RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gabriel Dussault, “Vers une typologie des objets et des formes de l’intervention culturelle étatique.” In ouvrage sous la direction de Fernand DUMONT et Yves MARTIN, IMAGINAIRE SOCIAL ET REPRÉSENTATIONS COLLECTIVES. Mélanges offerts à Jean-Charles FALARDEAU, pp. 347-356. Cinquième partie: “Le politique”. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1982, 441 pp. Une édition numérique réalisée par Vicky Lapointe, historienne et responsable d'un blogue sur l'histoire et le patrimoine du Québec: Patrimoine, Histoire et Multimédia.

[347]

Imaginaire social et représentations collectives.
Mélanges offerts à Jean-Charles Falardeau.

Cinquième partie.
LA POLITIQUE

Vers une typologie des objets
et des formes d’intervention
culturelle étatique
.”

Par Gabriel DUSSAULT

Sans nous cacher le caractère sommaire et extrêmement provisoire des lignes qui suivent, nous voudrions tenter ici de dresser, et d’illustrer par quelques exemples empiriques, un inventaire typologique des objets et des formes de l’intervention culturelle étatique, dont nous avons cherché, dans un précédent article, à préciser la notion et à montrer l’actualité. [1] Ne serait-ce qu’en remémorant certains objets et certains modes d’intervention trop souvent ignorés ou négligés, nous voudrions ainsi donner un aperçu de l’ampleur et de la complexité d’un pareil sujet d’étude, suggérer les difficultés des comparaisons interétatiques en cette matière et faire pressentir l’extrême relativité d’analyses de l’intervention culturelle étatique qui ne prendraient en considération qu’une partie de ses objets ou de ses formes (par exemple, le mécénat à l’égard des beaux-arts et des belles-lettres). L’intervention de l’État en matière de culture se pluralise, en effet, en raison de la diversité de ses objets : secteurs, champs ou domaines de la culture sur lesquels elle porte, d’une part, et, d’autre part, fonctions spécifiques de l’action culturelle (ou processus culturels) qu’elle vise à l’intérieur de chacun de ceux-ci. Mais ses formes ou modalités se diversifient également selon qu’elle relève de l’une ou l’autre fonction, de l’un ou l’autre « pouvoir » (législatif, exécutif ou judiciaire) ou « niveau de contrôle » de l’État : « l’impératif (législation et gouvernement) et l’exécutif (administration et juridiction) ». [2]

A) Vers une typologie des « objets »
de l’intervention culturelle étatique


Les classifications jusqu’ici proposées des objets d’intervention culturelle étatique ne sont pas sans rappeler l’amusante taxinomie évoquée par Michel [348] Foucault dans la préface de Les mots et les choses. Tout empiriques, recourant à des catégories familières peu ou pas critiquées, elles sont incohérentes, ou, à tout le moins, si elles recèlent une cohérence secrète, cette dernière n’est certes pas celle du discours scientifique. Elles reflètent et justifient l’irrationalité, ou la logique autre, de certaines pratiques politiques et administratives bien davantage qu’elles ne contribuent à leur authentique rationalisation. Leur principal vice logique consiste à constituer en classes des parties non disjointes d’un même ensemble, de même que se chevauchent souvent dans la pratique les juridictions mouvantes de plusieurs ministères ou fiefs administratifs. Si scandaleuse que la chose puisse paraître après un siècle de réflexion scientifique sur la culture, l’exemple en la matière vient de haut. C’est ainsi que les experts de l’Unesco, dans Réflexions préalables sur les politiques culturelles [3], énumèrent côte à côte, comme secteurs auxquels s’étend progressivement la politique culturelle : les « lettres », les « arts », la « musique », le « théâtre », le « concert », le « musée », la « bibliothèque », la « formation artistique », la « conservation du patrimoine », le « cinéma », le « livre », la « radio et télévision », l’« éducation populaire », l’« organisation des loisirs et le tourisme culturel », l’« esthétique urbaine » et la « création architecturale », l’« esthétique industrielle », l’« initiation à la science », le « sport » — comme si, dans cette rhapsodie de catégories, la musique, le théâtre et le cinéma n’étaient pas des arts, ni le concert un genre musical ; comme si la formation artistique, la radio et la télévision n’avaient rien à voir avec les arts, ni les musées avec la conservation du patrimoine, ni les bibliothèques avec le livre, etc. De même, en France, le Rapport de la Commission des Affaires culturelles pour le VIe Plan [4] signalait comme champs d’intervention, outre les arts et les lettres : l’enseignement (comme si celui-ci ne pouvait pas porter sur les arts et les lettres), la formation, l’information, le travail, le logement, le loisir, les revenus, l’urbanisme, le mode de vie (comme si ce dernier n’englobait pas les dimensions précédentes et quelques autres encore). Sans doute ces énumérations n’ont-elles pas de prétention scientifique. Mais les critiques dont elles sont justiciables pourraient tout aussi bien s’appliquer au découpage du « continuum de la politique culturelle » en « six secteurs distincts » proposé par « un groupe de chercheurs de l’Université d’York » : « culture artistique », « culture populaire », « culture liée aux media », « culture physique », « culture récréative », « culture liée à l’environnement » [5] — catégories qui, à la réflexion, sont loin d’être toutes mutuellement exclusives.

