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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Francis Dupuis-Deri, “L’esprit antidémocratique des fondateurs de la « démocratie » moderne.” Un article publié dans la revue AGONE, no 22, septembre 1999, pp. 95-113. [Autorisation accordée par l'auteur de diffuser cet article dans Les Classiques des science sociales le 14 juin 2007.]

Francis Dupuis-Déri (1999)
 professeur, Département de science politique, UQÀM.

L’esprit antidémocratique
des fondateurs de la « démocratie » moderne
 

Un article publié dans la revue AGONE,
no 22, septembre 1999, pp. 95-114.

 

Table des matières 
 
 
Résumé
 
Introduction
 
Une socialisation élitiste
Utilisation politique du mythe de la «souveraineté»
Discours antidémocratique& peur des pauvres
Justifications philosophiques
Langage: l’antidémocratisme dissimulé
L’« agoraphobie » comme concept politique


Résumé 

 

Se réclamant de la « démocratie » – sans toutefois donner plus de pouvoir au démos –, les représentants de nos systèmes politiques n’ont pas seulement piégé le peuple qu’ils prétendaient servir, c’est la langue elle-même qu’ils ont trahie : comment désormais mettre à jour l’anti-démocratisme des discours, des pratiques, des systèmes et des hommes politiques rangés sous l’étiquette de « démocrates » ? Le glissement de sens qu’a connu le mot « démocratie » constitue sans doute le principal coup de maître de la propagande politique moderne.

 

Introduction

L’esprit antidémocratique des fondateurs de la « démocratie » moderne. On peut presque dire que la théorisation politique a été inventée pour montrer que la démocratie, le gouvernement des hommes par eux-mêmes, vire nécessairement en règne de la populace… S’il existe quelque chose telle que la tradition occidentale de la pensée politique, elle débute avec ce biais profondément antidémocratique.
 
J. S. MC CELLAND

 

AUJOURD’HUI, presque tous les acteurs et les penseurs politiques se réclament de la démocratie. Or, les fondateurs de nos démocraties représentatives étaient ouvertement antidémocrates, utilisant le mot « démocratie » pour désigner et dénigrer leurs adversaires trop radicaux. Ce paradoxe – des antidémocrates qui fondent les soi-disant « démocraties » modernes – apparaît très clairement lorsqu’on se plonge dans la lecture des discours, des pamphlets, des articles de journaux, des lettres personnelles ou des poèmes de l’époque révolutionnaire, tant américaine que française. En fait, la force quasi incantatoire que possède le mot « démocratie » aujourd’hui nous fait oublier que, pendant plus de deux mille ans, le terme « démocratie » eut un sens très négatif pour pratiquement tous les penseurs politiques, et qu’aucun acteur politique ne s’en est fait le champion. 

Depuis Athènes, on entendait par « démocratie » le gouvernement direct d’un peuple assemblé à l’agora pour proposer des lois, en débattre et les voter. Bien sûr, la démocratie athénienne n’était pas parfaite, les femmes, les esclaves et les métèques en étant exclus. Mais ce problème d’exclusion – qui mérite d’être pensé – n’eut que peut de résonance pendant deux mille ans, puisque les régimes monarchiques, impériaux ou soi-disant « démocratiques » pratiquaient presque toujours eux-mêmes l’esclavagisme et l’exclusion des femmes de la sphère publique. La définition de la démocratie s’intéressait donc peu à ces problèmes, qui n’en étaient pas aux yeux des penseurs et des acteurs politiques. Ils se concentraient plutôt sur la forme du gouvernement direct de la démocratie, considérée comme incompatible avec toute espèce de représentation. Cette définition descriptive se doublait d’un sens normatif péjoratif : la démocratie était un régime faible car le peuple est facilement manipulable par des démagogues et se laisse aisément entraîné par ses passions. Pire encore, ce peuple foncièrement irrationnel est incapable de discerner le « bien commun » – expression qui fait l’impasse sur les conflits inhérents à la vie en commun – et risque d’imposer des politiques égalitaires puisqu’à l’agora les pauvres seront toujours plus nombreux que les riches. Bref, la démocratie tendrait inéluctablement vers une de ses deux formes pathologiques : la tyrannie de la majorité ou le chaos. Les pères fondateurs des premières « démocraties » modernes partageaient cette vision de la démocratie. 

Nous nous trouvons donc devant une situation des plus paradoxales : nos régimes « démocratiques » ont été fondés par des individus profondément et ouvertement antidémocrates. Cet antidémocratisme, que nous nous proposons ici d’explorer, est un des éléments fondamentaux de nos systèmes représentatifs contemporains. Lors de sa formation, notre régime représentatif n’est pas connu sous le nom de « démocratie » mais plutôt sous celui de « république », deux termes qui ne sont pas synonymes, loin s’en faut. Pourtant, un changement d’étiquette survient, tant aux États-Unis qu’en France, vers la fin de la première moitié du XIXe siècle [1]. Dès lors, des régimes ouvertement antidémocratiques adoptèrent, pour des raisons que l’on appellerait aujourd’hui de marketing politique, l’appellation de « démocratie ». Comme l’antidémocratisme inhérent à notre régime représentatif, cet antidémocratisme des pères fondateurs nous semble s’expliquer sur les plans à la fois sociologique, politique et économique, philosophique et linguistique.

