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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Robert Fossaert, sociologue économiste, Une laïcité exportable au 21e siècle. (2009). Paris: 2009, 18 pages. [Autorisation formelle accordée par l'auteur, le 16 octobre 2003, de diffuser toutes ses publications sur ce site. Le 11 novembre 2009, l'auteur nous réitérait sa permission de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Robert FOSSAERT

La laïcité exportable au 21e siècle”.

Paris : 2009.


On a pu juger de la position centrale acquise en France, par la laïcité, après les spasmes des lois scolaires et de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les retours de flamme du "régime de Vichy" et les étincelles occasionnelles des IVè et Vè Républiques ont prouvé a contrario qu'un équilibre était désormais établi avec l'église catholique naguère prépondérante comme avec les autres cultes. La démonstration se poursuit présentement avec la nouvelle religion (peut-être) prépondérante, celle de l'islam. Si l'acclimatation du culte musulman se poursuit heureusement, on sera même en droit de penser que la laïcité-à-la-française demeure autant ou plus que jamais un modèle de coexistence pacifique des religions dans un Etat lui-même désacralisé. Mais, dans un pays où la  subordination des églises aux lois communes est bien entrée dans les moeurs, on ne peut se satisfaire de ce seul résultat pour décerner à la laïcité un brevet d'excellence, voire de modernité. Nul n'ignore, en effet, que cette même laïcité s'attire une longue série de reproches dont il faut prendre l'exacte mesure : son discours est-il désuet ? les organismes qui promeuvent l'action laïque agissent-ils de façon pertinente ? sont-ils fondés à se comporter parfois en quasi propriétaires de la vraie laïcité ? les alliances réelles ou supposées de celle-ci avec telles corporations ou organisations professionnelles sont-elles à louer ou à blâmer ?  etc. La presse périodique ne se prive pas d'allonger et d'actualiser cette liste.

Une discussion thème à thème de ces reproches et des faits allégués pour les justifier ne servirait de rien. Elle déclencherait d'inutiles plaidoyers, d'incessantes répliques, de vaines casuistiques, sans que le fond du problème soit jamais atteint, car la laïcité ne peut être évaluée par référence première ou principielle aux péripéties de l'actualité. Son examen doit certes s'exercer in concreto et porter sur ses pratiques comme sur ses propos, mais il ne peut prendre une pleine signification qu'à son échelle propre, laquelle est globale et séculaire. Globale comme la société dont aucun aspect n'est totalement étranger à l'action laïque; séculaire - ou, en tout cas, pluri-décennale - comme le furent (et le demeurent) les rythmes de son histoire propre.

Une discussion à dominante philosophique ne serait pas d'un meilleur secours, même si elle usait des outils d'allure sociologique que les philosophies d'aujourd'hui ont parfois mis à la mode. Quand on aura déconstruit la laïcité à la manière de Derrida pour entendre ce qu'elle dit à son insu; quand on l'aura livrée à une exploration archéologique à la façon de Foucault pour repérer l'archive sociale dont elle est prisonnière - c'est-à-dire les limites sociales du dicible de son temps ; quand on lui aura appliqué les méthodes critiques successivement élaborées par Bourdieu et ses disciples dévots ou déviants, on saura qu'elle est traversée par la plupart des contradictions majeures de la société où elle s'exerce. Je ne dis pas que de telles investigations seraient inutiles, mais je tiens qu'elles pourront seulement  établir la filiation philosophique de la laïcité, les accomodements qu'elle a supportés à mesure que sa doctrine devenait une politique et les amodiations qu'elle a consenties à ses opérateurs et autres exploitants. Elles décriront le passage de l'optimisme progressiste d'un Condorcet au positivisme néo-kantien qui était à la mode quand elle devint loi de la république. Elles souligneront  les limitations et les défaillances que son ignorance de Hegel et de Marx peut avoir entretenues. Peut-être même montreront-elles les greffons parfois biscornus que diverses modes philosophiques auront pu lui infliger au nom de l'engagement sartrien ou à l'enseigne d'un néo-individualisme, harmonique du néo-libéralisme marchand, sans parler des contorsions auxquelles l'ont conduite ceux des marxismes qui ont été instrumentalisés comme outils de progrès ou comme épouvantails.

