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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Alain-G. Gagnon, Luc Turgeon et Olivier De Champlain, “La bureaucratie représentative dans les États multinationaux: la Turquie, le Nigeria et le Canada.” in ouvrage sous la direction de Razmik Panossian, Bruce Berman et Anne Linscott, Gouvernance et diversité Des solutions démocratiques pour des sociétés multiculturelles, pp. 71-78. Montréal: Droits et démocratie, 2007, 95 pp. [Autorisation accordée par l'auteur, vendredi le 17 mars 2006, de diffuser tous ses travaux.]

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Alain-G. Gagnon,
Luc Turgeon et Olivier de Champlain


La bureaucratie représentative
dans les États multinationaux:
la Turquie, le Nigeria et le Canada
.”

in ouvrage sous la direction de Razmik Panossian, Bruce Berman et Anne Linscott, Gouvernance et diversité Des solutions démocratiques pour des sociétés multiculturelles, pp. 71-78. Montréal: Droits et démocratie, 2007, 95 pp.


RÉSUMÉ

La plupart des démocraties, anciennes et nouvelles, font face à un grand défi : assurer la représentation des minorités nationales au sein des institutions centrales. Quand les minorités nationales n'ont qu'une faible représentation, voire aucune dans l'appareil bureaucratique et que les membres d'une minorité linguistique n'arrivent pas à obtenir des services dans leur langue, l'État peut connaître de graves problèmes d'instabilité et voir sa légitimité contestée. Le présent document de réflexion explore les défis à relever pour garantir une bureaucratie représentative dans les États multinationaux. Il examine comment deux pays - en l'occurrence, le Nigeria et la Turquie - ont composé avec leur caractère multinational ; l'un et l'autre ont toutefois échoué en partie dans la recherche d'un équilibre adéquat entre représentation équitable et efficacité. Dans le premier cas, l'échec est attribuable à l'attention excessive accordée à la représentativité et, dans le second, au refus de reconnaître la diversité nationale. L'expérience canadienne offre certaines pistes de solution pour parvenir à concilier la représentation et l'efficacité dans un État multinational.

INTRODUCTION

Comme la situation actuelle en Irak l'illustre de façon dramatique, la gestion de la diversité constitue souvent un défi de taille durant un processus de démocratisation. Des sociologues et des organisations internationales ont déjà consacré beaucoup de ressources afin d'explorer comment le cadre juridique, le système électoral, l'organisation du territoire et le pouvoir exécutif peuvent promouvoir des relations pacifiques entre différents groupes nationaux, notamment durant la transition vers la démocratie. Ils ont pourtant négligé d'étudier le rôle capital que la fonction publique peut jouer pour favoriser la stabilité et la justice dans les pays multinationaux.

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L'IMPORTANCE DE LA REPRÉSENTATION
AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE


Pourquoi est-il important que les minorités ethniques soient représentées à l'intérieur des bureaucraties ?

  • Les relations que les individus entretiennent avec l'État exigent souvent d'entrer en contact avec des fonctionnaires « de première ligne ». Quand les minorités nationales n'ont qu'une faible représentation, voire aucune dans l'appareil bureaucratique et que les membres d'une minorité linguistique n'arrivent pas à obtenir des services dans leur langue, l'État peut connaître de graves contestations de sa légitimité.

  • En ce qui concerne les postes au sein de l'administration publique, l'exclusion ou la sous-représentation des minorités nationales peut être une source importante de conflit et de ressentiment, surtout si de tels postes sont jugés désirables en raison de la rémunération ou des avantages qu'ils garantissent.

  • Les fonctionnaires peuvent favoriser les membres d'un certain groupe national dans la mise en œuvre des programmes gouvernementaux, donc augmenter le mécontentement d'autres groupes nationaux.

  • Le présent document de réflexion explore d'abord les défis à relever pour assurer une bureaucratie représentative dans les États multinationaux. Il examine ensuite comment le Nigeria et la Turquie ont failli à la tâche d'équilibrer adéquatement la représentativité et l'efficacité. Il s'inspire enfin de l'expérience canadienne pour proposer certaines « pratiques exemplaires ».

Depuis une décennie, beaucoup de recherches ont aussi traité des États multinationaux et des minorités nationales. Le terme « État multinational » désigne un État qui compte plusieurs groupes se définissant eux-mêmes comme des nations.