 

UNE SOCIALISATION ÉLITISTE

 

Avant d’être instrumental, l’antidémocratisme des patriotes est sans doute sincère. Il est le résultat d’une socialisation profondément élitiste, influencée en grande partie par l’éducation classique que reçoivent les leaders patriotes des deux côtés de l’Atlantique [2]. Au collège, ils apprennent le latin et le grec et ils lisent, étudient et traduisent les principaux textes des auteurs classiques. Ces auteurs et leurs idées se retrouvent de plus cités et discutés par les grands penseurs politiques du XVIIe et du XVIIIe siècles tels James Harrington, John Locke et Montesquieu, qui vont également influencer les patriotes. Aristote et Cicéron sont sans nul doute les deux penseurs politiques de l’ère classique qui exercent la plus grande emprise sur l’esprit patriotique. Or ces deux penseurs prônent un régime mixte où les trois ordres – le monarque, les aristocrates et le peuple (ou demos) – se neutraliseraient au sein d’institutions telles que le sénat, la chambre basse, etc. Pareille constitution est dite « républicaine » et, plutôt que de favoriser les intérêts d’un seul ordre au détriment des autres, elle prétend tendre vers le bien commun. C’est d’ailleurs l’étendard républicain que vont brandir les patriotes. Quant à la démocratie, Aristote comme Cicéron s’en méfient, méfiance qu’ils ont transmise aux jeunes patriotes déjà bien disposés à croire que les gens du petit peuple sont dépourvus de discernement politique. 

Outre cette méfiance à l’égard d’un régime politique démocratique, les membres de l’élite patriotique sont socialisés à se considérer comme supérieurs. Ils répètent ce qu’ils ont appris : de chaque société émergerait une sorte d’« aristocratie naturelle », à distinguer de l’aristocratie héréditaire illégitime quand la première est celle du mérite et de la vertu. L’« aristocratie naturelle », on la retrouve chez Thomas Jefferson : « Il y a une aristocratie naturelle, fondée sur le talent et la vertu, qui semble destinée au gouvernement des sociétés, et de toutes les formes politiques, la meilleure est celle qui pourvoit le plus efficacement à la pureté du triage de ces aristocrates naturels et à leur introduction dans le gouvernement ». Robespierre parle quant à lui d’une « aristocratie représentative », faisant sans doute référence à Jean- Jacques Rousseau, pour qui, des trois sortes d’aristocratie – naturelle, élective, héréditaire – « la deuxième est le meilleur : c’est l’aristocratie proprement dite [3] ». Selon les membres même de cette aristocratie naturelle, eux seuls détiendraient les compétences pour identifier, défendre et promouvoir le bien commun, alors que les gens du [petit] peuple ne sont motivés que par leur intérêt personnel et immédiat. Cet élitisme des patriotes s’exprime d’ailleurs sans gène dans les discours, pamphlets et lettres personnelles : le peuple est synonyme de « foule », de « populace », de « mob », de « crowd », de « vermine »… bref, d’attributs qui dénotent autant leur antidémocratisme qu’un véritable dédain des gens du peuple. 

 

UTILISATION POLITIQUE DU MYTHE
DE LA « SOUVERAINETÉ »

 

D’un point de vue politique, les patriotes vont bien sûr s’efforcer de discréditer la légitimité du pouvoir du roi ou de l’aristocratie. Mais ils vont aussi insister sur l’incapacité politique du peuple à se gouverner lui-même. Méprisant les gens du peuple, il est bien normal que les leaders du mouvement patriote ne rêvent pas d’instaurer une démocratie directe. Mais s’ils refusent que l’agora soit le siège du pouvoir, c’est aussi, et surtout, qu’ils veulent le pouvoir pour eux-mêmes. 

Il est en effet primordial de garder à l’esprit qu’un peu partout en Occident, au moment des « révolutions » mais depuis le Moyen-Âge, siègent des assemblées de représentants aux pouvoirs plus ou moins étendus [4] : dès les XIIe et XIIIe siècles dans la péninsule ibérique (les Cortes), dans le Saint Empire romain germanique (la Diète) ; tandis qu’en France les premiers États généraux furent convoqués en 1302 [5]. Si ces institutions représentatives devinrent des lieux où les monarques, l’aristocratie, le clergé et la bourgeoisie pouvaient négocier, en aucune manière elles se voulaient l’expression d’un esprit démocratique. Jean-Jacques Rousseau dira de l’idée de représentation qu’« elle nous vient du gouvernement féodal, de cet inique et absurde gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée [6] ». Idée reprise par l’historien américain Samuel Williams en 1794 : « La représentation […] a été graduellement introduite en Europe par les monarques ; non pas avec l’intention de favoriser les droits des peuples, mais comme le meilleur moyen de lever de l’argent [7] » – pour financer leurs aventures guerrières. 

Dans l’Amérique coloniale britannique, les assemblées exercent un très grand pouvoir et nombreux sont les leaders de la guerre d’Indépendance qui siégeaient déjà dans les assemblées coloniales [8]. En France, ce sont les représentants du Tiers États siégeant aux États généraux et bientôt à l’Assemblée nationale qui seront les leaders des mouvements révolutionnaires – ceux-ci ne sont donc pas des exclus qui du passé cherchent à faire table rase. Participant déjà aux institutions politiques, les révolutions vont leur permettre d’augmenter le pouvoir politique de l’institution où ils siègent et par conséquent leur propre pouvoir politique – puis de s’assurer une très avantageuse carrière. 

