RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gilles Dussault, “Les idéologies des professions libérales au Québec, 1940-1975”. Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Fernand Dumont, Jean-Paul Montminy et Jean Hamelin, Idéologies au Canada français, 1940-1976. Tome II : Les mouvements sociaux — Les syndicats, pp. 47-73. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1981, 390 pp. Collection : Histoire et sociologie de la culture, no 12. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, Chomedey, Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée le 7 décembre 2009, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[47]

IDÉOLOGIES AU Canada FRANÇAIS,
1940-1976.

Tome II. Les mouvements sociaux — Les syndicats.

Les idéologies des professions libérales
au Québec, 1940-1975
.”

par Gilles Dussault

[pp. 47-73.]


I.  Des professions en mutation
II. L'idéologie des professions libérales

La doctrine des professions
La défense du territoire professionnel

LES PROFESSIONS libérales, jusqu'à tout récemment au Québec, ont intéressé les sociologues surtout en raison de l'importance de la place que leurs membres occupaient parmi les élites. Depuis la dernière guerre mondiale, toutefois, les élites canadiennes-françaises se sont diversifiées [1] et le rôle des membres des professions libérales, ceux du droit et de la médecine en particulier, s'en est trouvé réduit au profit des hommes d'affaires, des syndicalistes, des universitaires, des hauts fonctionnaires, des journalistes et autres.

Depuis 1940, les corporations professionnelles ont, en fait, subi de profondes mutations qui ont eu, entre autres effets, celui d'accroître chez leurs membres la conscience de la fragilité de leur statut social. Conséquemment, leur discours idéologique a accordé proportionnellement plus d'importance à des questions liées à l'exercice des activités de leurs membres et au maintien de leur statut qu'aux grands problèmes politiques de l'heure. C'est cette constatation qui nous incite, ici, à étudier leurs idéologies en privilégiant l'analyse du discours que les professions libérales ont dû élaborer en réponse aux exigences nouvelles d'une société en mutation. Ce choix nous est inspiré par la démarche de Bernard Blishen dans son étude de l'idéologie de la profession médicale au Canada [2].

Tout le discours des professions libérales est en effet marque par la nécessité pour elles de résoudre le problème de fond qu'elles ont à affronter de façon permanente, celui de la légitimation. C'est ce [48] que Fernand Dumont a déjà indiqué, ajoutant d'ailleurs qu'une pratique professionnelle, pour l'essentiel, « se ramène à la construction et à la défense d'un terrain social original [3] ». Ce point de vue est partagé par plusieurs auteurs qui, plutôt que de voir dans le professionnalisme un ensemble d'attributs (formation universitaire, idéal de service, autonomie reconnue par l'État, etc.) propres à une catégorie d'emplois donnée, estiment qu'il est avant tout une forme de contrôle social de l'utilisation d'un savoir [4]. Ce contrôle doit d'abord être acquis et surtout, par la suite, maintenu - les professions souhaitent évidemment l'accroître aussi -, d'où la permanence du problème de la légitimation.

Nous proposons donc d'aborder les idéologies des professions libérales en les analysant dans leurs structures internes « comme un système de pensée, dans (leur) fonction de représentation et de justification par rapport à un contexte socio-historique [5] ». Nous avons choisi d'étudier les idéologies de cinq d'entre elles, soit trois du domaine de la santé : la médecine, la pharmacie et la dentisterie, et deux professions juridiques : le droit et le notariat. Nous tenterons de caractériser le discours formel de ces groupes, tel qu'on le retrouve exprimé dans les mémoires des corporations, syndicats et autres organismes professionnels présentés à des commissions d'enquête, à des commissions parlementaires ou à d'autres instances gouvernementales [6] ; dans les revues [7] qui constituent le moyen d'expression principal des membres des professions en cause et aussi le lien le plus important qui les tient en contact les uns avec les autres ; enfin dans les études et rapports portant sur certains de ces groupes [8].

Nous avons dépouillé ces sources pour la période 1940-1975 et le matériel ainsi recensé va nous servir à reconstruire le discours à travers lequel les membres des professions libérales se définissent, précisent ce qu'ils disent être leur fonction sociale et légitiment le pouvoir qu'ils revendiquent. Dans un premier temps, nous allons présenter ces changements qui ont considérablement transformé les professions libérales et le contexte dans lequel elles évoluent depuis la guerre. Ensuite nous étudierons leur discours idéologique proprement dit, en essayant d'abord de déterminer les principaux [49] éléments de leur structure puis en examinant comment ces groupes ont cherché à assurer la défense de leur « terrain social » à travers leurs efforts pour contrer les envahissements de professions concurrentes toujours plus nombreuses ainsi que dans le cadre de leurs rapports avec l'État, dont l'accroissement du rôle, à partir de la fin des années 1950, a porté atteinte de façon importante à leur pouvoir.


I. - Des professions en mutation

Les cinq professions étudiées ont été formées en corporations autonomes et ont obtenu le contrôle de leurs domaines respectifs dans la seconde moitié du XIXe siècle [9]. Les bases de leur contrôle de certaines activités n'ont pas toutes la même solidité ; ainsi, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes doivent combattre l'hégémonie des médecins, et les notaires, de leur côté, ne peuvent empêcher qu'une partie de leur champ soit occupée par les professions nouvelles de la comptabilité et de l'administration. Malgré des écarts de statut, les cinq groupes ont plusieurs traits communs : professions presque exclusivement masculines, peu de spécialisation, origines sociales relativement homogènes, socialisation uniforme. Jusque vers 1940, ces traits changèrent peu ; depuis, toutefois, ces professions ont subi des mutations en profondeur qui les ont obligées à ajuster leur discours à un contexte nouveau.

Dans le domaine de la médecine, le rythme du développement des connaissances s'est accéléré de façon radicale, engendrant, du coup, une forte poussée de spécialisation. Dans les vingt années qui suivent la guerre, le mouvement vers les spécialités est presque brutal chez les médecins ; plus de 60 pour 100 d'entre eux se répartissent désormais entre plus d'une trentaine de spécialités [10]. Par ailleurs, environ soixante-quinze professions nouvelles sont apparues dans le champ de la santé là où on ne retrouvait guère que le médecin, le chirurgien-dentiste, le pharmacien, l'optométriste et l'infirmière avant la guerre. La pharmacie et la dentisterie sont moins touchées par la spécialisation, mais l'évolution scientifique [50] en transforme aussi l'exercice de fond en comble. Le pharmacien voit son rôle de préparateur rendu caduc par la mise en marché des produits de synthèses fabriqués sur une base industrielle ; il doit chercher à se redéfinir, ce qu'il fait en valorisant son rôle de conseiller du médecin et d'informateur du client. Les techniques et équipements chirurgicaux et anesthésiques changent à vive allure en dentisterie et exigent de la part des praticiens des ajustements répétés ; cela pose à la profession le difficile problème du maintien de la compétence de ses membres.

Ce phénomène est accompagné d'un autre dont il est encore difficile de mesurer toutes les implications : la production du savoir médical échappe de plus en plus à ceux qui en font l'utilisation. Ce sont maintenant les biologistes, chimistes, physiciens, épidémiologues, statisticiens, psychologues et sociologues même qui, plus que les médecins, dentistes ou pharmaciens, en contrôlent l'essentiel. On peut présumer que cela a pour effet de réduire ou du moins de rendre plus fragile le pouvoir des professions de la santé.