La raison principale qui me fait écarter un examen critique à dominante philosophique tient au fait que la laïcité n'est pas un discours, ni une doctrine, ni une morale publique, ni une pratique scolaire, ni un principe d'organisation et d'action : elle est tout cela à la fois et bien d'autres choses encore, mais selon des modalités que les circonstances historiques ont souvent fait varier, cependant que les propensions latentes ou militantes de ses adeptes étaient elles-mêmes soumises à des fluctuations, replis et novations répondant avec des retards variables à la fluidité desdites circonstances. Pour être plus précis, je dirai que la laïcité correspond à ce que Touraine - ou, mieux, Rodinson - appellent un mouvement social, c'est-à-dire un complexe idéologico-politique, un projet de transformation sociale, une action totalisante. De tels mouvements s'étouffent parfois, par suite d'un insuccès prolongé ou d'un succès par trop radical, mais à l'inverse, leurs succès partiels et répétés, entrecoupés d'échecs, les entretiennent en tant que mouvement qui a pris corps. La question est donc de recourir à toutes les sciences sociales pour aborder sous divers angles cet objet macrosociologique, afin d'en déceler les traits essentiels et le dynamisme intime, sans leur prêter a priori ni vices ni vertus. En effet, il en va de la laïcité comme de tout autre mouvement idéologico-politique : elle ne peut être son propre juge, elle ne peut qu'affirmer ses fins propres et les servir - ou les desservir - par ses actions particulières, sans que jamais son passé soit garant de son avenir.

Un premier angle d'attaque tient au côté paroissial de la laïcité-à-la-française. Je dis paroissial, comme les Anglais disent parochial, pour exprimer non seulement ce qui concerne une paroisse donnée, mais aussi ce qui s'enferme dans un horizon trop court. En effet, notre laïcité déborde difficilement des affaires d'église ou d'école dans leurs rapports entre elles et avec l'Etat. Quelques comparaisons internationales [1] aident à briser ce cercle étroit. Est-ce que la Suède "luthérienne" ou les Pays-Bas "calvinistes" qui ont richement développé leurs systèmes d'assistance ont à recevoir de nous des leçons de laïcité, et en quoi exactement ? Autrement dit, le remplacement de la charité chrétienne (et, bien entendu, de l'aumône musulmane et d'autres bienfaisances à fortes connotations religieuses) par une sécurité sociale marque-t-il un progrès de la laïcité ? Est-ce que l'Italie, l'Espagne et la Pologne qui ont infligé au Vatican de lourdes défaites électorales en matière de divorce, de contraception et d'avortement font preuve d'un élan laïque médiocre ?  Est-ce que l'armée turque est gardienne d'une laïcité de bon aloi ? N'allongeons pas ce questionnement auquel une laïcité rénovée, à tendance universaliste, devra donner des réponses nullement paroissiales.

Un deuxième angle d'attaque peut nous y aider : c'est d'observer les adhérences historiques de la laïcité-à-la-française, pour juger, à frais nouveaux, si leur pérennité est ou non souhaitable. En effet, la laïcité qui s'est cristallisée autour de l'école publique et qui s'est épanouie en séparant les églises de l'État a été portée par des associations maçonniques et autres et par des partis républicains ou radicaux (ensuite plus diversifiés) dont les configurations n'ont cessé de se modifier jusqu'à notre fin de 20è siècle. Elle a mûri en un temps où la république s'est enracinée jusqu'au village, où le suffrage est devenu universel (pour les hommes, s'entend), où l'administration s'est épaissie de branches nouvelles, où l'industrie et l'urbanisation ont transformé le paysage social et mental d'une population désormais éveillée à la citoyenneté. Mais, dans ce monde en transformation incessante, la laïcité a-t-elle toujours opéré comme une force libératrice, au-delà de son effort victorieux contre les révélations religieuses ? A-t-elle partie liée avec le centralisme "jacobin" dont l'Etat français est le parangon, comme si l'Allemagne qui laisse à ses Länder et à ses Universités une très large autonomie était, de ce fait même, inapte à  la laïcité ? A-t-elle exagérément aseptisé les conflits politiques et sociaux, en se rendant solidaire d'une neutralité politique de l'école qui est une impossibilité dans une société inégalitaire ? Est-elle tombée dans le piège, bien français, d'une égalité abstraite qui se confond avec l'in-différence, comme si un traitement différencié des populations scolaires n'était pas la condition première d'une réelle égalisation des chances ? S'est-elle, de ce fait, rendue aveugle aux différences culturelles observables d'une région à l'autre et, plus encore, d'une source d'immigration à l'autre ? A-t-elle poussé ce travers jusqu'à rêver aux bénéfices civilisateurs de la colonisation que Jules Ferry promut en même temps que les lois scolaires ?