Il n’est donc pas question pour ces représentants de fonder une démocratie – régime qui ne se conçoit encore à l’époque que sous sa forme directe. Le discours des patriotes, s’il condamne bien évidemment l’Ancien régime, dénigre également la démocratie. L’idée qu’ils fondaient des « démocraties » n’a jamais traversé leur esprit, n’utilisant le mot qu’en de très rares exceptions. En fait, l’étiquette de « démocrate » n’est accolée qu’aux plus radicaux pour les discréditer, tandis qu’on insiste sur l’incapacité du peuple à se gouverner lui-même sans l’intermédiaire de représentants. Ne prenons que deux exemples parmi tant d’autres : le girondin Brissot, ouvertement antidémocrate, déclare ainsi que « la plupart des désordres » qu’ont connus les cités démocratiques antiques « peuvent être attribués à leur manière de délibérer. Le peuple délibérait sur la place [9] » ; James Madison, un des pères de la Constitution américaine, exprime lui aussi très clairement cette peur du peuple délibérant : « Si chaque citoyen d’Athènes avait été un Socrate, chaque assemblée athénienne aurait été malgré tout une cohue [10] ». 

En Amérique, le débat constitutionnel de 1787, qui aboutira à la création de l’union, offrit une bonne occasion aux fédéralistes d’utiliser le mot « démocratie » comme repoussoir. On parle ainsi des « excès de la démocratie », celle-ci étant présentée comme « le pire de tous les maux politiques », qui conduit à « l’oppression et à l’injustice » [11]. Ainsi, selon John Adams, un patriote de la première heure qui sera vice-président de George Washington puis président des États-Unis : « L’idée que le peuple est le meilleur gardien de sa liberté n’est pas vraie. Il est le pire envisageable, il n’est pas un gardien du tout. Il ne peut ni agir, ni juger, ni penser, ni vouloir [12] ». On peut difficilement imaginer un antidémocratisme et un mépris du peuple plus clairement exprimés et assumés. 

Les représentants ne veulent-ils donc changer le monde qu’afin d’obtenir pour eux-mêmes plus de pouvoir au sein des institutions représentatives où ils siègent déjà ? Certains révolutionnaires vont ainsi jusqu’à admettre que leur « révolution » n’a de révolutionnaire que le nom. Selon Alexander Hamilton, un des patriotes américain les plus influents : « Il n’y a pas eu de changements dans les lois, il n’y a pas eu d’interférence avec les intérêts de quiconque, tout le monde est resté à sa place et, la seule altération, c’est que le siège du gouvernement a changé ». Il conclut qu’en fait, aux États-Unis, il n’y a pas eu de révolution [13]. 

Les patriotes avaient bien sûr besoin d’un discours légitimant la position qu’ils entendaient occuper au sommet du nouveau système. Ils devaient justifier leur autorité aux yeux de leurs adversaires comme à ceux de leurs partisans. Comme ils devaient le faire à leurs propres yeux, car se voulant, justes et grands, à l’image de leurs modèles historiques, les législateurs du monde antique. Ne pouvant que difficilement se référer à Dieu ou au sang, leur légitimation sera le peuple. Mais un peuple étrangement désincarné. Car, on l’a vu, le peuple est déclaré politiquement taré, fruit d’un mépris politique, économique, culturel et psychologique. Politiquement taré, le peuple a donc besoin de représentants, comme le lui expliquent d’ailleurs ses représentants… 

C’est ainsi que les patriotes s’approprièrent le discours de la « souveraineté populaire », une fiction, un mythe alors très installé, qui servit beaucoup à leur stratégie discursive de légitimation [14]. Selon les auteurs, cette fiction pouvait légitimer toutes sortes de régimes : de la monarchie absolue avec Thomas Hobbes (Léviathan* à la démocratie (directe) avec Jean-Jacques Rousseau. Évoquée dans l’abstrait, la souveraineté est de fait niée par les représentants lorsqu’ils réaménagent le système politique et ses institutions. Déjà Montesquieu prétendait que « le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter des affaires. Le peuple n’y est point du tout propre : ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie [15] ». Ainsi Brissot, suivant cette idée très partagée, déclara que le « peuple seul a le droit de se constituer, mais il n’en a pas le talent ; il doit donc confier une partie de son droit à ceux qui en ont le talent » [16] – un talent dont Brissot, bien sûr, se croit doté. De l’autre côté de l’Atlantique, le pasteur de Nouvelle Angleterre James Belknap dira pour sa part [17] : « Tenons comme principe que le gouvernement tire son origine du peuple, mais qu’on enseigne au peuple qu’il n’est pas apte à se gouverner lui-même ». (Là encore, les exemples abondent qui reflètent un état d’esprit généralisé, la même idée se retrouvant sur les lèvres ou sous la plume de presque tous les chefs révolutionnaires, qui tentaient tout autant de convaincre le peuple qu’eux-mêmes…) 

À l’incapacité du peuple à se gouverner seul, plusieurs ajoutèrent qu’une démocratie n’était possible qu’à l’échelle d’une cité antique – argument employé notamment par Montesquieu. Les États-Unis d’Amérique et la France seraient trop vastes et trop peuplés pour permettre l’instauration d’une démocratie directe. Si Rousseau contesta déjà cet argument démographique et géographique [18], les exemples ont suivi qui en montrent le peu de fondement : une réforme d’un système politique n’a pas besoin de respecter l’étendue géographique initiale, elle n’est question que de volonté [19]. 

