-française, Paris, Robert Laffont, 1968, p. 39.

[4] À cet égard, il est instructif de relire le rapport de la Commission Spicer traitant de cette question. Les intervenants n'ont manifesté que peu de sensibilité à l'endroit du bilinguisme officiel. Celui-ci est plutôt perçu comme une menace à l'édification d'une « nation canadienne » et comme l'imposition par les francophones de leur droit au détriment de ceux de la majorité. Voir Le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada. Rapport à la population et au gouvernement du Canada, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1991, p. 74-84. On peut rétorquer que la politique fédérale de bilinguisme n'a jamais été véritablement comprise dans le reste du Canada comme l'a fait Gérard Pelletier (« 1968 : l'humeur du Québec et la politique des langues », dans Thomas S. Axworthy et Pierre Elliott Trudeau, Les années Trudeau. La recherche d'une société juste, Montréal, Le Jour éditeur, 1990, p. 227-244), il n'en demeure pas moins qu'elle alimente un large mouvement de mécontentement à l'égard des francophones. Par ailleurs, il faut souligner la popularité des thèses défendues par le chef du Reform Party qui considère que le bilinguisme a été imposé dans l'Ouest contre la volonté de la population (il met d'ailleurs le bilinguisme sur le même pied que la politique énergétique nationale dont on connaît l'impopularité dans cette région du Canada) au détriment d'une identité « first and foremost » canadienne, égratignant au passage la thèse des deux nations pourtant largement acceptée par les Québécois et proposant le retrait pur et simple de cette politique. Preston Manning, The New Canada, Toronto, Macmillan Canada, 1992, p. 196, 303-304 et 341.

[5] Gérard Boismenu et François Rocher, « Une réforme constitutionnelle qui s'impose ... », dans Yves Bélanger et Dorval Brunelle (dir.), L'ère des Libéraux - Le pouvoir fédéral de 1963 à 1984, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1988, p. 71-107 ; Alain-G. Gagnon et Mary Beth Montcalm, Québec : au-delà de la Révolution tranquille, Montréal, VLB éditeur, à paraître en 1992.

[6] Trudeau, op. cit., p. 9-10.

[7] lbid., p. 178.

[8] Ibid.

[9] Jacques Renaud, « Les géants-villages, réflexions sur une notion familière : la nation », Cité libre. Nouvelle série, 19 (1), juillet-août 1991, p. 8. Le même raisonnement est repris par George Tombs, « L'anglophone et les deux nationalismes », Cité libre. Nouvelle série, 19 (3), octobre 1991, p. 1316. Ce dernier écrit que « le but du nationalisme n'est pas d'établir la véracité des idées dans l'abstrait, mais plutôt d'encadrer et de diriger une vaste communauté de gens unis par la voix, la force du sang ». (p. 16.)

[10] Ibid., p. 10.

[11] AI Meghji, « Multiculturalism in the New Canada », dans J.L. Granatstein et K. McNaught (dir.), « English Canada » Speaks Out, Toronto, Doubleday Canada, 1991, p. 235 et ss ; Philip Resnick, Toward a Canada-Quebec Union, Montréal-Kingston, McGill-Queen's University Press, 1991, chap. 2.

[12] Au moment même où le Canada tentait désespérément de trouver une voie de sortie pour régler la crise constitutionnelle, le Comité parlementaire des communications et de la culture cherchait à façonner les liens devant être établis entre la culture et l'unité nationale, dans l'espoir de conférer à Ottawa les grandes lignes et les principaux instruments de la politique culturelle canadienne. Canada, Comité permanent des communications et de la culture, Les liens qui nous unissent, Chambre des communes, fascicule n° 34, février 1992. On peut aussi se demander s'il existe une autre constitution dans le monde qui énumère de façon si extensive les « valeurs » partagées par les citoyens comme le propose le projet fédéral de septembre 1991.

[13] Pierre Anctil, « Culture québécoise et culture immigrante : vers une redéfinition de leurs rapports mutuels », Cité libre. Nouvelle série, 19 (1), juillet-août 1991, p. 16.

