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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Contrôle territorial, urbanisation périphérique et ségrégation ethnique en Israël” (1980)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Mikhaël ELBAZ, “Contrôle territorial, urbanisation périphérique et ségrégation ethnique en Israël”. Un article publié dans la revue Anthropologie et sociétés, vol. 4 no 1, 1980, pp. 65-95. Québec: département d'anthropologie de l'Université Laval. [Autorisation accordée par l'auteur le 15 août 2007 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

«  Le territoire avec son espace et sa population est non seulement la source de toute force militaire mais il fait aussi partie des facteurs agissant sur la guerre, ne serait-ce que parce qu'il constitue le théâtre des opérations. »
 
Carl von Clausewitz 

 

L'étude des formes et des modes de regroupement urbains dans les sociétés industrielles renvoie à celle de la pénétration du capitalisme en largeur et en profondeur *. Nous entendons par là que les processus d'urbanisation sont déterminés par un double procès, d'une part la déterritorialisation graduelle des producteurs des formes de production précapitalistes et d'autre part, la fixation-concentration tendancielle des travailleurs qui n'ont que leur force de travail à vendre dans des branches et secteurs de la production qui ont nécessairement une inscription spatiale. Cependant, la division socio-spatiale du travail au sein d'une formation sociale donnée demeure un procès complexe que seule une analyse historique du développement inégal et combiné du capitalisme peut éclairer. En effet, nous partons du postulat que le déploiement du capitalisme s'est fondé historiquement à partir de la constitution d'un marché et de la soumission des modes de production antérieurs, de la montée de la bourgeoisie comme classe hégémonique qui tente de contrôler et de clôturer une base d'accumulation au sein de laquelle elle nationalise les sujets et définit l'espace du droit. Pour nous, le contrôle politique du territoire doit d'emblée être saisi en tant qu'enjeu d'un rapport de forces permanent entre les classes en lutte, la bourgeoisie et le prolétariat, même si selon les lieux et les moments, cette polarisation a intégré d'autres catégories et groupes sociaux. Toutefois, le quadrillage du territoire et sa surveillance bien qu'ils aient entraîné l'homogénéisation de l'espace n'ont pas enrayé les différenciations régionales. Ceci se comprend aisément si l'on considère que l'utilisation du sol et du sous-sol qui est à la base de la division territoriale du travail est un procès scandé par les luttes des classes populaires, luttes qui traversent l'État capitaliste. Par ailleurs, la concentration et la centralisation du capital ont suscité des transformations sociales et techniques décisives forçant l'appareil d'État à gérer et à coordonner les moyens de consommation collectifs que les capitalistes individuels ne pouvaient assumer. Il est donc nécessaire d'analyser la distribution socio-spatiale des agents et des moyens de production en s'appuyant sur plusieurs thèses : 

1˚ Nous soutenons que le contrôle stratégique du territoire par la bourgeoisie fonde idéologiquement le rassemblement des agents divisés structurellement au sein des rapports sociaux de production, légitime la surveillance des déplacements dans l'espace et régit l'insertion des non-nationaux.
 
2˚ Les luttes de classe ont une dimension spatiale qui est matériellement déterminée par le développement articulé à dominante des modes de production.
 
3˚ L'État capitaliste intervient dans le mode d'organisation spatiale aux différentes étapes de l'expansion capitaliste, d'une part en définissant les conditions d'appropriation et de consommation du territoire et d'autre part en agissant directement ou indirectement sur la reproduction des rapports sociaux de classe.
 
Ces trois propositions sommaires méritent une élaboration plus dense à laquelle je ne me livrerai pas dans ce texte, considérant que plusieurs travaux importants ont explicité à des degrés divers la question de la production et de la transformation de l'espace dans le capitalisme et le rôle spécifique de l'État dans ce procès. (Bernier 1978 ; Castells 1972 et 1976 ; Harvey 1973 ; Lojkine 1977, Lipietz 1977 ; Mingione 1977 ; Preteceille 1974). 

Elles me serviront néanmoins comme cadre général à l'étude de la division territoriale du travail au sein de la société israélienne qui est l'objet de cet article. Plus spécifiquement, nous tenterons d'expliciter les contradictions de classe et les conflits ethniques générés par la fixation de travailleurs migrants dans des zones de développement périphériques et frontalières. L'hypothèse la plus souvent retenue par les sociologues et urbanistes israéliens afin de rendre compte de la ségrégation ethnico-spatiale consiste à s'appuyer d'une part sur les écueils au niveau des formes qu'a entraînés l'aménagement étatisé du territoire depuis 1948 et d'autre part sur l'héritage socio-culturel des migrants orientaux qui inhibait tendanciellement leur mobilité sociale. J'ai montré ailleurs que cette dernière hypothèse ne résistait pas à l'analyse du procès réel de formation des classes sociales en PalestineIsraël (Elbaz 1979a). Je voudrais m'attaquer ici à la clarification des problèmes urbains et régionaux en me démarquant des bévues de la tradition idéologique (élaborée par l'école de Chicago) qui conçoit la ville en tant que lieu d'interactions, d'acculturation et/ou de désorganisation sociale. 

Pour nous, les contradictions urbaines en Israël doivent être définies, d'une part par la primauté politique du contrôle territorial et d'autre part, sous-déterminées par le développement d'un capitalisme local dépendant de la chaîne impérialiste. En effet, la distribution spatiale des immigrants a été étroitement liée aux politiques migratoires du mandat britannique et de l'État d'Israël, aux étapes d'occupation du territoire et aux flux de capitaux extérieurs nécessaires à l'établissement et à la reproduction de la société israélienne. Il faut donc expliciter même brièvement les relations dialectiques entre le contrôle territorial et le développement d'un capitalisme semi-industriel dépendant comme relevant des contradictions spécifiques à l'organisation du procès de colonisation et de clôture du territoire. Pour ce faire, nous proposons une lecture généalogique de la transformation de l'espace en Palestine-Israël. Dans un premier temps, nous rappelons de manière sommaire les relations complexes entre les rationalisations idéologiques du sionisme politique et l'appropriation foncière durant la période mandataire afin de nous interroger ensuite sur les interventions étatiques dans la planification spatiale. Dans un second temps, nous exposons les effets sociaux et politiques qu'a générés le procès de localisation de la force de travail migrante dans des nouvelles villes peuplées majoritairement par un sous-prolétariat d'origine judéo-sépharade. Enfin nous débattrons de la désurbanisation planifiée dans une perspective comparative.


* Nous tenons à remercier Bernard Bernier qui a lu et commenté ce texte qui s'inspire en partie d'hypothèses développées ailleurs (Bernier et al., 1978 ; Elbaz 1979 a et b). Les positions défendues dans cet article n'engagent, il va de soi, que l'auteur.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 6 mars 2008 19:11
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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