Malgré toutes ces limitations, certains auteurs et acteurs politiques, dénonçant son caractère par trop abstrait, ont refusé de se laisser berner par le mythe de la « souveraineté populaire » et son corollaire, la délégation du pouvoir souverain par le peuple à ses représentants. On connaît bien la citation de Rousseau au sujet des électeurs Anglais, esclaves sauf le jour des élections : « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée… Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde [20] ». En Amérique également, on trouve, en 1636, un John Cotton déclarant que « le gouvernement n’est pas une démocratie s’il est administré non par le peuple mais par des gouverneurs » – même si le peuple choisit ses propres gouvernants. Toujours en Amérique, John Winthrop affirmait en 1639 : « Quand le peuple a choisi des hommes pour être ses gouvernants […] le peuple, en ayant député certains, n’a pas le pouvoir de faire ou de modifier les lois, mais n’a que le pouvoir d’être sujet. » Selon John Davenport, un autre Américain, en choisissant des représentants, le peuple n’« abandonne pas tant ses droits et sa liberté à ses gouvernants, mais son pouvoir » (1699) [21]. Enfin, plus lucide ou, à tout le moins, plus honnête, le représentant Lambert rappelle au Comité de salut public que le « peuple [qui est souverain…] n’est qu’un être purement métaphysique ». Quelle belle expression pour dire ce que personne n’entend voir : que le discours autour de la souveraineté populaire est un leurre ; que, pour n’être plus ni esclave ni sujet, le peuple reste aliéné car dépossédé du véritable pouvoir. Le peuple n’est souverain que sur le plan métaphysique. Sur le plan politique, il n’est rien. 

Les débats étaient virulents, se transformant parfois en véritables coups de force – comme la rébellion de Shays en Amérique ou celle des sans-culottes en France. Toutefois, aux États-Unis, les tensions entre partisans de la représentation et démocrates sont presque inexistantes [22], l’utilisation péjorative du mot « democracy » servait à miner la crédibilité de constitutions plus radicales, comme l’unicaméraliste de Pensylvannie [23]. En France, certains révolutionnaires radicaux comme les sans-culottes, s’inspirant notamment de Rousseau, voulaient contrer le régime représentatif, lui préférant le pouvoir direct des sections, préférant les mandataires aux représentants. (Contrairement au représentant, le mandataire ne fait qu’exprimer la volonté de ses commettants, il doit taire sa propre volonté [24].) 

Ce fut finalement le discours de la souveraineté populaire représentée qui l’emporta sur celui de la souveraineté populaire exercée. John Adams et James Madison en Amérique, Sieyès, Brissot et Robespierre en France seront parmi les plus importants propagandistes du système représentatif, qu’ils entendent légitimer, mais aussi contrôler. Voilà une belle brochette de représentants du peuple dont les efforts sont surtout consacrés à justifier leur propre fonction. Faite de membres autoproclamés de l’« aristocratie naturelle », cette élite serait nécessaire, estime Sieyès faisant écho à Brissot, car les représentants sont « bien plus capables [que le peuple] de connaître l’intérêt général » ; et de conclure que « la France n’est point, ne peut pas être une démocratie » car le « peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. [25] » Doit-on s’étonner que Sieyès soit lui-même un représentant et que ces déclarations soient faites à l’Assemblée nationale ? 

Pourquoi cette négation de la compétence du peuple ? Les patriotes savaient pourtant que, dans une démocratie directe comme Athènes, les citoyens appelés à combler des postes officiels ne détenaient presque aucun pouvoir décisionnel et, surtout, qu’ils étaient le plus souvent désignés par tirage au sort. On tirait au sort précisément parce qu’on accordait à chaque citoyen un jugement politique et la capacité d’exprimer sa volonté politique. L’élection était au contraire considérée comme aristocratique car supposant des citoyens plus à même que d’autres de prendre des décisions politiques [26]. Mais les patriotes ne retiendront pas le tirage au sort – qui rendrait inutile leur rôle de représentants –, l’idée d’aristocratie naturelle venant parfaire le principe de représentation, qui, selon Thomas Jefferson, « a rendu inutile presque tout ce qui a déjà été écrit au sujet de la structure du gouvernement [27] ».
 

DISCOURS ANTIDÉMOCRATIQUE
& PEUR DES PAUVRES

 

À cet antidémocratisme s’ajoutait une peur du pauvre et de l’égalitarisme. Selon une idée alors largement répandue, comme tous ceux qui n’étaient pas autonomes financièrement (esclaves, femmes et salariés), les pauvres ne pouvaient avoir de pensée autonome et rationnelle. John Adams écrit ainsi : « Telle est la fragilité du coeur humain que seulement quelques hommes qui n’ont pas de propriété possèdent un jugement qui leur soit propre [28] ». L’aristocratie du mérite ferait donc nécessairement partie de la classe économiquement aisée. L’idée exprimée par Adams n’est pas nouvelle, loin de là : Aristote déjà affirmait que si « la définition même de l’aristocratie c’est l’excellence alors que celle de l’oligarchie c’est la richesse », il n’en résulte pas moins que « dans presque tous les cas les gens aisés semblent occuper la place des gens de bien » [29]. Dans le même esprit, un habitant du Maryland conseillait, en 1767, de confier les affaires publiques à ceux qui détiennent une propriété et ont reçu une bonne éducation plutôt qu’aux « créatures » qui « sont compétentes à tenir une petite boutique (ou au plus) à juger la qualité d’une feuille de tabac » [30]. 

