RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Francis Dupuis-Deri, “Broyer du noir. Manifestations et répression policière au Québec.” Un article publié dans Les ateliers de l’éthique, la revue du CRÉUM, vol. 1, no 1, printemps 2006. [Autorisation accordée par l'auteur de diffuser cet article dans Les Classiques des science sociales le 14 juin 2007.]

 Francis Dupuis-Déri (2006)
professeur, Département de science politique, UQÀM.

Broyer du noir. Manifestations et répression policière au Québec”. [1]

Un article publié dans Les ateliers de l’éthique, la revue du CRÉUM,
vol. 1, no 1, printemps 2006.

 

Table des matières
 
 
Résumé
 
Introduction
 
Recension des arrestations politiques
Revue des indicateurs explicatifs de la répression policière
 
Recours à la force par les manifestants
Absence de canaux de communication
Identité politique illégitime
 
Étiquetage de la déviance
L’« anarchiste » comme déviant politique
La police pratiquant la discrimination politique
 
Conclusion

 

Résumé

 

Depuis 1999, il y a eu plus de 2500 arrestations à caractère politique au Québec,dont la grande majorité à Montréal. L’enjeu soulevé ici relève de l’éthique sociopolitique, puisqu’il s’agit de déterminer si les policiers agissent de façon juste à l’égard des manifestants qu’ils arrêtent en masse. Ce type d’intervention policière serait injuste et discriminatoire dans la mesure où il est démontré que les policiers pratiquent l’arrestation de masse non pas en fonction des agissements illégaux des manifestants, mais plutôt sur la base de leur identité politique réelle ou imaginée. Si c’est le cas, les policiers contreviennent au principe libéral de neutralité juridique. L’analyse proposée ici entend démontrer qu’il s’agit bel et bien, dans le cas du Québec, d’une situation de discrimination politique qui mine le respect de divers droits fondamentaux associés au libéralisme politique contemporain.Pour mener à bien cette démonstration,je propose d’importer de la psychologie sociale l’approche de l’étiquetage de la déviance,telle que développée par Howard Becker. Il sera alors possible de démontrer que l’attribution d’une identité déviante et marginale d’une classe de manifestants est la variable déterminante qui explique la répression policière dont ils sont la cible de façon régulière.
 

ABSTRACT 

Since 1999,more than 2500 political arrests have been filed in Quebec, the greatmajority of which took place in Montreal. This raises stakes in the domain of sociopolitical ethics, since one must determine if police officers act in a rightful way with regard to demonstrators whom they arrest in mass.This kind of police intervention would be unjust and discriminatory insofar as it could be shown that the police officers are not motivated in their practice of mass arrest by the illegal behaviors of the demonstrators, but rather on the basis of the real or imagined political identity of the demonstrators.If this is the case,then police officers are in breach of the liberal principle of legal neutrality.My analysis demonstrates that it is indeed, in the case of Quebec, a political situation of discrimination which undermines the respect of fundamental rights associated with contemporary political liberalism. To conduct this demonstration, I will bring in social psychology with the approach of deviance labeling, as developed by Howard Becker. I will then show that the ascription of deviating and marginal identities to a class of demonstrators is the most important factor explaining the repression by the police force of which they are regularly the target.

 

Introduction 

 

Si les anarchistes veulent détruire la démocratie, nous ne les laisserons pas faire [2].
 
Jean Chrétien,
Sommet du G8 à Gênes (juillet 2001).
 
La plus grande part de la recherche scientifique et la spéculation sur la déviance portent attention aux gens qui transgressent les règles, plutôt qu’à ceux qui les font et les imposent.
 
H.S. Becker,
Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance [3].

 

 Le 2 novembre 2005, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a déclaré dans son rapport sur le Canada s’inquiéter que « la police, en particulier à Montréal, pratique des arrestations de masse de manifestants », ce qui brime la liberté d’expression et d’assemblée. Le comité invite le Canada « à mener une enquête » sur la police de Montréal. Il y a eu en effet plus de 2500 arrestations à caractère politique au Québec depuis 1999, dont la grande majorité à Montréal. En 2005, plusieurs recours collectifs ont été déposés contre la Ville de Montréal en lien avec ces arrestations de masse. L’un de ces recours [4] stipule que les manifestants arrêtés sont victimes de discrimination fondée sur leurs convictions politiques, c’est-à-dire qu’ils ont été interpellés non pas en fonction d’actes criminels qu’ils auraient commis, mais plutôt parce que les policiers les identifient à l’idéologie anarchiste et anticapitaliste. L’enjeu soulevé ici relève de l’éthique sociopolitique, puisqu’il s’agit de déterminer si les policiers agissent de façon juste à l’égard des manifestants qu’ils arrêtent en masse. Ce type d’intervention policière serait injuste et discriminatoire dans la mesure où il est démontré que les policiers pratiquent l’arrestation de masse non pas en fonction des agissements illégaux des manifestants, mais plutôt sur la base de leur identité politique réelle ou imaginée. Si c’est le cas, les policiers contreviennent au principe libéral de neutralité juridique, qui exige que le système juridique et policier, et ses administrateurs soient neutres relativement aux identités diverses (religieuses et d’opinions politiques) des citoyens. 

L’analyse proposée ici entend démontrer qu’il s’agit bel et bien, dans le cas du Québec, d’une situation de discrimination politique qui mine le respect de divers droits fondamentaux associés au libéralisme politique contemporain, soit la liberté d’opinion et la liberté d’assemblée. Pour mener à bien cette démonstration, je propose d’importer de la psychologie sociale l’approche de l’étiquetage de la déviance, telle que développée par Howard Becker. Pour étudier le processus d’étiquetage de la déviance politique, je procéderai à une analyse de discours de divers ouvrages et articles traitant du mouvement altermondialiste, d’articles de médias écrits (plus de 200 articles de journaux, dont 18 textes de l’Agence France-Presse [5], 103 de La Presse et 66 du Journal de Montréal et quelques textes provenant d’autres journaux [6] ), de documents de divers corps de police, dont des cahiers d’opérations menant à des arrestations de masse, des fiches de résumés chronologiques de renseignement rédigés par des agents infiltrés dans les manifestations et des procès-verbaux de jugements de procès collectifs et d’audiences au cours desquels des policiers ont été appelés à témoigner. Notre étude s’inscrit aussi dans le cadre d’une production récente de recherches universitaires consacrées au mouvement altermondialiste, et aux rapports complexes qu’il entretient - en particulier au Québec [7] - avec la police [8] et les médias [9]. Il sera alors possible de démontrer que l’attribution d’une identité déviante et marginale d’une classe de manifestants est la variable déterminante qui explique la répression policière dont ils sont la cible de façon régulière. 