Du côté des professions juridiques, c'est l'extension du rôle de l'État, la multiplication de ses interventions dans des domaines jusque-là délaissés, comme les secteurs du travail, de l'habitation ou de la consommation, qui est le phénomène de changement dominant. Avocats et notaires voient leur champ de pratique changer rapidement ; même si leurs corporations ne reconnaissent pas formellement des spécialités, dans les faits, ces professionnels doivent se spécialiser. Désormais aussi, la concurrence des comptables, administrateurs, financiers et fonctionnaires est une réalité quotidienne.

L'accroissement du rôle de l'État, que nous venons d'évoquer, a modifié considérablement le contexte dans lequel évolue chacune des professions. La prise en charge des frais médicaux et hospitaliers, la création de nombreux tribunaux administratifs, de programmes d'assistance juridique et d'assurance-automobile, la reforme de l'organisation professionnelle elle-même, voilà autant d'exemples d'interventions gouvernementales qui ont transformé le [51] cadre libéral de la pratique des professions. Jusqu'au début de la décennie 1960-1970, l'État s'était contenté de déléguer des fonctions de service public à des corporations professionnelles auxquelles il ne demandait jamais de comptes sur leur façon de s'acquitter de ces responsabilités. Depuis, il a entrepris de récupérer ou du moins de contrôler le pouvoir ainsi délégué, ce qui a été reçu par les intéressés comme une atteinte à leurs droits acquis.

Enfin, les professions libérales ont connu récemment une évolution démographique qui a bouleversé leur composition. Les effectifs de chacune se sont accrus de façon accélérée depuis qu'une réforme de l'enseignement secondaire a multiplié les possibilités d'accès à l'université [11]. On observe, depuis, une importante féminisation des professions (jusqu'à 25 pour 100 en droit et en médecine) ainsi qu'une diversification des origines sociales de leurs membres ; les moyennes d'âge se sont aussi abaissées et un clivage assez net s'est établi entre ceux qui ont été scolarisés à l'ancienne mode (cours classique, petits groupes à l'université) et ceux qui sont les produits de la réforme de l'éducation.

Ainsi, là où des professions formaient naguère des entités très homogènes, on retrouve maintenant de nombreux sous-groupes dont les intérêts ont de plus en plus de difficulté à coïncider : spécialistes et omnipraticiens, salariés et autonomes, jeunes et vieux, hommes et femmes, etc. Également, et presque par voie de conséquence, le syndicalisme s'est développé chez les professionnels, ceux de la santé avec plus de succès, et a obligé les corporations à reconstruire leurs idéologies pour intégrer ce nouveau mécanisme de regroupement de leurs membres, tenu par elles, jusque-là, comme incompatible avec le véritable professionnalisme. On constate enfin que le discours traditionnel des professions, qui avait tendance à être unanimiste, a été remis en question par ce pluralisme nouveau.


II. - L'idéologie des professions libérales

Le problème des professions libérales est donc de maintenir leur statut d'occupation avec le privilège du monopole de certaines activités. [52] La résolution de ce problème passe, en bonne partie, par la mise à jour des justifications de leur existence en tant que corporations autonomes. Bien que le discours de nos cinq professions ne soit pas uniforme, il apparaît que les rationalisations autour desquelles s'élaborent leurs idéologies respectives se rejoignent dans l'ensemble et forment ainsi une sorte de « doctrine des professions », selon l'expression de Gyarmati [12]. Le contexte particulier de l'exercice de chacune de ces professions commande bien des adaptations de cette doctrine, mais la structure fondamentale des discours reste la même. C'est cette structure que nous voulons repérer, dans un premier temps.

La doctrine des professions


La profession est le regroupement des individus habiles, en raison de leur formation supérieure, à répondre à certains besoins sociaux prioritaires ; du fait qu'ils sont les seuls à être ainsi préparés, la société doit accepter de leur confier en exclusivité la prise en charge des activités reliées à la satisfaction de ces besoins. Cette fonction - conservation et recouvrement de la santé, maintien du droit et de la justice, ici - est à ce point critique pour la société qu'elle relève, en plus de l'art et de la science, de la « mission [13] ».

On retrouve donc comme fondements de la doctrine des professions la nécessité de la fonction que remplissent leurs membres et surtout le caractère exclusif de leur capacité à l'exercer : « Depuis quatre mille ans, le pharmacien tient une place de premier plan dans la vie, même dans la survie des peuples civilisés [14]. » « En réalité, chaque famille devrait avoir son dossier dans une étude de notaire. On peut avec un peu de chance n'avoir pas à recourir aux services de l'avocat. On ne peut pas, dans des conditions normales, se passer des services d'un notaire [15]. » Un autre auteur conclut, après avoir fait la démonstration que l'avocat est le premier gardien de la paix sociale, que « la société ne peut se passer de l'Ordre des avocats [16] ».

[53]

Le membre d'une profession libérale, tout en subvenant à des besoins individuels, participe à une mission sociale, voire nationale. Les notaires et les avocats rappellent souvent que, en perpétuant le droit français, c'est la survie même de la nation qu'ils ont assurée [17], car « le droit, c'est une vérité bien connue, est un des éléments de la nationalité [18] ».

Les fonctions sociales critiques peuvent être confiées aux membres des professions libérales parce qu'ils possèdent les qualités requises ; et, parce qu'eux seuls possèdent ces qualités, la société doit leur reconnaître certains privilèges, dont le principal est le monopole d'exercice, en retour de quoi ils s'engagent à se rendre dignes de la mission qu'ils prennent à leur compte.

L'homme de profession libérale est donc d'abord « celui qui sait » : la compétence que sa formation universitaire lui a permis d'acquérir le rend apte à affronter des situations devant lesquelles le profane reste démuni. Cette préparation, ajoutée aux autres normes d'admission aux corporations (stage pratique, examens de la corporation), est une garantie que celui qui a obtenu le permis d'exercer a la compétence requise. Le passage par l'université et l'admission à une corporation sont les seules garanties acceptables : l'apprentissage sur le tas ou des dispositions naturelles exceptionnelles ne peuvent s'y substituer valablement. Quiconque ne s'est pas soumis à ces exigences et prétend offrir le même service ne peut être qu'un charlatan.

Cependant, le membre d'une profession libérale n'est pas qu'un technicien désincarné : il doit avoir en plus la vocation, car son métier est un sacerdoce, sa pratique quotidienne, un ministère [19]. Même si ce langage parareligieux est moins employé depuis une quinzaine d'années, il illustre bien un caractère important de la spécificité en cause : un engagement à servir. Si de nos jours on parle plus volontiers de compétence scientifique que de vocation - cela étant plus compatible avec la pratique du syndicalisme par les membres des professions libérales - l'affirmation du dévouement de la profession au service de la société et de la primauté du bien du client dans la hiérarchie des valeurs de ses membres [54] reste, elle, constante. Mieux, les intérêts de ces derniers et ceux de la société sont définis comme associés et complémentaires. En témoignent ces propos : « En fait, personne ne pourra m'enlever de l'esprit qu'il existe une étroite interdépendance et une compénétration quotidienne entre les intérêts des membres d'une part et ceux du public, ou de la société d'autre part [20]. »

Son échelle de valeurs distingue le membre d'une profession libérale du commerçant ; en fait, le premier se définit par opposition au second. L'accusation de « mercantilisme » est la pire qui puisse lui être faite et il s'est trouvé, tout au long de la période que nous étudions et dans chaque profession, des auteurs pour s'élever contre certains confrères peu scrupuleux, enclins à commercialiser leurs activités et qui portent ainsi atteinte au prestige de toute la profession [21].