Encore faut-il - selon un troisième et dernier angle d'attaque - se demander si les champs où la laïcité livre bataille sont bien cernés et si les conflits défensifs et offensifs y sont d'une égale pertinence. Certes, la vigilance laïque envers les tentatives renouvelées d'hégémonie religieuse demeure solide, tout en évitant à juste titre les pièges de l'irréligion d'Etat où le Mexique, la Russie et la Turquie sont tombés de diverses façons, comme si la religiosité latente de populations façonnées par des siècles - ou des millénaires - d'incubation religieuse pouvait être éradiquée par une simple élimination des appareils écclésiaux. De même, la tentation de promouvoir une sorte de religion laïque - ce cercle carré entourant une morale sociale d'honnête facture - a été écartée en France plus nettement qu'en Belgique. Mais, en diverses occasions, des péripéties mineures ont été gonflées, comme si, par exemple, l'enseignement des mythologies bibliques ou coraniques était intrinséquement plus nocif que le récit des mythes antiques ou exotiques. Surtout, des périls beaucoup plus immédiats et d'importance majeure ont été mal vus et mal traités, si ce n'est ignorés par une école exposée à l'explosion du multimédia et à l'invasion du tout-marché, lesquelles menacent jusqu'aux fondements mêmes de l'école publique, obligatoire et gratuite.

Au reste, le déficit essentiel  des combats laïques s'est manifesté et continue de se manifester scandaleusement dans des domaines sociaux apparemment éloignés de l'école et des églises. Qu'il s'agisse de l'administration de la justice et de ses prolongements préventifs ou pénitentiaires, des craintes écologiques et des chances d'un développement durable et universalisable, des risques et nécessités de l'énergie nucléaire, des problèmes de l'intégration européenne ou des migrations vers l'Europe densément peuplée, mais pauvre en naissances, de la professionnalisation des armées et de la pérennité de l'OTAN ou de vingt autres questions aussi diverses et prégnantes que celles-là, aucun discours laïque n'est vraiment perceptible. J'illustre ceci par un exemple unique, celui de la médecine : la contraception et l'avortement sont-ils des progrès laïques, au regard de l'abandon traditionnel à des lois de la nature enrobées de prescriptions "divines" ? la diffusion des soins palliatifs est-elle de meilleure qualité laïque que la soumission aux souffrances "envoyées par Dieu" ou tenues pour inéluctablement "naturelles" ? l'acceptation d'une euthanasie bien agencée est-elle laïquement préférable à l'onéreuse survie d'incurables ou d'alités réduits à un état végétal ?  En ces diverses matières, les comportements du corps médical sont-ils indifférents aux laïques ? Et ainsi de suite : française ou non, la laïcité ne s'est-elle pas engluée dans les Kulturkämpfe du 19è siècle, sans élargir ses offensives dans un monde où l'histoire s'accélérait ?

Je vais quitter le champ critique que je viens d'explorer fort sommairement, pour entrer au coeur du projet de rénovation et de revitalisation de l'éthique sociale, mais je m'y risquerai sans modifier l'échelle macrosociologique où s'inscrit mon propos. Pour qui observe sous cet angle les sociétés modernes - c'est-à-dire celles des 16è-20è siècles européens impulsées par la révolution industrielle capitaliste, la révolution démocratique bourgeoise et les révolutions culturelles qui se sont enchaînées, de l'école pour tous à la prolifération multimedias - il est clair que la laïcité peut prétendre à l'hégémonie idéologique (ou culturelle : c'est la même chose [2].

Cette hégémonie est un concept dû à Gramsci [3]. De même que Marx et Weber nous ont appris à concevoir l'ensemble politique propre à chaque société comme une population soumise à la domination d'un Etat (Marx), c'est-à-dire comme un espace où l'Etat exerce le monopole de la violence légitime (Weber), de même Gramsci nous a permis de comprendre que la même société, considérée cette fois comme un ensemble culturel (ou idéologique) est soumise à un principe d'ordre tout à fait général qui est précisément l'hégémonie. Naturellement cet ordre dans les esprits se conjugue intimement avec l'ordre dans la cité qu'exprime la domination politique. Gramsci analyse de façon très subtile la dialectique contrainte / consentement qui assure la cohérence et la continuité d'une société donnée, laquelle est contrainte par le pouvoir d'Etat, mais consent à l'ordre établi. Savoir qui l'emporte, de la contrainte politique ou du consentement qui la légitime, c'est s'interroger sur l'organisation des rapports entre l'Etat et la société civile : entre le pouvoir d'Etat qui se fait sentir à travers ses appareils propres (aux dysfonctionnements près) et la société civile qui est le réseau complet des pouvoirs non-étatiques qui s'exercent dans la société, de la plus menue des familles à la plus puissante des entreprises, de la plus vaste des églises (séparées de l'État) à la foule hétérogène des syndicats, partis et autres associations, etc.