[14] Sur ces questions, voir Gérard Bouchard, François Rocher et Guy Rocher, Les francophones québécois, Montréal, Conseil scolaire de l'île de Montréal, 1991.

[15] Trudeau, op. cit., p. 168.

[16] Ibid., p. 164.

[17] Ibid., p. 38.

[18] À ce sujet, Trudeau est on ne peut plus explicite dans le texte intitulé « Des valeurs d'une société juste », dans Thomas S. Axworthy et Pierre Elliott Trudeau, Les années Trudeau. La recherche d'une société juste, Montréal, Le jour éditeur, 1990, p. 381-407.

[19] Daniel Johnson, Égalité ou indépendance, Montréal, Le jour, éditeur, 1965, p. 23.

[20] Sur cette question, voir le premier chapitre de ce volume ainsi que François Rocher et Gérard Boismenu, « L'Accord du lac Meech et le système politique canadien », Politique, 16, automne 1989, p. 59-86.

[21] Voir le chapitre de Henri Brun dans le présent ouvrage.

[22] Ainsi, pour le chef de l'Assemblée des premières nations : « Le problème que présente le concept d'État-nation est qu'il présuppose que tout le monde doit être pareil, qu’il exige la conformité, l'uniformité. Toutefois, ce conformisme politique provient uniquement de la façon dont les civilisations occidentales ont bâti l'État-nation. L'État canadien, tel qu'il est aujourd'hui constitué, lèse si cruellement notre peuple que nous ne trouverons jamais un moyen efficace pour nous protéger adéquatement de ses effets délétères. Ce qui fait que l'option qui reste, c'est de le changer mais d'une façon si fondamentale, si drastique, que nous pourrons enfin commencer à nous y épanouir non pas en tant qu'individus assimilés à la population canadienne, mais en tant que collectivités humaines distinctes, dont l'unicité même accroît et enrichit la société toute entière. » Ovide Mercredi, « L'après-92 dans la moitié nord de l’Île de la Tortue », Cité libre. Nouvelle série, 19 (4), novembre 1991, p. 6.

[23] Voir les textes de Henri Brun et d'Éric Gourdeau dans le présent ouvrage.

[24] Pat Armstrong et al., « Trois nations égales from Coast Io Coast », Le Devoir, 12 février 1992, p. B-8.

[25] Sur cette dernière question, voir le texte de Daniel Latouche, « La vie démocratique dans un Québec souverain », dans le présent ouvrage.

[26] Trudeau, op. cit., p. 25.

[27] Pierre Fortin, « Le choix forcé du Québec : Aspects économiques et stratégiques », dans Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, Les avis des spécialistes invités à répondre aux huit questions posées par la Commission, Saint-Romuald, Imprimerie Saint-Romuald, 1991.

[28] Voir à ce sujet la contribution de Robert Young au présent ouvrage.

[29] Pour une évaluation des coûts et des bénéfices du fédéralisme canadien pour le Québec, voir François Rocher (dir.), Bilan québécois du fédéralisme canadien, Montréal, VLB éditeur, 1992 (à paraître).

[30] Thomas Courchene, Mon pays... c'est l'hiver, Communication présentée à la Conférence All-European Canadian Studies, La Haye, octobre 1990 ; « La communauté des Canadas », dans Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, Les avis des spécialistes invités à répondre aux huit questions posées par la Commission, Saint-Romuald, Imprimerie Saint-Romuald, 1991.

[31] Courchene, Mon pays... c'est l'hiver, op. cit., p. 23.

[32] Ibid.

[33] Voir le texte de Pierre Fortin dans le présent ouvrage.

[34] Voir la contribution de Pierre Delorme au présent ouvrage.

[35] Voir les textes de Mona-Josée Gagnon et d'Yves Vaillancourt dans le présent ouvrage.

[36] Édouard Cloutier, Jean H. Guay et Daniel Latouche, Le virage : l'évolution de l'opinion publique au Québec depuis 1960, Montréal, Québec/Amérique, 1992.

[37] Anctil, op. cit., p. 11.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 23 octobre 2014 13:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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