 

Recension des arrestations politiques

 

Le mouvement altermondialiste peut être divisé de façon un peu schématique en deux tendances, l’une sociodémocrate (« réformiste ») et l’autre anticapitaliste (« radicale ») [10]. Le mouvement dans son ensemble, et tout particulièrement l’aile radicale, est régulièrement la cible d’une répression policière caractérisée par des arrestations de masse [11]. Les policiers ont procédé à des arrestations par centaines lors de grandes manifestations du mouvement altermondialiste, dont 603 arrestations à Seattle en 1999 [12]. Environ 700 manifestants ont été arrêtés lors des dernières grandes manifestations altermondialistes contre le Sommet du G8 en Écosse en juillet 2005. La tactique des arrestations de masse va se répandre dans les années suivant la « Bataille de Seattle », les policiers de New York procédant, par exemple, à l’arrestation de 1821 manifestants en marge de la Convention du Parti républicain à la fin du mois d’août et au début du mois de septembre 2004 [13]. Dans presque tous ces cas, des enquêtes publiques ou menées par des organismes de défense des droits et libertés condamnent la brutalité policière excessive [14]. Ces rapports restent généralement sans effet. 

Le Québec n’est pas en reste. Les arrestations à caractère politique que nous avons pu répertorier sont les suivantes :

 

29 juillet 1996 : 76 arrestations au Carré Berri suite au « Snack de minuit », un rassemblement pour la liberté de circulation menacée par les plaintes de commerçants du centre-ville et par le changement de statut de cet espace public (le Carré Berri, sans couvre-feu, devient le Parc Amélie Gamelin, ce qui implique un couvre-feu à 23 heures). 

3 décembre 1997 : 108 arrestations suite à l’action du « Commando Bouffe » au buffet du restaurant de l’hôtel Le Reine Elizabeth. 

7 mars 1999 : 7 arrestations suite à une manifestation dans une église de Montréal organisée par Les Sorcières, un collectif de féministes radicales (explicitement anti-patriarcal, anti-État et anti-capitaliste). 

15 mars 1999 : Une arrestation dans le rassemblement avant le départ de la manifestation pour la Journée internationale contre la brutalité policière et 10 arrestations en fin de manifestation. La manifestation était organisée par le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), un petit groupe dont plusieurs membres sont « anarchistes ». 

24 novembre 1999 : 66 étudiants de l’UQAM sont encerclés et arrêtés devant leur établissement d’enseignement pour avoir manifesté leur opposition à une entente entre leur université et Coca-Cola. 

15 mars 2000 : 112 personnes sont arrêtées à Montréal en cette Journée internationale contre la brutalité policière lors d’une manifestation organisée par le COBP. 

1er mai 2000 : 144 arrestations à Westmount lors d’une manifestation d’« anarchistes » en l’honneur de la fête des Travailleurs. Les manifestants avaient marché paisiblement à peine quelques minutes avant d’être encerclés et arrêtés. 

24-25 octobre 2000 : 46 arrestations ont lieu lors de manifestations contre la réunion du G20 à Montréal. 

19-22 avril 2001 : 481 arrestations lors du Sommet des Amériques à Québec en avril 2001, dont plusieurs interpellations ciblées et individuelles dans l’avant-midi du dimanche 22 avril – alors qu’il n’y a aucune manifestation – de personnes qui déambulent sur le trottoir ou qui déjeunent dans des cafés, mais qui ont le défaut d’être vêtues de noir. 

4 août 2001 : 6 arrestations au squat Overdale. 

29 septembre 2001 : 82 arrestations à Montréal lors de l’encerclement d’une manifestation contre les consulats israéliens et états-uniens en solidarité avec les Palestiniens. 

3 octobre 2001 : 6 arrestations lors de l’éviction du squat Préfontaine. 

4 octobre 2001 : 43 arrestations à Montréal lors d’une manifestation contre l’éviction de squatters ou lors de manifestations devant l’hôtel de ville en solidarité avec les squatters. 

15 mars 2002 : 371 arrestations lors de l’encerclement de la manifestation organisée par le COBP à Montréal. 

26 avril 2002 : Entre 400 et 500 personnes sont encerclées par les policiers de Montréal et déclarées en état d’arrestation, avant même le début d’une manifestation organisée par la Convergence des luttes anti-capitalistes (CLAC) pour protester contre la tenue d’une réunion préparatoire au Sommet du G8. 

Juillet 2003 : 10 arrestations lors du « Tent City », un campement militant au parc Lafontaine pour dénoncer la rareté des logements sociaux à Montréal. 

28 juillet 2003 : 238 arrestations effectuées en marge de la réunion miniministérielle de l’OMC à Montréal, lors de l’encerclement d’un attroupement paisible (les gens sont assis et discutent de façon non officielle) dans un terrain vague sur le boulevard Saint-Laurent, soit à plusieurs kilomètres de l’hôtel Sheraton où se déroule la conférence de l’OMC et plus d’une heure après la manifestation contre l’OMC. 

15 mai 2004 : 25 arrestations lors d’une manifestation à Westmount de participants au Salon du livre anarchiste (qui se tenait à Saint-Henri). 

19 novembre 2004 : 193 arrestations lors de l’encerclement d’une manifestation organisée par la CLAC contre le Congrès du Parti libéral du Québec à Montréal. 

Février-avril 2005 : Environ 160 arrestations dans le cadre de la grève étudiante au Québec.

