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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La sociologie québécoise contemporaine” (1974)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Marcel Fournier, “ La sociologie québécoise contemporaine”. Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, no. XV, nos 2-3, mai-août 1974, pp. 157-179. Québec: Les Presses de l'Université Laval. [Autorisation accordée par l'auteur le 12 décembre 2002 pour cette oeuvre et toutes celles publiées au Québec]
Introduction

Il est une idée communément admise non seulement par les historiens et les philosophes des sciences mais aussi par les scientifiques eux-mêmes, à savoir que la science a «une vie propre, une histoire immanente» et qu'elle se développe sur la base des connaissances antérieurement accumulées et selon une séquence logique. Il n'est donc guère étonnant que les premiers sociologues qui se sont intéressés à l'étude du développement de disciplines scientifiques aient tenté de démontrer que celui-ci est cumulatif et qu'il suit, comme le développement de la plupart des phénomènes naturels, la forme d'une courbe logistique (1).

La publication en 1962 du livre de Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, incite les sociologues d'une part à multiplier les recherches empiriques en sociologie de la science et, d'autre part, à découper le développement de disciplines scientifiques en périodes ou étapes. D'abord descriptives, ces études, qui sont le plus souvent effectuées par des chercheurs américains, s'inspirent habituellement d'une problématique soit «interactionniste» (2), soit «institutionnaliste» (3): les transformations d'une discipline scientifique sont en effet principalement déterminées, pour les uns, par des modifications dans la structure des relations ou interactions entre les scientifiques et, pour les autres, par des modifications dans les organisations ou institutions scientifiques. Et, si ce n'est d'établir une vague relation entre l'apparition de nouvelles occupations intellectuelles et le changement de certaines «valeurs sociales» (4), on tend à reconnaître l'autonomie du champ scientifique, évitant ainsi de déduire directement la structure, son fonctionnement et sa fonction de l'état des rapports de force entre groupes ou classes sociales.

Il est évidemment difficile de nier qu'un champ scientifique dispose, en raison même de sa fonction propre de production de connaissances, une relative autonomie par rapport aux demandes externes qui sont toujours retraduites conformément à la logique propre du champ (5). Cependant, il serait quelque peu idéaliste de croire que la structure et le fonctionnement d'un champ scientifique ne dépendent en aucune façon des fonctions différentes et parfois contradictoires que les divers groupes ou classes sociales objective-ment intéressés à son fonctionnement lui confèrent en fonction même de leur position dans la structure sociale: le développement d'une discipline scientifique a en effet d'autant plus de chances d'être rapide et important que les praticiens de cette discipline obtiennent l'appui de groupes sociaux qui s'intéressent (au double sens du terme) à la recherche scientifique et qui la subventionnent directement ou exercent des pressions auprès de l'État pour que celui-ci en assume la responsabilité. La constitution d'une «communauté» scientifique, l'acquisition par ses membres d'une légitimité culturelle qui se matérialise dans l'obtention de postes universitaires n'apparaissent donc pas totalement indépendantes de la contribution que ces membres apportent au développement des forces productives, à la rationalisation de la gestion publique ou à l'élaboration d'idéologies.

Il suit de cette proposition qu'il faut, dans une étude du développement de la sociologie au Québec, non pas réduire cette discipline à l'idéologie ou l'analyser comme une idéologie, mais rendre compte de l'utilisation que des groupes ou classes sociales ont faite de ce savoir et des intérêts qu'ils ont eus à l'utiliser: non seulement description des transformations de la structure et du fonctionnement d'un sous-champ scientifique, cette étude devient aussi l'analyse des transformations de la structure des rapports entre, d'une part, le sous-champ scientifique et, d'autre part, les champs politique, religieux et économique.

Notes

(1) Solla PRICE, J. de DEREK, Little Science, Big Science, Columbia University Press, New York, 1963.

(2) Par exemple: Diana ORANE, Invisible College, University of Chicago Press, Chicago, 1972; N. C. MULLINS, «The Development of of a Scientific Specialty: The Phage Group and the Origins of Molecular Biology», Minerva, X, I, Jan. 1972, pp. 51-83.

(3) T. N. CLARK, «Les étapes de l'institutionnalisation scientifique», Revue internationale des sciences sociales, 24, 4, 1912, 699-714; J. BEN-DAVID, The Scientis's Role in Society, Prentice-Hall Inc., N.J., 1971.

(4) J. BEN-DAVID, The Scientists Role in Society, op. cit. Voir aussi Talcott PARSONS, «The Institutionalization of Scientific Investigation», in The Social System, Free Press, New York, 1951, pp. 335-345.

(5) Au sujet de la notion de «champ scientifique», voir: Pierre BOURDIEU, «Champ intellectuel et projet créateur», Les Temps Modernes, 246, nov. 1966, pp. 865-906; Pierre BOURDIEU, «Champ du pouvoir. champ intellectuel et habitus de classe», Scolies, I, 1971, pp. 7-26; Pierre BOURDIEU, «Le marché des biens symboliques», L'Année sociologique, 22, 1971, pp. 49-126.

Retour au texte de l'auteur: Marcel Fournier, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le samedi 20 janvier 2007 11:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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