Le cas des pharmaciens est spécialement intéressant à cet égard. Le pharmacien, en plus d'offrir un service, vend un bien, ce qui risque de l'assimiler à l'homme d'affaires ; celui qui est propriétaire d'une officine est presque en conflit d'intérêts permanent. Il n'est pas étonnant que le débat qui occupe les pharmaciens depuis trente ans soit celui qui oppose les partisans de la pharmacie commerciale à ceux de la pharmacie professionnelle. Les dirigeants de la corporation ont traditionnellement pris parti en faveur de la décommercialisation de la pharmacie, mais avec un succès plutôt mitigé, puisqu'ils ont continuellement dû renouveler leurs exhortations en faveur d'une pratique pharmaceutique axée sur la seule fonction de conseiller. Un groupe de pharmaciens salariés, excédés par cette incapacité de leur corporation à éliminer le mercantilisme, a conclu à la mauvaise foi de ses dirigeants et en a tout simplement réclamé l'abolition [22] ; ce qui est vraisemblablement sans précédent dans le monde des professions.

Une autre qualité du membre d'une profession libérale est sa capacité de pratiquer l'autodiscipline et d'assumer la responsabilité de ses actes. C'est ce qui lui permet de justifier sa revendication d'autonomie et de solliciter la confiance de ses clients. Malheureusement, répète-t-on, le public ne connaît pas suffisamment ces [55] qualités qui justifient son statut et ses privilèges ; son image est souvent ternie par la perception erronée qu'on en a. Ainsi l'avocat est-il désavantagé par la nature même de son activité : « Cette défaveur que nous subissons est aisément explicable. Le client qui vient avouer dans notre bureau certaines actions peu reluisantes, de petites vilenies qu'il a commises, demeure humilié de s'être ainsi trouvé devant nous en mauvaise posture... Il n'est pas étonnant qu'on nous mesure sa gratitude [23]... » Chaque groupe, à un moment ou l'autre, déplore cette mauvaise image qu'on se fait de lui et invite ses membres à faire l'éducation de leurs clients afin de la réhabiliter [24].

Signalons, enfin, qu'avant la réforme du système d'enseignement, dont l'un des objectifs principaux était de favoriser l'accès aux études supérieures, on présentait souvent le membre d'une profession libérale comme une sorte d'élu qui avait la chance de pratiquer la plus belle des professions. « Il n'y a pas eu, nous en sommes convaincus, de profession remplissant plus beau rôle dans la société que celle de l'avocat comme collaborateur de la justice et défenseur de la liberté de son semblable [25]. » « ... Avec les développements de la science pharmaceutique, (avec) les récentes découvertes faites en ce domaine, il nous semble que le pharmacien devrait s'enorgueillir d'appartenir à une profession, la plus belle et la plus nécessaire qui existe à l'heure actuelle [26]. » Des propos de ce genre avaient leur importance pour renforcer l'adhésion des individus au groupe et raffermir leur solidarité, prérequis essentiel à une défense efficace du champ professionnel.

À un autre niveau, enfin, la doctrine des professions privilégie l'attachement des membres à leur « autonomie ». Étant donné la compétence spécifique reliée à leur pratique, les membres estiment que leurs actes ne peuvent être évalués que par des pairs [27]. La corporation professionnelle est donc pour eux cette institution qui permet à la fois d'offrir à la société l'assurance que l'exercice de la profession est surveillé et de garantir à ceux qui l'exercent leur autonomie. C'est la corporation, en effet, qui formule les règles de conduite - inscrites dans un code de déontologie que chacun de ses membres s'engage à respecter en prêtant un serment solennel - [56] qui guident quotidiennement le praticien ; c'est elle aussi qui assume la responsabilité de sanctionner les manquements à la discipline et à l'éthique. Elle est la gardienne de l'autonomie de ses membres, mais, en retour de ses privilèges d'autogestion, elle engage la responsabilité de la profession dans la dispensation de services compétents à une clientèle dont elle privilégie le bien-être [28]. Elle estime même de son devoir de faire la lutte aux charlatans et imposteurs qui s'aviseraient d'offrir des services sans s'être soumis aux règles de la profession. D'où les nombreuses revendications des corporations auprès des gouvernements, afin d'obtenir des pouvoirs légaux accrus pour mener à bonne fin cette mission d'élimination des usurpateurs.

La doctrine des professions sert donc à montrer en quoi leurs membres se distinguent des autres travailleurs : compétence exclusive qui permet de rendre des services essentiels, primauté du dévouement au client et soumission aux règles de conduite formulées par la communauté des pairs. La corporation à laquelle ils appartiennent assume la responsabilité d'une mission sociale importante et les privilèges dont elle bénéficie contribuent à la réussite de cette mission et en sont même une condition nécessaire. Citons en conclusion les propos d'un notaire, à titre d'illustration : « Un professionnel se distingue d'un homme de métier, d'un marchand, d'un entrepreneur. Mais où réside cette différence ? Ce n'est pas l'habit, l'ameublement, l'équipement de bureau, les heures de travail, ni même le revenu qui constituent les bornes et marquent les frontières entre les occupations. La profession suppose tout d'abord des études spécialisées, ajoutées à une culture préalablement acquise, puis sans cesse développée. La profession se caractérise aussi par une stricte organisation de ses cadres, et une discipline particulière chez ses membres. Chaque professionnel tend de plus par divers moyens à écarter les inaptes et à réglementer l'admission de ses adeptes. La profession se distingue aussi par le fait remarquable que ce n'est pas une marchandise qui est offerte, mais les talents d'un homme qui directement rendent des services à la société et permettent à cet homme de gagner sa vie. D'autres métiers rendent des services, mais chez le professionnel, un élément [57] essentiellement personnel intervient. Le professionnel acquiert la confiance et l'estime de ses clients en sa personne même [29]. »

La défense du territoire professionnel

Bien que les professions libérales aient acquis de longue date un pouvoir important, elles doivent consacrer une bonne part de leurs activités idéologiques à prévenir et à contrer les invasions du terrain social qu'elles estiment le leur. Pendant la période qui nous intéresse, les menaces sont principalement venues de la concurrence d'autres professions et, après 1960 surtout, des nombreuses interventions de l'État pour tantôt réglementer les activités des membres des professions libérales, tantôt leur retirer le contrôle d'actes qui jusque-là leur étaient réservés. C'est à ce niveau, donc, que la doctrine des professions trouve sa fonction la plus cruciale, la défense du territoire professionnel.

Les membres des professions libérales et leurs concurrents. Par la loi qui les a constitués en corporations, les membres des professions libérales se sont fait octroyer le monopole de certains actes et le contrôle d'un champ d'exercice donné. La loi, cependant, ne peut parvenir à préciser la nomenclature exacte des actes spécifiquement réservés aux membres d'une corporation pas plus qu'elle ne peut prévoir l'évolution d'une discipline. Ce qui crée un problème quasi permanent de frontières. Aussi longtemps que les professions que nous étudions ont été seules, dans leurs secteurs respectifs, à offrir des services, le problème de l'interprétation des limites de leur monopole était relativement facile à résoudre. Dans le domaine de la santé, les empiétements venaient des « empiriques » (guérisseurs, rebouteurs, etc.) qu'on ne pouvait pas toujours facilement combattre, mais qu'on pouvait aisément identifier comme usurpateurs. Du côté du droit, la compétition des comptables et des spécialistes de l'administration commençait à poser le problème de la définition de l'acte juridique. Depuis quarante ans, c'est l'accroissement du nombre de professions nouvelles qui crée une situation où les limites des champs professionnels sont constamment remises en cause.