 

Pour un total de plus de 2500 arrestations [15]. La première arrestation de masse survient quelques semaines après une émeute à Québec lors de la fête de la Saint-Jean-Baptiste, au cours de laquelle des centaines de personnes prennent d’assaut le bâtiment de l’Assemblée nationale. Dès le lendemain, la police attribue le déclenchement et la direction de l’émeute à un petit groupe anarchiste nommé « Démanarchie », qui publie un journal du même nom. La police rejettera plus tard cette piste, mais l’accusation contre les « anarchistes » leur avait donné une visibilité médiatique importante et très dépréciative dans les médias du Québec, qui sera réactivée à l’occasion de la première arrestation de masse à Montréal, le même été. Ce type d’opération policière cible chaque fois des manifestations identifiées à l’extrême gauche, soit des groupes anticapitalistes (ex. : manifestants contre Coca Cola), anti-étatiques (ex. : contre le gouvernement), anti-policiers ou anti-cléricaux [16]. Cette observation indique que le ciblage de manifestants associés à l’anarchisme et à l’anticapitalisme a commencé avant la grande manifestation de Seattle et que l’amplification de la répression, justifiée par les attaques du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, est un catalyseur plutôt qu’un déclencheur de la répression contre l’extrême gauche altermondialiste en Occident (comme l’ont d’ailleurs démontré des sociologues et politologues qui ont analysé l’action de la police à l’endroit des manifestants altermondialistes en Europe et aux Etats-Unis [17] ). À noter qu’aucune des arrestations de masse n’a visé des manifestations associées à des organisations « modérées », comme les syndicats, même si certains évènements de ces organisations ont été marqués, au cours des dernières années, par une violence manifestante. Encerclés et déclarés en état d’arrestation, les manifestants pris au piège – « on les ramène un peu comme un troupeau », « c’est comme un filet de pêche [18] » explique Alain Tourigny, le commandant du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) – peuvent rester des heures en masse compacte, soumis aux rigueurs du climat, sans accès à de l’eau, des toilettes, des tampons et serviettes sanitaires, un téléphone ou un avocat.

 

Revue des indicateurs explicatifs
de la répression policière

 

Diverses approches s’offrent à nous pour juger du caractère discriminatoire ou non d’une ou des arrestations de masse à caractère politique au Québec. Du côté de la philosophie politique et morale, nous disposons du riche corpus de la vieille tradition de réflexion au sujet du droit de désobéissance et de résistance des citoyens à l’endroit de l’autorité politique, qui prend racine au Moyen Âge, principalement dans le cadre de tensions entre les pouvoirs politiques et les devoirs religieux [19]. Les auteurs associés à cette tradition prêtent malheureusement peu attention à l’action des forces de l’État à l’égard des contestataires, s’intéressant plutôt à justifier ou non les actions de désobéissance et de résistance des citoyens soumis à une autorité politique injuste. Walter Benjamin est l’un des rares philosophes qui souligne le caractère problématique de la police dans un État libéral, surtout lorsque les citoyens s’organisent politiquement pour défier l’État ou la loi [20] : la police exprime sur le terrain la volonté de l’État de détenir le monopole de la violence au sein de ses frontières. Les commentaires de Benjamin restent toutefois trop généraux pour nous aider dans notre réflexion. 

Sur l’axe juridique, deux démarches peuvent être entreprises pour juger du caractère discriminatoire ou non de la tactique de l’arrestation de masse : (1) Prêter attention au particulier, soit juger au cas par cas de la partialité ou non des policiers lors d’une opération spécifique. Cette approche, qui relève de la microanalyse, n’est pas celle que nous privilégions, puisque nous posons l’hypothèse que le problème est d’ordre général et ne trouve pas sa source dans des particularités spécifiques à chaque arrestation de masse. Notons toutefois que dans plusieurs cas d’arrestations de masse au Québec, les juges ont finalement reconnu non coupables les personnes arrêtées. (2) Prêter attention au général, soit juger le fondement de la loi canadienne sur l’attroupement illégal. Patrick Forget opte pour cette approche dans son récent ouvrage Sur la manifestation : Le droit de l’action directe [21]. Il note que le droit canadien accorde aux policiers un pouvoir discrétionnaire important relativement aux manifestations. Selon l’article 63 (1) :  

Un attroupement illégal est la réunion de trois individus ou plus qui, dans l’intention d’atteindre un but commun, s’assemblent, ou une fois réunis se conduisent, de manière à faire craindre, pour des motifs raisonnables, à des personnes se trouvant dans le voisinage de l’attroupement : a) soit qu’ils ne troublent la paix tumultueusement ; b) soit que, par cet attroupement, ils ne provoquent inutilement et sans cause raisonnable d’autres personnes à troubler tumultueusement la paix. 

La définition d’attroupement illégal permet donc de criminaliser toute personne présente sur les lieux, indépendamment de ses actes [22]. Patrick Forget critique l’incohérence de cet article de la loi canadienne, précisant que « la définition de l’attroupement illégal » porte atteinte « aux règles de justice fondamentale, aux libertés d’expression et de réunion pacifique » parce que ces dispositions légales : 

Font de chaque participant un « quasi-complice » de tous les autres. Or, une telle présomption méconnaît la réalité des manifestations qu fait converger des gens aux idées et aux ambitions bien différentes autour d’une même cause. […] On punit le fait de se tenir pacifiquement non loin ou à côté de gens – en général une minorité de participants – qui commettent des gestes porteurs d’une aura de force ou de violence [23]. 

Ces propos rejoignent la critique exprimée à l’égard du droit canadien par le Comité des droits de l’Homme de l’ONU. Deux niveaux de droit sont ici en concurrence, soit le Code criminel et des textes plus fondamentaux, comme la Charte des droits et libertés et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976 et qui reconnaît le droit de chacun de participer à des manifestations publiques. Patrick Forget note que, telle que définie dans le code criminel, l’infraction « d’avoir participé à un attroupement remet entre les mains des policiers le pouvoir de nier l’exercice de droits constitutionnellement protégés. En pratique, ce sont les policiers qui déterminent le moment où l’attroupement laisse craindre que la paix ne soit troublée tumultueusement [24] » [je souligne]. L’analyse légaliste de Patrick Forget laisse donc entrevoir un risque important de discrimination de la part des policiers à l’égard de manifestants. La généralisation que permet l’article 63 encourage les policiers à amalgamer un ensemble d’individus à quelques individus ayant commis explicitement des méfaits. 

