Introduction
Les groupes communautaires sont nombreux à s'occuper de santé, physique ou mentale. Ce n'est pas nouveau, mais le phénomène s'est accentué durant les vingt dernières années. Au début des années 1980 on parlait d'un mouvement d'« auto-santé » (Dumais et Lévesque, 1986) ; dès les années 1990, l'expression n'est à peu près plus employée mais l'implication des groupes communautaires dans le domaine de la santé, au sens large, peut être qualifiée de massive. Dire que c'est l'activité centrale de la majorité d'entre eux serait exagéré, mais c'est sûrement central dans l'ensemble de la mouvance associative.
L'objectif du présent chapitre est double : montrer l'étendue du phénomène, sa montée, sa structuration, et aussi sa signification, sa centralité non seulement dans le mouvement associatif, mais encore dans le domaine de la santé dont il constitue un volet méconnu, ou à tout le moins sous-estimé. Même si l'expression désigne habituellement les groupes qui ont explicitement une visée de prise en charge de la communauté par elle-même et d'autonomie [1], sous le vocable d'« organisme ou groupe communautaire », j'inclurai tout organisme sans but lucratif ; cela me permettra de baliser large, sans préjuger du rapport que ces groupes entretiennent avec le réseau de la santé et des services sociaux ou même avec les questions de santé.
Je poserai d'abord quelques repères historiques. Dans un deuxième temps, je distinguerai les groupes selon leurs objectifs et leur membership, puis je traiterai de leur rapport à l'institution médicale. Tout cela m'amènera finalement à discuter du rapport à l'État. Ce qui caractérise le mieux ces groupes et associations, en effet, ce n'est pas qu'ils s'occupent de santé physique ou mentale, de soins curatifs ou préventifs, catégories qui, on le verra, rendent mal compte de leur action, mais leur rapport à l'institution biomédicale avec laquelle ils peuvent collaborer, à laquelle ils peuvent s'opposer en préconisant des médecines douces ou parallèles ou des rapports différents entre soignant et soigné (l'entraide), et surtout leur rapport au réseau de la santé et des services sociaux, qui peut être de partenariat, de complémentarité, de concurrence ou d'indifférence, et enfin leur rapport au savoir biomédical.
Je parlerai dans ce texte d'un mouvement aux composantes très diverses ; les groupes qui s'impliquent dans la santé sont apparus dans la foulée tant du féminisme que de l'écologie, de l'action catholique que de la gauche, d'où la diversité des rapports qu'ils entretiennent avec l'institution médicale et les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux.
[1] Dumais et Lévesque définissent ainsi les groupes d'auto-santé : « une association volontaire qui vise à donner à ses membres une prise en charge progressive de leur santé en offrant soit des services thérapeutiques, soit des structures de support et d'entraide et qui entend généralement assumer son autonomie de fonctionnement autant dans le choix de ses programmes d'intervention que dans l'aménagement de ses ressources » (Dumais et Lévesque, 1986 : 16).
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