Nous croyons qu’il est possible de procéder à une classification plus rationnelle des objets d’intervention culturelle étatique en prenant soin de [349] distinguer notamment 1. les secteurs de la culture et 2. les processus culturels (ou fonctions de l’action culturelle), puisque les uns et les autres sont au principe de deux classifications distinctes entrecroisées.

1. En premier lieu, en effet, dans la mesure où une culture (ou une subculture) peut être définie, et tend de plus en plus malgré beaucoup d’ambiguïtés à être définie par les États eux-mêmes [6] comme l’ensemble des manières interreliées et interdépendantes de penser, de sentir et d’agir, ni innées ni universelles mais distinctives d’une collectivité donnée (civilisation, société globale, ethnie, nation, région, classe sociale, classe d’âge, groupement volontaire, etc.) à un moment donné de son histoire, elle constitue un système analytiquement décomposable en plusieurs sous-systèmes ou codes à la fois distincts et interdépendants. Dans l’état actuel de la recherche [7], on peut ainsi distinguer les sous-systèmes :

a) religieux
b) cognitif (philosophie, sciences, technologies, idéologies)
c) « esthétique » (arts et activités expressives : jeux et sports)
d) éthique (morales et mœurs)
e) juridique
f) linguistique.

Du point de vue qui nous intéresse ici, il suffit de signaler qu’à travers le temps et l’espace, il n’est aucun de ces sous-systèmes qui n’ait fait l’objet d’une intervention de l’État ou, d’une manière plus générale, du pouvoir politique. Et, dans certains cas, cette intervention peut indirectement entraîner des conséquences beaucoup plus importantes pour d’autres sous-systèmes que les interventions les visant directement, au point de compenser ou d’annuler ces dernières. Ainsi, bien qu’il en soit rarement fait mention dans les énoncés officiels ou même dans les analyses de politiques culturelles, l’interventionnisme en matière religieuse a une très longue et importante histoire. Comme le rappelle fort à propos J.-W. Lapierre : [8] « La conversion au christianisme de l’empereur Constantin, de la reine malgache Ranavalona II ou du roi Ngwato Kgama III, la séparation de l’Église et de l’État sous la IIIe République française en 1905, la décision du régent Shotoku qui, à la fin du VIe siècle, fit venir au Japon des missionnaires bouddhistes de Chine et de Corée sont des actes de politique religieuse qui ont considérablement modifié le système culturel des sociétés globales dans lesquelles ils ont été produits. » Et, malgré le [350] voile de pudeur dont on entoure apparemment aujourd’hui cette question, il ne faudrait pas croire que les États modernes ont cessé d’intervenir en ce domaine : que l’on songe, par exemple, au maintien et au financement publics de systèmes scolaires et de facultés de théologie confessionnels, aux exemptions fiscales concédées aux groupements religieux, ou aux poursuites judiciaires dont peuvent faire l’objet certaines sectes « trop » déviantes...