Nous allons privilégier, pour notre part, une approche sociopolitique qui envisage la société comme un ensemble de relations dynamiques entre des acteurs individuels et collectifs occupant des positions plus ou moins privilégiées les uns par rapport aux autres. Selon cette perspective, les actions de la police à l’endroit des manifestants peuvent être influencées par les relations que les policiers entretiennent avec d’autres agents sociaux, comme les politiciens. Nous allons démontrer que divers acteurs sociaux produisent un discours au sujet des manifestants « radicaux » qui les identifie comme « déviants », ce qui encourage la discrimination politique des policiers à leur égard. Avant de pousser plus à fond l’exploration de l’hypothèse de la perception d’une déviance politique, qui indiquerait une discrimination à l’égard des manifestants réprimés par les policiers, il convient de considérer d’autres explications possibles de la répression policière, qui relèvent aussi d’une approche sociopolitique relationnelle.

 

Recours à la force par les manifestants

 

Les manifestations associées de près ou de loin au mouvement altermondialiste sont connues dans l’opinion publique pour être régulièrement marquées par le recours à la force de la part de manifestants qui lancent des frappes contre des vitrines de McDonald’s et de banques, et affrontent les policiers [25]. À première vue, l’utilisation de la force par les manifestants entraîne logiquement l’intervention policière, comme le laissent généralement entendre les médias et les policiers eux-mêmes. « Pour nous, les arrestations de masse sont toujours la dernière alternative. On fait ça seulement quand il y a des débordements majeurs pendant une manifestation [26] », déclarait d’ailleurs le directeur adjoint du SPVM, Pierre-Paul Pichette, en réaction au blâme exprimé par le Comité des droits de l’Homme de l’ONU le 2 novembre 2005. Cette perspective est clairement relationnelle : les policiers ne feraient que réagir à l’action des manifestants. La déclaration du policier Pichette est toutefois fausse, puisque plusieurs des arrestations de masse ciblaient des manifestations non-violentes, voire des manifestations qui n’avaient pas même débuté ou des rassemblements statiques et paisibles. L’explication mécaniste d’une réaction policière suite à une violence manifestante ne permet donc pas de saisir la logique de la vague de répression qui frappe certaines manifestations à Montréal. L’analyse des déclarations publiques des policiers au sujet de la violence des manifestants, associés de près ou de loin au mouvement altermondialiste, révèle d’ailleurs une propension à l’exagération et au mensonge de la part des forces de l’État, qui rend d’autant moins crédible l’excuse de la violence manifestante pour justifier la répression. Lors de conférences de presse, les policiers ont eu recours à de très nombreuses reprises en Occident à des manipulations de preuve – dont l’évocation de la (fausse) présence de « bombes » ou la saisie de cocktails Molotov placés dans des locaux militants par les policiers eux-mêmes – pour grossir démesurément l’ampleur de l’« arsenal » des manifestants, ce qui en donne une image plus menaçante, mine leur crédibilité et justifie l’ampleur des dispositifs policiers [27]. Suite à la manifestation (encerclée avant même de débuter) contre une réunion préparatoire des ministres du travail du G8, le 26 avril 2002 à Montréal, le commandant André Durocher du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) déclara qu’un individu ayant fait usage d’une arme de poing avait été interpellé avec les manifestants, pour préciser plusieurs jours plus tard que cet individu avait été, en fait, arrêté ailleurs dans la ville et qu’il n’y avait pas de lien entre les deux évènements [28]. Au sujet de la même arrestation de masse, le commandant Durocher se présenta devant les médias en brandissant des bouteilles de plastique qu’il prétendait être autant de cocktails Molotov saisis sur les manifestants. Or, un cocktail Molotov doit être fabriqué à l’aide d’une bouteille de verre pour qu’il explose en touchant sa cible et l’enflamme. On pourrait nommer « cocktails Durocher » les fausses preuves qu’utilise la police pour produire un écran de fumée qui brouille la réalité des faits, enflamme l’opinion publique et réduit en cendres la légitimité des manifestants. Il convient enfin de rappeler que des manifestants associés à des groupes qui ne sont pas considérés comme « déviants » peuvent, à certaines occasions, utiliser la violence sans s’attirer une répression policière [29]. L’utilisation de la force par des manifestants n’est donc pas une variable déterminante pour expliquer cette vague de répression policière, qui ne cible pas certains groupes ayant utilisé la violence et qui frappe parfois des manifestants pacifiques.

 

Absence de canaux de communication

 

Des études universitaires portant sur les relations entre policiers et manifestants indiquent que les risques de violence diminuent lorsque les organisateurs de la manifestation et les policiers communiquent avant et pendant l’évènement, au sujet de leurs intentions respectives, du trajet et de l’objet de la manifestation [30]. La police cherche à entrer en contact avec le représentant de la manifestation, soit avant l’évènement en téléphonant au comité organisateur, soit sur le lieu du rassemblement en demandant à parler au « responsable ». Cette pratique de la cogestion des manifestations entre policiers et dirigeants de mouvements sociaux s’est instituée au fil du temps, devenant de plus en plus formelle au début du XXe siècle en Occident, avec la demande de permis (qui n’est pas obligatoire à Montréal) de manifester et la négociation quant au lieu de rassemblement, au trajet et aux heures de départ et de fin de la manifestation. Les policiers s’attendent aussi à ce que les organisateurs d’une manifestation encadrent les manifestants d’un service d’ordre [31]. Les « anarchistes » et autres militants anti-autoritaires sont ici des acteurs sociaux particuliers, puisqu’ils sont les seuls dont l’idéologie favorise un égalitarisme radical et, conséquemment, proscrit en principe la fonction de « dirigeant » et de « responsable ». Les membres des comités organisateurs se refusent à entrer en dialogue avec les policiers, arguant que tous les participants sont considérés comme collectivement responsables de la manifestation. Les policiers ont constaté sur le terrain cette absence de « responsables » chez les militants égalitaristes. Le commandant Durocher a déclaré, suite à la manifestation contre la brutalité policière du 15 mars 2002, au sujet des manifestants dont 371 sont encerclés et arrêtés : « Nous n’avons reçu aucune collaboration de leur part », précisant par ailleurs : « Nous ne voulions pas les arrêter, mais c’était simplement pour les protéger : ils se mettaient en danger en traversant les intersections [32]. » Cette absence de communication ne peut expliquer à elle seule la répression policière ; comme le révèle l’évènement du 26 avril 2002, la manifestation n’ayant pas même débuté lorsque la police a encerclé la foule rassemblée paisiblement dans un parc. Selon le politologue de l’Université d’Ottawa, J.A. Frank, qui a étudié la dynamique entre manifestants et policiers lors de plusieurs centaines d’évènements au Canada, le manque de communication entre manifestants et policiers sert souvent d’excuse a posteriori à la répression [33].