À ce mépris qu’affichait l’« élite » patriotique quant aux capacités politiques du peuple, se doublait la peur que, une fois au pouvoir, celui-ci ne s’attaque à la propriété privée et n’instaure l’égalitarisme : comme les royalistes, les républicains craignaient la démocratie directe et l’aspiration égalitaire des pauvres – l’égalitarisme était alors clairement associée aux excès de la démocratie. Certes, l’élite patriotique ne comptait pas tant de grands banquiers ou de riches marchants qu’essentiellement des administrateurs, des juges et des avocats qui avaient siégé dans les assemblées coloniales ou aux États généraux [31]. Mais les leaders politiques connaissaient souvent personnellement les membres de l’élite économique, qu’ils côtoyaient au collège, en famille, dans les clubs, etc. Ils partageaient donc leur peur de voir les pauvres profiter des troubles socio-politiques pour imposer réforme agraire, abolition des dettes, etc. Comme ils partageaient leur intérêt à limiter la turbulence qu’entraînait le mouvement de contestation qu’ils avaient lancé… 

Les révolutionnaires les plus radicaux ne s’y trompèrent d’ailleurs pas, associant ouvertement leurs idéaux égalitaires à l’idéal démocratique. Ainsi, une version préliminaire de la déclaration des Droits de Pennsylvanie voulut donner à l’État le contrôle des richesses individuelles. Thomas Paine, pour sa part, affirmait que « la protection de la personne est plus sacrée que la protection de la propriété. Si la propriété devient le critère, cela constituera une rupture complète avec tout principe moral de liberté, car cela rattacherait le droit à la matière et transformerait l’homme en agent de la matière [32] ». D’autres refusèrent que les droits civiques soient établis en fonction de la richesse, comme en témoignent ces commentaires de Benjamin Franklin, selon lequel, un tel esprit est « contraire à l’esprit de la démocratie » et révèle d’une « disposition chez certains de nos gens de débuter une aristocratie, en donnant aux riches une prédominance dans le gouvernement » [33]. Enfin, en novembre 1776, les radicaux de Mecklenburg County, de Caroline du Nord, donnèrent l’instruction à leurs délégués élus pour rédiger la constitution que celle-ci devait être une « simple démocratie » et qu’ils devaient s’« opposer à tout ce qui tendrait vers l’aristocratie ou le pouvoir entre les mains des riches et des personnes en position d’autorité habitués à opprimer les pauvres [34] ». 

En France, c’est sans doute Babeuf qui incarna avec le plus de force la lutte démocratique des pauvres contre les riches aristocrates. Pour Babeuf, il y a en France un camp élitiste et un camp populaire qui désirent tous deux la république. Mais, alors que « l’un la désire bourgeoise et aristocratique, l’autre entend l’avoir faite et qu’elle demeure toute populaire et démocratique [35] ». Dans Le Tribun du peuple (29 novembre 1795), rejetant une proposition qui invite les républicains à se liguer contre la monarchie, Babeuf en profite pour se distinguer – lui le démocrate – de ses pseudo-alliés républicains : « Vous ne paraîssez réunir autour de vous que des républicains, titre banal et fort équivoque : donc vous ne prêchez que la république quelconque. Nous, nous rassemblons tous les démocrates et les plébéiens, dénominations qui, sans doute, présentent un sens plus positif : nos dogmes sont la démocratie pu[re], l’égalité sans tâche et sans réserve [36] ». Babeuf n’est toutefois pas seul à parler de guerre économique et à identifier les antidémocrates aux ennemis des classes défavorisées. Sylvain Maréchal, prenant le parti des pauvres, écrit en 1791 : « Le bourgeois n’est point démocrate […] c’est donc aux bourgeois que nous avons à faire en ce moment ; eux seuls nous font ouvertement la guerre. […] Ce sont les pauvres qui ont fait la révolution, mais ils ne l’ont pas faite à leur profit ; […] ils sont à peu près ce qu’ils étaient avant le 14 juillet 1789 » [37]. 

De telles déclarations inquiétaient les patriotes plus conservateurs des deux côtés de l’Atlantique – qui parvinrent dans l’ensemble à contrôler, marginaliser et étouffer les tendances les plus égalitaires. Antidémocratisme et anti-égalitarisme étaient donc bien liés, faisant de l’impératif de représentation du peuple par l’élite patriotique le pendant de la défense de la propriété privée. Comme le dit Alexandre Hamilton dans le premier des Federalist Papers : l’adoption de la constitution fédérale offrirait des garanties supérieures « à la préservation […] de la liberté et de la propriété [38] ». 

 

JUSTIFICATIONS PHILOSOPHIQUES

 

L’idéologie représentative sera enfin complétée par Benjamin Constant dans son célèbre et brillant discours De la liberté des anciens comparée à la liberté des modernes. Le système représentatif y est dépeint comme le seul respectant l’« esprit des modernes », c’est-à-dire une philosophie où l’individu moderne n’aurait comme perspective politique que le système représentatif. Selon Constant, les anciens concevaient la liberté comme la possibilité de participer aux décisions politiques. Les modernes, au contraire, se sentiraient libres lorsqu’ils pourraient se consacrer à leurs affaires privées… D’où l’intérêt pour les modernes du système représentatif, qui permet aux représentés de ne pas avoir à s’investir dans la sphère publique. Cette idée n’est pas nouvelle, qui avait déjà été exposée entre autres par Sieyès, pour lequel la grande majorité des Français n’ont pas « assez d’instruction, ni assez de loisir pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France » – ajoutant, non sans cynisme, que, « puisque c’est l’avis du grand nombre, les hommes éclairés doivent s’y soumettre comme les autres » [39]. 