[58]

Chaque groupe constitue un cas particulier. Ainsi, pour les médecins, dont on peut dire qu'ils ont le pouvoir le plus solidement établi, les années 1940 à 1970 ont été l'occasion d'une lutte incessante contre les « extramédicaux », c'est-à-dire tous ceux qui offrent des soins sans se conformer aux canons de l'orthodoxie médicale ; furent l'objet de cette lutte certains guérisseurs de grande réputation et surtout les chiropraticiens. Une campagne systématique a été organisée pour empêcher la reconnaissance de ces derniers [30], question qui fut l'objet d'une enquête gouvernementale en 1964 (Commission royale d'enquête sur la chiropraxie et l'ostéopathie). Pour le Collège des médecins, « si la religion est une et vraie, la médecine (...) doit, elle aussi, être une et vraie [31] » et les chiropraticiens qui ne sont que « des gens qui font du massage [32] » sont des hérétiques qui doivent être rigoureusement combattus. Par ailleurs, la médecine doit aussi contenir ceux qu'elle appelle les « paramédicaux » dans leur rôle de collaborateurs et d'auxiliaires. Les pressions sont grandes, en effet, venant des nouvelles professions de la santé, dont les membres ont souvent une formation universitaire, ainsi que des professions établies comme la pharmacie, la dentisterie et l'optométrie, afin d'accroître leur autonomie, ce qui ne peut se faire qu'aux dépens des médecins.

Les pharmaciens, eux, craignent la concurrence que leur font des « demi-pharmaciens », tous des anciens commis de « grande expérience [33] » que des collègues plus soucieux d'économie que de solidarité embauchent et chargent de la vente de médicaments. Le Collège des pharmaciens a eu fort à faire aussi pour empêcher toutes sortes de groupes - épiciers, colporteurs, grands magasins à succursales - d'obtenir le droit de vendre des produits pharmaceutiques. D'autre part, les pharmaciens subissent comme une négation de leur compétence spécifique le pouvoir absolu de prescrire que détient le médecin et ils insistent pour obtenir le contrôle exclusif du médicament.

Chez les chirurgiens-dentistes, on retrouve également cette volonté d'égalité avec la médecine dont on craint l'impérialisme [34]. Mais c'est plutôt du côté de la fabrication des prothèses dentaires qu'on voit les plus grandes menaces ; on y retrouve, d'une part, des [59] techniciens dentaires, officiellement reconnus, dont les dentistes cherchent à contrôler l'activité et, d'autre part, des fabricants clandestins, en grand nombre, qui occupent une part importante du marché de la prothèse [35]. Une loi créant une Corporation des denturologistes est venue, en 1973, mettre un terme à l'illégalité de la pratique de ces fabricants de prothèses, et ce, en dépit de l'opposition unanime des organismes dentaires. Depuis quelques années, la profession s'emploie à contrôler les hygiénistes dentaires et à prévenir la création d'une nouvelle catégorie de thérapeutes, les infirmières dentaires, que des projets gouvernementaux voulaient insérer dans le système de distribution de soins et auxquelles on aurait confié des tâches aujourd'hui assumées par les dentistes.

Du côté du droit et du notariat, le contrôle des auxiliaires ou des charlatans est une question qui ne se pose à peu près pas. Ce sont des professions organisées, comme les comptables pour les questions de fiscalité et de succession, les courtiers, agents d'immeubles et sociétés de fiducie dans le domaine immobilier, les conseillers en relations industrielles dans le secteur des relations du travail, les évaluateurs, les diplômés en administration, etc., qui font le plus concurrence aux juristes.

Essayons maintenant de voir comment, au niveau de leur discours, les diverses professions organisent la protection de leur territoire. On peut identifier deux arguments principaux autour desquels est construite leur défense : le caractère unique de leur compétence - donc l'incompétence des autres - et leur responsabilité de protection du public. Par exemple, un porte-parole de l'Association des médecins de langue française du Canada disait au sujet de la lutte à la chiropraxie : « Il faut de toute nécessité que l'on comprenne que la lutte n'en est pas une d'individus contre individus, mais qu'elle se situe dans la perspective d'une discipline, d'un art, d'une science dont l'objet, la mission sont de protéger la santé et de la faire recouvrer. Nous sommes les disciples de cette institution et nous avons à dénoncer tout procédé ou toute entreprise qui ne concourt pas à cette fin. Voilà notre attitude à l'égard de la chiropratique ou de toute autre méthode similaire, [60] charlatanesque, abusive, exploitant la bonne foi et la superstition [36]. » Le Collège des médecins précisait, quant à lui, devant la Commission Lacroix sur la chiropraxie, « qu'il n'entend partager aucunement, ni devant le peuple, ni devant l'histoire, la responsabilité d'une reconnaissance légale de la chiropratique au Québec [37] ».

En dentisterie, tout au long du débat, presque épique, sur la denturologie, toutes les associations de dentistes se sont objectées à reconnaître à « des techniciens sans préparation scientifique adéquate [38] » le droit de transiger directement avec le public, sans se soumettre au contrôle du dentiste.

En droit, on trouve le même genre d'attitude dans les propos d'un bâtonnier qui s'adressait à ses collègues en ces termes : « N'avons-nous pas trop vite abandonné, entre autres, aux comptables, aux conseillers en relations industrielles et aux évaluateurs un rôle juridique que les avocats, à mon point de vue, sont généralement mieux préparés à jouer que les membres d'autres disciplines [39] ? »

C'est un devoir des corporations, en raison de leur fonction de protection du public, de réagir à ces empiétements et de réprimer l'exercice illégal. Le Collège des médecins est souvent cité en exemple dans les autres corporations pour sa vigilance particulière à ce niveau.

Le meilleur moyen de défense réside dans les garanties légales : les professions libérales sont très attentives à l'amélioration des lois qui les régissent et surtout à celles qui concernent leurs concurrents. Les médecins, qui n'hésitent pas à dire que les paramédicaux leur sont des collaborateurs précieux, estiment que l'équipe de santé doit être formée du médecin qui exerce le leadership et des autres travailleurs de la santé qui sont ses auxiliaires [40]. Chez eux, le mécanisme de l'ordonnance par lequel ils prescrivent médicaments et traitements est presque sacralisé puisqu'il constitue le lien juridique qui leur subordonne les paramédicaux. Ils s'opposent, en particulier, au droit de ces derniers à l'interprétation des ordonnances médicales (par exemple, droit pour les pharmaciens de [61] substituer un médicament à un autre estimé équivalent) puisqu'ils peuvent, seuls, assumer la responsabilité de l'acte médical [41].

Si les paramédicaux doivent être des collaborateurs soumis, il n'en va pas autrement des extramédicaux auxquels une seule option est offerte, « celle de se soumettre à la réglementation déjà en vigueur pour les paramédicaux, tout en reconnaissant qu'ils ne peuvent être que des aides médicaux ou des techniciens sans responsabilité [42].

Chez les pharmaciens et les dentistes, le premier volet de leur stratégie est l'affermissement de leur statut par rapport à la médecine. On reconnaît comme nécessaire la collaboration avec les médecins, mais, selon eux, elle doit s'établir entre égaux, chacun respectant le territoire de l'autre [43]. On prône une sorte de coexistence pacifique [44], mais prudente, comme le souhaitait un dentiste : « Rapprochons-nous de la médecine, sans nous jeter dans son estomac. Collaborons avec la médecine, en apportant dans notre collaboration une culture qui fasse de nous des hommes de science égaux en valeur aux médecins les plus réputés [45]. » En somme, ils veulent qu'on sache bien qu'ils ne sont pas des « paras [46] » et qu'ils méritent d'être traités sur le même pied que les médecins.

