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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Alain-G. Gagnon et Jonathan Paquin, “La science politique et le développement des études sur le Québec dans le monde. Éléments de problématique et esquisse d’un profil.” In revue Globe : revue internationale d'études québécoises, vol. 4, n° 2, 2001, pp. 305-327. érudit. [Autorisation accordée par l'auteur, vendredi le 17 mars 2006, de diffuser tous ses travaux.]

[305]

Alain-G. Gagnon et Jonathan Paquin

La science politique et le développement
des études sur le Québec dans le monde
. Éléments de problématique
et esquisse d’un profil
.”
 *

In revue Globe : revue internationale d'études québécoises, vol. 4, n° 2, 2001, pp. 305-327. érudit.

Résumé / Abstract [305]
Introduction [306]

L'évolution sociopolitique du Québec : la consolidation du nationalisme civique [307]
Une « société globale » [307]
Les métamorphoses de l'identité nationale [308]
La question linguistique [310]
Le Québec : un laboratoire de la pensée politique [311]
Le post-souverainisme et l'aménagement de la diversité [312]
La reconnaissance mutuelle [313]
Deux conceptions du libéralisme politique [315]
La modernité et le nationalisme québécois [317]
Le Québec et les relations internationales [319]
Les relations entre les États fédérés [320]
Le libre-échange [322]
Les répercussions de la sécession du Québec [323]
Conclusion [326]


Résumé

Cet article fait le point sur le développement des études québécoises à l'étranger ainsi qu'au Canada anglais dans le domaine de la science politique au cours des dix dernières années. Trois perspectives d'étude sont abordées, soit l'évolution sociopolitique, la pensée politique et les relations internationales. En se basant sur l'analyse d'une sélection d'ouvrages et d'articles qui ont contribué à développer de nouvelles perspectives de recherche dans ce champ d'études, les auteurs traitent de la contribution des québécistes hors Québec aux débats politiques québécois dans ces champs d'activités. Ils montrent également que les études québécoises réalisées par des politologues hors Québec ont été florissantes au cours de la dernière décennie. Certaines problématiques inhérentes à ce domaine d'études sont également soulevées dans le but de stimuler la réflexion et la recherche sur le Québec.

Political Science and the Development of Quebec Studies Abroad : Theorizing a field and the Sketch of a Profile

Abstract

This paper reviews the expansion of Qurbec studies outside of Qurbec in the field of political science for the last ten years. Three grneral fields of research are examined : sociopolitical evolution, political thought and international relations. Based on the analysis of selected works that have contributed to the developtnent of Quabec political studies, the authors deal with quebecists ‘contribution [306] to Quebec political debates in these fields of research. The authors also show that Quebec studies conducted by foreign and Canadian political scientists bave flourished in the last decade. Some issues related to these fields of study are also addressed with a view to stimulate future Quebec studies.

Introduction

Le présent article a pour but d'analyser le développement des études québécoises en science politique à l'étranger au cours des dix dernières années et de mesurer l'impact de ce développement sur les débats sociaux et politiques québécois. Pour y parvenir, nous avons ciblé les espaces de réflexion qui ont particulièrement intéressé les québécistes « hors Québec [1] » au cours de la dernière décennie. De cette façon, il a été possible de brosser un portrait global de leur contribution aux études sur le Québec. Les axes de recherche retenus dans le cadre de cette étude sont les suivants : 1) l'évolution sociopolitique, 2) la pensée politique, et 3) les relations internationales. Ces perspectives ont été retenues du fait qu'elles ont su canaliser, au cours des récentes années, un grand nombre de recherches sur le Québec. En fait, nous constatons que la très grande majorité des études québécoises publiées par des politologues hors Québec adoptent l'une de ces perspectives d'étude. En nous concentrant sur ces trois espaces de réflexion, il nous est ainsi possible de repérer les ouvrages étrangers les plus marquants.

D'emblée, il est important de préciser que cet article ne prétend pas fournir un bilan exhaustif des études sur le Québec. Il a simplement pour but de repérer les principaux ouvrages étrangers et canadiens anglais qui, selon nous, ont grandement contribué au développement des études québécoises et ont alimenté les débats sociopolitiques au Québec. Le fait de limiter notre étude à la décennie 1990 permet, par ailleurs, d'esquisser un profil actuel des études sur le Québec dans le champ de la science politique.

Notre analyse démontre que la contribution des québécistes hors Québec aux études québécoises est riche et révélatrice d'une volonté de mieux faire connaître le Québec à l'étranger. Elle témoigne du fait que le Québec est perçu à l'étranger comme une société unique s'inscrivant [307] parfaitement dans le sillage de la modernité. Cette étude fait également la démonstration que les travaux des québécistes étrangers ont un impact certain sur les débats intellectuels au Québec et qu'ils constituent un apport essentiel à la bonne compréhension de la société québécoise.

L'évolution sociopolitique du Québec :
la consolidation du nationalisme civique


La période de la Révolution tranquille constitue un point de référence historique pour les québécistes hors Québec. Depuis une dizaine d'années, plusieurs observateurs étrangers ont porté leurs études sur les transformations sociopolitiques qui ont jalonné le parcours du Québec depuis les années 1960.

Une « société globale »

Plusieurs observateurs ont récemment noté que l'évolution sociopolitique du Québec a permis le développement d'une « société globale ». Le terme « société globale » renvoie à une société ayant un territoire défini, des institutions propres, une langue publique commune et une culture unique. Ces traits sociologiques et politiques constituent, selon plusieurs auteurs, le noyau autour duquel le projet national québécois s'articule et établissent les paramètres à l'aide desquels il devient pertinent d'étudier le Québec [2].

Pour le politologue français Alain Dieckhoff, la culture québécoise et la langue publique française sont les principaux éléments de convergence et d'intégration de la société québécoise. Selon lui, la collectivité québécoise, prise dans son ensemble, forme une nation même si elle ne [308] dispose pas d'un « toit politique » égal à celui des États souverains. Le Québec, explique-t-il, est une « nation sans État » au même titre que la Catalogne ou l'Ecosse [3]. Michael Keating adopte un raisonnement semblable à celui de Dieckhoff. Ce politologue écossais explique que les Québécois forment une société globale du fait qu'ils ont su développer une profonde identité territoriale et qu'ils se distinguent par un mode original de solidarité et de gestion sociale et économique. Il précise : « Société globale, le Québec n'a plus à justifier [son] nationalisme au nom de ce qui le distingue d'un ensemble plus vaste, car il a intériorisé son propre système de valeurs et s'est conféré à lui-même toute la légitimité possible [4].