2. En second lieu, à l’intérieur même de chacun de ces secteurs, l’intervention peut porter sur l’une ou l’autre fonction de l’action culturelle. De la même façon en effet que l’analyse économique distingue des fonctions de production, de distribution et de consommation, l’analyse des politiques culturelles comme la sociologie de la culture tendent, implicitement ou explicitement, à distinguer au moins huit processus culturels interreliés et interdépendants. Bien que la nomenclature ne soit pas encore fixée [9], et bien que les distinctions analytiques qui suivent ne prennent leur pleine signification qu’avec la progression de la division du travail, l’action culturelle peut, en effet, prendre la forme de :

a) La création. N’étant ni innée ni universelle, la culture implique nécessairement la création des codes, l’invention des formes qui la constituent. Fonction tellement fondamentale que les marxistes Huet, Ion, Lefebvre et al., [10] qui préfèrent parler de « concepteur » plutôt que de « créateur » à cause de la « résonance idéaliste » (p. 15, n. 2) de ce dernier vocable, ne peuvent néanmoins s’empêcher d’utiliser la notion de « création » de manière récurrente (pp. 39, 48, 50). L’on sait l’ancienneté de l’intervention étatique en matière de création artistique : on la retrouve déjà sous l’Ancien Régime notamment sous la forme du mécénat. [11] Mais elle s’étend aujourd’hui à de nouveaux secteurs de la création culturelle, tels la recherche en sciences [12]  ou la néologie en linguistique. [13]  II n’est cependant pas sans intérêt d’observer que cette fonction de création, que l’on reconnaît volontiers verbalement comme « au principe de tout », n’en est pas moins celle qui, au dire d’un éminent spécialiste, « est toujours la [351] plus maltraitée dans les budgets culturels » [14], de sorte que, pour un pays comme la France par exemple, les mêmes auteurs qui affirment qu’« une politique culturelle cohérente doit [...] d’abord faire naître les conditions les plus propices à l’activité des créateurs » [15] signalent, à quelques pages d’intervalle à peine, que la part des dépenses du Ministère des affaires culturelles consacrée à cette fonction n’a pas excédé 1,2% en 1970 (p. 66)...

b) L'expression. Il s’agit, dans ce cas, de l’usage actif des codes et des formes déjà institués. Bien que les frontières qui séparent l’expression de la création puissent être difficilement marquées, la distinction peut s’avérer utile notamment dans le cadre du débat sur la possibilité d’une authentique « démocratie culturelle » : [16] on peut en effet penser que l’universalisation de l’accès à la création proprement dite est une utopie, tout en estimant qu’il n’en va pas de même dans le cas de l’expression.

c) La production. Cette fonction diffère des précédentes comme diffèrent les rôles de l’éditeur et de l’auteur. Elle consiste dans la réalisation ou matérialisation de créations ou d’expressions culturelles sous forme de biens culturels reproductibles (v.g., livres, disques, films) ou non (v.g., spectacles). La distinction de cette nouvelle fonction s’impose particulièrement lorsque, avec le passage de l’artisanat culturel à l’industrie culturelle, les créateurs et les « expresseurs » ne sont plus maîtres de leurs moyens de production : comme le signalait naguère E. Morin [17], il y a en effet dès lors « symbiose et conflit entre la création, qui relève des artistes, auteurs, etc. et la production (édition, journal, sociétés cinématographiques, postes de radio et de télévision) ». Ne serait-ce qu’en raison de la croissance spectaculaire des industries culturelles, la production fait certes aujourd’hui l’objet d’une attention accrue des États ; il ne faut cependant pas oublier que déjà « l’État libéral non interventionniste » intervenait sur cette fonction en se faisant « client » ou même, bien qu’exceptionnellement, producteur lui-même. [18]

d) La diffusion. La diffusion (ou distribution) est à la production ce que, par exemple, le libraire est à l’éditeur. Qu’elle prenne ou non une forme commerciale, cette fonction est depuis longtemps visée par diverses interventions étatiques. Les politiques actuelles de diffusion culturelle prolongent la création de réseaux publics d’enseignement. Significatif à cet égard, le parallèle [352] qu’esquissait André Malraux lorsqu’il « déclarait [...] au cours d’une discussion budgétaire devant l’Assemblée nationale, le 27 octobre 1966, que “le problème est de faire pour la culture ce que la IIIe République a fait pour l’enseignement. Chaque enfant de France a droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma comme à l’alphabet” ». [19] C’est devenu un lieu commun de dire qu’aux côtés de l’école, de nouveaux et puissants moyens de diffusion culturelle existent aujourd’hui, sur lesquels les États peuvent intervenir et interviennent en fait : ainsi, « la télévision est [...] un des principaux moyens d’action de toute politique culturelle et cela d’autant plus qu’elle atteint tous les publics ». [20]

