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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Charles Falardeau, "La recherche dans les sciences humaines: quelques besoins et leur solution". In ACFAS, POUR UNE POLITIQUE SCIENTIFIQUE AU QUÉBEC, pp. 3-16. Communications présentées au Colloque organisé par l’ACFAS lors de son 33e congrès annuel. Montréal: L’Association canadienne-française pour l’Avancement des Sciences, février 1966, 76 pp.

[3]

POUR UNE POLITIQUE SCIENTIFIQUE
AU QUÉBEC


Conférence

“La recherche dans les sciences humaines :
quelques besoins et leur solution”

par Jean-Charles FALARDEAU


Jean-Charles Falardeau, "
La recherche dans les sciences humaines: quelques besoins et leur solution". In ACFAS, POUR UNE POLITIQUE SCIENTIFIQUE AU QUÉBEC, pp. 3-16. Communications présentées au Colloque organisé par l’ACFAS lors de son 33e congrès annuel. Montréal: L’Association canadienne-française pour l’Avancement des Sciences, février 1966, 76 pp.

L'université, quelle université ?

Il semble qu'après l'ouvrage percutant de Georges Gusdorf sur L’Université en question [1] qu'après le Rapport Robbins sur l'enseignement supérieur en Grande-Bretagne, qu'après le Rapport Parent et qu'après le tout récent Rapport de la Commission Bladen, on ne puisse ajouter quoi que ce soit d'original aux propos sur la recherche à l'université. Pourtant, nous sentons bien que tout n'est pas dit, au moins au sujet de nos universités. Et que, même si presque tout a été dit, il reste à répéter ce qu'il faut faire.

Au point de départ, il y a peut-être à nous remettre à l'esprit une certaine conception de notre rôle. Dans une étude récente qu'il a préparée à l'intention du Conseil de recherche en sciences sociales du Canada [2], mon collègue Albert Faucher comparaît l'un à l'autre deux types de chercheurs. L'un, dont il voit l'incarnation dans le grand historien de l'Université de Toronto que fut le regretté Harold A. Innis - nous pourrions dire, si nous songeons à notre milieu, un chanoine Groulx ou un Charles DeKoninck - est le chercheur patient qui travaille de façon silencieuse et imperturbable, avec les moyens du bord, et dont la recherche est l'élargissement et l'approfondissement inlassables, durant toute une vie, d'un champ de curiosité qui est sa raison d'être. L'autre type est représenté par le jeune professeur désireux de poursuivre des recherches dans lesquelles il est engagé ou d'en entreprendre de nouvelles, mais [4] qui, par suite des conditions qui le pressent (concurrence académique, exemples de l'entourage), se voit entraîné à solliciter nerveusement des subventions de toutes les fondations et de tous les conseils. Ces deux types correspondent à deux attitudes devant la vie académique ; à deux traditions intellectuelles ; disons aussi à deux générations et à deux situations historiques différentes. Il s'agit de deux types extrêmes. Dans la réalité, les professeurs se situent quelque part entre les deux pôles. En principe, chacun d'entre nous a l'ambition profonde de se rapprocher du premier.

Dans le même document, en effet, Faucher propose de réhabiliter dans notre vie universitaire le concept de la Schola entendu avec toute la force que lui ont donnée les âges anciens. Et il a éminemment raison. La relation essentielle qui doit continuer à définir l'université gigantesque et bureaucratique d'aujourd'hui est celle du maître et de l'étudiant. Nous devons tout faire pour réhabiliter cette relation si nous sentons qu’elle s'atténue, pour la maintenir si nous l'avons sauvegardée.

Nous ne connaissons cependant que trop, hélas, les dangers qui la guettent. Guy Rocher, au dernier congrès de l'Institut canadien des Affaires publiques, évoquait, entre autres menaces, l'envahissement démographique qui va bientôt nous submerger. Cette marée, en nous retenant au rez-de-chaussée ou aux premiers étages de nos tâches, risque de nous faire perdre de vue des tâches urgentes aux étages supérieurs. Le quantitatif peut compromettre le qualitatif. Le corps des enseignants n'augmente pas en proportion de l'accroissement des effectifs étudiants. Au contraire, l'administration publique du nouvel État du Québec ne cesse d'opérer des razzias dans nos rangs.

[5]

Il est urgent de retenir dans l'université ceux qui s'y trouvent et de faire de celle-ci un foyer attirant pour ceux qui ont l'ambition d'y accéder, en offrant aux uns et aux autres tous les moyens qui leur permettront de réaliser pleinement leur mission.

Quels que soient la forme et le contenu de notre université de demain, elle devra sous peine de déchoir se penser et vivre par le haut, au niveau de l'enseignement doctoral. Le Rapport Parent insiste non sans raison sur cette urgence. La situation du professeur de demain voué à l'enseignement doctoral ne sera donc pas de tout repos. Il sera, il est déjà écartelé entre le quantitatif et le qualitatif. Mais il ne pourra pas se dérober à une tâche devenue primordiale : se consacrer à une recherche plus intensive et plus originale ; nouer un dialogue soutenu avec des élèves plus alertes. Considérons de plus près cette tâche, de façon à voir en quoi nous pouvons la rendre aussi féconde que possible. Je m'en tiendrai, comme on me l'a proposé, à un examen de la situation telle qu’elle se présente dans la grande constellation des disciplines intellectuelles que constituent les sciences humaines - par quoi j'entendrai la philosophie, les sciences sociales proprement dites, les lettres et des domaines connexes tels que la linguistique, enfin les plus récentes sciences dites de l'éducation.

Quelques postulats de base

Si nous considérons l'évolution de nos disciplines, nous constatons qu'elles sont devenues visibles et tangibles dans nos universités durant les années 1935-1940, soit environ quinze ans après les sciences physiques. Elles sont [6] néanmoins maintenant parvenues à un identique degré de maturité et de progrès. Les professeurs-chercheurs, durant ces années souvent héroïques, n'ont disposé que de ressources pathétiquement restreintes, soit les maigres fonds qu'ils pouvaient soutirer à leur université, soit les subventions que distribuaient les rarissimes sources de subventions, presque toutes extérieures au Québec : les fondations américaines, le Conseil de recherche en sciences sociales du Canada, le Conseil de recherche pour les humanités, le Conseil des arts du Canada, plus récemment, le Ministère québécois des affaires culturelles. Ou encore, ils ont eu recours à la recherche commanditée, quand ce n'est pas celle-ci qui est venue les inviter ou les presser. Il n'est pas question d'exclure ces sources de notre portée. Plus elles seront diversifiées et facilement accessibles, mieux nous nous en trouverons. Ce que nous voulons, pour des raisons de fierté culturelle et d'autonomie politique, c'est que le chercheur canadien-français puisse dorénavant trouver dans ses universités et à l'intérieur de sa société les moyens d'action intellectuelle dont il a besoin.

Ce qui nous entraîne à formuler un certain nombre de postulats qui doivent éclairer toute réflexion et toute décision sur ces questions. En premier lieu (et c'est la raison d'être de ce colloque), affirmons que les plus autorisés pour définir les besoins de la recherche sont les professeurs-chercheurs eux-mêmes ; qu'ils sont aussi les plus compétents pour préciser les formes que doit prendre la satisfaction de ces besoins ; qu'ils doivent, en conséquence, être associés aux décisions finales, académiques et gouvernementales, qui donneront corps à  ces projets. Un second postulat, un corollaire du précédent, est que les professeurs de l'enseignement supérieur doivent participer de façon très directe à l'élaboration [7] de toute politique d' ensemble destinée à favoriser ou à coordonner ces réalisations. Un troisième postulat est que nous devons faire en sorte que le maximum de nos besoins dans le domaine de la recherche soit satisfait par des organismes du gouvernement du Québec, existants ou à créer. De ces postulats découlent d'importantes conséquences qu’il tiendra à notre vigilance de faire respecter.

Il est bien sûr que les problèmes que pose l'aide à la recherche sont au moins de trois ordres : académique, économique, politique. Ces trois aspects s'entremêlent inextricablement et je n'ambitionne pas de les dissocier. Vue sous l'angle économique, la recherche dans nos disciplines n'exige pas en général des ressources aussi spectaculaires que celles des sciences de la nature. Souvent de petites sommes, disponibles au bon moment, peuvent être décisives et suffisantes. Il y a cependant des exceptions, et l'on songe aussitôt aux laboratoires et à l'outillage coûteux qui sont nécessaires en des disciplines telles que la psychologie, la linguistique, la géographie. Je ne connais pas de règle d'or pour déterminer de façon absolue ce que, parmi les diverses formes d'aide dont il a besoin, le chercheur devrait pouvoir trouver à portée de la main, à l'intérieur même de l'université, et d'autre part, ce qu'il convient d'obtenir de l' extérieur. On peut quand même avancer quelques propositions qui rallieraient facilement tous les suffrages.

Les besoins réguliers

À un pôle extrême, il ne fait aucun doute que certaines ressources doivent être disponibles à l'université même. Ainsi en est-il de l'équipement [8] matériel fondamental qui est normalement nécessaire à l'exercice d'une discipline donnée. Ainsi en est-il des "moniteurs, démonstrateurs et répétiteurs", dont parle le Rapport Parent [3] et qui sont nécessaires pour les séminaires, les laboratoires et les travaux pratiques. Ainsi en est-il aussi d'une autre catégorie, celle des stagiaires ou assistants en recherche. Ceux-ci existent déjà dans certaines facultés. Il faudra les multiplier non seulement pour délester le professeur mais pour lui procurer une aide dont il pourra de moins en moins se dispenser dans la poursuite de ses travaux personnels. À la Faculté des Sciences sociales de Laval, nous avons ces assistants, à temps partiel ou à plein temps, depuis 1961. Les départements de la Faculté en font la demande, à partir des requêtes des professeurs individuels, et la Faculté prévoit leur traitement dans son budget. Vaut-il mieux procéder ainsi ou, comme le recommande le Rapport Parent, créer de nouvelles bourses que le Ministère de l'Éducation mettrait dans ce but à la disposition des universités ? [4] On peut en discuter. Pour ma part, j’estime qu'il faut éviter de multiplier inutilement les systèmes particuliers d'aide à la recherche. Il me semble beaucoup plus simple et plus normal de prévoir le traitement des assistants à la recherche dans les budgets annuels de chaque université.

Si l'on procède ainsi, il faudra reconnaître dans l'avenir que les universités sont justifiées de consacrer une portion beaucoup plus importante de leur budget à ces formes d'aide très directe à la recherche. Devrait-on alors suggérer que chaque université soit autorisée à prévoir un pourcentage donné de son budget pour fins d'aide à la recherche ? Ou doit-on proposer, avec plus de précision encore, en s'inspirant d'une formule que vient de soumettre [9] la Commission Bladen, que l'État, c'est-à-dire dans notre cas, le Ministère québécois de l'Éducation, verse annuellement à chaque université une "subvention générale d'aide à la recherche correspondant à dix pour cent du total des traitements du personnel universitaire travaillant à plein temps" ? [5] Je laisse ici la discussion ouverte.

Je ne peux conclure cette partie de mon propos sans traiter, même sommairement, d'un sujet capital dont j'aurais dû traiter en tout premier lieu car il a priorité sur tous nos besoins internes - je veux parler des bibliothèques. Nous en savons la grande pitié et le Rapport Parent nous la rappelle en termes qui restent bien en deçà [sic] de notre expérience quotidienne. En 1962, le Rapport Williams avouait par un discret euphémisme qu'à Laval... la bibliothèque est relativement pauvre". [6] Et pourtant, proclamait le même Rapport en conclusion, "une grande mission culturelle mérite et exige une grande bibliothèque". [7] Il faut reconnaître les efforts accomplis, à Laval en particulier, depuis quelques années. Mais ces efforts sont largement insuffisants. Il semble que l'on se soit donné comme objectif suprême d'en arriver là ou en étaient d'autres universités, disons Toronto, il y a dix ans. Interrogeons-nous franchement : dans combien de domaines pouvons-nous affirmer que nos bibliothèques sont suffisamment pourvues pour permettre l'enseignement au niveau du doctorat ? Le Rapport Williams encore affirmait que si l'on comparaît la bibliothèque de Laval à celles des autres universités canadiennes dans trente-quatre champs de spécialisation, elle n'était "satisfaisante" que dans un seul, celui de la littérature française. [8]

[10]

Inutile d'insister. Il est grand temps que l'on cesse de pratiquer le malthusianisme bibliothéconomique. Il faut pourvoir massivement nos bibliothèques des grandes collections d'ouvrages et de revues qui leur manquent et les doter d'un personnel nombreux et compétent. [9] Il but considérer les sommes consacrées aux achats de livres comme un capital acquis, au même titre que les rayons et qui contiennent ces livres. [10] Ces sommes devraient, dans l’avenir, représenter un pourcentage beaucoup plus élevé du budget de chaque université. Il faut, par ailleurs, éviter de repartir [sic] le budget d'une bibliothèque universitaire selon des critères uniformes de faculté à faculté. Certaines matières coûtent plus cher en livres que d'autres. Les sciences humaines, pour leur part, requièrent des collections plus onéreuses que les sciences de la nature. [11] On doit tenir compte de ces exigences au sein des comités du budget de chaque université comme aussi dans toute structure supra-universitaire qui pourrait être créée pour scruter les budgets de l'ensemble des universités.

Ce plaidoyer pour nos bibliothèques serait incomplet si je ne plaidais pas du même coup pour qu'on réhabilite la fonction et le statut bibliothécaire. On a eu trop tendance à réduire celui-ci à un rôle ancillaire ou subalterne. Il faut au contraire voir en lui un collègue et un collaborateur immédiat du professeur. Un bibliothécaire alerte et informé peut être, pour le professeur lui-même, un précieux guide dans la recherche. Il peut incontestablement être un mentor intellectuel irremplaçable pour les étudiants. On songe à l'empreinte qu’ont laissée sur plusieurs générations intellectuelles, de grands bibliothécaires de l'École normale supérieure de Paris. Est-il impensable qu'un tel destin nous [11] soit réservé ? Et que l'on aille, s'il le faut, jusqu'à nommer comme bibliothécaire de nos universités des professeurs réputés ?

Les besoins épisodiques

À un autre pôle des besoins, on peut établir assez facilement de nombreux cas où l'aide ne peut venir que de sources extérieures à l'université.

Je parlerai ici d'abord, de nouveau, de livres et je plaiderai, cette fois, pour la création, dans le Québec, d'une Bibliothèque Centrale de documentation qui serait l'équivalent d'une Bibliothèque Nationale. Ce thème, à lui seul, justifierait mon intervention dans ce colloque. Une telle institution est urgente. Nous obtenons, je le reconnais, d'excellents services de la "Nationale" d'Ottawa. Des raisons d'orgueil et des raisons pratiques nous incitent cependant à désirer au milieu de nous et pour nous un centre authentique de documentation qui inclurait aussi un fichier central. On dit que le Ministère des Affaires culturelles a dans ses tiroirs l'ébauche d'un tel projet. (Qu'est-ce que le Ministère des Affaires culturelles n’a pas dans ses tiroirs ?) Il faudrait sans retard mettre au point, avec une grande minutie, les plans de la Bibliothèque Centrale dont je parle. Il faudrait aussi que les professeurs d'université, qui en seront les principaux usagers, soient associés à sa planification et à sa mise en marche.

Nous connaissons d'expérience familière les situations où le chercheur a besoin d'une aide extérieure  : les recherches sur le terrain ; les déplacements nécessités par la consultation d'archives ou de collections privées ; la préparation [12] d’un manuscrit  ; la publication d'un livre  ; l'organisation d'un colloque ou d'un congrès  ; la publication d'une revue  ; l'achat d'un équipement nécessaire à une recherche d'un genre nouveau ; la mise en chantier de recherches interdisciplinaires ; etc. Les sources d'aide extérieures au Québec, je le répète, continueront d'exister. Mais il est dorénavant impensable que le chercheur du Québec doive continuer à voir son sort intellectuel lié aux servitudes qu'elles comportent. Nous devons nous doter nous-mêmes des institutions dont nous avons besoin.

La structure à créer :
le Conseil de la recherche scientifique


La principale de ces institutions est un Conseil de la recherche scientifique. On va bientôt, semble-t-il, créer enfin ce Conseil. Même si certains de ceux qui en ont parlé l'ont conçu d'abord sinon exclusivement pour les sciences physiques, il faudrait, à mon avis, en repenser la formule pour y inclure une section des sciences humaines. La principale raison justifiant cette intégration tient à la nature même de la vie de l'esprit. Même si les champs de connaissance et d'investigation se sont découpés et compartimentés à l'excès, nous pouvons moins que jamais les dissocier les uns des autres. Le savoir est indivisible. La culture ne peut plus se permettre le manichéisme somptuaire qui depuis trop longtemps a maintenu distantes les sciences de la nature et les sciences de la pensée et les sciences humaines. Au moment où nous voulons que notre vie scientifique devienne productrice, nous devons la concevoir dans une vision hardiment unifiante.

Deux autres raisons d'ordre pratique justifient cette proposition.

[13]

D’abord, le principe, déjà invoqué, qu'il ne faut pas multiplier inutilement les structures. Aussi, le fait que les besoins dans nos disciplines ne sont pas radicalement différents de ceux des sciences physiques - ils diffèrent en général surtout par leur ordre de grandeur. Nous posons en hypothèse que ce Conseil aura à sa disposition des ressources abondantes et qu'il ne sera pas simplement un comptoir débitant des parcelles de subventions. Nous supposons aussi qu'à la différence du C.N.R.S. de France, il n'aura pas comme politique, conformément à la mise en garde formulée par le Rapport Parent, "de retirer systématiquement les professeurs de l'université pour les fins de la recherche", mais plutôt de stimuler et encourager la recherche dans les universités". [12]

 Dans la perspective que j'ai esquissée au cours de cet exposé, la fonction du Conseil ne serait pas de subvenir aux besoins fondamentaux réguliers dont j'ai dit qu'ils tombaient sous la responsabilité immédiate des universités. Le Conseil serait, au Québec, la grande source "extérieure" destinée à pourvoir à la seconde catégorie de besoins : les besoins épisodiques particuliers des chercheurs individuels ou en équipes.

Que dire alors des quelques formes de subventions qu'a commencé à accorder le Ministère des Affaires culturelles ? Je dirai que la politique actuelle, toute empirique, de ce Ministère en ce domaine, doit être repensée à la lumière de la conception du Conseil que nous venons d'évoquer. Même si le Ministère des Affaires culturelles ébauche dans l'avenir une politique plus systématique, celle-ci devra aussi en tenir compte. Les activités de ce Ministère dans le champ de l'aide à la recherche académique ne peuvent être que supplétives - du genre, par exemple, des prix littéraires et scientifiques annuels.

[14]

Elles ne doivent en aucune manière, dédoubler l'activité d'autres organismes mieux désignés pour ces fonctions.

En guise de conclusion

L'heure du Rapport Parent, dans la vie de nos universités comme dans l'évolution de l'ensemble de notre société, est l'heure de la création de nouvelles structures nécessaires à la vitalité de la culture canadienne-française. Ces instruments nouveaux de notre culture, nous devons en hâter la mise en place et la mise en marche. Nous devons les créer, les inventer. Je me permets de répéter une phrase que j'ai déjà empruntée, en la paraphrasant, à Nehru : "Notre génération est condamnée au progrès forcé".

Si nous devons être inventifs, nous devons aussi être vigilants. Car toutes ces urgences nous pressent à un moment où l'État québécois passe du stade artisanal [sic] et traditionnel à un stade technocratique et bureaucratique, sans avoir eu le temps de pratiquer beaucoup la démocratie... Cette brusquerie de notre destin appelle à la rescousse toutes les ressources de notre imagination et de notre sens de la liberté. Nous sommes au défi de plus d'une façon, car je ne suis pas loin de penser que ce qui se passera, d'ici quelques années, dans l'université et au sujet de l'université, modèlera ce qui se passera dans l'ensemble de notre société.

Pour ce qui est de la recherche, nous devons peut-être aussi nous méfier d'un certain fétichisme de la subvention qui nous incite à penser, plus ou moins consciemment, que si l'aide à la recherche existe, la recherche aura lieu comme par magie. Ne serait-ce pas là mettre une charrue d'or [15] devant les bœufs ? Je ne puis, à ce sujet, mieux conclure qu'en citant un mot fort judicieux de Roch Valin. On répétait devant Valin qu'il faut à tout prix trouver des chercheurs. À quoi Valin rétorquait avec malice que ce qui importe avant tout est de chercher des trouveurs...



[1] Georges Gusdorf, L'université en question, Paris, Payot, "Études et documents Payot", 1964.

[2] Albert Faucher, La recherche en sciences sociales au Québec : Sa condition universitaire ; Document préparé à la demande du Conseil Canadien de Recherche en Sciences sociales, mai-juin 1965 ; ronéotypé, 39.

[4] Ibid., Recommandation 137, 252.

[5] Le financement de l'enseignement supérieur au Canada, Rapport d'une Commission d'enquête à l'Association des universités et collèges du Canada, Les Presses de l'Université Laval et University of Toronto Press, 79, 87.

[6] Edwin E. Williams, R.P. Paul-Emile Filion, s.j., Vers une bibliothèque digne de Laval, Rapport d'une enquête sur la bibliothèque de l'Université Laval, texte ronéotypé, novembre 1962, 19.

[7] Ibid., 41.

[8] Ibid., 45.

[9] Rapport de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, IIe partie, par. 351, 228-229.

[10] Forecast of the cost of Academic Library Services in Canada, 1965-75, A brief to the Bladen Commission on the financing of higher education, submitted by the Canadian Association of College and University Libraries, December 1964, 15-16 ; Le financement de l'enseignement supérieur au Canada, 60.

[11] Edwin E. Williams, R.P. Paul-Émile Filion, s.j., op.cit., 63-64.

[12] Rapport de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, loc. cit., par. 350, 228.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Charles Falardeau, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le samedi 1 mars 2014 10:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie rtetraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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