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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Montréal: Le Devoir, le 15 juin 2001.

Plaidoyer pour une commission nationale sur la citoyenneté québécoise.
- «La triple démarche sur la langue, la fiscalité et la citoyenneté mettrait la table à la définition d'un projet que celui-ci se situe dans le cadre canadien ou non.»”

par Alain G. Gagnon, politologue, professeur de science politique et directeur du Programme d'études sur le Québec de l'université McGill.
[Autorisation accordée par l'auteur le 17 mars 2006 de diffuser toutes ses publications.]
Courriel: gagnon.alain@uqam.ca


L'intérêt que suscite depuis un mois l'idée, que j'ai soumise dans le cadre d'une entrevue avec Le Devoir, de mettre sur pied une commission nationale sur la citoyenneté m'amène à préciser ma pensée sur le sujet. 

Le Programme d'études sur le Québec de l'université McGill, dont j'assume la direction depuis 1992, a réalisé, en collaboration avec plusieurs partenaires, dont le Fonds de solidarité de la FTQ, des associations étudiantes, le Mouvement Desjardins, Les Éditions Québec Amérique, l'Association internationale des études québécoises et Le Devoir, plusieurs travaux sur des thèmes diversifiés et porteurs qui ont permis de discuter à fond de la nation québécoise, de la question identitaire au Québec, du français comme langue civique commune et du modèle québécois de libéralisme. Le temps semble propice pour réfléchir collectivement sur la citoyenneté. 

Le lien social 

Le Québec, comme toutes les nations d'Amérique ainsi que nous l'a rappelé le Sommet de Québec d'avril 2001, est aux prises avec le phénomène de la mondialisation et doit pouvoir exercer pleinement, au profit de ses citoyens, ses fonctions de représentation. Plus que jamais, les réseaux se font transnationaux mais prennent leur source sur des territoires nationaux. Le Québec est aussi appelé à faire une place plus importante aux populations immigrantes et à élaborer des façons novatrices de leur faire partager un espace politique et économique commun en en faisant des citoyens actifs. 

La faible croissance démographique du Québec, une caractéristique propre aux sociétés occidentales, confère à l'immigration une place essentielle. Ces vagues d'immigrants qui viennent se joindre à des populations établies soulignent l'urgence qu'il y a à aménager la diversité de façon à ce que tous aient le sentiment de partager une expérience commune. 

Nombreux sont les observateurs qui ont montré que le Québec forme une société avancée libérale et démocratique. J'ai à l'esprit les travaux de Joseph Carens, Alain Finkielkraut, Michael Ignatieff, Michael Keating, Jeff Spinner, Charles Taylor et James Tully. Des doutes, souvent alimentés de la capitale fédérale canadienne, persistent quant à la volonté d'ouverture de la majorité francophone du Québec. On ne peut que déplorer cette situation. De plus, des études indiquent que des Québécois issus de ce qu'on appelait naguère les «communautés culturelles», même parmi ceux de la deuxième génération, associent toujours l'identité québécoise à l'ancienne identité canadienne-française et, conséquemment, hésitent à se définir comme «Québécois». 

La citoyenneté 

Par citoyenneté, nous entendons schématiquement un sentiment d'appartenance, de solidarité et de communauté de destin. 

Dans son rapport préliminaire, la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec recommande au gouvernement de conférer un caractère officiel à la citoyenneté québécoise. Selon son président, Gérald Larose, «tous sauraient ainsi que, sur le plan strictement linguistique, arriver au Québec n'équivaut pas à arriver au Canada. Ailleurs au Canada, il y a une langue commune, c'est l'anglais. Au Québec, la langue officielle et commune, c'est le français». 

Une dizaine d'années auparavant dans l'énoncé en matière d'immigration et d'intégration de 1990, intitulé Au Québec pour bâtir ensemble, le gouvernement du Québec conviait également les Québécois à discuter ouvertement de citoyenneté. 

L'initiative à lancer doit être d'une grande ampleur puisqu'elle invite à la délibération publique la plus ouverte et la moins partisane possible. 

De toute évidence, le Forum national sur la citoyenneté et l'intégration, tenu à Québec en septembre 2000, a souffert de politisation. Il est donc impératif de s'engager, rapidement et soigneusement, dans un nouvel exercice de réflexion sur le thème de la citoyenneté sans que ce soit lié au projet souverainiste. 

Il importe que le parti ministériel, à plus forte raison lorsque le parti qui assume la gouverne poursuit un projet collectif d'affirmation nationale, prenne des initiatives en ce qui a trait à l'évolution des rapports entre la majorité, les groupes minoritaires et les premiers habitants du territoire. En d'autres termes, à l'instar du chantier de réflexion sur la citoyenneté du Bloc québécois, ouvert en 1999, un gouvernement souverainiste doit être à l'avant-garde en matière de libéralisme et de pluralisme. 

Il n'est pas question de faire table rase de ce qui a été réalisé depuis 25 ans. À titre d'exemple, les trois grands principes qui guident la politique de l'État québécois en matière de citoyenneté font consensus. Il faut les faire connaître davantage à travers une démarche d'éducation. Ces trois principes établissent que le Québec constitue: 1- une société dont le français est la langue publique commune; 2- une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et encouragées; et: 3- une société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites qu'imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l'échange intercommunautaire. 