Dans leurs rapports avec les auxiliaires et les « illégaux », leurs attitudes coïncident avec celles de la profession médicale. En dentisterie, on cherche à contrôler les techniciens, notamment par le mécanisme de l'accréditation [47]. On insiste aussi sur la nécessité de surveiller la formation des hygiénistes [48] auxquelles le Collège des chirurgiens-dentistes propose d'ailleurs « sa très libérale protection [49] ». Quant aux denturologistes, qui sont aux dentistes ce que furent les chiropraticiens aux médecins, la seule stratégie acceptable est leur répression, stratégie qui dans l'un et l'autre cas n'a pas abouti.

Pour les professionnels du droit, la situation particulière de leur marché commande des réactions différentes. On a, un temps, mis de l'avant une solution aux empiétements qui consistait à réserver certaines fonctions à des juristes [50]. Bien qu'il y ait encore des partisans de cette formule, existe maintenant une conscience nouvelle [62] de la nécessité de quitter les sentiers battus du droit, de se spécialiser et de récupérer le terrain perdu en offrant des services plus compétents que ceux des concurrents. Le bâtonnier Prévost reconnaissait là le type de stratégie qui avait permis aux avocats de récupérer en partie le champ des relations du travail : « ... J'observe avec satisfaction que nous avons partiellement reconquis le secteur des relations de travail d'où nous avions pratiquement été évincés, il y a plusieurs années. Grâce à des confrères bien préparés qui ont affirmé plus de science, de connaissance, de compétence, d'expérience, d'habileté, d'adresse et de succès, les avocats ont, par leur valeur professionnelle et leur efficacité, réoccupé en partie le champ d'action. C'est là une preuve, parmi bien d'autres, de leur nécessité et de leur « irremplaçabilité » dans la société, à la condition qu'ils dominent par la qualité en rendant de véritables services [51]. »

Chez les notaires aussi, on est conscient que la profession est à une croisée de chemins et que la résistance au changement mène à l'impasse : « L'existence d'une profession ne se justifie pas par ses services passés, si éminents soient-ils, mais uniquement par la démonstration concrète de l'avantage qu'elle procure aux citoyens et aux institutions dans la société actuelle. Voilà le véritable défi auquel doit faire face le notariat aujourd'hui [52]. » Pour le relever, le notaire doit redéfinir son rôle, accroître sa compétence, notamment par la spécialisation et la formation continue, et montrer qu'il peut occuper avec plus de compétence que les autres le champ qu'il estime relever de sa juridiction [53].

Ce genre de discours, qui valorise l'adaptation au contexte social plutôt que la seule répression, est nouveau au sein des diverses professions (on le retrouve également dans le secteur de la santé). Il s'agit d'un ajustement récent rendu nécessaire, pour une bonne part, par la volonté qu'a exprimée l'État de soumettre la doctrine des professions à l'épreuve des faits. Le fait que les consommateurs de services professionnels, eux aussi, réclament de plus en plus de preuves que le mécanisme d'autogestion est aussi efficace que le disent les membres des professions libérales n'est pas étranger à l'émergence de ce nouveau discours.


[63]

Les professionnels et l'État. Les gouvernements qui se sont succédé de la fin du XIXe siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale ont adhéré, dans l'ensemble, aux grands principes du libéralisme économique. Les années 1930 à 1945, de plus, ont été l'occasion d'une importante poussée d'idéologies promouvant le corporatisme social. De telle sorte que les professions libérales ont pu profiter d'un tel mouvement d'idées, qui dévalorisait les interventions de l'État dans la vie sociale, pour affermir leur autorité sur leurs territoires respectifs. Cette situation avantageuse était bien temporaire, nous le savons maintenant.

La crise économique, qui a sévi au Québec à partir de 1930-1931, a commencé à mettre en évidence la nécessité pour les gouvernements de prendre la relève de l'initiative privée dans des domaines comme la santé et le bien-être. En 1933, une commission d'enquête, dite Commission des assurances sociales, présidée par Édouard Montpetit, préconise l'idée d'un régime d'assurance-maladie. Quand un projet plus formel sera proposé par le gouvernement fédéral en 1944, la profession médicale verra pour la première fois la pratique libérale de la médecine mise en cause et amorcera une longue lutte pour sa défense. Les débats sur cette question précise seront très longs, d'autant plus que s'y entremêlent des querelles de juridiction entre les gouvernements fédéral et provincial ; finalement, le régime commence à être instauré par étapes en 1966 et ne voit le jour, sous sa forme complète, qu'en 1970 [54]. L'ensemble des soins médicaux sont assurés depuis, alors qu'une partie seulement des soins dentaires et des services pharmaceutiques le sont. C'est une régie d'État qui sert d'intermédiaire, à titre de tiers-payant, entre le médecin et le patient ; les médecins doivent dorénavant négocier avec l'État les modalités de leur participation au régime, eux qui avaient toujours vu dans l'entente directe médecin-patient, à propos des honoraires, une des bases essentielles de leur pratique libérale. Rappelons aussi que, dès la mise en place de l'assurance-maladie, le système public de distribution de soins a fait l'objet d'une réforme en profondeur (projet de loi 65).

[64]

Le secteur du droit, qui a été moins inquiété par l'État jusqu'en 1970, a depuis été l'objet d'interventions successives : création d'un programme d'assistance juridique qui, bien que théoriquement ouvert à tous les avocats, exclut dans les faits les avocats de pratique privée ; création d'un tribunal dit des « petites créances » qui entend les causes civiles impliquant des réclamations inférieures à 500$, où les parties ne sont pas représentées par un avocat afin d'accélérer les procédures ; formation de nombreux tribunaux administratifs (plus d'une trentaine) qui sont des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires et où siègent des spécialistes de toutes disciplines devant lesquels peut plaider toute personne - avocat ou non - désignée par les requérants ; enfin, tout récemment, mise en place d'un régime d'assurance-automobile « sans égard à la faute » couvrant les frais des blessures corporelles, qui élimine les poursuites à ce niveau.

En 1973, d'autre part, la législature adoptait un Code des professions [55] qui réorganise l'ensemble du corporatisme professionnel au Québec et qui lie, de façon explicite, les privilèges d'autogestion des corporations à leur fonction de protection du public. Ce code crée un Office des professions, chargé de la mise en marche de la réforme, qui a aussi pour tâche de surveiller les corporations dans l'accomplissement des devoirs de protection du public que leur prescrit la loi. Au total, les quinze dernières années ont été fertiles en interventions de l'État dans le champ réservé des professions libérales et ces dernières ont été obligées de s'ajuster à ce nouveau rôle de l'État dans notre société.

À l'époque où les politiques gouvernementales aujourd'hui en vigueur n'étaient qu'à l'état d'hypothèses ou de projets, le discours des diverses professions libérales, tout en reconnaissant volontiers le bien-fondé de mesures favorisant l'accès aux soins médicaux ou aux services juridiques, définissait l'intervention étatique en ces matières comme fondamentalement à éviter [56]. L'ingérence de l'État, la « socialisation » ne pouvaient qu'entraîner une fonctionnarisation des activités professionnelles et perturber les rapports avec les clients. Ce qu'on craint le plus, c'est le risque que les membres d'une profession soient soumis au contrôle de non-professionnels, [65] ce qui est parfaitement incompatible avec la doctrine des professions. Ainsi le rappelait un médecin : « L'acte médical, accompli selon les normes de la loi morale, conforme aux prescriptions religieuses et en accord avec la législation civile, appuyé sur des bases scientifiques et posé avec la prudence nécessaire par un esprit convaincu de ses responsabilités, ne peut être analysé, évalué, critiqué ou jugé que par les seuls médecins [57]. »