Par exemple, on dit souvent que l'Espagne se compose de différents groupes nationaux : Castillans, Basques et Catalans. Les États multinationaux sont souvent des fédérations. C'est le cas de l'Espagne, mais aussi du Canada, de la Belgique, de l'Inde, de la Malaisie, de l'Ethiopie et du Nigeria.

Si certains pays nient officiellement leur caractère multinational, la Turquie en étant l'exemple typique, ils n'en demeurent pas moins des entités sociologiquement multinationales - c'est-à-dire formées de plus d'un groupe ayant une langue, une religion ou une trajectoire historique distincte. Les minorités nationales se trouvent souvent concentrées dans des régions circonscrites et, contrairement à la plupart des groupes de nouveaux immigrants, elles peuvent menacer l'intégrité territoriale de l'État.



CONCILIER JUSTICE ET EFFICACITÉ

La plupart des démocraties, anciennes et nouvelles, font face à un grand défi : assurer une représentation équitable des minorités nationales au sein des institutions centrales. Pour ce faire, elles ne doivent pas se borner à leur accorder le droit de vote. La possibilité pour les minorités nationales d'être des acteurs politiques importants s'avère aussi essentielle. Dans un État multinational, la justice suppose que les minorités nationales ne devraient pas être forcées à s'assimiler ni être exclues entièrement [73] des institutions politiques — comme ce fut le cas en Afrique du Sud durant le régime d'apartheid. La justice est un facteur essentiel de stabilité, car les groupes qui ne se sentent pas représentés dans les institutions centrales auront probablement plus tendance à envisager d'autres options telles que la sécession. La légitimité des nouvelles démocraties exige toutefois que l'État puisse s'acquitter efficacement de ses fonctions primordiales. Un État ne doit donc pas remettre trop en question le principe du mérite sur lequel repose le fonctionnement des bureaucraties modernes et efficaces. Trouver un juste équilibre entre ces deux valeurs, voilà le grand défi.

LA TURQUIE

Avec sa communauté kurde représentant plus de 20% de la population totale, la Turquie est, d'un point de vue empirique, un État multinational. Depuis sa fondation dans les années 1920, l'État turc refuse de reconnaître cette diversité nationale. S'inspirant de l'État-nation unitaire européen (notamment la France), le père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk, a jeté les bases d'une nouvelle communauté nationale fondée sur trois principes : le républicanisme, le nationalisme et la laïcité. Pour comprendre comment ce pays gère la diversité nationale, les deux premiers sont particulièrement importants, car ils découlent du principe de l'indivisibilité du territoire turc et du peuple turc. À la lumière de tous les principes mentionnés, il ne faut guère se surprendre que la Turquie n'ait prévu aucun mécanisme officiel pour assurer une représentation équitable de la minorité nationale kurde au sein de sa fonction publique. Elle a cependant inscrit les principes du mérite et de la non-discrimination dans la Constitution. L'article 70 stipule ainsi que chaque citoyen turc a le droit d'être engagé dans la fonction publique et que les compétences sont le seul facteur servant à l'embauche des fonctionnaires.

Parallèlement, l'État turc interdit l'usage de la langue kurde dans la fonction publique et les échanges avec les citoyens. En 1926, il a adopté une mesure législative qui prescrivait l'usage exclusif de la langue turque dans toute correspondance publique : une mesure toujours en place aujourd'hui. Beaucoup d'organisations internationales ont d'ailleurs dénoncé l'impossibilité pour les citoyens kurdes de recevoir des services, notamment les soins de santé, dans la langue de leur choix.

En principe, le régime républicain turc garantit l'égalité des chances sans égard à l'origine ethnique. Toutefois, contrairement au Canada, à la Belgique et à la Grande-Bretagne, la Turquie n'accorde aucune institution politique indépendante à sa principale minorité nationale. Les provinces du Sud-Est où vit la majorité du peuple kurde sont gouvernées par des bureaucrates turcs. Les gouvernements municipaux se composent d'un maire élu et de fonctionnaires nommés par le gouvernement central.