Une opinion semblable est exprimée par David Jones. Il y a quelques années, cet observateur américain écrivait dans le Washington Quarterly que le Québec forme une nation moderne. Sans toutefois parler explicitement d'une société globale, Jones soutenait qu'« Il ne faut pas faire un examen bien approfondi pour reconnaître que le Québec se qualifie en tant qu'État-nation [5] ». Le Québec est ainsi de plus en plus perçu à l'étranger comme étant une « société globale » autonome, distincte du projet national canadien.

Les métamorphoses de l'identité nationale

Les nombreux progrès réalisés par le Québec depuis les années 1960 ont mené à la redéfinition de l'identité nationale. Le nationalisme canadien-français d'autrefois, caractérisé par l'ethnicité et la religion, [309] s'est transformé au fil des ans en un nationalisme basé sur la citoyenneté et le territoire et auquel la diversité culturelle fournit une vitalité essentielle. Dans Les défis du nationalisme moderne, Michael Keating brosse un portrait impressionnant des transformations qu'a connues le nationalisme québécois depuis quarante ans. Il fait valoir que l'identité nationale québécoise s'est redéfinie sur des bases libérales et pluralistes, devenant les seuls points d'ancrage de l'identité moderne québécoise [6]. Le parcours politique suivi par le Québec depuis la Révolution tranquille a permis à la société québécoise de s'imprégner d'un nationalisme moderne parfaitement adapté à la réalité contemporaine [7].

Écrivant dix ans plus tôt, l'américaine Katherine O'Sullivan See faisait une analyse du nationalisme québécois fort différente de celle effectuée par Keating. Procédant à une comparaison entre le nationalisme au Québec et en Irlande du Nord, elle avançait l'hypothèse selon laquelle le nationalisme québécois était le résultat d'une mobilisation ethnique [8]. À l'aide d'une approche structuraliste, O'Sullivan See cherchait à démontrer que la Révolution tranquille a favorisé le développement d'une nouvelle classe moyenne francophone et, par le fait même, a facilité la montée d'un nationalisme et d'un séparatisme ethnique [9]. Selon elle, les transformations sociopolitiques qui se sont opérées au Québec depuis l'élection du gouvernement Lesage en 1960 représentent « les efforts stratégiques de la part d'une fraction de classe de mettre de l'avant sa propre position économique et politique en revendiquant [310] certains droits ethniques [10]. » Contrairement à Keating, qui perçoit le nationalisme québécois comme un élan de la modernité, O'Sullivan See croit que ce nationalisme agit en opposition au monde moderne au même titre que le nationalisme catholique d'Irlande du Nord. Son argument suppose que le nationalisme québécois nie les principes universels de l'égalité entre les individus et de l'impartialité de la justice à cause de son caractère ethnique et de la logique d'autodétermination ethnoculturelle qui le sous-tend [11].

Il n'y a donc pas d'évolution importante à rapporter quant à l'interprétation que donnent les observateurs étrangers du nationalisme québécois. Ce que nous pouvons toutefois constater, en comparant les ouvrages de Keating et d'O'Sullivan See, c'est que l'expression du nationalisme québécois semble s'être grandement transformée au cours des dernières années. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question dans la section portant sur la pensée politique.

La question linguistique

La question de la langue au Québec n'est pas non plus demeurée en reste chez les québécistes étrangers. La contribution de l'Américain Marc Levine à l'étude sociolinguistique du Québec a été remarquée au cours des dernières années à la suite de la parution de son livre La reconquête de Montréal. Dans cet ouvrage, Levine se penche sur les transformations linguistiques et sociales qu'a connues le Québec, et a fortiori Montréal, depuis les années 1960 [12]. Il constate que la société québécoise a assisté à un véritable « retournement de l'histoire » et démontre clairement comment la majorité francophone, qui était traditionnellement défavorisée, s'est rapidement hissée au premier rang dans le développement socioéconomique du Québec. Levine fait la démonstration que l'intervention de l'État québécois a été l'outil indispensable à la reconquête sociopolitique de Montréal par la majorité francophone. [311] Elle a permis de bouleverser « la hiérarchie sociale et économique fondée sur la langue [13] ».

De façon générale, nous constatons que l'itinéraire politique québécois des quarante dernières années fascine un grand nombre de québécistes étrangers. Non seulement ces observateurs étrangers renseignent-ils les Québécois sur eux-mêmes, mais ils ont permis d'accroître les connaissances sur le Québec à l'échelle internationale. Il est également intéressant de constater que le concept de société globale, d'abord élaboré par des intellectuels québécois tels que Fernand Dumont, trouve aujourd'hui écho à l'étranger. Cela permet d'enrichir grandement les débats au sein de la société québécoise. Forts de ces constats, nous étudierons plus en profondeur dans la prochaine section l'axe de la pensée politique. La contribution des politologues hors Québec au développement des études québécoises y est également riche et abondante.

Le Québec :
un laboratoire de la pensée politique


Les études sur le Québec sont un terrain fertile pour la pensée politique. Ces dernières années, un grand nombre d'observateurs étrangers et canadiens en ont fait l'un de leurs sujets de prédilection. Si le Québec est autant étudié et cité comme exemple par plusieurs penseurs politiques, c'est qu'il constitue un espace politique unique où libéralisme, nationalisme et démocratie s'entremêlent et cohabitent. Plusieurs raisons concourent à faire de la société québécoise un laboratoire de la pensée politique. Pensons aux discussions entourant la cohabitation entre majorité et minorité linguistique, à la relation qu'entretient le nationalisme québécois avec la pensée libérale occidentale, aux nombreux débats constitutionnels sur le statut du Québec au sein de la fédération canadienne et à sa sécession possible du Canada. Ces questions ont souvent capté l'attention des observateurs étrangers et ont permis de fournir des éléments de réponse aux collectivités traversées par le pluralisme culturel et la diversité sociale.