Pour les membres des professions libérales, le rôle de l'État ne peut être que supplétif, c'est-à-dire compléter les initiatives privées et non s'y substituer. Les corporations professionnelles suggèrent elles-mêmes des mesures permettant d'accroître l'accès aux services de leurs membres (assurance-médicaments [58], régime privé d'assurance-santé [59], coopératisme médical [60], bureau d'assistance juridique du Barreau [61], pour éviter les intrusions étatiques dans leurs affaires. Leurs propositions n'ont pas su convaincre les gouvernements de s'abstenir de formuler des politiques d'ensemble et les corporations professionnelles ont dû se rendre à l'évidence d'une certaine socialisation de leurs activités. Devant ce fait, leur réaction fut de demander qu'on leur confie la direction des réformes ou du moins qu'elles ne se fassent pas sans leur collaboration étroite. Par exemple, à propos du programme d'assurance-hospitalisation, un éditorialiste d'une revue médicale écrivait : « Le médecin qui s'est donné pour mission la santé de ses concitoyens et qui a reçu à cette fin une longue et soigneuse préparation, se doit non seulement de collaborer à ce programme, mais il est aussi de son devoir, il est de son droit d'en diriger les progrès constants. Il est le seul à pouvoir le faire avec l'assurance du succès [62]. » Les voeux des membres des professions libérales ne furent pas toujours exaucés, loin de là, puisque les dénonciations de l'absence de consultation de la part des gouvernements ne se comptent plus.

Dans ce contexte, les professions libérales cherchent à préserver l'essentiel qui, pour elles, est leur autonomie et celle de leurs membres dans leur pratique quotidienne. Ce sont les notions de « libre choix » et de « secret professionnel » qui incarnent le mieux cette autonomie. Le droit du client et du praticien de se [66] choisir librement et la protection du caractère privé de leur relation sont considérés comme sacrés ; ils sont présentés comme le rempart de la liberté du consultant et la garantie d'une protection efficace du client : « la protection du public ne sera véritablement assurée que si la confidentialité des dossiers du professionnel est respectée ; ce dernier n'est comptable qu'à sa corporation professionnelle des services qu'il rend [63] ». Quant au libre choix, les associations médicales et le Barreau du Québec en particulier en font un véritable symbole de la pratique libérale [64], ce qui n'empêche pas un syndicat d'avocats de l'aide juridique de n'y voir qu'une notion bien théorique, si ce n'est « une illusion savamment et brillamment entretenue [65] ».

Plus près de nous, le projet de code des professions a été rejeté par tous les groupes, sauf les notaires, comme n'assurant pas suffisamment l'autonomie professionnelle. L'existence d'un organisme de surveillance, la présence de représentants du public dans les bureaux d'administration, par exemple, sont considérées comme des atteintes majeures à la liberté des professions de s'autogérer.

Il ne faut pas croire, cependant, que l'État est toujours perçu comme l'ennemi. Il peut aussi être un allié de taille puisque c'est lui qui, en dernière instance, détermine le pouvoir réel des professions et cela, plusieurs groupes l'ont perçu. Ainsi les pharmaciens ont-ils vu dans l'instauration du régime d'assurance-maladie et la réforme des professions l'occasion pour eux d'obtenir l'exclusivité de la distribution du médicament. Tous les groupes représentant des pharmaciens ont été unanimes à réclamer que le pouvoir absolu de prescrire du médecin soit limité de façon à permettre la substitution et que soient abolis des privilèges de vente de médicaments par des non-pharmaciens [66]. Aux dentistes ces réformes ont permis de renouveler leurs demandes d'être considérés sur le même pied que les médecins [67]. Cette volonté d'améliorer leur statut est sous-jacente à la demande du Collège des chirurgiens-dentistes qui voulait que le Code des professions les reconnaissent comme spécialistes, non plus en art dentaire, mais bien en médecine dentaire [68]. Chez les médecins, la venue de l'assurance-maladie a permis [67] à une catégorie d'entre eux, les omnipraticiens, de revaloriser leur statut dans la profession, en négociant à leur avantage leur participation au régime gouvernemental, pendant que les spécialistes s'y opposaient farouchement jusqu'à la dernière minute, allant même jusqu'à faire la grève pendant dix jours, en 1970 [69]. Les avocats et notaires, nous l'avons signalé plus haut, ont souvent demandé que des fonctions dans l'administration gouvernementale soient réservées d'office, leur permettant ainsi de surveiller l'élaboration et l'administration du droit et, accessoirement, de contrôler un marché d'emplois.

Dans leurs rapports avec l'État, les professions ont toujours agi de façon à protéger ou à consolider leur pouvoir. Elles y sont de plus en plus difficilement parvenues, à cause de leur incapacité de concilier les intérêts divergents des sous-groupes qui dorénavant les constituent. Le syndicalisme a contribué largement à l'éclosion de ces sous-groupes, notamment chez les professionnels de la santé. Malgré les nombreux appels à la solidarité, les corporations ne parviennent plus à élaborer un discours qui rallie tous leurs membres. Rappelons les « dissidences » de la Fédération des médecins-omnipraticiens du Québec (F. M. O. Q.) sur la question de l'assurance-maladie, de l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec (A. P. P.S.Q.) sur le projet de code des professions ou celle du Syndicat des avocats du bureau d'assistance juridique du Barreau de Montréal sur le programme d'aide juridique, comme autant d'illustrations des répercussions du phénomène de segmentation des professions libérales depuis 1940, au niveau idéologique.

Ainsi les idéologies professionnelles, après avoir longtemps et presque unanimement défini comme indésirable la présence de l'État sur leur territoire, ont dû apprendre à composer avec lui. Aujourd'hui, les attitudes varient beaucoup d'une profession à l'autre, de même qu'à l'intérieur de chacune d'entre elles, allant du rejet total des interventions étatiques jusqu'au souhait de leur multiplication.

*      *
*

[68]

Nous avons donc vu que les professions libérales formulent leurs discours idéologique à partir d'une doctrine qui fournit les rationalisations et justifications nécessaires au soutien de leur statut social. Même si les fondements de la doctrine restent inchangés, la cohérence qu'ils donnent aux idéologies est toujours à refaire, puisque le contexte dans lequel les professions évoluent le leur impose continuellement. Tantôt ce sont les professions concurrentes qui prétendent à une égale ou plus grande compétence, tantôt c'est l'État qui vient récupérer la gestion de services dont la responsabilité fut jadis déléguée aux corporations. Le phénomène dominant des années 1940 à 1975, dans le monde des professions, reste, selon nous, l'incapacité nouvelle des groupes professionnels de présenter un front uni face aux problèmes qui les confrontent, ce qu'ils étaient parvenus à faire jusque-là. L'unanimité qui a longtemps caractérisé le discours des professions libérales est définitivement rompue et rien ne laisse prévoir, bien au contraire, qu'elle puisse un jour être refaite.

Gilles DUSSAULT.



[1] Jean-Charles FALARDEAU, « Des élites traditionnelles aux élites nouvelles », Recherches sociographiques, vol. VII, 2, 1966, 131-145. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[2] Blishen définit l'idéologie professionnelle comme « a set of ideas, values and beliefs concerning the nature of the professional role, its relationship to other social roles and to the society ; (it) attempts to resolve the conflicting demands and strains facing the professional in a changing society ». (Bernard BLISHEN, Doctors and Doctrines : the Ideology of Medical Care in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1969, p. 32.)

[3] Fernand DUMONT, les Idéologies, Paris, Presses universitaires de France, 1974, p. 80.

[4] Voir par exemple : Terence J. JOHNSON, Professions and Power, London, MacMillan, 1972, 96 p. ; Eliot FREIDSON, Professional Dominance, New York, Atherton Press, 1970, 242 p.