e) La réception. Plus souvent désignée par la catégorie économique de « consommation », cette fonction se réfère à l’accueil réservé à la diffusion culturelle par les divers « publics de la culture ». Il importe de noter ici que l’État peut aussi bien intervenir sur les récepteurs que sur les créateurs, producteurs et diffuseurs, sur la « demande » aussi bien que sur l’« offre », de sorte qu’une analyse comparative de deux politiques de « démocratisation » culturelle qui ne considérerait que l’intervention étatique sur l’un de ces facteurs risquerait fort de conduire à des conclusions erronées.

f) La conservation. Cette fonction de stockage, notamment sous l’espèce de la conservation du « patrimoine national » aussi bien intangible que tangible, mobilier qu’immobilier, apparaît comme celle qui se trouve de loin privilégiée, budgétairement parlant, par les ministères des Affaires culturelles.

g) L’animation. Dans la mesure où l’animateur est défini comme « un éducateur qui se propose, à titre professionnel ou bénévole, d’entraîner une population à participer volontairement à des activités qui ne sont pas familières au milieu auquel elle appartient » [21], cette fonction s’apparente étroitement à celle de diffusion. Les activités auxquelles elle invite à participer pouvant appartenir aux cinq types précédents, l’animation constitue cependant une intervention consciente et délibérée sur des actions culturelles, ou ce que l’on pourrait appeler une action culturelle au second degré.

h) La formation. Parfois classée sous la rubrique « enseignement spécialisé », cette fonction ne se distingue de la diffusion que parce qu’elle vise la production de créateurs, producteurs, diffuseurs, conservateurs, animateurs... sans oublier les formateurs eux-mêmes, et constitue donc elle aussi, si l’on veut, une fonction de second degré (voire de troisième, dans le cas de la formation d’animateurs ou de formateurs...).

Enfin, il est bien entendu qu’un même acteur individuel ou collectif peut assumer plusieurs de ces fonctions et des rôles culturels correspondants. Ainsi, [353] un poste de télévision, agissant d’abord comme diffuseur, peut en même temps produire et conserver une partie de sa diffusion, faire de l’animation, etc. De même, on tend de plus en plus à faire assumer par les bibliothèques et les musées, en plus de leur traditionnelle fonction de conservation, des fonctions de diffusion et d'animation.

B) Vers une typologie des « formes » de
l’intervention culturelle étatique


Quels que soient le secteur de la culture et, à l’intérieur de chacun, la fonction culturelle envisagée, l’intervention de l’État peut revêtir une grande diversité de formes ou de modalités.

Il convient tout d’abord de distinguer 1. les interventions d’ordre impératif et 2. les interventions d’ordre exécutif

1. Les interventions d’ordre impératif peuvent être soit législatives, soit gouvernementales. Les législations relatives à la langue, au droit d’auteur, à l’exportation et à l’importation de biens culturels, de même que les lois définissant le statut des institutions culturelles constituent autant d’exemples de la première espèce, tandis que les réglementations, décrets, législations déléguées en vertu de lois-cadres illustrent la seconde.

