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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Fernand Foisy, MICHEL CHARTRAND. LES DIRES D'UN HOMME DE PAROLE. (1997)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Fernand Foisy, MICHEL CHARTRAND. LES DIRES D'UN HOMME DE PAROLE. Édition préparée par Fernand Foisy. Montréal: Lanctot Éditeur et Fernand Foisy, 1997, 350 pp. Préface de Pierre Vadeboncoeur. Une édition numérique en préparation par mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée à la retraite. [Michel Chartrand/Les dires d'un homme de parole est composé d'extraits de discours et d'entrevues qui s'échelonnent sur près de trente ans de vie syndicale active.] [Autorisation accordée par l'auteur le 3 juin 2012 de diffuser toutes ses publications sur Michel Chartrand dans Les Classiques des sciences sociales.]

[15]

MICHEL CHARTRAND.
Les dires d’un homme de parole.


Avant-propos

Michel Chartrand de A à Z


À Simonne Monet Chartrand

Politiser les masses, c'est s'acharner avec rage à faire comprendre aux masses que tout dépend d'elles, que si nous stagnons, c'est de leur faute et que si nous avançons, c'est aussi de leur faute, qu'il n'y a pas de démiurge responsable de tout mais que le démiurge, c'est le peuple et que les mains magiciennes ne sont en définitive que les mains du peuple.
FRANZ FANON,
Les damnés de la terre


C’est en novembre 1991 que mon ami syndicaliste Florent Audette me suggérait d'écrire la biographie de Michel Chartrand. Pas une biographie comme les biographies traditionnelles, mais plutôt un récit du genre « ce que je connais de Michel Chartrand ». Après avoir hésité, presque pour la forme, j'ai conclu que l'idée n'était pas si bête.

Quelques personnes ont déjà tenté de se lancer dans cette aventure. Et toutes s'y sont « pété » la gueule. Elles [16] croyaient pouvoir tasser Michel dans un coin et le faire parler. Mal leur en prit. Elles auraient dû savoir que Michel ne se laisse pas tasser par qui que ce soit.

Fort de ces expériences, j'ai eu l'idée de procéder à l'envers. J'ai été secrétaire général du Conseil central des syndicats nationaux de Montréal (CCSNM) de 1968 à 1974, alors que Michel en était le président. C'étaient des « grosses » années du syndicalisme québécois. J'ai conservé tous mes agendas et tous mes carnets d'adresses. Mon premier réflexe a donc été de dresser une liste des personnes qui ont connu ou encore qui fréquentent Michel.

Mais d'abord, je fais part à Michel de mon projet. Il n'est pas emballé, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais il accepte à deux conditions : « Demande-moi pas d'argent ! » « Fais-moi pas travailler ! »

« It's a deal », comme disent les Romains.

J'entreprends alors ma recherche : entrevues, coupures de journaux, documentation syndicale ou autre, tout y passe.

Mais il y a un hic. Le principal intéressé... est plus ou moins intéressé. À plusieurs reprises, j'essaie d'obtenir de Michel, en recourant à divers stratagèmes, des détails sur sa vie, des détails que j'ignore sur son enfance, ses études, ses parents, sur la vie familiale du clan Chartrand. Chaque fois, Michel, encore plus astucieux que moi, me voit venir avec mes gros sabots, et j'en suis quitte pour une fin de non-recevoir, amicale, polie, mais ferme. Décidément, il n'est pas intéressé à ce que l'on parle de lui.

Ce qui l'intéresse au plus haut point depuis toujours, c'est de passer son message. Enseigner, instruire, convaincre. Michel Chartrand n'est pas intéressé par son propre personnage. Michel parle. Michel est « un homme de parole ».

Bang ! Et la lumière se fit ! Je ferai une anthologie de cette « parole » en recueillant et en colligeant ses discours. [17] La biographie peut toujours attendre. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Tout s'est enclenché : pendant plus de six mois, j'ai fouillé toute ma volumineuse documentation écrite, vidéo et audio, soutenu et encouragé par ma compagne Suzanne, mon frère Lucien et Yves Lacroix, archiviste à la CSN.

Jacques Lanctôt, éditeur et vieille connaissance de Michel, m'avait déjà approché pour publier la biographie de Michel Chartrand. Il est emballé par ce nouveau projet et me propose un contrat d'édition. Je soumets quelques pages du projet à Michel qui manifeste aussi son enthousiasme. Le 8 novembre 1996, une entente est conclue avec Lanctôt éditeur. Michel la signe, comme... témoin.

Alea jacta est.

* * *

Michel m'a appris les vraies valeurs. Les valeurs matérielles et spirituelles. Il m'a appris comment fonctionne le système capitaliste qui ne tend qu'à la maximisation du profit, à n'importe quel prix, quoi qu'on en dise. Il m'a appris les valeurs morales : le respect de l'être humain avec tous ses défauts et toutes ses qualités. Il m'a appris que la justice ne se négocie pas. Elle existe et elle doit être la seule règle. Il m'a appris à partager et à donner sans rien demander.

Non, il ne m'a pas appris à sacrer. Ça, je le savais déjà, comme tout bon Québécois, ordinaire élevé dans le catholicisme.