La Turquie a uniquement misé sur la stabilité et l'efficacité au détriment des principes fondamentaux de la justice. Elle a exclu de façon nuisible la langue kurde de la sphère publique, ce oui a contribué à l'instabilité politique.

Le Nigeria était obsédé par l'égalité de représentation. Dans un contexte d'accès inégal à l'éducation, cette situation a mené à une politisation de la fonction publique et à un manque d'efficacité de l'État.


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L'INCAPACITÉ DES PARTIS POLITIQUES TURCS
À AGIR AU NOM DES MINORITÉS


Depuis longtemps, toute discussion au sujet de la possibilité d'adopter une solution fédérale pour régler le problème turc est interdite. De plus, l'article 81 de la loi qui régit les partis politiques traite de la prévention et de la création des minorités. Il précise que les partis :

  • ne peuvent dire qu'il existe, en Turquie, des minorités fondées sur des différences nationales, religieuses, culturelles, confessionnelles, raciales ou linguistiques ; et

  • ne peuvent avoir pour objectif de miner l'unité nationale ou mener des activités conçues à cette fin en créant des minorités au sein de la République de la Turquie ni en protégeant, en développant ou en propageant une langue ou une culture autre que la langue et la culture turques.

La Turquie rejette donc explicitement la mise sur pied d'une bureaucratie représentative. Ce rejet ne se borne pas à l'absence de mécanismes qui viseraient à atteindre une meilleure représentation du peuple kurde dans la fonction publique. Il se traduit aussi par l'impossibilité pour la minorité kurde d'obtenir que l'appareil bureaucratique tienne compte de sa langue et de sa culture. Loin de contribuer à la stabilité de la République turque, cette exclusion ne cesse d'alimenter des activités menées à l'extérieur du Parlement pour s'opposer à l'État dans les régions kurdes.

LE NIGERIA

II importe de saisir l'importance des facteurs géographiques et démographiques pour comprendre la manière dont cohabitent plus de 250 groupes ethniques vivant à différents endroits sur le territoire nigérian. Trois principaux groupes assurent le fragile équilibre nord-sud du pays :

  • les Haoussas-Fulanis, dans le nord, qui sont majoritairement de confession musulmane et constituent 27,6% de la population totale ;

  • les Yorubas, concentrés dans le sud-ouest, qui sont majoritairement de confession chrétienne et constituent 16,2% de la population totale ;

les Ibos, dans le sud-est, qui sont aussi majoritairement de confession chrétienne et constituent 17,6% de la population totale.

La primauté des identités ethniques et régionales n'a donc pas de quoi surprendre. Le Nigeria a ainsi été fondé sur le concept d'« un pays, plusieurs peuples ». Il a cependant fait très peu d'efforts pour mettre sur pied des institutions visant à créer l'unité.

LA CONSTITUTION DU NIGERIA
EXIGE UNE REPRÉSENTATION ETHNIQUE


Contrairement à la Turquie, le Nigeria a inscrit dans sa Constitution, dès 1979, une série de dispositions exigeant que l'on favorise la représentation de toutes les régions et de tous les groupes ethniques quand on embauche ou nomme une personne à un poste dans la fonction publique. L'article 14(3) stipule alors que le gouvernement et ses organismes doivent refléter le caractère fédéral du pays. Il a mené à la mise sur pied, en 1996, de la Commission responsable du caractère fédéral dont le mandat est d'instaurer des mesures afin d'assurer une représentation équitable des divers groupes culturels.

[75]

L'ajout de cet article sur la dimension fédérale du pays a suscité bien des débats au Nigeria. Les partisans de la mesure en soulignent les effets positifs. Par exemple, la Commission responsable du caractère fédéral a publié, en 1996, des données sur l'origine du personnel de la fonction publique nigériane et des organismes parapublics. Elle y révélait que les personnes du nord du pays (représentant 55% de la population) occupaient 41% des postes au sein de la fonction publique. Or au moment de l'indépendance, en 1960, elles n'en occupaient que 10%.

On pourrait penser que l'insistance du Nigeria sur le « caractère fédéral » afin d'assurer une représentation ethnique favoriserait l'attachement aux institutions centrales plutôt qu'aux groupes communautaires. Selon J. A. A. Ayoade, la forte centralisation de la fédération accroît l'importance pour les régions d'être représentées au sein du gouvernement central, y compris la fonction publique, afin de garantir que chacune reçoive sa juste part des fonds publics. Une situation renforcée du fait que le pétrole et le gaz, les principales sources de revenus, appartiennent au gouvernement fédéral.