 

Identité politique illégitime

 

L’idéologie associée aux manifestants reste donc la variable qui semble la plus déterminante dans le cas des arrestations de masse discutées ici. De nombreux universitaires – sociologues et politologues – qui analysent la violence des manifestants et des policiers s’entendent pour indiquer que les policiers ont tendance à considérer de façon systématique les manifestants selon des stéréotypes dénigrants, les considérant a priori comme des individus peu responsables et peu crédibles, irrationnels, émotifs, psychotiques, anti-sociaux et violents [34]. Des analyses plus sophistiquées indiquent toutefois que les stéréotypes influençant les actions des policiers sont généralement binaires ; elles distinguent les manifestants respectables des manifestants peu respectables. Comme l’indique Olivier Fillieule : 

[L]es manifestants et leurs actions sont perçus de manière différenciée par les officiers […] en fonction de plusieurs critères combinés. Ces critères d’appréciation reposent sur une double distinction qui fonctionne comme un instrument de classement des situations auxquelles les policiers sont confrontés : l’une oppose les manifestants rationnels, stratégiques et les irrationnels, soumis à l’influence des premiers ; l’autre distingue entre les individus/manifestations pacifiques exprimant démocratiquement une opinion et ceux/celles qui par la violence recherchent l’affrontement ouvert avec les autorités politiques et/ou policières [35]. 

La première distinction qui distingue des leaders rationnels manipulant des manifestants irrationnels est moins pertinente dans le contexte qui nous intéresse, puisque les « anarchistes » n’ont en principe pas de chefs. Cela n’empêche pourtant pas les policiers d’identifier des militants comme les chefs, dont Jaggi Singh et d’autres organisateurs de la Convergence des luttes anti-capitalistes, par exemple, fichés et régulièrement la cible d’arrestations individuelles. La seconde distinction reste toutefois plus importante : les policiers perçoivent des manifestants « pacifiques » qu’ils opposent à de potentiels « casseurs » ; les premiers sont considérés comme ayant un intérêt politique légitime, une bonne compréhension des enjeux politiques et une volonté de collaborer avec les autorités et de discuter avec les décideurs officiels, alors que les seconds sont identifiés comme des jeunes peu informés et même apolitiques, uniquement motivés par l’espoir de faire du grabuge et même d’affronter les policiers [36]. Ces stéréotypes participent d’un cadre d’interprétation qui fonctionne comme une sorte de guide d’action, respectueuse en principe des manifestants respectables et plus probablement répressive à l’égard des manifestants méprisables [37]. Le clivage semble inversement proportionnel à la force réelle d’un mouvement social ou d’une manifestation ; les manifestants ciblés par la répression policière ayant au final une faible capacité de mobilisation, contrairement aux mouvements sociaux ayant une plus forte capacité de mobilisation (les syndicats, par exemple). 

J.A. Frank, qui cherche à clarifier cette dynamique de classification binaire, a indiqué que la probabilité de violence policière contre les manifestants est influencée par la façon dont « un groupe revendicateur est […] perçu par les autorités », c’est-à-dire en fonction du « statut dans la société » de ce groupe de manifestants ; les autorités imputant nécessairement aux protestataires « certaines caractéristiques qui déterminent la légitimité ou l’illégitimité du groupe [38] ». Frank parvient à cette conclusion suite à l’étude de 286 manifestations en Ontario et au Québec entre 1963 et 1975 qui ont été ponctuées de violence de la part des manifestants, des policiers ou des deux partis à la fois. Frank note que « les groupes organisés et de statut élevé subissent une répression faible, tandis que les groupes inorganisés et de statut douteux subissent une répression sévère » ; il ajoute que le groupe semble d’autant plus illégitime aux yeux des autorités qu’il paraît rejeter « les valeurs dominantes » et que ses membres sont identifiés comme des « communistes » ou des « anarchistes » [je souligne], c’est-à-dire « des radicaux cherchant à miner l’ordre établi [39] » dont l’idéologie met « en cause la légitimité de l’État ». Ces groupes sont caractérisés par le fait qu’ils semblent menaçants pour les autorités dont ils nient la légitimité et qu’ils sont également très « vulnérables », entre autres raisons parce qu’ils n’ont pas de canaux leur donnant accès au pouvoir ni d’« ami en haut lieu », et peu ou pas d’alliés explicitent au sein des mouvements sociaux et autres acteurs sociopolitiques [40]. Pour la période qu’il a étudiée, Frank note qu’au Québec, 63% des manifestations organisées par des groupes jouissant d’un statut acceptable n’ont connu aucune arrestation, alors que seulement 24% des manifestations de groupes au statut jugé illégitime évitent les arrestations [41], soit un écart de près de 40%. Le clivage correspond généralement à des lignes de fracture idéologiques : 

Bons manifestants = « réformistes » (revendications politiques « modé­rées ») ; Mauvais manifestants = « radicaux » (revendications politiques « radicales »). 

Ce clivage correspond aussi à des statuts sociaux distincts et inégaux : 

Bons manifestants = statut socioéconomique et culturel élevé (salariés intégrés au marché du travail et codes culturels [vêtements, coupe de cheveux, etc.] « normaux ») ; 

Mauvais manifestants = faible statut socioéconomique et culturel (faible revenu ou « outsiders » économiques et codes culturels « marginaux »). 

Cette distinction fonctionne indépendamment des actions réelles des manifestants. Ainsi, des manifestants jugés « raisonnables » (des syndiqués, par exemple) qui pratiquent la violence et la destruction de propriété publique ou privée lors d’une manifestation courent moins de risques d’être arrêtés que des manifestants « anarchistes » jugés déraisonnables et qui peuvent être arrêtés sans même avoir commencé à manifester. 