Le chemin est court, de la laïcité à l'hégémonie ainsi conçue. Toutes les sociétés en voie de modernisation ont hérité d'hégémonies religieuses diversement agencées, mais partout fort enveloppantes. Pour bien percevoir ce qu'est une hégémonie religieuse encore proche de sa splendeur passée, il n'est que d'observer les pays islamiques du Proche et Moyen Orient et du Maghreb où les Etats même les plus modernisateurs (Turquie, Égypte, etc.) doivent se contorsionner pour respecter - et faire respecter - sinon la charia dictée par les clercs, du moins, la dose d'orthodoxie musulmane sans laquelle ni les appareils d'Etat, ni la population elle-même n'obéiraient aux tenants du pouvoir d'Etat. Mais peut être vaut-il mieux  (re)lire l'admirable ouvrage consacré par Lucien Febvre au Problème de l'incroyance au XVIè siècle [4], c'est-à-dire à l'hégémonie religieuse dont Rabelais ne put alors s'émanciper. Il faut de longs et puissants mouvements sociaux pour soulever puis briser une telle chape, mais je ne ferai pas à des lecteurs laïques l'injure de rappeler l'ensemble des combats émancipateurs dont la France a été, pour sa part, le théatre, du modeste "libertinage" du 17è siècle à la multiplication des "Lumières" du 18è siècle et aux combats plus détaillés du 19è siècle, étant bien entendu que cette immense transformation n'a pas été une pure révolution culturelle, tournée vers les seules choses de l'esprit, mais s'est intimement mariée, d'époque en époque, avec les combats pleinement politiques dont l'ensemble, divers et diffus, constitue ce que l'historiographie marxiste appelle la révolution démocratique-bourgeoise.

Par l'effet de ces transformations politiques et culturelles, l'hégémonie religieuse s'est effritée, puis effondrée, cependant qu'un nouvel ordre s'imposait dans les esprits, à l'échelle de la société tout entière. Les lois de Séparation n'ont pas inauguré ni parachevé ce mouvement, mais elles l'ont couronné, tout comme leur contemporaine, la loi de 1901 sur la liberté d'association, consacrait une transformation effectuée, par saccades, au cours du siècle précédent. Églises expulsées de l'appareil d'Etat, République désormais bien assise, citoyenneté s'exerçant à tous les niveaux de l'édifice social, libre création des sociétés de commerce (c'est-à-dire des entreprises), liberté d'association, établissement (plus tardif) de contrats collectifs entre associations patronales et syndicales, consolidation d'une magistrature (d'ailleurs épurée des nostalgiques de l'ancien régime), tutelle et contrôle point trop distraits des forces policières, soumission des forces militaires au pouvoir civil, tribunaux assez indépendants pour juger des affaires où les pouvoirs publics sont impliqués, soumission des contrats à la loi, naissance de premières juridictions internationales et de traités internationaux dûment mis en force (surtout s'ils visent à une bonne coopération postale, ferroviaire, etc. plus qu'à une pacification diplomatique). Arrêtons-là cette trop longue énumération, pour constater qu'un État de droit a remplacé l'ancien État de droit divin, ce qui signifie que dans l'ordre idéologique (ou culturel), les libertés d'association, de pensée, de presse, de réunion, etc. ont pu s'épanouir et permettre à tous les appareils idéologiques d'exercer et de diversifier leurs activités dans les limites fixées par des lois de la république, elles mêmes soumises aux débats publics et aux procédures électorales et législatives. Ainsi s'est établie une nouvelle hégémonie que l'on peut dire juridique, parce que tel est son trait dominant, celui qu'il faut rétablir en tout premier lieu quand un régime de Vichy vient interrompre la légalité républicaine.

La laïcité a d'abord trouvé son compte dans cette mutation hégémonique qui s'est affermie en refoulant les vérités révélées (sauf pour qui veut bien y croire) et en rendant la libre pensée accessible à tous, grâce à une école libérée des prêtres. L'espoir d'éradiquer les croyances et superstitions, ainsi apparu, s'est alors appuyé sur les triomphes de sciences déjà libérées des contraintes que les religions leur imposaient. Toutefois cette surestimation naïve de recherches scientifiques qui jamais ne peuvent, ni ne pourront épuiser leurs objets respectifs, s'est réduite, en fait, à un scientisme exposé aux contre-offensives métaphysiques. La défaite a été longtemps masquée par les immenses progrés que l'école laïque faisait accomplir, en quelques décennies, au peuple tout entier. Il a fallu les guerres, les crises et les révolutions du 20è siècle pour que le voile se déchire. Armés de la sagesse rétrospective que procure le fait accompli, on peut désormais comprendre pourquoi aucune hégémonie laïque n'a succédé à l'hégémonie religieuse, pourquoi la valorisation du droit  a remplacé le message religieux aux prétentions universelles. L'hégémonie religieuse était un principe d'ordre surchargé de réponses à toutes les interrogations et angoisses des humains et lourd de prescriptions pour tous les âges de la vie, pour toutes les conditions sociales, pour toutes les situations, etc. Elle était forme et contenu de l'enveloppe imposée à toute la culture. L'hégémonie juridique donne certes forme à la culture sociale, autant qu'il plaît aux législateurs, aux juges et aux juristes, aux co-contractants et aux associés de toutes espèces, aux adhérents de toutes associations, etc. Mais cette formalisation partout disponible ne véhicule, d'elle-même, que quelques lambeaux de contenu plus ou moins obligatoire; par exemple, elle régit l'état-civil, mais ne dit presque rien des rites de passage ponctués par les événements dont cet état-civil tient registre. Et ainsi de suite, pour tous les aspects de la vie individuelle ou collective, pour le travail, hormis les brèves presciptions légales et contractuelles qui l'enserrent plus ou moins efficacement, pour l'activité scolaire ou militaire, pour la vie urbaine ou rurale, etc. à l'infini. La seule grande transformation subie par l'hégémonie juridique date de peu de décennies et n'est pas encore bien consolidée : c'est l'établissement de tout un système de droits à prestations sociales, droits acquis légalement ou contractuellement par une multitude d'individus, en raison de critères objectifs (âge, emploi, chômage, charges de famille, etc.). Autrement dit la sécurité sociale a donné une force particulière au lien social; elle a conforté l'hégémonie juridique en allègeant d'autant les formes de la domination politique.