[312]

Le post-souverainisme
et l'aménagement de la diversité


À l'heure de la mondialisation et de la résurgence des mouvements identitaires, des politologues bien en vue notent que l'autorité politique de nos sociétés est de plus en plus diffuse et suggèrent de remettre en question le principe classique de l’État-nation afin de répondre adéquatement aux besoins politiques des différentes communautés politiques.

Dans Beyond Sovereignty, Michael Keating traite abondamment du Québec et avance que les États souverains doivent dorénavant adopter une approche « dénationalisée » de leur aménagement constitutionnel et politique [14]. Il soutient que le principe de la compréhension mutuelle entre les communautés politiques doit guider la dénationalisation de l'État-nation. Pour Keating, l'idée de l'État-nation pleinement souverain est illusoire. Ni les politiques centralisatrices des gouvernements nationaux, ni la sécession des minorités nationales ne peuvent mener à une totale souveraineté. Pour cette raison, il serait préférable et plus pragmatique, selon lui, de revoir les espaces politiques déjà établis en vue d'accommoder les diverses nationalités. La compréhension mutuelle entre les communautés politiques et le réaménagement de la diversité dans les États plurinationaux représentent une avenue politique pour les nationalismes minoritaires comme dans le cas québécois [15]. Ainsi, selon Keating, le principe de l'autodétermination ne conduit plus automatiquement à la sécession mais plutôt à la possibilité des nationalismes minoritaires de négocier leur statut politique au sein d'États multinationaux [16]. Telle est l'essence de la proposition post-souverainiste avancée par Keating [17].

[313]

Alain Dieckhoff adopte une approche similaire à celle formulée par Keating [18]. Dans La nation dans tous ses États, il indique qu'il est maintenant nécessaire de réformer l'État-nation traditionnel en État multinational afin de répondre aux besoins politiques des groupes identitaires. D'autres, dont le Canadien Philip Resnick, abondent également en ce sens. Selon Resnick :

Les fédérations multinationales comme le Canada contiennent une pluralité de nationalités ; mais la solution à leurs problèmes identitaires se trouve davantage du côté d'un cadre confédéral souple plutôt que dans un fractionnement territorial où les problèmes ethniques et minoritaires risquent de déborder [19].

Dans le contexte politique canadien actuel, une décentralisation asymétrique des pouvoirs semble cependant improbable à court terme. Keating souligne que le Canada est loin d'épouser une conception politique dénationalisée (confédérale) et s'attache à une vision traditionnelle du concept de souveraineté. Le gouvernement fédéral canadien, avec la complicité de plusieurs premiers ministres provinciaux, fait la promotion d'une vision centralisatrice et uniformisante de l'État-nation, opposée à toute dénationalisation de l'aménagement constitutionnel et politique. Keating poursuit en affirmant que la loi C-20 sur la Clarté référendaire, récemment adoptée par le gouvernement fédéral, est le parfait exemple de l'absence d'une vision dénationalisée [20].

La reconnaissance mutuelle

L'idée de la reconnaissance mutuelle entre les communautés politiques promue par Keating a d'abord été avancée par James Tully, puis par Michael Ignatieff [21]. Dans Strange Multiplicity, Tully se demande si [314] les constitutions modernes peuvent réellement accommoder la diversité culturelle et s'interroge sur les amendements constitutionnels qui seraient susceptibles de rendre justice aux minorités nationales [22]. Les voies de solution dépendent pour l'essentiel de la manière avec laquelle la question de l'unité canadienne est interprétée.

D'après Tully, les origines de la fédération canadienne peuvent être interprétées à partir de deux principales écoles de pensée. Il y a l'école de la discontinuité et de l'uniformité qui présente la fédération canadienne comme résultant de la subordination des provinces à un gouvernement fédéral dominateur. Puis, il y a l'école de la continuité et de la diversité qui perçoit le Canada comme le produit d'une souveraineté partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral [23]. James Tully se réclame de cette deuxième école. Il s'oppose à toute volonté d'homogénéisation de la fédération canadienne et favorise le respect des valeurs fondatrices de cette fédération, c'est-à-dire la reconnaissance de la diversité, la réciprocité et la continuité politique.

Tully est d'avis que l'adoption d'une nouvelle constitution par le Canada, en 1982, à laquelle fut ajoutée une charte des droits et libertés, a eu pour effet de rompre avec le principe de continuité puisqu'elle fut adoptée sans l'accord du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale québécoise. Tully y voit là le travail de l'école de la discontinuité et de l'uniformité qu'il a tôt fait d'identifier à la démarche trudeauiste. D'un point de vue philosophique, il établit que si les récentes violations du principe de continuité ne sont pas corrigées, le Québec aura le droit moral de faire sécession du Canada puisqu'il est essentiel, selon lui, de respecter et de protéger les piliers sur lesquels la fédération canadienne fut érigée. Toute tentative de changement politique qui ne tiendrait pas compte du consensus entre partenaires canadiens, de la reconnaissance mutuelle et de la continuité est une injustice qui violerait l'esprit fédéral ayant inspiré les pères fondateurs du Canada. La contribution de James Tully au débat constitutionnel canadien et québécois est très importante puisqu'elle fournit des arguments de taille à ceux qui [315] souhaitent revoir le pacte fédéral canadien et apporter des correctifs au déni de reconnaissance de 1982.

Michael Ignatieff ajoute maintenant sa voix à ceux qui critiquent la vision symétrique et uniformisante du Canada. Dans The Rights Revolution, il favorise un assouplissement de la fédération canadienne qui permettrait de reconnaître aussi bien les droits collectifs que les droits individuels et, ce faisant, permettrait d'accommoder les minorités nationales. Selon lui, l'unité nationale canadienne doit relever de deux principes : 1) l'égalité des droits individuels ; 2) l'égalité dans la reconnaissance (le groupe majoritaire reconnaît les minorités et vice versa). Le concept de réciprocité est central à la thèse défendue par Ignatieff [24].