Des études comme celle de J.A. Frank confirment l’effet discriminant d’un statut illégitime (l’association à l’anarchisme, par exemple) mais n’expliquent pas par quel processus les policiers distinguent les manifestants légitimes et les manifestants illégitimes, ni quels agents sociaux peuvent influencer cette discrimination entre « bons » et « mauvais » manifestants [42]. L’approche de l’étiquetage développée dans le champ de la psychologie sociale peut ici nous aider à mieux comprendre ce processus discriminant. 

 

Étiquetage de la déviance

 

L’approche de l’étiquetage de la déviance que nous entendons utiliser pour préciser le processus par lequel la police adopte une attitude discriminante à l’égard de certains manifestants a été développée principalement par Howard Becker dans son ouvrage Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance (publié une première fois en 1963). Becker s’intéressait plus spécifiquement aux consommateurs de marijuana et aux musiciens de jazz aux États-Unis, dans les années 1960. Il ne discutait pas de la nature de la déviance ou de celle de l’individu déviant ; il proposait plutôt de porter son attention sur les « entrepreneurs moraux », soit les agents sociaux qui pratiquent l’identification d’un individu ou d’un groupe comme « déviant ». Lorsque l’étiquette de « déviant » est accolée avec succès à un individu ou un groupe, tout un ensemble de mécanismes de contrôle et de répression se met en place, dans lequel les policiers occupent une place importante. Les policiers sont, par ailleurs, eux-mêmes des « entrepreneurs moraux » ; Becker distinguent les entrepreneurs moraux qui créent des règles et définissent la déviance (rules creators) de ceux qui maintiennent et entretiennent les normes (rules enforcers), très souvent les policiers. L’étiquette « déviant » accolée à un individu ou un groupe par les entrepreneurs moraux influents aura une incidence sur la façon dont les policiers agiront à son égard, et ce, quels que soient ses comportements réels. 

Le cadre d’analyse proposé par Becker appliqué à la « déviance » politique peut faciliter la compréhension des phénomènes de contrôle et de répression des individus et des groupes jugés politiquement « déviants » par des agents sociopolitiques influents, tels les politiciens et les journalistes qui pratiquent régulièrement l’étiquetage dans leur discours public. Quelques auteurs ont déjà proposé un tel arrimage de l’approche de l’étiquetage de la déviance à la sphère politique [43]. Le déviant politique est considéré par les puissants comme un « outsider », c’est-à-dire un marginal ou plus précisément un exclu de la rationalité politique [44]. Il convient toutefois de préciser que l’étiquetage est généralisé en politique et qu’il est d’une importance aussi grande pour déterminer la légitimité que l’illégitimité d’un individu, d’un groupe, d’un mouvement ou d’une institution. David Green, qui a étudié l’utilisation d’étiquettes politiques par les présidents des États-Unis, constate ainsi « l’utilisation d’étiquettes ‘mauvaises’ et ‘bonnes’ qui indiquent un effort de la part de ceux qui sont en compétition pour le pouvoir d’établir des polarités claires entre des individus et des politiques rivales […] c’est-à-dire en termes qui permettent d’identifier des ‘bonnes personnes’ et des ‘mauvaises personnes’ [45]. » L’étiquette politique influence le pouvoir des acteurs, des factions et des institutions politiques qui sera accru ou diminué selon que l’étiquette qu’ils se choisiront ou se feront imposer évoque des valeurs positives ou négatives pour leurs partisans éventuels. Becker pose d’ailleurs une question essentielle qui pointe explicitement en direction de la politique : « qui peut, dans les faits, imposer à d’autres d’accepter ses règles et qu’elles sont les causes d’un tel succès ? » Et de répondre : « C’est, bien sûr, une question de pouvoir politique et économique », c’est-à-dire que « la différence dans la capacité de faire des règles et de les imposer à d’autres est essentiellement une question de différence de pouvoir [46] ». 

La force policière est l’ultime aboutissement d’une croisade morale [47] ou politique, et elle tire un intérêt des règles et de l’existence d’individus ou de groupes étiquetés comme « déviants », puisque cela justifie « son travail, sa profession et sa raison d’être [48]. » Ainsi, les policiers sont des entrepreneurs politico-moraux qui peuvent être parfois plus véhéments à l’égard de « déviants », précisément parce qu’ils sont sur la ligne de front de la lutte contre la déviance et qu’ils y trouvent une justification de leur propre existence. L’étiquette « déviant » accolée à un individu ou un groupe exprime d’ailleurs en elle-même un affront à la loi et aux normes officielles, c’est-à-dire à l’ordre et à la « normalité ». Un autre sociologue, Erving Goffman, indique que « la normalité est ‘ressentie’ », et : 

[Qu’il] est nécessaire de qualifier la relation suggérée entre apparences normales et apparences convenables. Dans de nombreuses situations, il existe des agents de contrôle social, tels que les gérants de magasins, les maîtres d’école et autres personnes semblables, dont le travail consiste en partie à protéger les lieux et les utilisateurs, et à maintenir les convenances – du moins certaines convenances [49]. 

Les « policiers » sont identifiés par Goffman comme des « agents de contrôle social » dont une des fonctions est d’imposer le respect des « convenances » [50]. Becker note qu’un policier peut conséquemment réprimer un individu et l’arrêter de façon plus ou moins brutale pour le simple fait qu’il est étiqueté comme déviant, et ce, même s’il n’a pas commis de méfait, car la présence d’un individu « déviant » est en soi une transgression des « convenances », de la « normalité ». Par ailleurs, Becker note qu’un « individu peut être étiqueté comme déviant » par la police « parce qu’il a exprimé un manque de respect à l’égard de celui qui doit forcer le respect des règles », soit le policier lui-même [51]. Cette dynamique est ici importante, puisque des manifestants arrêtés en masse expriment une idéologie anti-autoritaire critique de la police, tout particulièrement dans le cas des arrestations de masse ciblant les manifestations du 15 mars organisées dans le cadre de la Journée internationale contre la brutalité policière. C’est donc muni de ces outils conceptuels [52] que je propose d’aborder la répression policière au Québec pour évaluer si les manifestants sont arrêtés indépendamment de leurs actes et principalement parce qu’ils sont identifiés comme « déviants » par des entrepreneurs politico-moraux influents. 

L’étiquetage est une pratique très répandue à l’égard des manifestations associées de près ou de loin au mouvement altermondialiste ; les entrepreneurs politico-moraux étant ici les policiers, les experts universitaires, les journalistes, les « bons » manifestants, les « simples » citoyens et de nombreux porte-parole autoproclamés du mouvement altermondialiste. Ainsi, Susan George, qui est vice-présidente de l’Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens (ATTAC) en France, déplore que dans des manifestations altermondialistes « des éléments marginaux ont commis des violences contre des propriétés privées [53] » [je souligne]. La référence explicite à la marginalité évoque la déviance politique. En parlant des manifestations contre le G8 à Évian, Susan George précise que les « casseurs » participaient à une « sous-culture minoritaire […] les ‘cuir noir heavy metal spike hair’ crasseux de Zurich, dont l’unique but dans la vie est apparemment de casser. Seul un psychologue ou anthropologue qualifié pourrait dire si le politique leur inspire le moindre intérêt [54] ». Il s’agit d’un cas exemplaire d’étiquetage péjoratif d’un groupe social comme déviant à la fois d’un point de vue politique, culturel et même hygiénique et psychologique. 

Cet exemple d’une pratique d’étiquetage d’une déviance sur la scène politique indique que les entrepreneurs politico-moraux ne limitent pas toujours les étiquettes qu’ils utilisent à un seul nom ou mot péjoratif, préférant clarifier leur étiquetage, pour lui donner plus de force, en jouant de l’analogie implicite et explicite. Quentin Skinner rappelle d’ailleurs que les mots en politique évoquent généralement une série d’attitudes et de comportements qui s’y rattachent, par analogie [55]. J’entends ici par analogie le processus qui consiste à encourager l’association de certaines caractéristiques particulières à une étiquette, et de créer par le discours une tendance à amalgamer et à considérer diverses étiquettes comme synonymes. L’étiquette politique, tout comme l’étiquette de la déviance sociale, psychologique, sexuelle et culturelle, associe à une identité politique déviante toute une série d’attitudes et de comportements condamnables. Ainsi, dire à répétition que les manifestants « violents » sont des « anarchistes » et des « jeunes » et vice versa, soit que les « anarchistes » sont à la fois des « jeunes » et des « violents », permet — après un certain niveau de saturation du discours d’étiquetage — de permuter les codes qui fonctionnent alors par analogie, voire comme synonymes. Parler à propos de manifestants d’« anarchistes » ou de « jeunes » sans les qualifier évoquera alors la violence. 

En termes méthodologiques, il serait possible d’explorer les possibles partis pris idéologiques des policiers à l’égard de manifestants en menant une série d’entrevues avec des policiers. Ce travail est à la fois long et problématique, dans la mesure où les policiers seront peu enclins à accepter de répondre à des questions portant sur leurs tactiques d’intervention pour ne pas nuire à leur efficacité sur le terrain d’opération. Le processus d’étiquetage de la déviance politique peut aussi être analysé par une étude des médias, où divers entrepreneurs politico-moraux (y compris des policiers) s’expriment au sujet des manifestants. L’analyse des médias permet en fait d’obtenir un vaste aperçu du processus d’étiquetage et des différents agents qui y participent. Pour mieux saisir la perception que les policiers ont des manifestants ciblés par leurs arrestations de masse, il est également possible de consulter divers documents de la police portant sur les arrestations de masse, ainsi que les déclarations de policiers venus témoigner lors de procès suite à ces arrestations. Cette analyse de sources diverses permet de mettre en lumière l’aspect relationnel du processus d’étiquetage, puisque la perception que se font les policiers des manifestants correspond et semble influencée par le discours d’un ensemble d’agents politico-moraux à leur sujet. 

 

L’« anarchiste » comme déviant politique  

 

… on ne les voit jamais que lorsqu’on a peur d’eux […]
Faudrait pas oublier qu’ça descend dans la rue…
 
Léo Ferré, Les anarchistes.

 

Le sens commun porte à ne pas contester l’inimitié qu’entre­tiennent les policiers à l’égard des anarchistes et des militants de l’extrême gauche libertaire en général, puisqu’ils portent un discours souvent radicalement critique et même injurieux à propos de l’autorité en général et de la police en particulier. Mais une analyse du discours relève que les policiers et les autres entrepreneurs politico-moraux ne confrontent pas l’argumentaire anti-autoritaire de l’idéologie anarchiste, préférant plutôt affirmer que ces manifestants ne sont animés par aucune rationalité politique et ne sont donc que des « déviants » (des « outsiders » de la politique). L’étiquette « anarchiste », si régulièrement utilisée par les entrepreneurs politico-moraux pour désigner les manifestants « radicaux », est associée à divers traits caractéristiques qui fonctionnent par analogie : les « anarchistes » seraient « jeunes », « apolitiques », « marginaux » et « violents ». Il convient de discuter de ces qualificatifs, car ils révèlent explicitement le caractère discriminant et péjoratif du processus d’étiquetage à l’égard des manifestants visés par la répression policière. 

Neutre en apparence, l’étiquette « jeune » est régulièrement qualifiée par des termes péjoratifs, comme dans les expressions « jeunes extrémistes », « jeunes excités » et « jeunes vandales » [56]. Ainsi qualifiée péjorativement à plusieurs reprises, l’étiquette « jeune » utilisée seule aura tendance à évoquer des images de violence et de destruction. Les « jeunes anarchistes » se retrouveraient en manifestation parce qu’ils y voient l’occasion de s’adonner à leur loisir favori : la destruction nihiliste. Marcel Belleau, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM, expliquait dans le journal La Presse, quelques semaines avant les manifestations contre le Sommet des Amériques, que des « groupes anarchistes et des individus de tout acabit profiteront probablement aussi du Sommet pour se livrer à leur jeu favori : la casse », soit « du vandalisme, […] des vols et autres délits [57] » [je souligne]. Leurs motivations, qui relèvent du domaine ludique du jeu, ne seraient pas politiques, ce qui permet de distinguer les « bons » manifestants « raisonnables » des « mauvais » manifestants « irrationnels ». Une variation sur le thème de l’irrationalité consiste à prétendre que les « anarchistes » sont des poseurs qui connaissent mal l’anarchisme. Le chroniqueur de La Presse, Pierre Foglia, fait la leçon à des manifestants contre le Sommet des Amériques qui seraient, selon lui, des « anarchistes […] qui ne font pas toujours la différence entre Robin des bois et Bakounine [58]. » L’association entre « anarchistes », « jeunes » et « casseurs », d’une part, et une irrationalité ou une grave ignorance politique d’autre part, place déjà ces acteurs politiques hors du champ politique, soit en marge de la société constituée en principe d’agents rationnels et responsables. 