Une hégémonie beaucoup plus laïque aurait pu s'établir en subvertissant le formalisme juridique, si le mouvement social dont la laïcité est le produit, avait su généraliser son refus du principe d'autorité, bien au delà des révélations religieuses; si la laïcité n'avait pas entouré l'Etat d'un respect excessif, comme si la domination politique pouvait devenir pleinement émancipatrice; si la laïcité ne s'était pas réjouie de voir l'école se développer comme un appareil idéologique d'Etat, fort peu ouvert sur les multiples pouvoirs qui composent la société civile; si elle avait pourchassé progressivement, mais obstinément, toutes les institutions non ou peu religieuses qui usent et abusent de leur autorité, non fondée en raison : autorités militaires qui divinisent la discipline, autorités ordinales déjà évoquées, autorités médiatiques de toute sorte, autorités scientifiques qui prolongent leurs savoirs par divers big bangs métaphysiques, etc.

A ces déficits dont la liste pourrait être allongée jusqu'à incorporer le magister dixit  dont l'école laïque ne s'est guère départie, se sont adjoints les périls cumulatifs qu'une hégémonie juridique, fragilement tempérée par une sécurité sociale, mais nullement orientée vers un libre épanouissement de l'esprit critique, fait finalement courir à la laïcité elle-même. En effet, l'hégémonie juridique, même adossée à une république de bon aloi, est poreuse : elle n'oppose aucun barrage aux transformations ravageuses que la mondialisation de l'économie commence à promouvoir dans l'agencement culturel des sociétés. Elle ne peut restreindre le commerce du savoir, des "petites écoles" marchandes aux boites-à-bachot et aux "instituts supérieurs privés" de toute farine, pas plus qu'elle ne peut canaliser les concentrations économiques qui mettent en péril le cinéma, la presse, l'édition et les autres medias de nombreux pays. L'avenir est plus inquiétant encore, car les proliférations  sectaires et les reviviscences religieuses se nourriront aisément des télécommunications mondialisées, tout comme les formes scolaires et universitaires concurrentes de l'école publique et laïque.

La protection décisive doit venir de l'idéologie elle-même, par l'effet d'une révolution culturelle visant à subordonner l'économie au libre épanouissement de la culture et à faire de la domination politique le gardien de ce nouvel équilibre. Autant dire que l'on est, ici, à l'orée d'un éventuel mouvement social pluri-décennal, voire séculaire, mouvement dont une laïcité en voie de rénovation radicale pourrait être le principal moteur, jusqu'à marquer de son empreinte le nouveau type d'hégémonie qui s'établira. Pour explorer correctement cette perspective immense, bien des questions à peine effleurées jusqu'ici devraient être examinées méthodiquement, notamment en ce qui concerne les transformations probables ou souhaitables des sociétés civiles, des types d'Etat ou des coopérations internationales, sans oublier les autres mouvements sociaux qui ont chance de prendre de l'ampleur, au cours du prochain siècle, notamment au titre de l'écologie, du féminisme, des révoltes du monde pauvre, des crispations du monde riche, etc. Car la rénovation éventuelle de l'éthique sociale s'inscrira nécessairement dans ce tourbillon mondial où la France et l'Europe deviendront de plus en plus petites. On me permettra néanmoins de m'en tenir, ici, à la seule problématique ouverte par l'introduction du présent ouvrage.

Pour donner chance à cette laïcité – déjà vieille de plus d'un siècle - d'imprimer sa marque sur le prochain siècle européen, non sans débordements mondiaux, quatre axes stratégiques me paraissent à privilégier : les femmes, l'école, les pseudo-autorités et les medias.