[5] Vincent Ross, « La structure idéologique des manuels de pédagogie québécois », Recherches sociographiques, vol. X, 2-3, 1969, 171-172. Ross ajoute : « l'idéologie est alors analysée dans la structure et les transformations internes qu'elle manifeste à travers sa propre histoire ».

[6] Les principales furent les commissions provinciales d'enquête sur les problèmes constitutionnels (Tremblay, 1954), sur l'enseignement (Parent, 1961), sur la santé et le bien-être social (Castonguay-Nepveu, 1966) ; la commission fédérale d'enquête sur les services de santé (Hall, 1961) ; les commissions parlementaires sur la réforme des services de santé, (1971), sur le projet de code des professions (1972), sur l'assistance juridique (1972) ; le comité d'étude sur l'assurance-automobile (1974). Signalons que les avocats et médecins sont particulièrement prolifiques, lorsqu'il est question de production de mémoires. Nous avons dénombré, pour la période allant jusqu'en septembre 1977, 161 mémoires rédigés par des organismes représentant des avocats, la majorité par le Barreau. Les mémoires d'associations médicales dépassent, aussi, largement la centaine.

[7] Les revues dépouillées sont le Pharmacien, la Revue de pharmacie, le Journal de l'Association dentaire canadienne, le Journal dentaire du Québec, la Revue du Notariat, la Revue du barreau, le Médecin du Québec, le Bulletin du Collège des médecins et chirurgiens du Québec et l'Union médicale du Canada. Lorsque nous nous y référons, nous les désignerons par leur sigle : le Ph., R. de Ph., J.A.D.C., J.D.Q., R. du N., R. du B., M.Q., B.C.M. et U.M.C.

[8] Marcel AYOTTE, la Culture politique du Barreau, Québec, université Laval, Laboratoire d'études administratives et politiques, 1976, 183 p. ; CADRES PROFESSIONNELS INC., les Avocats du Québec : étude socio-économique, Montréal, 1968, 206 p. ; Gilles DUSSAULT, la Profession médicale au Québec, 1941-1971, Québec, Université Laval, Cahiers de 1'I.S.S.H., collection « Études sur le Québec », n° 2, 1974, 133 p. ; Andrée LAJOIE et Claude PARIZEAU, « La place du juriste dans la société québécoise », Revue juridique Thémis, vol. 11, 3, juin 1976, numéro spécial ; André VACHON, Histoire du notarial canadien, Québec, Presses de l'université Laval, 1962, 209 p. ; le Notariat québécois entre hier et demain (rapport final de la commission d'étude sur le notariat), Montréal, Chambre des notaires du Québec, 1972, 248 p.

[9] Le Collège des médecins et chirurgiens et la Chambre des notaires en 1947, le Barreau en 1849, le Collège des chirurgiens-dentistes en 1869, et le Collège des pharmaciens en 1870. Sur l'évolution du corporatisme professionnel au Québec, voir Gilles DUSSAULT, « L'évolution du professionnalisme au Québec », Relations industrielles - Industrial Relations, vol. 33, 3, 1978, 428-469.

[10] Luciano BOZZINI et André-P. CONTANDRIOPOULOS, « La pratique médicale au Québec : mythes et réalités », Sociologie et Sociétés, vol. 9, n° 1, avril 1977, 33-54.

[11] De 1945 à 1975, les médecins voient leurs effectifs passer de 3 162 (1941) à 10 184, les dentistes de 1 014 à environ 1 900 et les avocats de 1 500 à 5 725.

[12] Gabriel M. GYARMATI, « La doctrine des professions : fondement d'un pouvoir », Revue internationale des sciences sociales, vol. XXVII, 4, 1975, 673-699.

[13] Étant donné l'abondance de la documentation et afin de ne pas surcharger inutilement les notes, nous n'avons retenu, pour illustrer nos propos, qu'un ou deux exemples significatifs, à chaque fois, même si plusieurs pouvaient être cités. Voir Jean-Paul LACHAPELLE, « Discours du président du Collège des Chirurgiens-Dentistes de la Province de Québec », J.A.D.C., vol. 26, 8, août 1960, 521 ; B. BISSONNETTE, « Noblesse de la profession d'avocat », R. du B., vol. VIII, 1, janvier 1948, 6.

[14] « Le rôle du pharmacien enfin expliqué au public », R. de Ph., vol. 5, 6, février 1954, 139. (Propos du président du Collège des pharmaciens dans le cadre d'une série d'émissions radiophoniques visant à mieux faire connaître le pharmacien.)

[15] Ignace DESLAURIERS, « Causerie au dîner annuel du Notariat de Montréal », R. du N., 67, 7, février 1965, 346 ; voir aussi Jacques LAGASSÉ, « Le notaire face au monde moderne », R. du N., vol. 74, 6, janvier 1972, 288-295.

[16] Antoine RIVARD, « Allocution au 4e Congrès du Barreau », R. du B., vol. VI, 7, septembre 1946, 307.

[17] Chambre des notaires du Québec, Mémoire à la commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, Montréal, avril 1954, p. 2 ; Magella BOLDUC, « Commentaires sur le notariat et la socialisation », R. du N., vol. 75, 8, mars 1973, 470 ; Antoine RIVARD, 1946, op. cit., p. 305.

[18] Antonio TALBOT, « Causerie au 27e Congrès du Barreau rural », R. du B., vol. XV, 9, septembre 1955, 418.

[19] CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC, Mémoire à la commission royale d'enquête sur l'enseignement, Montréal, 1962, p. 16 ; Édouard DESJARDINS, « Les leçons d'un centenaire », U.M.C., tome 76, 9, septembre 1947, 1034 ; Ernest CHARRON, « Être dentiste », J.A.D.C., Vol. 18, 4, avril 1952, 236.

[20] Propos du bâtonnier (Moisan) du Barreau du Québec, rapportés par Barreau 76, mai 1976, p. 16, cités par Marcel AYOTTE, op. cit., p. 56 ; voir aussi Émile CODERRE, « Notes de déontologie », R. de Ph., vol. 6, 5, janvier 1955, 115 ; Jean-Guy CARDINAL, « La pratique moderne du Notariat », R. du N., vol. 60, 8, mars 1958, 336.

[21] Paul DAVID, « Face au scandale », U.M.C., tome 90, 6, juin 1961, 553-556 ; Yves PRÉVOST, « Les avocats, les notaires et la question sociale », R. du N., vol. 43, 9, avril 1941, 389.

[22] « L'A.P.P.S.Q. (Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec) affirme que le Collège est inutile et doit disparaître. » (Le Ph., vol. 45, I, janvier 1971, 6).

[23] Antoine RIVARD, 1946, op. cit., p. 305.

[24] C. E. FARMER, « Savoir faire et faire savoir », R. du Ph., vol. 3, 12, août 1952, 225 ; Édouard DESJARDINS, « La médecine face à l'opinion publique », U.M.C., tome 90, 5 mai 1961, 451-454 ; Jean MARTINEAU, « Allocution au Congrès du Barreau rural », R. du B., vol. XIII, 10, décembre 1953, 457-463.

[25] A. POUPART, « L'orientation de la profession d'avocat », R. du B., vol. IV, 9, novembre 1944, 451.

[26] « Notre profession et son importance », le Ph., vol. 14, 10, octobre 1944, 1.

[27] Édouard DESJARDINS, « La médecine aux médecins », U.M.C., tome 87, 1, janvier 1958, 1.

[28] Jean-Paul LACHAPELLE, 1960, op. cit., p. 521 ; Antoine RIVARD, « Causerie au 9e Congrès du Barreau », R. du B., vol. XV, 4, avril 1955, 178.

[29] Jean-Guy CARDINAL, 1958, op. cit., p. 336.

