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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La famille ouvrière d'autrefois ” (1987)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Mme Andrée Fortin, [sociologue, professeure au département de sociologie, Université Laval], “ La famille ouvrière d’autrefois ”. Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. XXVIII, no 2-3, 1987, pp. 273-294. [Autorisation accordée par l'auteure le 6 janvier 2004].

Introduction

La famille ouvrière de Montréal, il y a vingt-cinq ans, se caractérisait par l'importance des familles d'origine, qui formaient l'essentiel des relations sociales, et par la proximité géographique de cette parenté, souvent présente même dans le milieu de travail. La cohabitation des parents âgés avec un des enfants mariés était la règle. Le développement d'une société davantage centrée sur le couple et les amis apparaît lié au revenu et au passage à la classe moyenne. D'après une recherche effectuée à Québec en 1984, la famille clan est restée le pôle d'identité en milieu populaire, mais le modèle ne pourra se reproduire à la prochaine génération.

L'étude est basée sur une analyse secondaire d'un corpus de soixante-treize entrevues, recueillies en 1962-1963.



En 1983-1984, nous avons mené une enquête sur la sociabilité des familles de l'agglomération urbaine de Québec: qui fréquente-t-on ? à quelle occasion ? avec qui échange-t-on des services? à qui a-t-on recours en cas de pépin? (1) Dès le début, nous avons été confrontés à des comportements qui semblaient nouveaux (monoparentalité, échanges avec des amis plutôt qu'avec la parenté...). Mais comment juger de la nouveauté d'un comportement s'il n'y a pas de base de comparaison ? Une série d'entrevues, réalisées en 1962-1963, auprès de familles ouvrières de la région montréalaise, nous a été transmise par Nicole Gagnon afin que nous puissions les examiner dans notre perspective. (2) Les grilles d'entrevue des deux corpus sont assez semblables, ce qui permet la comparaison. Par ailleurs, les entrevues de Nicole Gagnon se déroulaient davantage sous le mode de la conversation et se prêtent mal à une codification systématique: certaines questions n'ont pas été posées à tous les répondants, d'autres ont été parfois abordées par la bande. En outre, elles n'étaient pas enregistrées sur magnétophone mais transcrites de mémoire immédiatement après leur réalisation.

Plus que l'information recueillie, ce sont les échantillons qui diffèrent. À la recherche de «familles ouvrières», Nicole Gagnon partait de listes de travailleurs dont elle interviewait l'épouse: son échantillon est donc composé de couples (à l'exception de deux veufs habitant avec leur fille et de deux jeunes gens, chez leur mère, veuve). Les listes de travailleurs offrent un éventail d'âges très large: de 18 à 65 ans; c'est ainsi que furent interrogées des jeunes mariées de 17 ans jusqu'à des veuves de 72 ans. Pour notre part, nous avons utilisé des listes d'enfants fréquentant les écoles primaires pour remonter aux parents: la diversité des situations familiales est donc très grande, alors que l'âge de nos informateurs se situe entre 26 et 50 ans. Les entrevues de Nicole Gagnon furent réalisées uniquement auprès de familles canadiennes-françaises; la référence aux «Anglais» est à peu près absente du discours des interviewées, à part en ce qui concerne les boss»; la sociabilité traverse difficilement les barrières linguistiques, même dans une ville aussi «bilingue» que Montréal, et on a bien affaire à la famille canadienne-française.

Une lecture attentive du document de travail de Nicole Gagnon, (3) consacré principalement à la construction d'une typologie, révèle que les familles ouvrières de la métropole, en 1960, ne diffèrent pas tellement de celles de la capitale, vingt ans plus tard. Parmi les caractéristiques communes, mentionnons tout d'abord la présence d'un noyau de base de relations, qui n'est pas nommé en tant que tel, mais facilement reconnaissable (pp. 3-11); (4) l'importance de la proximité géographique de la famille (p. 4) ainsi que l'ambiguïté de la relation au voisinage (pp. 4 et 7); l'importance des femmes dans la gestion du réseau de relations (pp. 3 et 21). Le loisir principal, à part la visite de la parenté, est la ligue de quilles (pp. 25-26). Finalement, le document mentionne l'influence du cycle de vie sur la structure de la famille ainsi que sur les relations internes et externes (pp. 65, 77, 82).

Au-delà de ces considérations générales, il faut quand même pousser l'analyse. En effet, le monde ouvrier est loin d'être homogène et, comme dit une des interlocutrices de Nicole Gagnon: «Le milieu ouvrier, on y appartient, mais je pense que là-dedans, il y a des classes aussi.» (E. 67.) On fera donc le portrait de différentes « classes » de familles ouvrières avant d'en dégager des traits communs ; comme ces traits étaient déjà présents chez les ouvriers du textile au début du siècle, (5) on parlera de «famille ouvrière d'autrefois» en général. (6)

Notes:

1. Andrée FORTIN, Denys DELÂGE, Jean-Didier DUFOUR et Lynda FORTIN,
Histoires de familles et de réseaux, une exploration, rapport de recherche, Québec, Université Laval, 1985 ; Andrée FORTIN, Denys DELÂGE et Jean-Didier DUFOUR, «Nouvelles familles, nouveaux réseaux», Anthropologie et sociétés, vol. IX, no 3, 1985, pp. 219-223; Andrée FORTIN, «Familles, réseaux et stratégies de sociabilité», dans : Simon LANGLOIS et François TRUDEL, La morphologie sociale en mutation au Québec, Montréal, ACFAS, 1986, pp. 159-171. («Cahiers de l'ACFAS», 41.) Voir ci-dessous l'article de Denys Delâge, qui analyse les données de la basse-ville.

2. Nicole GAGNON, «
Un nouveau type de relations familiales», Recherches sociographiques, vol. XIV, no 1-2, 1968,pp. 59-66. Québec: Les Presses de l'Université Laval.

3. Nicole GAGNON,
La famille ouvrière urbaine, Département de sociologie et d'anthropologie, Université Laval, 1964, (dactylographié).

4. Le noyau de base de relations, présent chez l'immense majorité des gens que nous avons rencontrés en 1983 et 1984, se compose de la parenté immédiate: parents, frères et sœurs des répondants, d'une «amie de femme», à qui on peut tout dire» et qu'on voit en moyenne une fois par semaine, et d'une bonne voisine, «sur qui on peut compter en tout temps». Voir: FORTIN et al., op. cit.

5. Tamara K. HAREVEN,
Family Time and Industrial Time, New York, Cambridge University Press, 1982.

6. Il aurait été tentant d'utiliser l'expression de famille ouvrière traditionnelle » si le glissement de «traditionnelle» à «traditionaliste» ne s'effectuait pas tendancieusement à la lecture. Pour éviter tout biais de ce genre, il semble davantage approprié de parler de la famille «d'autrefois», le terme étant entendu comme: avant la révolution tranquille.


Retour au texte de l'auteure: Mme Andrée Fortin, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le Mardi 14 décembre 2004 08:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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