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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Alain G. Gagnon,La raison du plus fort. Nous assistons à des reculs majeurs de la démocratie en Espagne.” In Le Devoir, Montréal, édition du samedi, 23 septembre 2017, pa-ge B5 — idées. [Autorisation accordée par l'auteur, vendredi le 17 mars 2006, de diffuser tous ses travaux.]

Alain-G. Gagnon

La raison du plus fort.

Nous assistons à des reculs majeurs
de la démocratie en Espagne
.”

In Le Devoir, Montréal, édition du samedi, 23 septembre 2017, page B5 — idées.

Alain-G. Gagnon - Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes à l’Université du Québec à Montréal et codirecteur de l’ouvrage «La politique québécoise et canadienne» (PUQ, 2017) | Actualités internationales.


À deux semaines du référendum du 1er octobre confirmant le droit des Catalans d’assumer pleinement leur avenir politique, le gouvernement de Mariano Rajoy a choisi d’imposer de façon brutale ses seules règles. Cela s’est fait entre autres en jetant en prison près d’une vingtaine de politiques et de fonctionnaires catalans, en prenant le contrôle des dépenses du gouvernement catalan — ce qui équivaut à une quasi mise en tutelle, en demandant aux forces de l’ordre (Guardia Civil) de confisquer des millions de bulletins de vote, de saisir affiches et documents d’information liés au référendum et de fermer les sites Internet diffusant les informations essentielles à la tenue de la consultation populaire. Les compagnies Vodafone et Movistar ont aussi été avisées qu’elles devaient couper sur-le-champ tous les accès au site du gouvernement catalan diffusant des informations sur le référendum. Ces compagnies ont obtempéré.

Photo: Josep Lago Agence France-Presse À Barcelone, une manifestante brandit une pancarte affirmant que «voter, c’est décider».

D’autres mesures ont été prises en vue d’empêcher la tenue de la consultation. Ainsi, le courrier peut être ouvert par les autorités de la poste en Espagne s’il y a une raison de croire qu’il s’agit de matériel référendaire. Les rassemblements dans les édifices publics sont interdits. Plus de 700 élus municipaux sont menacés de poursuites et d’arrestation pour avoir coopéré à l’organisation d’un référendum considéré illégal par Madrid. Tout cela rappelle les années peu glorieuses de l’Espagne du général Franco.

L’Espagne s’était pourtant bien relevée des années passées sous la houlette de Franco. Mais nous savons tous que la démocratie est un bien fragile qu’il nous faut protéger. Les Catalans se sont attelés à la tâche vaillamment et, depuis l’obtention du statut d’autonomie en 1979, ils étaient parvenus à faire de la Catalogne une nation vers laquelle les démocraties occidentales se tournaient pour trouver des solutions à leurs propres maux.

Sa seule autorité

Aujourd’hui, au nom de la Constitution, le gouvernement espagnol cherche à imposer sa seule autorité sur le peuple catalan. Or, on le sait, le principe démocratique s’exerce à différentes échelles (municipale, régionale, nationale, étatique, supraétatique, etc.). Chercher à s’arroger tous les pouvoirs constitue non seulement un déni de démocratie, mais un geste politique condamnable. En agissant comme il le fait, le gouvernement espagnol se déshonore. Le gouvernement espagnol a manqué à ses devoirs en refusant tout dialogue avec le gouvernement catalan après la décision du Tribunal constitutionnel d’invalider en 2010 des pans parmi les plus significatifs de l’accord politique conclu en 2006, résultat de longues négociations, entre le gouvernement de Madrid et celui de la Catalogne, accord qui avait reçu l’assentiment du peuple catalan par voie de référendum.

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Photo: Emilio Morenatti Agence France-Presse

Chaque geste posé par le gouvernement de la Catalogne en vue d’une négociation a été tourné en dérision par le gouvernement de Mariano Rajoy, qui a cherché par calcul politique à élargir sa base électorale. Toutes les missives envoyées et toutes les tentatives de dialogue du gouvernement de la Catalogne ont été ignorées par Madrid. Que ce soient les marches annuelles organisées par la société civile (Diada) rassemblant au-delà d’un million de personnes dans les rues de Barcelone et dans l’ensemble de la Catalogne ou les nombreuses représentations faites par les gouvernements d’Artur Mas ou de Carles Puigdemont auprès de Madrid, toutes ces actions sont demeurées vaines.

En juillet 2013, le président Mas exhortait le premier ministre espagnol Rajoy à établir un dialogue et à engager des négociations (comme cela s’était fait au Royaume-Uni) en vue de la tenue d’une consultation. Mas, appuyé par le Conseil consultatif pour la transition nationale, avait déterminé cinq voies légales permettant la tenue d’une consultation en Catalogne.

1. L’article 92 de la Constitution espagnole prévoit l’organisation de référendums « par décisions politiques à portée particulière ». On ne précise toutefois pas si cet article s’applique à une décision pouvant mener au retrait de l’État espagnol englobant.

2. L’article 150.2 prévoit un transfert de compétences relevant de l’État englobant — à l’image de ce qui s’est produit en 2014 dans le cas écossais.

3. La loi sur la consultation populaire adoptée par la Catalogne établit que le gouvernement catalan peut en faire usage en toute légalité, bien que cela exige le consentement de l’État englobant.

4. Le nouveau statut d’autonomie de la Catalogne adopté en 2006 — dont plusieurs clauses ont été invalidées en 2010 par le Tribunal constitutionnel — prévoyait à l’article 122 la tenue de consultations non contraignantes.

5. Enfin, une réforme constitutionnelle majeure qui exigerait l’appui des deux tiers de chacune des chambres au Parlement espagnol — suivie d’élections et d’un référendum dans toute l’Espagne — pourrait ouvrir la voie à une consultation sous l’égide des communautés autonomes. Ces cinq options ont été rejetées par Madrid, qui a ainsi fermé la porte à toute solution négociée avec le gouvernement de la Catalogne.

Bien qu’ayant respecté toutes les règles démocratiques, la Catalogne se trouve aujourd’hui dans une impasse politique et constitutionnelle, puisque toutes les voies légales lui sont interdites. Pour ajouter à la gravité de la situation, le Tribunal constitutionnel espagnol prend fait et cause pour l’État englobant. Ce tribunal se montre incapable de présenter de façon impartiale une position prenant en compte les revendications légitimes des parties en litige. Aussi, plutôt que de pouvoir se tourner vers un arbitre juste et équitable, les Catalans sont laissés à eux-mêmes sans recours juridique et sans recours constitutionnel. La Constitution espagnole est donc devenue une camisole de force pour les Catalans, qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes et espérer que les organisations internationales et les États où la démocratie a encore une signification dénoncent les abus de pouvoir du gouvernement espagnol.

Commentaires :

http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/508710/la-raison-du-plus-fort



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 26 septembre 2017 10:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue,
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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