2. À leur tour, les interventions d’ordre exécutif peuvent être de nature a) judiciaire ou b) administrative.

a) De nature répressive, les interventions d’ordre judiciaire se rapportent à l’exercice de la « police » [22] et à l’application des sanctions prévues par les lois. Dans le domaine qui nous occupe, elles prennent notamment, bien que non exclusivement, la forme de la censure. Celle-ci peut aussi bien frapper des personnes physiques ou morales que des actes ou des œuvres (livres ou tableaux, par exemple) et, à la limite dans ce dernier cas, se traduire par des autodafés. Les régimes les plus divers y ont eu recours : l’Allemagne nazie [23] et l’U.R.S.S. de Lénine [24] l’ont pratiquée. De nos jours encore, non seulement est-elle ouvertement reconnue par certains États [25], mais comme le rappelle justement Lionel Richard [26], « même si elle n’existe pas toujours officiellement, [354] il n’est aujourd’hui pratiquement pas d’État qui ne se serve d’une façon ou d’une autre de la censure », notamment au nom de la morale, des bonnes mœurs et du maintien de l’ordre public.

b) Quant aux interventions de type administratif, elles revêtent elles-mêmes une impressionnante variété de formes : recherche, information, coordination, exercice d’une magistrature morale par désignation ou consécration publiques d’éléments culturels, allocation ou ponction de ressources.

L’allocation (ou, dans certains cas, la ponction) de ressources elle-même peut, à son tour, prendre des modalités très différentes dont certaines risquent toujours de passer inaperçues. Elle peut ainsi être indirecte, comme lorsque l’État prévoit des abattements fiscaux pour les dons à des organismes culturels, ou lorsqu’il apporte des restrictions protectionnistes à la liberté du marché des biens culturels (tel le contingentement à l’écran pour le bénéfice du film autochtone). Elle peut aussi être directe et prendre alors une forme monétaire ou non monétaire (prestations de biens, v.g. d’équipements, ou de services, v.g. de ressources humaines). Pour ce qui est de la forme monétaire, l’État peut intervenir en quelque sorte positivement ou négativement. Négativement, en renonçant à certains revenus qu’il prélèverait normalement sur la consommation ou la production culturelle : a) soit par détaxations totales ou partielles de certains produits culturels comme les manifestations théâtrales [27],  ou par retour d’une partie de la taxe à un « fonds de soutien » de l’industrie culturelle en cause, comme déjà le Rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec [28] le suggérait pour le cinéma ; b) soit par un « allégement des charges fiscales » de l’industrie comme celui que réclama la profession cinématographique en Suède pour faire face à la concurrence de la télévision, [29] ou par exemption d’impôt des revenus de création, comme la chose se pratique ou se pratiquait encore récemment en République d’Irlande. [30]  Positivement, enfin, l’État peut allouer des ressources sous forme monétaire en :

- garantissant des emprunts ;
- prêtant à des taux préférentiels ;
- investissant par l’intermédiaire de sociétés analogues à la SODIC québécoise (Société de développement des industries culturelles) ;
- achetant des biens ou des services [31], ces achats pouvant aujourd’hui

[355]

- prendre la forme de commandes statutaires en vertu d’une quelconque « loi du 1% » ; [32]
- donnant enfin, purement et simplement, sous forme de subventions, bourses et prix.

Sans prétendre à l’exhaustivité, l’énumération qui précède des formes d’intervention culturelle étatique montre, croyons-nous, l’imposante panoplie de moyens d’action dont disposent les États en ce domaine et dont doit aussi tenir compte l’analyse des politiques culturelles.

Gabriel DUSSAULT

Département de sociologie,
Université Laval.

[356]



[1] Voir : G. Dussault, « La notion de culture en contexte d’intervention culturelle étatique et ses corrélats structurels », Recherches sociographiques, XXI, 3, septembre-décembre 1980: 317-327. Depuis, Le Monde diplomatique (325, avril 1981) a publié tout un dossier sur le thème : « Une affaire d’État : la culture ».

[2] G. BERGERON, Fonctionnement de l’État, Paris, Colin, 1965 ; J.-W. LAPIERRE, L’analyse des systèmes politiques, Paris, Presses universitaires de France, 1973.

[3] Paris, Unesco, 1969, p. 36.

[4] Voir : A.-H. MESNARD, La politique culturelle de l’État, Paris, Presses universitaires de France, 1974, p. 59.

[5] D.P. SCHAFER, Aspects de la politique culturelle canadienne, Paris, Unesco, 1977, pp. 30ss.

[6] G. DUSSAULT, op. cit.

