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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Gérard DUSSOUY, Quelle géopolitique au XXIe siècle ? (2001)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Gérard DUSSOUY, Quelle géopolitique au XXIe siècle ? Paris: Les Éditions Complexe, 2001, 405 pp. Collection Théorie politique. Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, bénévole, professeure à la retraite de l'École polyvalente Dominique-Racine de Chicoutimi. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 21 septembre 2009 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Préface


Jean-Louis Martres
Professeur de Science politique
à l'Université Montesquieu de Bordeaux

Chaque discipline, après avoir déchiffré son propre territoire, s'enthousiasme pour ses résultats et s'imagine régler les problèmes de toutes les autres. Cette phase « impérialiste », avec toute l'arrogance de la jeunesse, précipite la chute au moment même où elle se croit capable de triompher des obstacles. Lasse de comprendre, elle veut le pouvoir, tout le pouvoir, et murmure à l'oreille des princes les conseils dont elle attend la maîtrise du monde.

Suit bien sûr le travail de la mode, l'ingratitude du pouvoir et l'indifférence amusée de toutes les bureaucraties académiques, ravies de contempler la chute d'une rivale. Et, avant l'oubli, vient le procès, afin de lui faire porter la peine qui accable les vaincus.

Le sort de la géopolitique et de la géostratégie s'est inscrit dans cette courbe, avant de retrouver la sérénité et le doute des véritables sciences. Ce ne fut pas sans mal. L'école française, sous l'impulsion du professeur Yves Lacoste, eut le principal mérite dans cette renaissance.

Comme l'histoire était exemplaire, il fallait l'étudier C'est-à-dire scruter les causes de la maladie, mesurer aussi l'ampleur de son influence et lire ses lignes d'avenir. Gérard Dussouy a voulu couvrir tous ces domaines. En politologue et en géographe, il a pris le temps de se livrer à une quête encyclopédique, indifférent à l'aveuglement universitaire actuel qui commande de « faire une thèse en deux ou trois ans », enserrant la liberté de la recherche sous une chape de plomb. Il y a patiemment consacré toute son énergie avant d'achever son travail que j'ai eu l'honneur de diriger, qui a épousé et subi toutes les circonstances de sa vie sur près de vingt ans.

L'approche à laquelle il s'est livré, concernait initialement la généalogie de la géopolitique. Une première conclusion se détacha progressivement : l'homme pense l'espace pour comprendre et maîtriser le monde. Que ce soit l’Angleterre, l'Allemagne, les USA, l’Amérique latine, la Russie ou la Chine, tous ces États ont apporté leurs contributions et [p. 12] subi la fascination d'une discipline qui pouvait leur livrer la victoire sur les champs militaires ou la survie en cas d'attaque ; si, du moins, ils avaient su percer l'énigme que leur posait l'espace. Mais le sphinx n'est pas bavard et sanctionne durement les erreurs. Mackinder Ratzel et d'autres ont connu dans leurs carrières cette rude loi. Passer de la maîtrise de l'espace à celle du temps n'est pas une mince affaire. Ceci, d'autant plus qu'au cœur de ses ambitions initiales, la géopolitique, teintée d'idéologie nationaliste et de corporatisme militaire, avait placé la connaissance des arcanes du pouvoir.

Fallait-il encore comprendre les rouages qui ont emporté toute une génération sur cette piste dangereuse. Or il semble que celle-ci n'ait pas réussi à sortir des ornières idéologiques du XIXe et du XXIe siècle dans lesquelles s'est embourbée toute la pensée philosophique et politique. Persuadés qu'une loi scientifique devait s'énoncer de façon mécanique, tous les auteurs ont cherché la cause unique capable d'éclairer l'ensemble du paysage. Avec, ce qui apparaît au détour du siècle comme une candeur naïve, la volonté de trouver dans son art et ses connaissances personnelles le grand secret. Mahan, de la Mer, tira l'alpha et l'oméga d'une science stratégique de l'espace, alors que Mackinder fondait tous ses espoirs sur le Heartland.

La coexistence de ces théories divergentes soulignait l'erreur de diagnostic, qui, une fois faite, conduisit les géographes américains à s'orienter en direction de déterminants multivariés. Mais le succès ne fut pas au rendez-vous, car en dehors de quelques remarquables développements, la discipline épousait de si près la théorie des relations internationales qu'elle finissait par s'y fondre, sans pour autant épuiser les mystères de la puissance. Elle était prisonnière de l'étude du pouvoir. Fructueuse cependant était la quête, car cette fois apparaissait une tentative sérieuse et intéressante d'analyser certains fondements mêmes du pouvoir.

Suivant à la trace le parcours des différentes écoles, débusquant au passage toute la subtilité de la pensée stratégique chinoise, Gérard Dussouy aurait pu s'arrêter sur cet état des lieux, déjà finement et intelligemment compréhensif. Il voulut aller plus loin et ouvrir de nouveaux horizons à la discipline. Pour ce faire, il fallait des bases [p.13] assurées et dresser un état des travaux des différents facteurs de puissance, une fois débarrassés de déterminants stratégiques a priori. Il tenta alors, comme le montre le développement de cet ouvrage, de conjuguer espace et politique, en confrontant la vieille géopolitique aux résultats des nouvelles sciences sociales.

Seulement, à ce moment du raisonnement, la géopolitique bascule déjà dans la théorie des relations internationales et partage avec elle le même champ et le même objet. Pour pouvoir continuer, l'espace doit devenir clé et matériau du « système international ». Un des principaux intérêts de l'analyse de Gérard Dussouy se révèle en facilitant la jonction des deux disciplines, en établissant cette passerelle qui fondera et visualisera la compréhension des relations entre puissances. Mais, Ruse de la Science, les paradigmes « explicatifs » des relations internationales, tout autant idéologiques que les modèles de la géopolitique d'antan sont aujourd'hui en ruines, après s'être livrés une « guerre théorique » inexpiable.

Maintenant que l'implosion de l'Union soviétique a aboli le système bipolaire, la doctrine hésite et se demande si l'anomie est la bonne voie pour décrire l'état du monde ou si, au contraire, la politique hégémonique américaine introduit un facteur d'ordre en direction d'un nouveau type d'Empire. Pour ajouter au vertige, l'opposition du « réalisme » au « transnationalisme » engage la réflexion hors des sentiers battus du monopole étatique. Ici encore, l'épistémologie peut montrer facilement que ces querelles sont davantage commandées par des préjugés idéologiques et philosophiques, sans relation avec l'empirisme nécessaire à la compréhension des flux internationaux.

En d'autres termes, l'auteur, après avoir dégagé les fondements idéologiques des théories géostratégiques, se trouve confronté in fine au même problème : celui de la dépendance d'une théorie apparemment scientifique par rapport à un fondement philosophique. Mettre en relief ce phénomène a déjà un effet heuristique et permet de comprendre l'illusion de théories qui ne sont souvent que des doctrines de politique étrangère, habilement dissimulées.

En s'aventurant aussi loin des soucis initiaux de la discipline vouée à la description de l'espace, Gérard Dussouy a souhaité accomplir les ambitions politiques initiales des plus grands stratèges. Il prend alors, évidemment, tous les [p.14] risques. Mais ils sont mesurés et la construction proposée repose désormais sur des bases solides.

En effet le système, avant d'imposer ses règles de conduite aux acteurs, est lui-même une résultante déterminée par le poids des facteurs de puissance. Cette conception circulante du système permet d'incruster la lecture géopolitique de la théorie des relations internationales comme pivot incontournable de ses développements ultérieurs.

La géopolitique trouve sa place exacte en tant qu'instrument de mesure de la puissance quantifiable, tout en permettant de représenter physiquement le système. Servante et maîtresse, elle peut alors être considérée sans a priori, débarrassée des scories qui avaient obscurci ses origines.

Au fond, toute l'habileté de l'ouvrage de Gérard Dussouy aura été de faire émerger les charnières entre disciplines et le système de communication qui les relie : philosophie politique et géographie, théorie des relations internationales et analyse multivariée de l'espace. De toutes les ambitions universitaires, celle de pratiquer l'interdisciplinarité est la plus haute. Il était mieux d'essayer d'en démontrer concrètement l'intérêt.

Dans cette perspective ce travail enrichit le Centre d'analyse politique comparée de l'Université Montesquieu de Bordeaux, co-fondé en 1978 avec le politologue Jean-Louis Seurin, disparu à Charlottesville en décembre 1995. Isolés à l'origine — moins aujourd'hui ––, nous avions toujours valorisé une épistémologie qui croisait dans l'analyse du politique les méthodes et les théories, l'interne et l'externe. Le flambeau est repris ici de façon remarquable.

Mais laissons au lecteur le mérite de la découverte.

Jean-Louis Martres
Professeur de Science politique
à l'Université Montesquieu de Bordeaux



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 21 octobre 2010 15:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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