[30] Voir Collège des Médecins et Chirurgiens de la province de Québec, L'homme, cette échine inconnue ou la chiropratique, Montréal, 1940, 18 p.

[31] COLLÈGE DES MÉDECINS ET CHIRURGIENS DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, la Médecine : ses disciplines, ses contempteurs, ses fidèles, ses schismatiques, ses athées, Montréal, s. d. (vers 1941), p. 5.

[32] J.E. DESROCHERS, « La chiropratique dans la province de Québec ? » U.M.C., tome 70, décembre 1941, 1290.

[33] Jean G. RICHARD, « Perspectives de la Pharmacie en 1952 », R. de Ph., vol. 3, 4, décembre 1951, 65.

[34] « Cent ans d'histoire nous ont enseigné que chaque fois que la dentisterie a tenté de s'allier à la médecine, il en est résulté une perte pour la dentisterie. » (« L'Association dentaire canadienne et l'assurance-santé », J.A.D.C., vol. 9, 9, septembre 1943, 437.)

[35] Un éditorialiste demandait une enquête gouvernementale à ce sujet, en 1953 ; Gérard DE MONTIGNY, « L'exercice illégal », J.A.D.C., vol. 19, 2, février 1953, 115-116.

[36] Roma AMYOT, « Nous aussi sur la chiropratique », U.M.C., tome 82, 8, août 1953, 844.

[37] COLLÈGE DES MÉDECINS ET CHIRURGIENS DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, Mémoire (à la commission d'enquête sur la chiropraxie et l'ostéopathie), Montréal, 1963, p. 49.

[38] ASSOCIATION DES SPÉCIALISTES EN CHIRURGIE BUCCALE DU QUÉBEC, Commentaires (sur le projet de loi 266 sur la déontologie), Québec, février 1972, p. 2.

[39] Michel ROBERT, « Discours au congrès annuel du Barreau, 1975 », dans Marcel AYOTTE, op. cit., p. 74.

[40] Georges-A. BERGERON, « Les relations interprofessionnelles dans l'équipe de santé », Laval médical, vol. 40, 2, février 1969, 161-166.

[41] « Soulignons également que l'ordonnance est signée par le médecin qui, de ce fait, est responsable vis-à-vis du malade des effets du médicament prescrit. La responsabilité du médecin étant ainsi directement engagée, nous considérons qu'aucune substitution ne doit être effectuée sans l'autorisation du médecin et ce, dans l'intérêt premier du malade. » (FÉDÉRATION DES MÉDECINS OMNI-PRATICIENS DU QUÉBEC, Mémoire relatif au bill 250 - Code des Professions ; bill 252 - Loi médicale ; bill 255 - Loi sur la pharmacie, Montréal, février 1972, p. 43.)

[42] ASSOCIATION DES MÉDECINS DE LANGUE FRAN-ÇAISE DU CANADA (section Québec), Mémoire à la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, Québec, avril 1967, p. 16.

[43] « Pharmacie et assurance-santé », le Ph., vol. 37, 7, juillet 1963, 24.

[44] « Rémi Belle mène le bon combat. Son slogan : La pharmacie au pharmacien, la médecine au médecin », le Ph., vol. 33, 5, mai 1959, 22-23.

[45] Alcide THIBAUDEAU, « Les dentistes de demain », J.A.D.C., vol. 8, 9, septembre 1941, 469.

[46] Gérard DE MONTIGNY, « Nous ne sommes pas des paras », J.D.Q., vol. 4, 1, janvier-février 1967, 3-4.

[47] « L'accréditation des techniciens dentaires », J.A.D.C., vol. 24, 2, janvier 1958, 55-56.

[48] « Commentaires de la Société Dentaire de Québec » (sur le rapport de la commission Hall), J.D.Q., vol. 2, 1, janvier-février 1965, 1, 22-23.

[49] COLLÈGE DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, Mémoire sur le projet de loi 250 - Code des Professions, Québec, février 1972, p. 3.

[50] Jean LEBRUN, « Le sort des jeunes avocats », R. du B., vol. 4, 3, mars 1944, 140-141 ; voir aussi les propos du bâtonnier Robert, dans Marcel AYOTTE, op. cit., p. 74 : « Les fonctions quasi-judiciaires doivent être confiées, en grande majorité, sinon en totalité, à des juristes. Le travail de coroner, par exemple, n'est pas un travail médical et, à ce que je sache, on ne demande pas aux avocats de pratiquer des interventions chirurgicales. »

[51] Yves PRÉVOST, « Le rôle social du Barreau », R. du B., vol. 26, 2, février 1966, 65.

[52] CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC, Le Notariat québécois entre hier et demain, Rapport final de la commission d'étude sur le notariat, Montréal, 1972, p. 49.

[53] Ibidem, pp. 227-228.

[54] Entre-temps, un régime d'assurance-hospitalisation a été instauré en 1961.

[55] L. Q., 1973, chap. 43.

[56] Roma AMYOT, « Sur le plan d'assurance-santé devant être institué par le gouvernement du Canada », U.M.C., tome 73, 2, février 1944, 140-142 ; Lomer LEMIEUX, « L'indépendance et les droits de la profession en regard du fonctionnarisme et de la socialisation de la dentisterie », J.A.D.C., vol. 27, 10, octobre 1961, 688-693.

[57] Édouard DESJARDINS, 1958, op. cit., p. 1.

[58] « Pharmacie et assurance-santé », le Ph., vol. 37, 7, juillet 1963, pp. 21-22.

[59] J. LÉGER, « Réflexions sur l'assurance-maladie », U.M.C., tome 91, 1, janvier 1962, 72-75.

[60] J. TREMBLAY, « La médecine et la société », U.M.C., tome 70, 7, juillet 1941, 760-766.

[61] Yves PRÉVOST, « L'évolution de la profession face à l'évolution de la société », R. du B., vol. XXVI, 1, janvier 1966, 1-6.

[62] Eugène ROBILLARD, « L'assurance-hospitalisation dans le plan général de la garantie-santé », U.M.C., tome 90, 3, mars 1961, 268 ; voir aussi « L'association dentaire canadienne et l'assurance-santé », J.A.D.C., vol. 9, 9, septembre 1943, 437-438 ; ASSOCIATION PROFESSION-NELLE DES PHARMACIENS DU QUÉBEC, Mémoire (au comité conjoint de l'Assemblée législative et du Conseil législatif), Québec, mars 1966, 7 p.

[63] BARREAU DU QUÉBEC, Mémoire sur l'aide juridique, Montréal, avril 1972, p. 9.

[64] Voir par exemple la position du Collège des médecins dans Victor GOLDBLOOM, « La liberté dans les rapports entre patient et médecin dans un système de médecine socialitée », Laval médical, vol. 37, 8, octobre 1966, 904-908.

[65] SYNDICAT DES AVOCATS DU BUREAU  D'ASSISTANCE JURIDIQUE DU BARREAU DE MONTRÉAL, Mémoire concernant le projet de loi de l'aide juridique (bill 10), Montréal, 1972, p. 8.

[66] Voir COLLÈGE DES PHARMACIENS DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, Mémoire sur l'assurance-maladie, Québec, 1967, p. 7.

[67] COLLÈGE DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, Mémoire à la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, Montréal, mars 1967, p. 3.

[68] COLLÈGE DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, Mémoire au sujet du projet de loi 254 (présenté à la commission parlementaire spéciale sur les corporations professionnelles), Montréal, février 1972, p. 8.

[69] Voir Gilles DUSSAULT, « Les médecins du Québec, 1940-1970 », Recherches sociographiques, vol. XVI, 1, janvier-avril 1975, 69-84.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 25 juillet 2011 7:35
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref