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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Le Parti québécois et la conjoncture économique au Québec (1978)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Pierre Fournier, Le Parti québécois et la conjoncture économique au Québec”. Un article publié dans la revue Politique aujourd'hui, Paris, no 7-8, 1978, pp. 69 à 81. [Dossier: Québec: de l'indépendance au socialisme].

Introduction

Pour bien cerner et comprendre la conjoncture économique au Québec à l'heure du Parti Québécois, il est essentiel, dans un premier temps, d'examiner brièvement les racines historiques de la situation économique des canadiens-français de même que les caractéristiques de l'économie québécoise.

 

En effet, l'infériorité économique des canadiens -français et le nationalisme économique actuel au Québec sont le produit de plus de deux cents ans d'histoire. La conquête de 1759 et la victoire militaire britannique affaiblirent de façon irréversible la bourgeoisie canadienne-française de l'époque. Les canadiens-français entreprirent alors une longue lutte pour résister à l'assimilation et à l'oppression anglo-saxonne. Cette lutte, qui fut notamment soutenue par le clergé, fut d'abord essentiellement défensive et impliqua un rejet de l'industrialisation en faveur d'une option plutôt agricole. La suprématie de la bourgeoisie impériale britannique, fut consacrée par de nombreuses lois, dont, principalement l'Acte d'Amérique du Nord Britannique, adopté en 1867. Cette dernière loi, qui fut la base de la confédération canadienne, n'est aucunement le produit d'un mouvement populaire, mais bien celui « de la volonté d'une oligarchie commerciale et bancaire réunissant les intérêts convergents de bourgeois londoniens et canadiens-anglais ». Il a déjà été largement démontré par d'autres que « la confédération est essentiellement fondée sur l'oppression politique de la nation canadienne-française dont le foyer se situe au Québec [1]

 

L'AANB et les différentes mesures politiques qui suivirent -dont la « National Policy - favorisèrent le développement d'une classe capitaliste anglophone essentiellement commerciale et financière laissant peu de place au capital canadien-français. Le principal point d'appui de cette bourgeoisie était un gouvernement central fort, détenant l'essentiel des pouvoirs économiques, dont la politique des transports, la fiscalité et la taxation. Les provinces se voyaient cantonnées dans les domaines à incidences purement locales. Depuis au moins une centaine d'années, donc, l'État canadien a adopté des politiques à tous les niveaux : entre autres, la construction de chemins de fer, des politiques d'incitation à l'égard du capital américain, des barrières tarifaires et douanières sélectives qui favorisèrent systématiquement l'industrialisation de l'Ontario, et le développement de la bourgeoisie canadienne-anglaise, principalement basée dans cette dernière province. Cela se fit au détriment des autres régions du Canada, notamment du Québec, des Maritimes et des provinces de l'ouest. Tout récemment, Pierre Fortin, un économiste québécois, décrivait comme suit les effets cumulatifs des politiques du gouvernement central au Québec :

 

« Il faut se rendre compte que la stratégie fédérale de développement industriel a créé des distorsions sérieuses dans les patterns régionaux de croissance économique et qu'elle a aidé à transformer le Québec en assisté social plutôt qu'en une économie génératrice de son propre développement ». [2]

 

Il ne faut pas oublier cependant qu'à partir de 1920 environ, le capital américain remplace graduellement le capital britannique comme fraction hégémonique dans l'économie canadienne. À la fin des années quarante, la domination américaine s'étend à tous les secteurs vitaux de l'activité économique, dont les domaines miniers et manufacturiers. Il s'agit en général de secteurs dont la composition organique du capital est élevée et où l'internationalisation a progressé rapidement.

 

Au début des années soixante au Québec, les entreprises étrangères, principalement américaines, contrôlaient 41,8% de la valeur ajoutée dans l'industrie manufacturière et étaient dominantes, entre autres, dans les secteurs de la machinerie, du pétrole, des produits chimiques et des produits minéraux non-métalliques et métalliques primaires. Le capital canadienanglais, par contre, était responsable de 42,8% de la valeur ajoutée et occupait une position de force dans des secteurs moins internationalisés tels le textile, les vêtements, l'agro-alimentaire, les pâtes et papiers et l'équipement électrique. Soulignons aussi la position prépondérante de la bourgeoisie anglo-canadienne au niveau des institutions financières, des télécommunications et des services. L'élément canadien-français, finalement, malgré une population francophone de plus de 80% au Québec, ne contrôlait que 15,4% de la valeur ajoutée au niveau manufacturier. De plus, les Canadiens français étaient cantonnés dans des activités de type traditionnel à forte intensité de main-d’œuvre et à faible technicité, comme le bois, le cuir et le meuble. [3]