Il existe une grande affinité entre les propos de Michael Ignatieff et ceux de James Tully. Pour Ignatieff et Tully, la vision symétrique du fédéralisme canadien qui prévaut depuis plus de trente ans est nuisible puisqu'elle nie toute reconnaissance de la spécificité du Québec. Considérant le nationalisme québécois comme pluraliste et respectueux des droits de la personne, ces auteurs croient qu'il faut procéder à un assouplissement du fédéralisme canadien en faisant la promotion d'une reconnaissance mutuelle entre les groupes nationaux ainsi qu'en renouant avec les valeurs sur lesquelles s'est édifiée la fédération canadienne.

Deux conceptions du libéralisme politique

L'un des débats qui a particulièrement retenu l'attention des québé-cistes est celui portant sur les libéralismes procédurier et communau-tariste. Le philosophe Charles Taylor [25] est l'un de ceux qui ont le plus [316] fait avancer la recherche dans ce domaine. Dans Multiculturalisme : Différence et démocratie, Taylor s'attarde à la question du besoin de reconnaissance qu'éprouvent certaines communautés politiques évoluant au sein de sociétés libérales. Pour illustrer son propos, il s'appuie sur l'exemple du Canada où deux types de libéralisme cohabitent. Le premier type est celui du libéralisme garantissant les libertés individuelles (procédurier) [26]. Le Canada, depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés en 1982, se fait le défenseur de ce type de libéralisme, et ce, même si la Charte propose simultanément de faire la promotion du patrimoine multiculturel canadien. Le second type de libéralisme mise sur les valeurs collectives (communautariste). Ce libéralisme, largement soutenu au Québec, est sensible aux spécificités culturelles et répond au besoin de reconnaissance des communautés politiques.

Ainsi, deux modèles se partagent la scène canadienne. Dans sa volonté d'affirmer la différence québécoise, le Québec est souvent perçu comme un trouble-fête qui tente de chambouler l'aménagement symétrique et homogène de la fédération canadienne. Le Québec se définit comme l'une des deux sociétés d'accueil au Canada et entend ainsi promouvoir la langue française et la culture québécoise tout en se faisant le garant des droits individuels.

Selon Taylor, le libéralisme procédurier ne peut prétendre à une neutralité culturelle complète. Il prend ainsi clairement partie pour une forme de libéralisme adaptée aux différences et fondée sur une reconnaissance mutuelle des communautés politiques canadiennes. L'aménagement politique de la diversité canadienne, croit-il, doit être reformulé afin de prendre en compte et de reconnaître les visées collectives de la communauté politique québécoise. Plusieurs québécistes étrangers dont Michael Keating, Alain Dieckhoff et Michael Ignatieff rejoignent ici les propos de Charles Taylor. À vrai dire, Taylor a certainement eu une influence déterminante sur le cheminement intellectuel de ces québécistes. Il demeure l'un des premiers philosophes québécois de [317] la période moderne à s'être penché sur les questions de reconnaissance mutuelle et d'aménagement de la diversité [27].

La modernité et le nationalisme québécois

Dans une récente étude, Michael Keating démontre que les nationalismes minoritaires sont une manifestation particulière de la modernité et non le relent d'une époque révolue, comme certains libéraux « radicaux » le prétendent. Selon lui, les mouvements identitaires que l'on retrouve en Occident sont loin de s'opposer au phénomène de la mondialisation [28]. Bien au contraire, les manifestations nationales que l'on retrouve par exemple au Québec, en Catalogne et au Pays de Galles s'inscrivent précisément dans le sillage de la modernité [29].

Le politologue français Alain Dieckhoff partage l'interprétation de Michael Keating. Les mobilisations nationalistes occidentales (Québec, Flandre, Ecosse, Catalogne, etc.) sont, selon lui, des phénomènes hautement modernes qui « préfigurent l'avenir de nos sociétés [30] ». Dans son opposition aux tendances uniformisantes, le Québec est considéré comme une société avant-gardiste dans le domaine de la promotion de la diversité socioculturelle et comme un modèle qui gagne à être pris en compte, au nom de valeurs libérales, par les nations majoritaires.

Les dangers inhérents à l'imposition du caractère uniformisant de la modernité sont également soulevés par le philosophe politique Alain Finkielkraut qui, tout comme Dieckhoff, réserve une attention toute [318] particulière à la société québécoise. Dans L'Ingratitude, Finkielkraut critique vivement le cosmopolitisme et la pensée libérale orthodoxe [31]. Selon lui, le cosmopolitisme représente aujourd'hui l'idéologie dominante et a pour conséquence de faire oublier aux « grandes nations [32] », telles que la France et l'Allemagne, les richesses culturelles et sociopolitiques qu'elles ont reçues en héritage. Sur la base de ce constat, Finkielkraut prend le parti du Québec et des autres petites nations qui arrivent à marier modernité et diversité. Il reconnaît l'importance et soutient le bien-fondé des droits collectifs comme antidote à l'homogénéisation culturelle. Dans l'esprit de Finkielkraut, les petites nations doivent faire la leçon aux grandes nations qui, bien naïvement, se croient invulnérables face aux effets uniformisants du cosmopolitisme. Il écrit : - [p]our comprendre les petites nations, il manque à la France l'expérience de la fragilité et l'angoisse de périr [33] ». Cette remarque est généralisable à l'ensemble des grandes nations. Ainsi, les petites nations, comme le Québec, seraient les seules à conserver une certaine lucidité face aux effets hypnotisant du cosmopolitisme et ce, grâce à l'insécurité culturelle qui les caractérise. Pourtant, selon Finkielkraut, toutes les nations apparaissent petites en comparaisons avec les manifestations englobantes de la modernité. Il écrit :

Face à ce nihilisme triomphant, il n'y a plus que de petites nations et de fragiles héritages. Nous sommes tous des Québécois. Nous sommes tous dans le même bateau. Mais nous ne le savons pas, car la menace qui pèse sur nous se présente sous la forme anesthésiante et même enthousiasmante du génie de la liberté [34].

Le Québec se retrouve donc au centre de l'argumentation de Finkielkraut et y fait figure d'exemple.

[319]

L'apport des québécistes étrangers au domaine de la pensée politique québécoise est remarquable. Comme nous l'avons vu, plusieurs de ces québécistes perçoivent le Québec comme une société faisant le pont entre la modernité et le nationalisme. Selon eux, les nationalismes minoritaires, comme celui du Québec, sont essentiels à l'accomplissement de la modernité, car ils assurent un juste équilibre entre l'individualisme et le maintien de la diversité culturelle. Offrant un exemple patent d'arrimage entre mouvement identitaire et mondialisation, la société québécoise offre donc de riches avenues de recherche. La contribution des observateurs étrangers sur ce sujet d'étude a eu un impact certain sur les discussions et la réflexion au Québec.

Un autre des axes de recherche les plus explorés, et certainement parmi les plus prometteurs, est celui de l'aménagement de la diversité au Québec et au sein de la fédération canadienne [35]. Cette question pose de grands défis politiques et intellectuels pour l'avenir et constitue l'un des développements les plus significatifs en études politiques québécoises hors Québec au cours des dix dernières années.

Le Québec et les relations internationales

Plusieurs événements ont concouru à faire du Québec un fascinant objet d'étude dans le domaine des relations internationales. Aux États-Unis, par exemple, plusieurs études ont été réalisées sur les relations avec le Québec, ce qui a grandement contribué au développement des études québécoises. Les Américains sont ceux qui ont manifesté le plus d'intérêt pour le Québec dans le champ des relations internationales. Cela s'explique principalement par trois facteurs. D'abord, pour des raisons géo-stratégiques, il est compréhensible que les Américains s'intéressent au Québec, puisque quatre États américains partagent ses [320] frontières. Ensuite, le rôle qu'a joué le Québec dans les négociations menant à la signature de l'Accord de libre-échange en 1989 a également attiré l'attention de nombreux politologues américains. Finalement, le résultat serré du référendum d'octobre 1995 sur le projet de souveraineté-partenariat avec le Canada a fait prendre conscience aux dirigeants américains que la sécession du Québec était devenue un scénario envisageable.

Les relations entre les États fédérés

Les relations qu'entretiennent les États de la Nouvelle-Angleterre avec le Québec ont intéressé plusieurs politologues américains au cours des récentes années. C'est le cas de Martin Lubin, de la State University of New York [36]. Dans New England, New York, and Their Francophone Neighborhood, Lubin traite des liens économiques et politiques entre ces États américains et le Québec. Il démontre que les frontières qui séparent le Québec et les États-Unis sont de plus en plus poreuses et que le volume des échanges internationaux de biens et services continue d'augmenter rapidement. Les investissements, le commerce ainsi que la révolution technologique dans les domaines des communications et du transport expliquent pour une bonne part cet accroissement des liens économiques. Sur le plan institutionnel, Lubin mentionne que, parallèlement à l'intensification des liens économiques, l'intérêt général des Américains pour le Québec s'est accru depuis une vingtaine d'années. Créé en 1978, le Northeast Council on Quebec Studies (NCQS), qui regroupait des québécistes américains provenant presque exclusivement des États du Nord-Est des États-Unis, a été rebaptisé American Council for Quebec Studies (ACQS) en 1984 à cause de l'intérêt grandissant aux États-Unis pour les études sur le Québec [37].

[321]

Pour des raisons essentiellement culturelles, les relations entre la Louisiane et le Québec ont également été étudiées par Alfred Hero, l'un des pionniers en matière de relations Québec-États-Unis. Dans Louisiana and Quebec, Hero présente les événements historiques et politiques qui ont lié le Québec et la Louisiane depuis le 17e siècle [38]. Même si seulement 0,31% des exportations québécoises aux États-Unis sont aujourd'hui destinées à la Louisiane, le Québec a su maintenir à travers l'histoire des liens culturels avec cet État américain. Cependant, Hero note que ces liens demeurent ténus. La récession économique qui a frappé le Québec à la fin des années 1980 et l'élection du Parti libéral de Robert Bourassa, considéré comme moins enclin que le Parti Québécois aux relations internationales et culturelles, a forcé le Québec à se replier essentiellement sur les activités économiques avec les États-Unis. Le bureau du Québec à Lafayette (foyer francophone de la Louisiane) a été fermé en 1992 [39]. Ces événements expliquent le scepticisme de Hero quant à une éventuelle intensification des liens culturels entre le Québec et la Louisiane.

Plusieurs politologues ont également manifesté leur intérêt pour le développement des relations internationales du Québec et ont démontré que ce développement a eu un impact certain sur le comportement des États américains sur la scène internationale. Elliot J. Feldman et Lily Gardner Feldman, respectivement des universités Harvard et Tufts, ont étudié de très près les activités internationales du Québec [40]. Ils démontrent que le phénomène de la multiplication des acteurs internationaux en Amérique du Nord fut initié par le Québec qui a ouvert la voie en ce domaine au cours des années 1960 [41]. Aujourd'hui plusieurs provinces canadiennes et des États américains sont présents à l'étranger.

[322]

Le libre-échange

L'Accord de libre-échange Canada-États-Unis a permis au Québec d'accroître son rayonnement aux États-Unis. Dans un article percutant paru dans Quebec Studies, le politologue Kenneth M. Holland de l'Université de Memphis effectue une étude opposant la position du Québec à celle de l'Ontario sur la question du libre-échange. Il démontre que sans la campagne menée par le Québec en faveur de l'élimination des tarifs douaniers entre le Canada et les États-Unis, il aurait été peu probable que cet accord commercial voie le jour [42]. On se rappellera que le Canada hors Québec, l'Ontario en particulier, avait manifesté une vive opposition face à ce projet économique. Selon Holland, le Québec mérite une large part du crédit pour ce développement historique qui a profondément modifié le régime des échanges internationaux [43]. L'attitude manifestée par les dirigeants québécois face à la question du libre-échange fait maintenant du Québec l'une des régions les plus dynamiques en l'Amérique du Nord.

Le traitement réservé à l'étude de la société québécoise dans le contexte du libre-échange ne se limite pas à la position du gouvernement québécois face à ces accords commerciaux. Certains observateurs américains, dont Ernest Yanarella, ont poussé leurs analyses jusqu'à traiter des défis et des dangers que posent ces accords commerciaux pour l'économie du Québec. Selon Yanarella, l'entrée en vigueur de l'ALÉNA a permis à l'économie québécoise de prendre de l'expansion et de se diversifier, mais pourrait avoir également pour effet de réduire [323] l'autonomie dont dispose le gouvernement du Québec dans un cadre continental des échanges [44].

Les répercussions de la sécession du Québec

Les échecs constitutionnels qu'a connus le Canada au début des années 1990 et la quasi-victoire des forces souverainistes lors du référendum d'octobre 1995 ont amené plusieurs politologues américains spécialistes du Canada à réexaminer les relations Québec-Canada [45]. Il est important de souligner que cet intérêt soudain est venu en bonne partie d'un appel à la défense des intérêts nationaux américains face au possible éclatement du Canada. Joseph T. Jockel est l'un des politologues les plus en vue à s'être penché sur la question. Dans If Canada Breaks Up : Implication for U.S. Policy, Jockel dresse les grandes lignes de la politique étrangère américaine face au Québec et au Canada dans l'éventualité de la souveraineté du Québec [46]. Pour une super-puissance comme les États-Unis, il est évident que le statu quo est toujours préférable à tout changement géopolitique. Jockel croit que la souveraineté du Québec engendrerait un certain coût politique pour le gouvernement américain, en partie parce que Washington serait obligé de redéfinir sa politique étrangère au nord de sa frontière.

Charles Doran est un spécialiste en relations internationales qui s'intéresse au Québec depuis une vingtaine d'années. Dans un article publié dans Foreign Affairs, Doran traite des conséquences que pourrait avoir la sécession du Québec pour les Américains. Selon lui, il est [324] possible que l'indépendance du Québec conduise à la désintégration du Canada compte tenu des disparités régionales et de l'étendue du pays [47]. Pour cette raison, il favorise le maintien de la fédération canadienne. Il a également soutenu ce même argument devant le Comité des Relations internationales de la Chambre des Représentants à Washington en 1996. [48]

D'autres experts ont avancé que les États-Unis pourraient vivre sans difficulté avec un Québec souverain. Dans un article publié dans le Washington Quarterly en 1997, David T. Jones, qui a longtemps travaillé comme ministre conseiller politique à l'Ambassade des États-Unis à Ottawa, explique que le Québec est une nation démocratique, que cette nation dispose d'une économie très développée et que, en conséquence, le gouvernement américain pourrait très bien vivre avec un Québec indépendant, bien qu'il privilégie pour l'instant un Canada uni [49]. Fait à noter, le Département d'État américain a répudié l'article de Jones. Cependant, comme le soulignent Louis Balthazar et Alfred Hero, « le blâme portait beaucoup plus sur l'opportunité de la publication que sur son contenu qui n'a pas été systématiquement démenti [50] ».

Outre les québécistes américains, le politologue canadien Robert Young a également abordé la question des conséquences politiques de la sécession du Québec pour le Canada dans The Secession of Quebec and the Future of Canada [51]. Dans cet ouvrage, Young traite de l'éventuel processus de négociation entre le Québec et le Canada en se concentrant sur chacune des étapes de cette négociation. La contribution de Young au débat politique québécois est importante, car son étude constitue une imposante source d'information sur le visage politique du Québec. Son étude permet également de faire la lumière sur la [325] période suivant un référendum gagnant sur la souveraineté du Québec, ce qui constitue une première dans le domaine des études québécoises.

Les politologues américains et canadiens ne sont pas les seuls à s'intéresser aux relations internationales du Québec. En France, par exemple, on retrouve des québécistes qui traitent avec érudition de ce sujet. Cependant, bien que la France et te Québec entretiennent depuis quarante ans des relations fructueuses [52], l'intérêt des politologues français pour les relations France-Québec est demeuré limité. C'est le constat que fait Jacques Portes, de l'Université Panthéon-Sorbonne [53]. Selon lui, les échanges économiques entre la France et le Québec n'ont pas insufflé l'énergie nécessaire pour permettre le développement de relations politiques plus étroites entre les deux États [54]. Portes souligne cependant que bien que ces relations demeurent limitées, cela ne les rend pas pour autant sans importance [55].

Les québécistes américains ont beaucoup contribué, au cours de la dernière décennie, au développement des études québécoises dans le domaine des relations internationales. Qu'il s'agisse du libre-échange, des futures relations avec un Québec souverain, ou des liens entre le Québec et les États américains, les québécistes américains ont démontré qu'une partie, ne serait-ce qu'infime, de l'élite intellectuelle américaine s'intéresse au Québec et que ce dernier constitue un objet d'étude pour lequel l'intérêt s'est grandement accru aux États-Unis au cours des dernières années. Ces études ont également eu un impact sur les débats [326] politiques au Québec. En somme, elles nous renseignent sur la perception américaine du Québec et sur l'attitude que les États-Unis adopteraient éventuellement face à la souveraineté du Québec.

Conclusion

Cet article a permis d'analyser le développement des études québécoises en science politique à l'étranger depuis dix ans et de mesurer son impact sur les débats sociopolitiques au Québec. A la lumière de notre analyse, nous constatons que les travaux sur le Québec ont été nombreux et diversifiés. La contribution des québécistes hors Québec dans les trois espaces de réflexion étudiés s'est en effet avérée riche et diversifiée. Par leurs nombreuses études, les observateurs étrangers ont proposé de nouvelles pistes de recherche sur le Québec telles que l'aménagement de la diversité, la relation intime entre modernité et nationalisme québécois, et les relations entre le Québec et les différentes instances politiques américaines.

Le présent exercice a clairement fait ressortir que le Québec est perçu à l'étranger comme une nation politique tout aussi unique que moderne. La Révolution tranquille, le nationalisme et la question de la sécession du Québec viennent ajouter au caractère unique du Québec et permettent souvent d'accroître l'intérêt des observateurs étrangers qui, eux-mêmes, sont souvent aux prises avec des contextes traversés par la diversité.

Nous constatons également qu'il existe une complémentarité intellectuelle entre les politologues québécois et les québécistes hors Québec dans le domaine des études québécoises. Nombreux sont les observateurs étrangers à s'être inspirés des idées débattues par les intellectuels québécois pour pousser leurs réflexions. Nous n'avons qu'à penser par exemple à l'influence certaine qu'ont eu les travaux de Fernand Dumont et de Simon Langlois sur ceux du politologue français Alain Dieckhoff lorsqu'il traite du Québec comme d'une « société globale » dans son ouvrage La nation dans tous ses États. Comme par un effet de miroir, les politologues du Québec nourrissent à leur tour leurs propres réflexions des ouvrages sur le Québec produits à l'étranger. Il [327] s'agit là d'une forme de synergie sur le plan de la contribution intellectuelle entre québécistes d'ici et d'ailleurs. Ainsi, cette recherche fait ressortir que les contributions étrangères à l'étude du Québec ont un impact direct sur les débats intellectuels et politiques québécois. Ces contributions constituent un apport essentiel à la bonne compréhension du Québec et font en sorte que les Québécois ne peuvent penser l'évolution de leur société en vase clos.