Les femmes ?  La transmission culturelle d'une génération à l'autre est d'abord leur affaire. Bien avant l'école, c'est au sein de la famille, essentiellement par les soins des mères (ou de leurs éventuels substituts) que tous les enfants apprennent, par et dans le langage maternel, ce qu'est le coutumier de la vie quotidienne, cette énorme assise de la culture commune sur laquelle les appareils idéologiques spécialisés (dont l'école) viennent ensuite greffer leurs apports. Les femmes jouent ainsi un rôle central dans l'ouverture ou la clôture des esprits enfantins, par la transmission des savoir-dire, savoir-faire, savoir-vivre en société qu'elles initient. Notamment par l'assignation des rôles (traditionnels ou non) dévolus aux adultes et aux enfants des deux sexes, dans la famille et dans son entourage premier. On ne le sait que trop, ce sont les femmes tenues en subordination et enfermées dans la vie domestique qui apprennent à leurs enfants à se résigner à ce sort ou à s'y pavaner comme ces petits mâles que l'on prépare à leur future fonction de chef de famille. Il s'agît d'aider les femmes à briser ce cercle vicieux, en leur permettant d'exercer la pleine maîtrise de leur procréation, en pourchassant leur analphabétisme ou leur illettrisme, en leur ouvrant l'accès à un maximum de rôles professionnels, associatifs, syndicaux ou politiques, en usant à cette fin d'autant de lois contraignant aux réformes qu'il en faudra pour bâtir une égalité sociale pleine et entière entre les sexes. Sur une telle lancée, obstinément entretenue pendant des décennies, les automatismes traditionnalistes, les rémanences religieuses, les hypostases divines et terrestres du Père, etc. seront nécessairement mis à rude épreuve, tandis que les nouvelles générations offriront peu à peu un terrain fertilisable par l'esprit critique.

L'école ? Il s'agit essentiellement de reconquérir l'école, en levant les voiles pudiques dont ses partisans drapent ses défauts, que ces voiles soient tissés par des administrations bureaucratiques, par des syndicats corporatifs ou par d'ardents défenseurs de la laïcité d'avant-hier. Reconquérir l'école, c'est la rendre efficace au point de dissuader les parents de placer leurs enfants dans des écoles religieuses ou commerciales (ou les deux) afin qu'ils y soient "mieux élevés" et "mieux tenus". Ce regain d'efficacité suppose que la promotion de (presque) tous les enfants soit la seule raison d'être de l'école et de chacun des enseignants. Que les enseignants pédagogiquement inaptes ou fonctionnellement  réticents à cette mission soient conduits à changer de métier. Que l'allocation quantitative et qualitative des enseignants soit ajustée à la difficulté de cette tâche dont les résultats doivent faire l'objet d'évaluations contradictoires et publiques. Que l'agencement des unités scolaires (classe, établissement, zone scolaire de dimensions gérables, zones plus vastes pour l'orientation et le contrôle) concrétise cette responsabilisation individuelle et collective en donnant à chaque unité le maximum d'autonomie, sous une autorité démocratiquement désignée à son échelle et dotée des capacités et pouvoirs requis pour le bon fonctionnement de ladite unité. Etc.

D'excellentes propositions ont été formulées à tous ces titres, sauf en ce qui concerne le verrou qui bloque toute réforme essentielle : l'existence même d'un ministère central et centralisateur censé gérer l'instruction publique pour en faire une éducation nationale. Une autorité d'où découle la majeure partie des décisions affectant l'activité collective et le sort individuel de 850.000 enseignants et du tiers supplémentaire de personnels d'encadrement ou de service est nécessairement source de désordres, de laxismes et de dysfonctions plus graves encore. Si bien qu'il est grand temps que les laïques se déprennent de l'illusion qu'une telle institution jacobine serait le défenseur ultime de la laïcité, le seul barrage contre les retours de flamme - d'abord régionaux et locaux - de l'école religieuse. En démocratie, il est de multiples méthodes pour agencer, orienter et contrôler la fonction scolaire. Notre Vatican jacobin est l'une des plus médiocres.

Au reste, la reconquête de l'école n'est pas qu'une affaire d'enseignants et d'organisation pédagogico-administrative. Elle requiert, plus encore, une novation radicale du statut offert aux enseignés. Parmi les excellentes propositions formulées ces dernières décennies, il en est beaucoup qui privilégient l'individualisation du soutien aux élèves, la multiplication (progressive selon l'âge et le niveau) des opportunités de travail en groupe, la raréfaction des émulations élitistes, l'instauration en cascade de monitorats amenant beaucoup d'élèves et d'étudiants à entraîner, par petits groupes, leurs cadets de trois ou quatre ans, la présence non décorative mais délibérative d'élèves élus dans un nombre d'institutions scolaires croissant avec leur âge, etc. Toutes tendances qui doivent entraîner les élèves vers d'incessants travaux pratiques de civilité et de civisme (y compris pour policer les établissements et procurer aux élèves comme aux maîtres le respect qui leur est dû) jusqu'à faire de l'école un foyer vivant de citoyenneté.