 

Au niveau économique, le Québec subit donc une situation de double domination, qui a pour effet de déformer profondément la structure industrielle et d'accentuer l'exploitation de la classe ouvrière. La déficience de la structure industrielle au Québec est un phénomène largement reconnu. A l'égard du capital américain, le Québec est avant tout un fournisseur de matières premières : minerai, pâtes et papiers, hydroélectricité. À l'égard du capital canadien, il constitue un marché important pour les produits manufacturés en provenance de l'Ontario. Dans le domaine manufacturier, la production québécoise est surtout concentrée dans les industries légères de consommation courante : les aliments, le cuir, le textile, le bois, le meuble et le papier, par exemple. Les secteurs sont généralement à haute intensité de main-d'œuvre et à faible valeur ajoutée, ce qui implique, d'une part, des salaires peu élevés et, d'autre part, une intense concurrence internationale, notamment dans le secteur des textiles. L'Ontario, par contre, occupe une position relative beaucoup plus importante dans les industries de biens durables (produits métalliques, matériel de transport, machinerie, par exemple) et dans les secteurs à haute productivité utilisant une main-d'œuvre qualifiée et relativement bien payée. Ainsi, 52% de la production manufacturière en Ontario se concentre dans l'industrie lourde, en comparaison avec 31% au Québec, tandis que l'industrie légère au Québec compte pour 45% de la production en comparaison avec 28% en Ontario.

 

Globalement, l'Ontario constitue le cœur des activités industrielles et financières de la bourgeoisie canadienne, le principal lieu d'implantation des filiales d'entreprises américaines et le pivot économique entre l'impérialisme américain et le reste du Canada. Le Québec, par contre, présente plusieurs traits caractéristiques des économies « sous-développés » ou « périphériques ». En effet, on y constate non seulement une distorsion en faveur des branches légères au niveau manufacturier, mais aussi un gonflement artificiel des activités tertiaires, ce qui est le reflet de l'insuffisante industrialisation et du chômage grandissant, et une distorsion marquée en faveur des exportations internationales liées aux ressources naturelles. [4]

 

Le contrôle des centres de décisions économiques et politiques clés par le capital canadien-anglais explique dans une large mesure l'infériorité des canadiens français.

 

Il n'est donc pas surprenant de constater que le revenu per capita au Québec est de 25% inférieur à celui de l'Ontario et que le chômage y est beaucoup plus élevé. D'autre part, à l'intérieur même du Québec, les Canadiens français sont parmi les groupes ethniques les plus défavorisés et l'écart des revenus avec le groupe anglophone est d'environ 50%. [5] Enfin, la plupart des postes de direction et des emplois bien rémunérés dans les entreprises installées au Québec sont détenus par les anglophones. En 1971, selon une commission d'enquête gouvernementale, seulement 15% des employés dans les sièges sociaux avec des revenus de plus de $22.000 par année étaient francophones [6].


[1] Charles HALARY, Jacques MASCOTTO et P.Y. SOUCY : « Les fondements de l'État canadien », Pluriel, no 12, 1977, pp. 8-9. Voir aussi S.B. RYERSON : Le Capitalisme et la Confédération, Montréal, Parti Pris, 1972 et M. SAINT-GERMAIN : Une économie à libérer, Montréal, les Presses de l'Université de Montréal, 1973.

[2] Pierre FORTIN : « Le bilan économique du fédéralisme canadien », Le Devoir, 4 janvier 1978.

[3] Les données sont tirées du Rapport de la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturarisme, Livre III, le monde du travail, Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1969, p. 56.

[4] Voir J.C. ST-ONGE : L'impérialisme américain au Québec, thèse de doctorat, Université de Paris, 1974.

[5] Voir Rapport de la Commission Royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre III : Le Monde du travail, op. cit., pp. 17-18 ; également « Rapport de la Commission d'enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec », Le Devoir, 16 et 17 février 1973.

[6] P. LAPORTE : « Les Dossiers économiques de la Commission Gendron », Le Devoir, 14 mai 1974.


Retour au texte de l'auteur: Pierre Fournier, ex-prof, science politique UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 7 juin 2006 16:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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