* Une version préliminaire de cet article a été présentée lors du colloque sur l'émergence des études québécoises organisé par l'Association internationale des études québécoises à l'Université de Sherbrooke le 15 mai 2001.

[1] Le terme « québéciste hors Québec » permet de regrouper tant les experts sur le Québec à l'étranger qu'au Canada anglais.

[2] L'expression « société globale », utilisée notamment par Alain Dieckhoff et par Michael Keating dans leurs récents ouvrages, est aussi utilisée par le sociologue québécois Simon Langlois. Voir Simon Langlois, « Le choc des deux sociétés globales », dans Louis Balthazar, Guy Laforest et Vincent Lemieux [éd.], Le Québec et la restructuration du Canada, 1980-1992, Sillery, Septentrion, 1991, pp. 95-108. D'autres auteurs, dont Guy Rocher et Fernand Dumont, ont également utilisé le terme « société globale » dès le début des années 1960.

[3] Alain Dieckhoff écrit : » Un trait sociologique majeur unit Québec, Catalogne, Pays basque, Ecosse et Flandre, et explique la persistance du nationalisme : ces pays sont des sociétés globales. [...] Parce que de telles sociétés ont une forte densité, leurs membres se situent davantage par rapport à elles que par rapport au cadre étatique général, à savoir le Canada, l'Espagne, la Grande-Bretagne ou la Belgique ». Voir Alain Dieckhoff, La nation dans tous ses États, Paris, Flammarion, 2000, pp. 123-124.

[4] Michael Keating, Les défis du nationalisme moderne : Québec, Catalogne, Ecosse, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1997, p. 128.

[5] Traduction libre des auteurs. (« It does not take much examination to recognize tbat Quebec qualifies as a nation-state »). David T. Jones, « An Independent Québec : Looking into the Abyss », The Washington Quarterly, vol. 20, n° 2, printemps 1997, p. 26.

[6] Michael Keating, op. cit., p. 128.

[7] Michael Keating avance que « Le groupe ethnique canadien-français a surmonté la discrimination dont il était l'objet et a accédé à des postes de direction dans la société civile et dans l'économie. Le français est devenu la langue de communication à tous les degrés de l'échelle sociale. Les Canadiens français se sont redéfinis comme Québécois... (...) L'identité territoriale y est puissante et sous-tend un mode original de coopération, de concertation économique et de solidarité ». Ibid.

[8] Voir Katherine O'Sullivan See, First World Nationalisms : Class and Ethnic Politics in Northern Ireland and Quebec, Chicago, The University of Chicago Press, 1986.

[9] Ibid., p. 103. Pour une approche plus sophistiquée, on peut se reporter aux travaux de Kenneth McRoberts (voir, entre autres, Misconceiving Canada : The Struggle for National Unity, Toronto, Oxford University Press, 1997).

[10] Traduction libre des auteurs. « ... represent tactical efforts on thepart of a class segment to advance its own economic and political position by claiming certain ethnic rights »). Katherine O'Sullivan See, op. cit., p. 103.

[11] Ibid., p. 169.

[12] Marc V. Levine, La reconquête de Montréal, Montréal, vlb éditeur, 1997.

[13] Ibid., p. 351.

[14] Michael Keating fait référence à une superstructure « dénationalisée » comme celle de l'Union européenne. Voir Michael Keating, Beyond Sovereignty : Plurinational Democracy in a Post-Sovereign World, Les Grandes Conférences Desjardins, n° 8, Montréal, Programme d'études sur le Québec de l'Université McGill, 2001, p. 26.

[15] Pour un développement plus approfondi, voir Alain-G. Gagnon, « Rethinking Multinational Space : the Québec referendum and beyond » dans Ethnie Challenges to the Modern Nation State, Londres, Macmillan, 2001, pp. 198-220.

[16] Michael Keating, op. cit., p. 16.

[17] Pour un compte rendu des principaux arguments énoncés par l'auteur, voir Michael Keating, « Par-delà la souveraineté », Le Devoir, 10 et 11 mars 2001.

[18] Alain Dieckhoff, op. cit.

[19] Philip Resnick, « Démocratie et nationalisme », dans Mikhaël Elbaz, Andrée Fortin et Guy Laforest [éd.], Les frontières de l'identité : Modernité et postmodernisme au Québec, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, p. 161.

[20] Ibid.

[21] Voir James Tully, Strange Multiplicity : Constitutionalism in an Age of Diversity, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.

[22] Ibid., p. 17.

[23] Ibid., pp. 140-141.

[24] Michael Ignatieff écrit à ce sujet : « Yet recognition of distinctiveness dœs not have to fragment the country. What ought to balance these distinctive provisions is a politics of reciprocity. If Quebec is granted certain rights in respect of its language and culture, the rest of the country bas a right to expect the province to protect the cultures, languages, and religions of its minorities. Reciprocity rather than strict symmetry for all is the way to move beyond a politics of concession and threat into a process of mutual recognition, in which each side acknowledge the distinctiveness of the other ». Voir Michael Ignatieff, The Rights Revolution, Toronto, Anansi, 2000, p. 120.

[25] Même si Charles Taylor est Québécois, nous avons cru bon d'inclure ses plus récents ouvrages dans notre étude. Le rayonnement international de Charles Taylor dans le domaine de la philosophie politique et la grande valeur de ses réflexions sur le Québec font de lui un incontournable en la matière.

[26] Charles Taylor, Multiculturalisme. Différence et démocratie, Paris, Éditions Aubier, 1994, p. 78.

[27] Voir Charles Taylor, « Les sources de l'identité moderne », dans Mikhaël Elbaz, Andrée Fortin et Guy Laforest [éd.], Les frontières de l'identité, op. cit., pp. 347-364.