Malgré ses qualités, Constant incarne bien ce délégué cynique et manipulateur qui dissimule son antidémocratisme derrière de belles paroles, cherchant à légitimer aux yeux des électeurs sa propre ambition politique. Sans vergogne, Constant présenta sa thèse en pleine campagne électorale alors qu’il était lui-même candidat : ses concitoyens doivent en effet rester chez eux pour lui permettre de les diriger en leur nom et à leur place. Bref, Constant a soif de cette liberté des Anciens car il veut gouverner, mais il refuse cette liberté à ses concitoyens. 

La boucle est bouclée : 1. le représentant exprime ouvertement son mépris pour un peuple politiquement incompétent à discerner le bien commun ; 2. le représentant en déduit la nécessité pour la souveraineté populaire d’être représentée ; 3. il se désigne comme membre de l’élite éclairée qui saura discerner, défendre et promouvoir le bien commun ; 4. ainsi défini, le bien commun ne peut s’accommoder de l’esprit égalitaire et les revendications des pauvres doivent être jugulées ; 5. l’élite politique prend donc le parti de l’élite économique tout en expliquant aux citoyens qu’ils ne peuvent trouver leur bonheur que dans l’espace dépolitisé de la sphère privée. 

Historiquement hérité du régime monarcho-féodal, le système représentatif moderne est philosophiquement légitimé par l’antidémo­cratisme de ceux qui l’ont instauré.

 

LANGAGE : L’ANTIDÉMOCRATISME DISSIMULÉ

 

L’antidémocratisme des pères fondateurs, quoiqu’aujourd’hui méconnu, avait l’avantage d’être ouvertement assumé. L’antidémo­cratisme contemporain est plus insidieux, ayant pris la forme d’une propagande de la démocratie. 

Conçu comme antidémocratique par ses fondateurs, le système représentatif dut attendre les années 1840 pour être étiqueté comme « démocratique » – sans qu’il y ait eu de changements institutionnels majeurs. Comment peut-il ne pas rester marqué par l’antidémo­cratisme originel ? 

Aux États-Unis, le mot « démocratie » acquiert un sens positif quand apparaissent les grands partis politiques. En France ce renversement de sens correspond à l’octroie du suffrage universel aux hommes et la montée des pressions socialistes. Un telle « manipulation langagière » ne s’est pas faite seule, mais fut orchestrée par l’élite politique ; son but, jouer sur l’imaginaire pour asseoir la légitimité des représentants. Désigner les républiques comme démocratiques ne fut qu’une manoeuvre pour faire croire que ce système répondait aux intérêts du peuple – du demos. Comme le révèlent les textes de l’époque, cette stratégie, que nous appellerions aujourd’hui du marketing politique, est clairement mise en place par l’élite politique. Ainsi, selon le Boston Quarterly Review (11 janvier 1839) « un parti qui ne serait pas perçu comme démocratique ne peut même pas devenir une minorité respectable [40] ». Ainsi, l’ancêtre du parti Démocrate américain, d’abord officiellement connu sous le nom de parti Républicain, adopte en 1828 le nom de Democratic Republican pour ne devenir finalement parti Démocrate qu’en 1840. Mieux encore, son opposant conservateur adopte un discours pro-démocratique, aussitôt dénoncé par les « démocrates » : les conservateurs « prétendent être démocrates seulement parce qu’ils savent que le peuple est si attaché à ce mot qu’il ne votera pas pour un parti qui ne le porte pas » (avril 1840, Quarterly Revier de Boston) [41]. 

Se réclamant de la « démocratie » – sans toutefois donner plus de pouvoir au demos –, les modernes n’ont pas seulement piégé le peuple qu’ils prétendaient servir, c’est la langue elle-même qu’ils ont trahie : comment désormais mettre à jour l’antidémocratisme des discours, des pratiques, des systèmes et des hommes politiques rangés sous l’étiquette de « démocrates » ? Le glissement de sens qu’a connu le mot « démocratie » constitue sans doute le principal coup de maître de la propagande politique moderne. 

 

L’« AGORAPHOBIE » COMME CONCEPT POLITIQUE

 

Un nouveau concept politique pourrait nous permettre de penser ce qui ne semble pouvoir l’être : l’antidémocratisme de notre démocratie moderne. Nous proposons un concept emprunté à la psychologie : l’agoraphobie – « peur injustifiée, parfois accompagnée de vertige, que certaines personnes éprouvent lorsqu’elles se trouvent dans des lieux publics et de grands espaces découverts. L’agoraphobique, affolé à l’idée de devoir traverser une place ou d’être mêlé à la foule, préfère les éviter [42] ». L’agora, qui inspira le concept, est la place publique constituant le coeur politique et économique de la cité démocratique en Grèce antique, où se réunissaient les citoyens pour exercer directement leur pouvoir [43]. 

Passant en politique, l’agoraphobie décrit cette méfiance à l’égard d’un peuple se gouvernant seul, sans que sa volonté ne soit filtrée par des représentants. Le philosophe ou l’acteur politique qui souffre d’agoraphobie politique craint la démocratie directe, ce « chaos », cette « tyrannie de la majorité ». Peur du peuple au pouvoir, l’agoraphobie politique est aussi un mépris des capacités politiques du peuple. 

Un tel concept n’aurait pas été utile lors de l’instauration de nos gouvernements représentatifs, les politiciens de l’époque se déclarant alors ouvertement antidémocrates. Mais depuis, nommant « démo­cratie » un système politique fondé sur des bases antidémocratiques, les politiciens se disant « démocrates » ont piégé la pensée à la manière du « Big brother » de 1984. Ce coup de force piège la critique de l’agoraphobie de nos républiques. Il fait de la naissance des « démocraties » modernes une rupture avec un ordre ancien où le peuple ne détenait pas le pouvoir. Rien n’est moins faux : suivant l’esprit des fondateurs, le système représentatif n’est qu’une forme raffinée d’incarnation de cette agoraphobie qui a toujours caractérisé la pensée et l’action politique. Il y eut quelques rares expériences dénuées d’agoraphobie – comme Athènes ou les communes anarchistes –, mais notre système représentatif n’en fait pas partie. 

FRANCIS DUPUIS-DÉRI 

Montréal (Québec), août 1999
Enseignant en sciences politiques à Montréal,
Francis Dupuis-Déri est également essayiste, romancier et journaliste.


[1]    Pour les États-Unis, voir Bertlinde Laniel, Le mot « démocracy » aux États- Unis de 1780 à 1856, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1995. Pour la France, voir Pierre Rosanvallon, « L’histoire du mot démocratie : à l’époque moderne », in La Pensée politique I : situations de la démocratie, Gallimard-Le Seuil, 1993.

[2]    Pour l’Amérique, voir Carl J. Richard, The Founders and the Classics : Greece, Rome, and the American Enlightenment, Harvard University Press, 1994 ; Meyer Reinhold, Classica Americana : the Greek and Roman Heritage in the United States, Wayne State University Press, 1984. Pour la France, voir Claude Mossé, L’Antiquité dans la Révolution française, Albin Michel, 1989.

[3]    Jefferson est cité par Giovanni Lobrano, « République et démocratie anciennes avant et pendant la révolution », Michel Vovelle (dir.), Révolution et république : l’exception française, Kimé, 1994, p. 56. Pour Robespierre, voir Lettres à ses commettans (septembre 1792) in Gordon H. McNeil, « Robespierre, Rousseau and Representation », Richard Herr & Harold T. Parker (dir.), Ideas in History, Duke University Press, 1965, p. 148 et Rousseau, Du contrat social, Livre III, chap. 5, Garnier-Flammarion, 1966, p. 109.

[4]    Voir Yves Durand, Les Républiques au temps des monarchies, PUF, 1973.

[5]    Voir Bertie Wilkinson (ed.), The Creation of Medieval Parliaments, John Wiley & Sons, 1972, p. 110 & Thomas Ertman, Birth of the Leviathan : Building States and Regimes in Medieval and Early Modern Europe, Cambridge University Press, 1997, p. 69-72.

[6]    Rousseau, Du contrat social, op. cit., p. 134. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[7]    Samuel Williams, The Natural and Civil History of Vermont, Walpole (NH), 1794, dans Charles S. Hyneman & Donald S. Lutz (eds), American Political Writing During the Founding Era 1760-1805, tome II, Liberty Press Edition, 1983, p. 964.

[8]    Harry M. Ward, Colonial America : 1607-1763, Prentice Hall, 1991, p. 198-199 ; Jack P. Greene, « The Role of the Lower House of Assembly in Eighteenth-Century Politics » , in Jack P. Greene (dir.), The Reinterpretation of the American Revolution 1763-1789, Greenwood Press, 1968, p. 94.

[9]    Cité par L. Cornu, « L’idée moderne de République : émergence du mot, élaboration de l’idée en 1791 », La Révolution française et la philosophie : échanges et conflits, CRDP, 1990, p. 78-79.

[10]   Cité in James Madison, Alexander Hamilton & John Jay, The Federalist Papers, Penguin books, 1987, p. 336.

[11]   Ralph Ketcham (dir.), The Anti-Federalist Papers and the Constitutional Convention Debates, Mentor-Penguin, 1986, p. 39-40 ; Laniel, Le mot « démocracy »…, op. cit., p. 64.

[12]   James A. Morone, The Democratic Wish : Popular Participation and the Limits of American Government, BasicBooks, 1990, p. 33.

[13]   Selon De Charles Albert Moré de Pontgibaud, A French Volunteer in the War of Independence, Paris, 1897, p. 147, cité par Samuel Eliot Morison, The Conservative American Revolution, Anderson House-The Society of the Cincinnati, 1976, p. 17.

[14]   Selon Edmund S. Morgan, tout régime repose sur un type de consentement inspiré par une fiction ou un mythe : ainsi la croyance que le roi est divin ou que l’élu démocratique représente le peuple – mieux encore, qu’il est le peuple (Inventing the people : The rise of popular sovereignty in England and America, W.W. Norton & Company, 1988).

*    [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[15]   L’Esprit des lois, Livre XI, Chapitre 4, 1748. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[16]   Brissot, Plan de conduite pour les députés du peuple aux États généraux, cité par Maurice Genty, « 1789-1790 : l’apprentissage de la démocratie à Paris », in Roger Bourderon (dir.), L’An I et l’apprentissage de la démocratie, PSD, 1995, p. 44.

[17]   Laniel, Le mot « démocracy…, op. cit., p. 73.

[18]   Rousseau, Du contrat social, Livre III, chap. XII.

[19]   L’histoire regorge en effet d’exemples : restructurations vers des organisations plus locales pour les town meetings en Amérique, les sections parisiennes de la Commune de Paris, les anarchistes espagnols, les kibboutzim en Israël, les Soviets en Russie… ; et vers de grands ensemble : l’Italie de Garibaldi, l’Allemagne de Bismarck, les fédéralismes européens, américains…

[20]   Rousseau, Du contrat social, op. cit., p. 134.

[21]   Roy N. Lokken, « The Concept of Democracy in Colonial Political Thought », The William and Mary Quarterly, IIIe série, Vol. XVI, n° 4, octobre 1959, p. 571 et 578.

[22]   Personne ne prétend, en effet, sérieusement faire des fameux town meetings le coeur de la vie politique américaine (William F. Willingham, « Deference Democracy and Town Government in Windham, Connecticut, 1755 tp 1786 », The William and Mary Quarterly, IIIe série, Vol. XXX, n° 3, juillet 1973, p. 403 ; David Syrett, « Town-Meeting Politics in Massachusetts, 1776-1786 », The William and Mary Quarterly, IIIe série, Vol. XXI, n° 3, juillet 1964, p. 355).

[23]   Alors que le bicaméralisme consiste en un système à deux chambres, l’unicaméralisme ne prévoit qu’une seule chambre – suivant une théorie selon laquelle la voix du peuple ne peut être divisée. Pour les républicains, l’unicaméralisme n’offre pas assez de protections contre les pulsions égalitaires et irrationnelles des représentants du peuple. D’où l’intérêt du sénat, chambre haute composée d’éléments en principe plus éclairés, plus tempérés…

[24]   Voir Maurice Genty, op. cit., p. 41 ; Albert Soboul, « Démocratie représentative ou démocratie directe : l’exemple de la démocratie populaire en l’An II », Raison Présente, n° 49, janvier-mars 1979, p. 22-23 et 29 ; Jacques Guilhaumou, « Prises de parole démocratiques et pouvoirs intermédiaires pendant la Révolution française », Politix, n ° 26, mai 1994, p. 91.

[25]   « Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale », in Les orateurs de la Révolution française. Les Constituants, Tome I, Paris, Gallimard, 1989, p. 1025 et 1027.

[26]   Voir Aristote dans Les Politiques, thèse reprise par James Harrington dans Oceana [1656], par Spinoza dans le Tractatus Logico Politicus, par Montesquieu dans L’Esprit des lois et par Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social.

[27]   Lettre à Isaac Tiffany, août 1816. Cité par Regina Ann Markell Morantz, « “Democracy” and “Republic” in American Ideology (1787-1840) », Thèse de doctorat non publiée, Columbia University, 1971, p. 25. Une citation aussi troublante que le serait celle d’un roi affirmant que le principe de la monarchie – un religieux déclarant que le principe de la théocratie – a rendu inutile presque tout ce qui c’est écrit avant au sujet de la structure du gouvernement.

[28]   Cité par Markell Morantz, « “Democracy” and… », ibid., p. 84.

[29]   Les Politiques, IV, 8, 1294-a, Garnier-Flammarion, 1993, p. 304-305.

[30]   Cité par Jackson Turner Main, « Government by the People : The American Revolution and the Democratization of the Legislatures », in Jack P. Greene (dir.), The Reinterpretation of the American Revolution 1763-1789, Greenwood Press, 1968, p. 323.

[31]   Gary Kates, The French Revolution : Rencent debates & New Controversies, Routledge, 1998, p. 5.

[32]   Cité par Markell Morantz, « “Democracy” and… », ibid., p. 89.

[33]   Extrait de On the Legislative Branch (1789), cité par Bertlinde Laniel, op. cit., p. 129-130.

[34]   Merrill Jensen, « Democracy and the American Revolution », in Esmond Wright (dir.), Causes and Consequences of the American Revolution, Quadrangle Books, 1966, p. 278.

[35]   Cité par Jens A. Christophersen, The Meaning of « Democracy » : As Used in European Ideologies from the French to the Russian Revolution, Universitetsforlagets Trykningssentral, 1968, p. 16.

[36]   Ibidem.

[37]   Dans la Révolution de Paris, numéro 87, cité dans Patrick Kessel (dir.), Les Gauchistes de 1789, UGE, 1969, p. 257 et 61.

[38]   Cité par James Madison, The Federalist…, op. cit., p. 90.

[39]   Emmanuel Sieyès, « Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale », in Les orateurs…, op. cit., p. 1025.

[40]   Cité par Morkell Morantz, « “Democracy” and… », op. cit., p. 244.

[41]   Ibid., p. 246 et note 4.

[42]   Norbert Sillamy, Dictionnaire de la psychologie, Larousse, 1991, p. 11.

[43]   Il y aurait eu neuf cités démocratiques : Athènes, Segeste, Milet, Samos, Corcyre, Argos, Tégée, Thourioi, Syracuse (Blandine Kriegle, Propos sur la démocratie : essais sur un idéal politique, Descartes & cie, 1994, p. 115.) Si le cas de Carthage est sujet à débat, Rome n’aurait « pas été démocratique parce qu’elle ne l’a pas voulu » (Norbert Rouland, Rome, démocratie impossible ? Actes Sud, 1981.)



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 17 novembre 2007 18:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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