Il m'a aussi appris à bien boire et à bien manger (pas son prochain). Ce n'est pas parce qu'on défend le socialisme qu'il nous est interdit de faire bonne chère et d'apprécier le bon vin. On peut croire en une philosophie altruiste sans pour autant se soumettre quotidiennement au supplice du fouet.


* * *

[18]

Plusieurs ont déjà traité Michel Chartrand de démagogue. 1. C'est très mal ou c'est ne pas connaître le personnage Michel Chartrand. 2. C'est ne pas connaître le français et la définition des mots démagogue et démagogie. En fouillant dans le Larousse, même dans l'édition de poche, on peut trouver à « démagogie », la définition suivante : « Politique qui flatte la multitude. » Dans notre langage de tous les jours, un démagogue pourrait se définir ainsi : « Une personne qui dit aux autres ce qu'ils veulent entendre tout en les flattant dans " le sens du poil ". »

Des exemples de « flatteurs-dans-le-sens-du-poil » ?

Trudeau, quand il parle des Québécois aux Canadians. Bill Clinton du Parti démocrate, dit libéral, quand il agit comme un représentant du Parti républicain. Mike Harris, quand il fesse sur les assistés sociaux et que la population applaudit. Jean Chrétien... laissons tomber, ce serait lui accorder trop d'importance.

Alors, le portrait est facile à faire, à saisir. Chartrand est-il un démagogue ? Peut-on l'associer à ces Trudeau, Clinton, Harris et Chose ?

De tout temps, Michel Chartrand a défendu les opprimés, les exploités, tapant sur le dos du grand capitalisme, de la bourgeoisie (qu'elle soit de langue anglaise ou de langue française), de l'Église catholique, des petits politiciens (et non des hommes politiques), des sionistes et, à l'occasion, sur les chefs syndicaux. Si c'est cela, la démagogie, j'en perds mon français et mon latin.

Ainsi, Michel a été étiqueté communiste, activiste, socialiste, ce qu'il n'a jamais nié ni confirmé, laissant aux autres le soin de poser des étiquettes. Mais, franchement, dire de lui qu'il est démagogue, c'est pousser un peu fort.

* * *

[19]

Michel Chartrand parle, et beaucoup, c'est bien connu. Il lui est presque impossible d'écrire un texte ; pour lui, c'est fastidieux, il n'est pas vraiment lui-même, pas aussi « naturel » que lorsqu'il parle ; ses seuls écrits qu'il m'a été donné de lire ont été rédigés alors qu'il était en prison. Il est un véritable verbo-moteur. Avec lui, l'expression three is a crowd prend tout son sens. En tête à tête avec lui, vous aurez une discussion. S'il s'ajoute une troisième personne, vous avez droit à un discours en bonne et due forme.

Dans le couple Simonne Monet et Michel Chartrand, Simonne écrivait, et Michel parlait et parle encore. Traduire par écrit sa fougue, son énergie, son humour et son insolence relève du grand risque, même si les écrits rapportent fidèlement ses paroles. L’idéal aurait été de simplement enregistrer ses discours.

* * *

Sans être un « petit livre rouge » ou un « catéchisme », ce recueil pourra devenir un instrument de référence pour les générations à venir. Les paroles s'envolent, mais « ses » écrits demeureront.

Certains diront que Michel Chartrand n'a jamais prononcé qu'un discours de toute sa vie « publique ». Et ils auront parfaitement raison. Michel a toujours prôné le respect de l'homme par l'homme et pourfendu le capitalisme, il est toujours demeuré chrétien (pas nécessairement catholique). D'autres auront dit exactement les mêmes choses que lui et, pourtant, ils auront sombré dans l'oubli.

Son langage est accessible, facile à saisir, tout en gardant sa profondeur. Il se fait comprendre par le monde ordinaire. Il est imagé ; son humour et son style rendent [20] ses discours captivants. Il dit avec des mots ordinaires, des mots de tous les jours, ce que d'autres disent avec « des mots à cinq piastres », mais qui ne sont saisis que par quelques érudits.

Michel a déjà déclaré : « Je n'ai jamais joué d'autre rôle dans le mouvement syndical que celui du coryphée dans les tragédies grecques : le gars qui est dans le milieu de la place et qui dit tout haut ce que le monde pense. »

Michel Chartrand parle au peuple, comme le peuple, pour le peuple. On l'aime... on le déteste... Mais on l'entend et on l'écoute. Même si cela se fait en cachette à l'occasion. Snobisme oblige.

D'un violent Michel aura quelquefois le langage... mais c'est pour mieux vous faire comprendre, mon enfant.

Dans le numéro de Maintenant d'octobre 1971, Pierre Vadeboncœur dit de lui :

Ce pamphlétaire, dont plusieurs ont du mal à saisir l'unité et la vérité du message sous son torrent verbal, il faut savoir entendre ce qu'il dit.
Il y a une vérité de paix sous son langage agressif. Il y a une vérité de liberté sous sa parole intransigeante. Il y a une excellente nature sous son verbe offensant. Ce malcommode énorme est un superbe ami de l'humanité, quoi qu'on dise. Il n'a jamais cesse en tout cas de la défendre. Il faut bien en prendre acte.

La devise de Michel : Aime ton frère et ta sœur... comme tu aimerais qu'ils t'aiment !

FERNAND FOISY

Fort Lauderdale, Floride
8 décembre 1996



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 19 novembre 2012 9:31
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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