[7] Voir, par exemple, les catégorisations de T. PARSONS (Toward a General Theory of Action, Cambridge, Harvard University Press, 1951 ; « Culture and social System revisited », dans : L. SCHNEIDER et C. BONJEAN (éds), The Idea of Culture in the Social Sciences, Cambridge, Cambridge University Press, 1973 : 33-46), de R. A. PETERSON (The Production of Culture, Beverly Hills/Londres, Sage Publications, 1976) et de J.-W. LAPIERRE (op. cit., p. 33).

[8] Op. cit., p. 235.

[9] Dans la seule documentation québécoise, on peut cependant en retrouver de nombreux éléments aussi bien dans le Rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec (Québec, Éditeur officiel du Québec, 1968,4 vols : vol. II, pp. 350ss) que dans le document de travail du Secrétariat des conférences socio-économiques sur Les industries culturelles. Hypothèses de développement (Québec, 1978).

[10] A. HUET et al., La marchandise culturelle, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1977.

[11] A.-H. MESNARD, L’action culturelle des pouvoirs publics, Paris, Pichon et Durand Auzias, 1969, pp. 36 et 43.

[12] Voir, par exemple : J.-J. SALOMON, Science et politique, Paris, Seuil, 1970.

[13] Voir, par exemple : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Office de la langue française, Les implications linguistiques de l’intervention juridique de l’État dans le domaine de la langue, Actes du colloque international de sociolinguistique, Lac Delage (Québec), 3-6 octobre 1976, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1978.

[14] A. GIRARD, Développement culturel : expériences et politiques, Paris, Unesco, 1972, p. 10.

[15] C. FABRIZIO et N. SKROTZKY, Regards sur la culture et la recherche scientifique, Paris, La Documentation française, 1974, p. 56.

[16] Voir : P. GAUDIBERT, Action culturelle. Intégration et/ou subversion, Tournai, Casterman, 1972, p. 171.

[17] E. MORIN, « De la culturanalyse à la politique culturelle », Communications, 14, 1969, pp. IIs.

[18] Voir : A.-H. MESNARD, L’action culturelle des pouvoirs publics, op. cit., pp. 106 et 110.

[19] J.-C. BÉCANE, « L’expérience des Maisons de la Culture », Notes et études documentaires, 4052, 8 janvier 1974, Paris, La Documentation française, 1973, p. 6.

[20] Id., p. 28.

[21] UNESCO, Réflexions préalables sur les politiques culturelles, Paris, Unesco, 1969, p. 22.

[22] A.-H. MESNARD, La politique culturelle de l'État, op. cit.

[23] Voir : L. RICHARD, Le nazisme et la culture, Paris, Maspero, 1978, pp. 326-333.

[24] Voir : J.-M. PALMIER, Lénine. Sur l’art et la littérature, Paris, Union générale d’éditions, 3 tomes, 1975 et 1976, II, p. 297.

[25] Voir, par exemple, les monographies régionales de l’Unesco consacrées aux politiques culturelles de la Hongrie (Hongrie, Commission nationale pour l’Unesco, La politique culturelle en Hongrie, Paris, Unesco, 1974), de la Pologne (S.W. BALICKI, J. KOSSAK, M. ZULAWSKI, La politique culturelle en Pologne, Paris, Unesco, 1972) et du Kenya (K. NDETI, La politique culturelle au Kenya, Paris, Unesco, 1975).

[26] Op. cit., p. 14.

[27] J. CHARPENTREAU, Pour une politique culturelle, Paris, Éditions ouvrières, 1967, p. 129. Parfois, au contraire, les États surtaxent certains produits culturels comme produits de luxe (voir, par exemple : J. RIGAUD, La culture pour vivre, Paris, Gallimard, 1975, p. 240).

[28] Op. cit., II, pp. 376 et 379.

[29] B. SÖDERBERGH, La culture et l’État, Paris, Seghers, 1971, p. 130.

[30] S. A. GREYSER (éd.). Cultural Policy and Arts Administration, Cambridge, Harvard Summer School Institute in Arts Administration, 1973.

[31] Voir : J. CHARPENTREAU, op. cit., p. 109 ; A.-H. MESNARD, L’action culturelle des pouvoirs publics, op. cit., p. 106.

[32] Voir, par exemple : C. FABRIZIO et N. SKROTZKY, op. cit., p. 15.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 28 juin 2017 18:04
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref