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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux.” Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 8: “L’organisation politique”, pp. 307-314. Textes recueillis et présentés par Jean-Paul Montminy. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1965, 517 pp. [Autorisation formelle accordée le 4 mai 2010, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[307]

Maurice Duverger (1917-)

juriste, politologue et professeur de droit français,
spécialiste du droit constitutionnel.

Les différents
systèmes électoraux
.”  [1]

Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 8: “L’organisation politique”, pp. 307-314. Textes recueillis et présentés par Jean-Paul Montminy. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1965, 517 pp.


Jusqu'aux dernières années du XIXe siècle, la question du mode de scrutin n'a pas soulevé de grandes discussions. Le plus répandu était le système majoritaire à un seul tour qui fonctionnait en Grande-Bretagne et dans les Dominions britanniques, en Amérique latine, en Suède et au Danemark. Ces deux derniers pays exceptés, le reste de l'Europe continentale imitait le régime français, c'est-à-dire le scrutin majoritaire à deux tours. Cependant, entre 1850 et 1900, les théoriciens développèrent l'idée d'un système de représentation proportionnelle : adopté en Belgique en 1899, en Suède en 1908, ce procédé nouveau fut étendu à toute l'Europe continentale (sauf la France), entre 1914 et 1920 ; la France elle-même s'y rallia en 1945. Mais, en dehors de l'Europe, la R.P. eut peu d'application ; en Europe même, un retour vers les systèmes majoritaires s'est dessiné à partir de 1948. Ouvert depuis un siècle, le débat entre système proportionnel et système majoritaire n'est pas clos : il donne toujours lieu à des luttes très vives.

A) Les systèmes majoritaires. - Le caractère commun aux systèmes majoritaires, c'est qu'ils n'assurent qu'une représentation indirecte et approximative des minorités. Le candidat qui arrive en tête est élu : ceux qui le suivent sont battus. Ainsi les voix des électeurs qui se sont portés sur ces derniers ne sont pas représentées au Parlement. Cependant, comme le parti globalement majoritaire dans l'ensemble du pays est minoritaire dans certaines circonscriptions, les partis minoritaires à l'échelon national ont cependant des députés au Parlement. Mais il n'y a pas de proportion rigoureuse entre la répartition des suffrages entre les partis et la répartition des sièges parlementaires.

1.- Système majoritaire pur et simple et système des deux tours. - Dans le scrutin majoritaire pur et simple, le candidat qui obtient le plus grand nombre [308] de voix est proclamé élu, quel que soit le total des voix obtenues par ses adversaires. Dans le scrutin à deux tours, il faut, pour être élu, obtenir la moitié des voix plus une, c'est-à-dire la majorité absolue ; sinon, on procède à un second tour de scrutin, dit "scrutin de ballottage", pour lequel la majorité relative suffit (parfois il y a même trois tours, la majorité absolue étant exigée pendant les deux premiers : lois françaises de 1789 ou de 1817).

Historiquement, l'exigence d'une majorité absolue au premier tour semble découler du droit ecclésiastique : les votes étant ainsi décomptés dans les chapitres de chanoines en vertu du Concile de Latran. Le procédé était employé dans la Curie (Sénat municipal) des Cités romaines de l'Empire (cf. L. MOULIN, "Les origines religieuses des techniques électorales et délibératives modernes", Rev. hist. politique et const., 1953, p. 106 et suiv.).

Il a été étendu en France aux élections politiques pour le choix des députés aux États généraux (cf. J. CADART, Le régime électoral des États généraux de 1789 et ses origines, 1952). Appliqué ensuite par la Restauration et la Monarchie de juillet, il fut écarté par la seconde République, mais rétabli par le Second Empire. Comme on l'a dit, presque toute l'Europe continentale suivit cet exemple.

Pratiquement, le choix entre le tour unique et les deux tours dépend du nombre de partis existant dans le pays. S'il y a deux grands partis face à face, le tour unique suffit ; s'il y a plus de deux partis, le second tour semble indispensable, à moins d'aboutir à une représentation désordonnée, comme la Grande-Bretagne en a fait l'expérience entre 1918 et 1945. On verra cependant que le système électoral a lui-même une action sur le nombre des partis, et que le scrutin à un seul tour tend à coaliser tous les groupes en deux grandes formations rivales (cf. plus loin, p. 115).

2.- Scrutin de liste ou scrutin uninominal. - Il y a suffrage uninominal lorsque chaque circonscription n'élit qu'un seul candidat. Au contraire, le suffrage est plurinominal lorsque chaque circonscription élit plusieurs candidats qui se groupent par listes (d'où le nom de scrutin de liste). Le premier suppose que les circonscriptions électorales sont exiguës ; le second correspond au contraire à de grandes circonscriptions électorales. En France, pour les élections législatives, le suffrage uninominal se fait dans le cadre de l'arrondissement ; le scrutin de liste, dans celui du département.

Le choix entre scrutin de liste ou système uninominal dépend d'abord du choix entre R.P. et régime majoritaire : la proportionnelle ne peut fonctionner en effet que dans le cadre d'un scrutin de liste. Le système majoritaire peut fonctionner soit avec un scrutin de liste, soit avec un scrutin uninominal. Mais une grande différence existe alors suivant qu'il s'agit de "listes bloquées" (on doit [309] voter pour la liste entière) ou de listes comportant la possibilité de "panacher", c'est-à-dire en fait de composer soi-même sa propre liste, en prenant des candidats parmi celles qui se présentent. Quand le "panachage" est admis, le scrutin de liste majoritaire fonctionne sans plus de difficultés que le scrutin uninominal majoritaire. Au contraire le système des listes bloquées aggrave terriblement les défauts du régime majoritaire, notamment en ce qui concerne les inégalités de représentation.

En Turquie, où le système majoritaire avec liste bloquée a fonctionné de 1950 à 1960, il a fait que le parti démocrate a eu, aux élections de 1954, 93% des sièges avec 58% de suffrages, et le parti républicain 5,5% des sièges avec 35% des suffrages : dans certaines circonscriptions il suffisait d'un faible écart de voix pour donner à un parti plus de 10 députés et aucun à l'autre.

En faveur du suffrage uninominal, dans le cadre de l'arrondissement, plusieurs arguments peuvent être invoqués. Il est incontestable, d'abord, qu'il permet une plus grande connaissance personnelle des candidats par l'électeur, donc une meilleure appréciation par lui de leurs mérites respectifs. D'autre part, il diminue l'influence des comités électoraux sans mandat, qui jouent un rôle prépondérant dans la confection des listes et empiètent ainsi sur la liberté de l'électeur (surtout si le "panachage" des listes est interdit). Il restreint enfin les frais électoraux qui peuvent écarter les candidats sans fortune personnelle ou sans liens avec un parti politique. Les adversaires du système répliquent qu'à l'intérieur de petites circonscriptions l'élection dépend beaucoup plus des rivalités entre potentats locaux que d'une opposition d'idées et de programmes politiques : c'est un "scrutin de gladiateurs" (Edouard Herriot), qui ne donne pas une représentation des grands intérêts nationaux. Par ailleurs, le cadre étroit de la circonscription favorise la constitution de "fiefs" électoraux, attachés à un député par les faveurs, les recommandations et les places qu'il distribue, beaucoup plus que par les doctrines qu'il représente et l'œuvre gouvernementale qu'il accomplit. Cependant, quand les intérêts corporatifs s'organisent en puissants groupes de pression nationaux, de petites circonscriptions uninominales peuvent conférer aux élus une grande indépendance à leur égard : assurés de leur réélection grâce aux liens personnels tissés dans leur "fief", ils peuvent peut-être mieux résister.

B) La représentation proportionnelle. - Le principe de base de la représentation proportionnelle est qu'elle assure une représentation des minorités dans chaque circonscription en proportion exacte des voix obtenues. La R.P. suppose donc le scrutin de liste qui permet seul d'attribuer des sièges à la fois à la majorité et à la minorité. Si ce principe de la R.P. est simple, son application est, au contraire, très compliquée. Deux problèmes bien distincts se posent à cet égard.

[310]

Il s'agit d'abord de déterminer le nombre de candidats élus dans chaque liste en présence. Deux systèmes généraux sont possibles : le système du quotient électoral et le système du nombre uniforme ; entre les deux, on a imaginé le système du quotient national.

1) Dans le premier, on divise, dans chaque circonscription, le nombre total de suffrages exprimés (ne pas confondre les "suffrages exprimés" avec les "votants" et les "électeurs" ; tous les électeurs ne sont pas des votants, car il y a des abstentions ; et certains votants mettent dans l'urne un bulletin blanc ou nul, qui ne compte pas comme suffrage exprimé) par le nombre de députés à élire ; le chiffre obtenu est appelé quotient électoral. Autant de fois ce quotient électoral est contenu dans le chiffre des suffrages obtenus par une liste, autant celle-ci possède de candidats élus. (Si l'on vote par listes entières, le "chiffre des suffrages obtenus par la liste", correspond au nombre de bulletins de cette liste trouvés dans l'urne ; si le "panachage" est admis - c'est-à-dire si l'on peut voter pour les candidats de listes différentes, dans la limite du nombre des sièges à pourvoir - on prend pour base de calcul la "moyenne de la liste" qui s'obtient en divisant par le nombre de membres de la liste la somme des voix obtenues par chacun d'eux).

2) Dans le second système, la loi fixe à l'avance, pour l'ensemble du territoire, le nombre de voix nécessaires pour qu'une liste puisse avoir droit à un député. Autant de fois ce nombre - dit nombre uniforme - est contenu dans le chiffre des voix données à une liste, autant celle-ci obtient de députés. Le nombre des députés d'une circonscription n'est pas ici déterminé à l'avance.

3) Entre les deux, on peut concevoir le système du "quotient national", qui consiste à diviser l'ensemble des suffrages exprimés dans toutes les circonscriptions du pays par l'ensemble des députés à élire ; le quotient national étant ainsi déterminé, on l'utilise de la même façon que le nombre uniforme. Le défaut du procédé - qu'appliquait la loi française d'avril 1946, que le referendum a rendue caduque - est que le quotient national ne peut être déterminé avec précision qu'une fois qu'on possède les résultats définitifs et incontestés des élections sur tout le territoire national, ce qui nécessite un très long délai ; d'où l'obligation de procéder à une répartition approximative des sièges basée sur les résultats électoraux provisoires. C'est ajouter une complication supplémentaire à un régime électoral qui n'en a pas besoin.

Quel que soit le système employé, il y a des restes. Supposons une circonscription où 5 listes, A, B, C, D, E soient en présence, pour 80 000 suffrages exprimés et 5 sièges à pourvoir. A obtient 27 000 voix, B 23 000, C 15 000, D 7 600, E 7 400. Le quotient étant de 16 000 voix, A et B auront chacune un député et trois sièges resteront à pourvoir, pour 50 000 suffrages inutilisés (la totalité des suffrages de C, D et E, 12 000 suffrages de A et 8 000 de B). Le [311] problème de l'utilisation des restes est le plus difficile à résoudre de tous ceux que pose la représentation proportionnelle.

La solution la plus simple est de grouper ces restes dans le cadre national ; en pratique, ce système coïncide avec celui du nombre uniforme. On additionnera les restes obtenus dans la France entière, par toutes les listes A, par toutes les listes B, par toutes les listes C. Autant de fois le nombre uniforme sera contenu dans le total des restes de chaque liste, autant de fois celle-ci obtiendra de députés. Dans l'ensemble, l'attribution des restes dans le cadre national est la solution la plus conforme à la théorie de la R.P. ; même les partis sans importance, qui n'obtiennent dans chaque circonscription qu'une infime minorité, peuvent espérer obtenir des représentants, par suite de l'addition de toutes leurs voix dans l'ensemble du pays.

Aussi préfère-t-on généralement répartir les restes dans le cadre de chaque circonscription ; cela suppose alors qu'on a employé le procédé du quotient électoral. Plusieurs modalités sont possibles ; la plus simple est d'attribuer les sièges non pourvus à la liste qui a les plus grands restes ; mais le système est injuste si plusieurs sièges restent à pourvoir et il favorise les petits partis au détriment des grands. Dans notre exemple précédent, avec le système des plus grands restes, A aura deux sièges, et B, C et D en auront un chacune, malgré l'énorme différence de voix obtenues. Le plus souvent, on adoptera donc le système dit "de la plus forte moyenne" qui consiste à feindre d'attribuer chaque siège non pourvu à chaque liste successivement et à faire alors la moyenne des voix obtenues par les députés de chacune ; la liste qui a la plus forte moyenne se voit attribuer effectivement le siège à pourvoir. Ainsi, dans l'exemple précédent, on fait semblant d'attribuer successivement le premier siège restant à la liste A, puis à la liste B, puis à la liste C, en calculant chaque fois la moyenne obtenue. Les résultats sont les suivants :

A a     2 sièges pour          27 000 voix, moyenne :         13 500

B –     2            -             23 000          -                     11 500

C –     1            -             15 000          -                     15 000

D –    1            -              7 600          -                      7 600

E –      1            -             7 400            -                      7 400


La liste C ayant la plus forte moyenne, c'est à elle qu'est attribué le 3e siège. Pour le 4e, on recommence l'opération : on retrouve évidemment les mêmes résultats pour A, B, D et E ; seule, C a 2 sièges pour 15 000 voix, soit une moyenne de 7 500. La liste A ayant la plus forte moyenne, c'est elle qui reçoit le 4e siège. Pour le 5e, et dernier, on recommence l'opération, et c'est B qui le recevra en définitive. On voit que les résultats sont assez différents de ceux obtenus par le système des "plus grands restes" ; celui-ci favorise les petites listes, tandis que le système de la plus forte moyenne favorise les grandes.

[312]

Listes

Nombre de voix

Nombre de sièges
aux plus grands restes

Nombre de sièges à la plus forte moyenne

A

27 000

2

2

B

23 000

1

2

C

15 000

1

1

D

7 600

1

E

7 400


La loi belge de 1899, qui applique le système de la plus forte moyenne, réglemente de façon différente le calcul des sièges ; elle a adopté le procédé du mathématicien Hondt, qui a l'avantage de permettre de trouver par une seule opération le nombre total de sièges revenant à la liste (sièges de quotient et sièges de reste). On divise d'abord le chiffre des suffrages obtenus par chaque liste successivement par 1, 2, 3, 4, 5, 6, etc., jusqu'à concurrence du nombre de listes. Dans notre exemple précité, on obtient :

Division par

Liste A

Liste B

Liste C

Liste D

Liste E

1

27 000

23 000

15 000

7 600

7 400

2

13 500

11 500

7 500

3 800

2 466

3

9 000

7 666

5 000

2 533

2 466

4

6 750

5 750

3 750

1 900

1 850

5

5 400

4 600

4 600

1 520

1 480


On range alors des quotients obtenus dans l'ordre décroissant, jusqu'à concurrence du nombre de sièges à pourvoir ; le dernier est appelé chiffre répartiteur ou diviseur commun :

27 000 23 000 15 000 13 500 11 500

Autant de fois le chiffre répartiteur est contenu dans le nombre de voix d'une liste, autant celle-ci a de sièges :



[313]

La loi française du 5 octobre 1946 a appliqué un troisième système de calcul des sièges à la plus forte moyenne, qui aboutit toujours au même résultat pratique. Le premier siège est attribué à la liste qui vient en tête. Ensuite pour chacun des sièges suivants, on applique la méthode qu'on a décrite tout à l'heure pour l'attribution des sièges à la plus forte moyenne (on feint d'attribuer chaque siège à toutes les listes, on fait la moyenne des voix ainsi obtenues; la liste qui a la plus forte moyenne a le siège ; et ainsi de suite pour chaque siège).

Lorsqu'on calcule ainsi le nombre des candidats dans chaque liste, il reste à préciser la personne de ces candidats. Si le panachage est admis, il n'y a pas de difficultés ; on proclame élus ceux qui ont obtenu le plus grand nombre de voix. Mais si le panachage est interdit, le problème devient plus délicat. Le procédé le plus simple est alors de déclarer élus les candidats placés en tête de liste ; mais on aboutit à ôter partiellement aux électeurs le choix des élus et à le transférer aux comités électoraux qui dressent les listes. Normalement, il faudrait admettre que l'électeur, en votant pour une liste, classe par ordre de préférence chaque membre de cette liste. Mais le dépouillement deviendrait alors si compliqué qu'on préfère généralement le système dit des "préférences" ; l'électeur vote pour une liste entière, en marquant d'un signe distinctif un ou deux candidats (deux, généralement, pour éviter que tous les choix ne se portent sur la tête de liste). On classe ensuite d'après le nombre des "préférences" les membres de la liste, et cette classification détermine la personnalité des candidats élus.

Le système ne peut fonctionner que si la liste ne comporte par elle-même aucun ordre de présentation. Si, au contraire, un tel ordre existe, les électeurs pouvant seulement le modifier, l'expérience et le raisonnement coïncident pour démontrer que l'ordre de présentation ne sera jamais modifié ; car, d'une part, beaucoup d'électeurs suivent les consignes des partis à cet égard et, d'autre part, ceux qui modifient l'ordre ne le font pas tous de la même façon, de sorte que l'ordre proposé l'emporte toujours sur les modifications.

Le système de Hare ou du "vote unique transférable". - C'est une proportionnelle qui écarte le scrutin de liste. L'électeur vote pour un seul candidat, et indique ensuite ses préférences pour un ou plusieurs autres (la circonscription comprenant plusieurs députés à élire). Dès qu'un candidat atteint le quotient, il est proclamé élu : les suffrages supplémentaires qu'il a obtenus sont portés au candidat préféré en 2e ligne, etc. Le système est compliqué, mais il brise le cadre des partis et donne à la R.P. le caractère d'un vote pour des personnes.

Il a fonctionné au Danemark pour la deuxième Chambre en 1855 ; il s'applique en Irlande depuis 1923 ; il est préconisé en Grande-Bretagne par la Proportional Representation Society, qui a édité à son propos de nombreuses brochures.

[314]

Le débat sur la proportionnelle. - En Europe continentale, le débat sur la proportionnelle est ouvert depuis la fin du XIXe siècle. La R.P. a progressivement remplacé le scrutin majoritaire en trois vagues successives : entre 1900 et 1914 (Belgique, Suède) ; à la fin de la guerre de 1914-1918 (Pays-Bas, Norvège, Danemark, Suisse, Allemagne de Weimar, Italie prémussolinienne) ; après 1945 (France, Allemagne de Bonn, République italienne).

c) Le développement de systèmes mixtes. - De 1900 à 1945, le système majoritaire n'a cessé de décliner au profit de la représentation proportionnelle (pays anglo-saxons mis à part). Depuis lors, une certaine réaction se dessine, qui se traduit, non par un retour au système majoritaire, mais par l'adoption de régimes mixtes, mi-proportionnels, mi-majoritaires. On citera, à cet égard, les systèmes allemands de la République de Bonn, le système français de la loi du 9 mai 1951 et le système italien.

Dans la République de Bonn, chaque électeur dispose de deux bulletins de vote. L'un sert à élire au scrutin uninominal à un seul tour la moitié des députés ; il est rédigé au nom d'un candidat individuel. L'autre est rédigé au nom d'un parti : d'après ces deuxièmes bulletins, on calcule à la proportionnelle (système de Hondt) le nombre total des sièges qu'aurait obtenu chaque parti sur l'ensemble des membres du Bundestag par application de la R.P. ; on déduit alors de ce nombre celui des députés déjà obtenu par le parti au moyen des votes individuels. Si ces derniers lui ont donné plus de sièges qu'il aurait dû avoir à la proportionnelle, il les conserve : là se trouve la prime majoritaire (elle a été faible en fait : 4,91% au profit de la C.D.U., 2,2% au profit du S.P.D. en 1953 ; 4,2% et 2%, respectivement, en 1957).

La loi française du 9 mai 1951 (qui a fonctionné en 1951et en 1956) aboutissait à des résultats un peu analogues par des procédures différentes. Le vote se faisait par listes, comme dans la proportionnelle. Mais deux ou plusieurs listes pouvaient déclarer officiellement leur volonté de "s'apparenter" huit jours au moins avant lès élections. Si une liste ou un groupe de listes apparentées obtenaient la majorité absolue, elles recevaient tous les sièges ; ceux-ci étaient alors répartis entre les seules listes apparentées suivant les principes de la R.P. Si aucune liste ou aucun groupe de listes apparentées n'obtenait la majorité absolue, la proportionnelle s'appliquait de façon pure et simple entre toutes les listes apparentées ou non. Le système avait été conçu pour favoriser les partis du centre, qui s'apparentèrent fréquemment entre eux et pour défavoriser les partis extrêmes. R.P.F. (qui s'apparenta rarement) et communistes (qui ne s'apparentèrent pas du tout).

La loi italienne du 31 mars 1953 établissait un système d'apparentement national : si plusieurs partis apparentés enlevaient ensemble la moitié des suffrages plus un, ils recevaient 64,5% des sièges. En fait, cette disposition n'a pas joué.



[1] Maurice DUVERGER, "Les différents systèmes électoraux" in Institutions politiques et droit constitutionnel  Paris, Presses Universitaires de France, (Coll. Thémis), 1963, p. 106-115.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 12 novembre 2013 6:35
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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