Pour la population, les fonctionnaires ne sont donc pas des représentants du gouvernement central, mais bien des intermédiaires politisés qui font le pont entre ce dernier et leurs groupes ethniques et régionaux respectifs.


Les opposants déclarent, pour leur part, que les quotas et les exigences à observer afin de respecter « le caractère fédéral » vont à l'encontre du principe du mérite, car le nombre de diplômés universitaires varie fortement d'une région à l'autre. Dans le passé, la vaste majorité des étudiants admis à l'université venaient du sud du pays. Beaucoup d'analystes qui observent la société nigériane craignent que le concept même de « caractère fédéral » ne soit devenu une obsession nationale. Cela pourrait démoraliser les bureaucrates en raison des doutes qui pourraient être soulevés par rapport à l'efficacité de la fonction publique. Les opposants déplorent aussi le fait qu'une telle situation ébranle les fondements des bureaucraties modernes comme le mérite et l'ancienneté. Ils considèrent que l'application du principe de la représentativité au Nigeria est tout simplement du népotisme à visage ethnique.

L'EXPÉRIENCE CANADIENNE

En raison de son expérience de démocratie multinationale, le Canada peut proposer certaines « pratiques exemplaires ». Cela ne signifie pas que le pays peut se vanter d'avoir, dans le passé, toujours assuré une représentation équitable des minorités nationales. Il a néanmoins réussi à régler la sous-représentation historique des Canadiens français au sein de la fonction publique fédérale. En 1944-1945, ces derniers formaient environ 30% de la population totale, mais ils n'occupaient que 12,5% des postes.

Aux échelons supérieurs, les chiffres étaient encore plus alarmants. En 1918, 14,3 % des hauts fonctionnaires fédéraux étaient des francophones. Leur proportion a toutefois graduellement chuté, si bien qu'en 1946, il n'en restait plus un seul. Cette exclusion des Canadiens de langue française durant la période d'après-guerre a directement contribué à l'émergence du mouvement indépendantiste au Québec.

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LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
FAVORISE UNE AUGMENTATION SPECTACULAIRE
DE LA REPRÉSENTATION DES FRANCOPHONES


Devant la montée du mouvement séparatiste québécois dans les années 1960, le gouvernement fédéral a orchestré une réponse qui a culminé avec l'adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969. Il y reconnaissait officiellement l'égalité de statut du français et de l'anglais (qui furent plus tard déclarées langues officielles du Canada). Il a créé en même temps le poste de Commissaire aux langues officielles et il lui a confié le mandat de faire respecter les principes de la Loi. Chaque année, le Commissaire publie un rapport sur la situation du bilinguisme - un examen des pratiques linguistiques du gouvernement fédéral où il désigne à la réprobation les organes fautifs - et il demande aux autorités politiques d'apporter les correctifs nécessaires afin d'atténuer les problèmes constatés.

Au sujet de la fonction publique, la Loi précisait que : « Les Canadiens des deux groupes linguistiques devraient participer équitablement à l'administration fédérale et jouir de chances égales d'obtenir un emploi et de faire carrière au sein des institutions fédérales », et elle stipulait que : « Les employés du gouvernement fédéral devraient pouvoir travailler dans la langue officielle de leur choix à l'intérieur des régions désignées. »

Afin d'atteindre les objectifs fixés dans la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral a adopté une stratégie à plusieurs volets :

* le recrutement actif de francophones ;

* la désignation de postes bilingues au sein de la fonction publique ;

* l'élaboration de cours de langues ayant pour but de constituer une fonction publique bilingue.

Ces mesures ont souvent été la cible de critiques de la part des acteurs politiques et des syndicats, qui les voient comme un mépris flagrant du principe du mérite et une forme déguisée de discrimination envers les anglophones. La réponse du gouvernement fédéral à ces accusations peut se résumer ainsi : le bilinguisme est un critère de mérite. Il va sans dire que l'augmentation du nombre de postes exigeant la maîtrise des deux langues officielles accroît du même coup les possibilités d'emploi pour les francophones.

En bref, la Loi sur les langues officielles a suscité une augmentation notable du nombre de francophones dans la fonction publique fédérale. En 1946, ils n'occupaient qu'un maigre 12,25% des postes même s'ils formaient 29% de la population totale du Canada (recensement de 1951). En 2004, la proportion avait grimpé à 27% des postes alors que les francophones formaient 22,9% de la population totale en 2001.

Aux échelons supérieurs, les chiffres étaient encore plus alarmants. En 1918, 14,3% des hauts fonctionnaires fédéraux étaient des francophones. Leur proportion a toutefois graduellement chuté, si bien Qu'en 1946, il n'en restait plus un seul. Cette exclusion des Canadiens de langue française durant la période d'après-guerre a directement contribué à l'émergence du mouvement indépendantiste au Québec.


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CONCLUSION

La question de la représentativité de la bureaucratie publique révèle les préoccupations fondamentales avec lesquelles les États multinationaux sont aux prises. En Turquie, la négation du fait kurde et l'obsession de la sécurité sont loin d'avoir assuré la stabilité du gouvernement ; elles ont, au contraire, miné la légitimité de la fonction publique aux yeux d'une grande partie de la population kurde. Au Nigeria, le problème s'avère très différent. L'obsession de la représentation proportionnelle de tous les groupes régionaux, qui vise à réparer les injustices de l'époque coloniale et les inégalités politiques plus récentes, a eu pour effet de politiser la fonction publique, ce qui jette le doute sur l'efficacité des bureaucrates. La stabilité politique du Nigeria a ainsi été mise à rude épreuve. L'établissement d'une bureaucratie représentative est essentiel pour assurer le bon fonctionnement de l'appareil d'État, mais cela ne doit pas compromettre l'efficacité. Il faut donc tenir compte de tels facteurs si l'on veut que la démocratie continue à se renforcer dans ces pays durant les prochaines années. À cet égard, le Canada peut offrir certaines leçons encourageantes pour améliorer à la fois la représentation et l'efficacité.

[78]

CONSIDÉRATIONS POLITIQUES

Voici quelques recommandations inspirées de l'expérience canadienne :

  • Lorsqu'une importante minorité linguistique est concentrée dans une partie du territoire, comme c'est le cas pour la région kurde en Turquie, il faudrait au moins assurer des services de proximité (soins de santé, services sociaux, permis de conduire, etc.) dans la langue de la minorité.
  • Un vérificateur indépendant devrait avoir le mandat de produire des rapports sur l'accès des minorités linguistiques aux services dans leur propre langue.
  • Afin d'augmenter le nombre de membres des minorités linguistiques au sein de la fonction publique, sans compromettre le principe du mérite, on peut faire du bilinguisme un critère de mérite.
  • Même si l'on peut et qu'on doive adopter l'objectif d'une bureaucratie représentative, il faudrait rejeter les quotas, en particulier dans les situations où l'accès à l'éducation postsecondaire varie beaucoup.
  • Il faudrait rédiger des lignes directrices claires à propos des compétences minimales exigées et confier la surveillance de l'application de ces lignes directrices à une commission indépendante qui collaborerait, mais en conservant son autonomie, avec toute autre commission chargée d'assurer une meilleure représentation des différents groupes nationaux.
  • On devrait encourager les universités à recruter activement des candidats issus des groupes qui ont été exclus de la fonction publique dans le passé et à offrir des diplômes en administration publique dans les régions qui ont un faible taux de scolarité postsecondaire.
  • Vu son expérience, le gouvernement canadien devrait fournir plus de ressources afin d'encourager d'anciens fonctionnaires à jouer un rôle de consultants, en collaboration avec des organisations non gouvernementales, dans les démocraties en émergence ou en voie de consolidation qui tentent d'établir une fonction publique efficace et représentative.



GOUVERNANCE ET DIVERSITÉ

DES SOLUTIONS DÉMOCRATIQUES POUR DES SOCIÉTÉS MULTICULTURELLES

Sous la direction de Razmik Panossian,
Bruce Berman et Anne Linscott

2007.

Droits et Démocratie
Centre international des droits de la personne et du développement démocratique

CDE
Gouvernance démocratique et ethnicité



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 septembre 2019 18:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue,
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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