Miser sur les acquis, c'est aussi construire sur la contribution de tous. L'énoncé en matière d'immigration et d'intégration de 1990, déposé par le Parti libéral du Québec et intitulé Au Québec pour bâtir ensemble, représente un point de départ essentiel. La création par le gouvernement du Parti québécois, en 1996, du ministère des Relations avec les citoyens s'est avérée un pas important dans la rénovation des rapports civiques. Il est temps d'aller plus avant, plus à fond dans cette direction. C'est dans cet esprit qu'il faudra en outre discuter de l'avis publié en 1997 par le Conseil des relations interculturelles, dont l'intitulé, Un Québec pour tous ses citoyens - Les défis actuels d'une démocratie pluraliste, est en étroite filiation avec l'énoncé de 1990. 

Charte des droits, rôle social de l'État, système électoral 

Nombreux sont les sujets qui pourront être discutés lors de la tenue de la commission proposée. C'est ainsi qu'il serait utile d'actualiser le contenu de la Charte québécoise des droits et libertés, d'évaluer le rôle social de l'État, d'étudier en détail les incidences du mode de scrutin sur la représentation des collectivités ainsi que de proposer éventuellement des modifications à la politique de l'immigration et d'insertion sociale des immigrants. 

Il faudra préciser les éléments en vue d'une politique d'intégration pour tous les citoyens, établir une politique de la diversité sociale identifiant les objectifs et les devoirs de la société d'accueil tout en affirmant les droits et les obligations des minorités issues de l'immigration. Il importera de discuter des avantages d'institutionnaliser la citoyenneté québécoise pour tisser des liens de solidarité entre tous les Québécois sans égard à leur famille politique. 

Il faudra aussi prêter une oreille attentive aux revendications des nations autochtones qui souhaitent exercer un rôle plus important au sein des institutions québécoises. À ce sujet, la récente proposition des Inuits suggérant que le Nunavik soit représenté à l'Assemblée nationale mérite que l'on s'y arrête. 

Il faudra évaluer la pertinence de doter le Québec d'une constitution en bonne et due forme plutôt que de se contenter d'éléments disparates auxquels on n'a pas encore su donner un statut officiel. 

Un exercice non partisan 

L'image du Québec, ici comme à l'étranger, pourrait bénéficier de ce genre d'exercice et mettrait en valeur le souci d'ouverture au coeur du projet québécois. 

Le succès de la commission reposera sur sa crédibilité et sur sa compétence. Le choix des commissaires est important. Le caractère non partisan de la commission ne doit laisser aucun doute. Il importe que la société civile et les partis politiques apportent leur appui à la présente proposition. Les différentes tendances politiques, les communautés et les régions sur lesquelles se façonne la société québécoise doivent donc être représentées de façon équitable au sein de la commission. 

Plusieurs formules méritent d'être explorées mais, pour l'instant, la formule envisagée se rapproche de celle utilisée pour la Commission des États généraux sur l'éducation en 1997-98 et de celle des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec en 2000-2001. 

Le contexte politique actuel se prête à un tel exercice. Le gouvernement du Québec s'est engagé depuis 1996 dans une réflexion approfondie sur la société québécoise et a poursuivi, tout spécialement depuis 1998, une réforme des institutions qui mise sur la solidarité et sur la reconnaissance de la diversité auprès des instances politiques supranationales, sur les scènes tant canadienne que continentale. 

Le présent gouvernement a choisi de poursuivre une démarche d'affirmation mettant en valeur le français comme langue de la citoyenneté québécoise (la commission Larose) et s'interrogeant sur le déséquilibre fiscal entre Québec et Ottawa (la commission Séguin). Nous recommandons que cette démarche soit complétée par la tenue d'une commission sur la citoyenneté québécoise. 

En somme, la tenue de cette nouvelle commission contribuerait à articuler, diffuser et repenser le modèle québécois au chapitre de la reconnaissance de la diversité et de ses multiples expressions. Cette commission serait le lieu tout désigné pour débattre de l'institutionnalisation de la citoyenneté québécoise et de ses répercussions sur la consolidation du lien social. 

La tenue de la commission permettrait de mettre en valeur le modèle de l'interculturalisme québécois par rapport au modèle du multiculturalisme canadien comme moyen d'adhérer pleinement à la société d'accueil québécoise. La sensibilisation et la promotion du modèle québécois d'intégration et d'insertion sociale et économique pourraient contribuer à fonder une nouvelle solidarité entre tous les citoyens du Québec. 

La création d'une telle commission, tout en permettant d'échanger, de réfléchir et d'apprendre les uns des autres, engagerait enfin un processus de conscientisation, tant chez les membres de la majorité que chez ceux des minorités, aux enjeux liés à l'aménagement de la diversité dans un continent traversé par la mondialisation et dans un pays, le Canada, trop souvent insoucieux de sa propre diversité. En soi, la tenue de cette commission serait à proprement parler un exercice de citoyenneté.


Retour au texte de l'auteure: Diane Lamoureux, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le samedi 18 mars 2006 7:27
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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