Les pseudo-autorités ?  Au coeur de l'action laïque, il y avait un refus radical de l'autorité religieuse, un rejet des "révélations" interprétées et inventées par un clergé s'érigeant en autorité suprême. Déjà plusieurs des exemples évoqués ci-avant ont montré que d'autres autorités, retranchées dans diverses institutions, exercent une autorité indûe, invérifiable ou insuffisamment vérifiée. La laïcité se revivifierait en élargissant son champ d'action aux professions médicales, truffées de traditionalisme, aux professions juridiques et judiciaires où l'arbitraire se voile de non-dits (coûts, délais, etc.) et de non-lieux [5] (par quoi je résume les aspects non-publics du traitement des litiges). Elle devrait, de même, perdre sa révérence à l'égard des autorités étatiques (c'est-à-dire ministérielles, administratives, préfectorales et autres) pour les traiter toujours avec l'irrespect démocratique qui convient à leur vérification, laquelle ne peut s'accommoder des dires du ministère des Finances en matière d'impôts, de douanes ou de dépenses publiques, ni des dires des ministères de la Défense et de l'Industrie en matière de sécurité nucléaire, etc. En ayant ainsi partie liée - comme à ses origines - avec divers autres courants républicains ou démocratiques, ells se rendrait apte à coopérer au traitement de problèmes radicalement nouveaux, par exemple à ceux que pose le contrôle d'une armée désormaix professionnalisée, ou celui d'une administration européenne où les ministères nationaux déversent sans zèle une part de leurs compétences. Disons-le d'autre manière : partout où le contrôle parlementaire doit s'exercer, avec les moyens réduits qui sont les siens, des milliers de citoyens porteurs d'un nouvel humanisme exigeant pourraient apporter le renfort de leur esprit critique révivifié, à l'encontre des autorités non ou mal vérifiées.

Les medias ? Dans leurs formes modernes, omniprésentes, entrelacées et sans cesse multipliées, les medias figurent au premier rang des autorités peu, mal ou non vérifiables. Par priorité, la nouvelle éthique sociale devrait s'incarner dans une pépinière d'esprits critiques, générateurs de contre-pouvoirs tournés vers certains domaines très précis : ceux de l'information et du débat politique (lato sensu), ceux aussi des normes de déontologie revendicables en diverses matières où la formation des jeunes esprits est directement concernée, ceux enfin où doit s'exercer une particulière vigilance contre le tout-marché dénoncé ci-avant. Pour le reste, l'ambition d'une laïcité, génératrice permanente d'esprit critique, devrait être d'appliquer aux medias modernes la sagesse que ses prédécesseurs (fussent-ils pré-laïques) ont appliquée à tous les medias successifs, depuis la conquête et la généralisation populaires de la lecture et de l'écriture. Apprendre inlassablement à lire le livre, la presse, le film, la radio, la télé, l'internet, etc. est son devoir permanent, selon des méthodes sans cesse adaptées à ce que signifie, cas par cas, la "lecture" critique de ce qui est communiqué et, par conséquent, l'accès à "l'écriture" des nouveaux styles de message. Tant il est vrai que l'éradication de l'analphabétisme et de l'illettrisme n'est que la première étape d'un parcours illimité où la maîtrise critique de toutes les productions de l'esprit humain doit être la visée véritable.

Au lecteur irrité ou intrigué par mon incessante référence à l'esprit critique, je recommande vivement une lecture attentive des écrits de Gramsci [6] que j'ai déjà signalés. Mais pour qui veut couper au plus court, je note que, dans une société nécessairement drapée dans une idéologie omniprésente, il ne peut exister aucun espace de croyance pure, de science à jamais assurée d'elle-même, de raison pleinement confiante en la doctrine qui la porte, de vérité indépassable, etc. Vue sous son éclairage le plus positif, cette idéologie aussi vaste que la société est sa culture propre, c'est-à-dire le système complet des savoirs et des illusions, des pratiques et des représentations dont ladite société est porteuse - et dont les traits partagés avec d'autres sociétés constituent leur commune civilisation. La laïcité ne peut travailler au progrès de l'esprit humain qu'en suscitant et en entretenant sans cesse dans cette énorme idéologie = culture le ferment de l'esprit critique, qui est, avec la recherche scientifique et l'invention artistique, le plus fécond des accomplissements humains. De même que la république démocratique est, à ce jour, la meilleure concrétisation de la souveraineté populaire dans l'ordre politique, de même que les échecs majeurs et les timides accomplissements du socialisme sont les cruels indices d'une souveraineté populaire absente de l'ordre économique,  de même, la laïcité qui a accompli jadis une percée remarquée dans l'ordre idéologique, devrait tendre à y mûrir comme expression pleine et entière de la souveraineté populaire dans l'ordre idéologique (ou culturel) en devenant la clé de voûte de l'édifice culturel dans lequel les hommes gèrent du mieux qu'ils peuvent une commune destinée dont ils sont les seuls agents. Du mieux qu'ils peuvent, c'est-à-dire en opérant et en coopérant au mieux de leurs capacités spirituelles : avec un plein esprit critique.