[28] Voir Michael Keating, Beyond Sovereignty, op. cit.

[29] Keating écrit : « Surveys have shown that public opinion in the minority nations of the United Kingdom, Spain, Belgium and Canada, is converging with that of the majority on all the major value questions. These are not societies trapped in pre-modernity or undergoing a reactionary phase. Nationalist movements in these societies are de-ethnicizing and increasingly stressing territorial criteria for membership. In other words they are modernizing just like everyone else, but they are doing it in their own way and seeking their own niche in the global political and economie order. » Ibid., p. 6.

[30] Alain Dieckhoff, op. cit., p. 31.

[31] Alain Finkielkraut, L'Ingratitude : conversation sur notre temps, Montréal, Éditions Québec Amérique, collection « Débats », 1999.

[32] Finkielkraut utilise l'expression « grandes nations » pour qualifier les nations très populeuses et tout particulièrement celles qui possèdent des traditions établies et une culture millénaire.

[33] Ibid., p. 97.

[34] Ibid., p. 130.

[35] Par « aménagement de la diversité », nous entendons l'accommodation des revendications politiques des « communautés nationales » au sein d'un même État souverain de façon à favoriser une reconnaissance mutuelle entre ces communautés et à encourager ainsi l'harmonie sociale. Il est utile de se référer ici aux études publiées dans Alain-G. Gagnon et James Tully [éd.], Multinational Democraties, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

[36] Voir Martin Lubin, « New England, New York, and Their Francophone Neighborhood », dans Ivo D. Duchacek, Daniel Latouche et Garth Stevenson [éd.], Perforated Sovereignties and International Relations, New York, Greenwood Press, 1988, pp. 143-162.

[37] Ibid., pp. 147-148. Pour une revue exhaustive des différents centres d'études sur le Québec mis sur pied aux États-Unis, voir André J. Senécal, « Quebec Studies in the United States : Their Current Status and Future Prospects », Northern Exposures : Scholarship on Canada in the United States, Association for Canadian Studies in the United States, Washington D.C., 1993, pp. 289-320.

[38] Alfred Olivier Hero, Jr., Louisiana and Quebec : Bilateral Relations and Comparative Sociopolitical Evolution, 1673-1993, Lanham, University Press of America, 1995.

[39] Ibid., p. 246.

[40] Elliot J. Feldman and Lily Gardner Feldman, « Quebec's Internationalization of North American Federalism », dans Ivo D. Duchacek, Daniel Latouche et Garth Stevenson [éd.], Perforated Sovereignties and International Relations, op. cit., pp. 69-80.

[41] Jacques Portes fait un constat similaire lorsqu'il écrit : « Le Québec a même été le seul dans les années 1960 à se lancer dans l'arène internationale en tant qu'État sub-national ; il a montré l'exemple aux autres, en particulier au sein de la confédération canadienne - l'Ontario et la Colombie-Britannique ont suivi son exemple, vers l'Europe ou le Japon - ou parmi les États américains et, aujourd'hui, les relations de ce type se sont multipliées. » Voir Jacques Portes, « Les relations franco-québécoises. Une perspective bibliographique », Revue internationale d'études canadiennes, n° 5, printemps 1992, p. 185.

[42] Kenneth M. Holiand, « Quebec's Successful Role as Champion of North American Free Trade », Quebec Studies, n° 19, automne 1994/hiver 1995, p. 71. Voir également Louis Balthazar et Alfred O. Hero Jr., Le Québec dans l'espace américain, Montréal, Québec Amérique, coll. « Débats », 1999, pp. 171-173.

[43] Kenneth M. Holland, op. cit., p. 71.

[44] Ernest J. Yanarella, « Québec and NAFTA : Free Trade and the Future of Sovereignty-Association », Québec Studies, n° 19, automne 1994/hiver 1995, pp. 85-98.

[45] À titre d'exemple, au printemps 1997, The Association for Canadian Studies in the United States (ACSUS) consacrait un numéro de American Review of Canadian Studies au thème « A Sovereign Quebec and the United States ». Le numéro, sous la direction de Joseph T. Jockel et Charles-Philippe David, se penche sur les différents scénarios envisageables des relations Québec-États-Unis au lendemain de la souveraineté du Québec. Plusieurs sujets sont abordés par de nombreux experts américains et québécois tels que les traités internationaux, la défense militaire nord-américaine et les relations commerciales.

[46] Joseph T. Jockel, If Canada Breaks Up : Implication for U.S. Policy, Washington, Canadian-American Public Policy, 1991.

[47] Charles Doran, « Will Canada Unravel », Forelgn Affairs, vol. 75, n° 5, 1996, pp. 97-109.

[48] Subcommittee on the Western Hémisphere of the Committee on International Relations, House of Representatives, The Issue of Quebec's Sovereignty and its Potential Impact on the United States, 104th Congress, 25 septembre, 1996, p. 8.

[49] David T. Jones, op. cit., p. 35.

[50] Louis Balthazar et Alfred O. Hero Jr., op. cit., p. 106.

[51] Robert A. Young, The Secession of Quebec and the Future of Canada, 2nd édition, Montréal, McGill-Queen's University Press, 1998.

[52] Voir, Frédéric Bastien, Relations particulières : La France face au Québec après de Gaulle, Montréal, Boréal, 1999.

[53] Jacques Portes, « Les relations franco-québécoises. Une perspective bibliographique », Revue internationale d'études canadiennes, n° 5, printemps 1992, pp. 183-193.

[54] Jacques Portes écrit : « [L]es relations entre la France et le Québec bien qu'elles se soient intensifiées depuis i960, ne sont pas nécessairement devenues plus naturelles qu'alors, car elles ne reposent pas sur des bases vraiment solides. En dépit de réels succès, les échanges économiques n'ont pas connu un développement suffisant qui en fasse le moteur des autres formes de relations », Jacques Portes, op. cit., p. 188.

[55] Ibid., pp. 183-184. Voir aussi Jacques Portes, « Vingt ans après... ou les métamorphoses du triangle Paris-Québec-Ottawa », Revue française d'histoire d'outre-mer, n° 288, 1990, p. 97.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 30 septembre 2019 6:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue,
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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