Encore faut-il s'abstenir de plaquer sur l'immense mouvement libérateur de l'esprit qu'il convient de rendre aussi pleinement critique qu'il se peut, une spiritualité préfabriquée, c'est-à-dire une doctrine qui prétendrait envelopper par anticipation les résultats à venir de décennies et de siècles de travail laïque (ou scientifique ou artistique) dans un monde où la marchandise aura ou non été maîtrisée, où le droit aura ou non été finalisé, où l'ordre politique aura ou non été tiré vers moins de contrainte et plus de consentement, où l'ordre économique, enfin, aura ou non échappé à la monomanie accumulatrice et inégalitaire du capitalisme. La revitalisation de l'esprit laïque se reconnaîtra à ceci qu'il produira, chemin faisant, tout un fourmillement d'idées, d'expériences et de projets qui lui donneront sa pleine dimension spirituelle.

Notes

(1) Que j'ai esquissées naguère dans un article sur La géopolitique de la laïcité (Hérodote, n°56, Janvier-mars 1990).

(2) Contrairement à l'usage qui s'est établi depuis quelques années - et qui désigne par "idéologies" les doctrines jugées déplaisantes ou néfastes - j'appelle idéologie (ou culture) l'ensemble des pratiques et des représentations par lesquelles les hommes-en-société prennent conscience du monde où ils vivent. Cet ensemble, analytiquement discernable de l'ensemble économique (la production et tout ce qui s'ensuit) et de l'ensemble politique (le pouvoir et ce qui s'ensuit), est lui-même composé de deux parts en intime interaction : d'un côté, les dires et les actes des appareils idéologiques de toute sorte (églises, écoles, etc.); d'autre part les pratiques, savoirs et savoir-faire dont toute la population est porteuse et qui constituent, en somme, le coutumier de sa vie quotidienne.

(3) Le texte intégral de ses Cahiers de prison, tardivement traduits chez Gallimard, a été peu et mal lu par les intellectuels français dont le pariochalism surclasse celui de la laïcité. Ces Cahiers constituent néanmoins l'une des oeuvres maîtresses du 20è siècle.

 (4) Lequel est une mise en forme des relations sociales, qui facilite le traitement des éventuels litiges, mais non une éthique ordonnant les multiples domaines de la vie sociale.



[1] Que j'ai esquissées naguère dans un article sur la géopolitique de la laïcité (Hérodote, n° 56, Janvier-mars 1990)

[2] Contrairement à l'usage qui s'est établi depuis quelques années - et qui désigne par "idéologies" les doctrines jugées déplaisantes ou néfastes -  j'appelle idéologie (ou culture) l'ensemble des pratiques et représentations par lesquelles les hommes-en-société prennent conscience du monde où ils vivent. Cet ensemble, analytiquement discernable de l'ensemble économique (la production et ce qui s'ensuit) et de l'ensemble politique (le pouvoir et ce qui s'ensuit), est lui-même composé de deux parts en intime interaction : d'un côté les dires et les actes des appareils idéologiques de toute sorte (églises, école, etc.); d'autre part les pratiques, savoirs et savoir-faire dont toute la population est porteuse et qui constituent, en somme, le coutumier de sa vie quotidienne.

[3] Le texte intégral de ses Cahiers de prison, tardivement traduits chez Gallimard, a été peu et mal lu par les intellectuels français dont le pariochalism surclasse celui de la laïcité. Ces Cahiers constituent néanmoins l'une des oeuvres maîtresses du 20è siècle.

[4] [Note de l’éditeur : Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales : http://dx.doi.org/doi:10.1522/24850006 . JMT.]

[5] Malgré les heureuses réformes esquissées par Elisabeth Guigou.

[6] Note de l’Éditeur : Voir les œuvres d’Antonio Gramsci disponibles dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.


Retour au texte de l'auteur: Robert Fossaert, économiste Dernière mise à jour de cette page le jeudi 17 décembre 2009 13:55
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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