La déviance sera accentuée dans le processus d’étiquetage en associant les « anarchistes » à d’autres traits propres à la marginalité : ils sont peu nombreux (des « groupuscules » [59] ), adoptent des comportements typiques des cultures alternatives et manquent de civisme (ils sont sales et même crasseux). Suite au Sommet des Amériques à Québec (avril 2001), les journalistes rapportent les jugements du premier ministre du Canada, Jean Chrétien, pour qui « Ceux qui sont venus à Québec manifester paisiblement leur opinion sur les meilleurs moyens de faire avancer nos sociétés au plan social et économique sont les bienvenus [...] Mais ce type de comportement que nous avons vu de la part de petits groupes d’extrémistes est contraire à tous les principes démocratiques qui nous sont si chers [60] » [je souligne], des propos auxquels font écho ceux de Françoise David, porte-parole du Sommet des peuples, qui se dissocie de la « violence » d’« un très petit groupe organisé depuis longtemps [61] ». La déviance politique des « anarchistes » est aussi amalgamée à une déviance culturelle qui s’exprime par la tenue vestimentaire et la coupe de cheveux. Déviances politique, sociale et culturelle se renforcent ici l’une l’autre pour miner la légitimité des individus, comme l’indiquaient déjà Irving Louis Horowitz et Martin Liebowitz au sujet de la jeunesse rebelle des années 1960 [62]. Des journalistes parlent « des jeunes marginaux » « arborant une boucle dans le nez, plusieurs fumant un joint de marijuana [63] », ou encore d’un anarchiste qui a « les cheveux en dread locks, ces sortes de boudin, dont trois, quatre au bout ‘bleaché’, et s’habille, disons, post-grunge-néo-squeedgee [64] ». 

Plusieurs citations mentionnées précédemment associent l’anarchisme et la jeunesse à la violence, et il ne sera donc pas nécessaire ici de détailler ce jeu d’analogie. Précisons tout de même qu’Isabelle St-Amand, dans son étude sur les manifestations et la répression lors du Sommet des Amériques, indique de la part des autorités « une utilisation politique [de la] violence », relativement minime de certains manifestants, « que l’on marginalise à l’aide de la figure du casseur, associée par amplification, à celle du délinquant [65] ». Elle souligne également que le « portrait caricatural du casseur, aux antipodes de celui du pacifique, contribue à diviser les manifestants selon des notions de moralité et de légitimité [66]. » Même quand des manifestants n’ont pas recours à la force ou de façon très limitée, des journalistes vont jouer de sensationnalisme en se rabattant sur une violence symbolique, affirmant qu’« il y avait beaucoup de violence verbale dans l’air » lors d’une manifestation comptant « beaucoup de membres des groupes anarchistes [67] ». Des chercheurs étudiant la répression contre le mouvement altermondialiste en Europe notent, par ailleurs, qu’il y a une tendance de plus en plus marquée de la part des autorités à amalgamer cette militance manifestante au terrorisme [68]. Le directeur du Département de science politique de l’Université d’Exeter, Tim Dunne, signait, suite aux attentats de Londres en juillet 2005, un article d’opinion intitulé « Anarchistes et Al-Qaeda », publié au Québec dans le journal La Presse, et dans lequel il suggérait d’« établir [des] parallèles entre l’action des terroristes islamistes et celle des anarchistes anticapitalistes [69]. » Toutefois, lorsque des musulmans se préparent à manifester à Montréal en février 2006 pour dénoncer l’islamophobie, la ministre des Communautés culturelles du Québec, Lise Thériault, précise pour réduire l’appréhension du public que « les manifestations se déroulent généralement dans le calme au Québec », sauf lorsque des « anarchistes » se mêlent aux « pacifistes » [70]. 

Rappelons, pour mémoire, que les manifestants altermondialistes n’ont jusqu’à ce jour tué personne, mais ce processus d’étiquetage effectué par des universitaires et des journalistes, qui amalgament les anarchistes au terrorisme et à Al-Qaeda, légitiment la répression policière contre ceux-ci. À défaut d’exemples réels de manifestants déployant une violence meurtrière, les entrepreneurs politico-moraux insisteront sur le potentiel de violence appréhendée, dépeignant le mouvement comme potentiellement meurtrier, ce qui peut justifier sa répression à titre préventif. Cette appréhension de la violence associée à des identités déviantes – jeunes, anarchistes, radicaux – permet en 2002 au commandant André Durocher de parler d’une « intervention préventive [71] » au sujet de l’arrestation de masse ciblant la foule, avant même le départ de la manifestation du 26 avril 2002 contre une réunion ministérielle du G8. La discrimination politique est ici d’autant plus évidente qu’elle s’incarne dans des opérations policières qui ne tiennent pas compte des actions des citoyens ciblés, perçus a priori comme déviants et violents. 

Le discours porté par les médias officiels publics et privés est donc saturé d’étiquetage de manifestants « déviants » ; les citations présentées ici ne constituent qu’un petit échantillonnage et pourraient être multipliées à l’envie. Il importe de noter l’absence presque totale d’un contre-discours diffusé dans les médias officiels qui minimiserait l’effet de cette pratique de l’étiquetage. Il est possible de prétendre que cette pratique systématique d’étiquetage dénigrant produit un effet chez les policiers, informés par les médias que tous les acteurs sociaux ou presque, dont les plus influents, tels les premiers ministres fédéral et provincial, considèrent comme « déviants » certains militants et manifestants. Cette unanimité dans la critique peut encourager les policiers à réprimer ces « déviants » ; les policiers pouvant en déduire qu’ils ne seront pas réprimandés s’ils les répriment, et même qu’ils seront perçus comme des agents sociaux responsables. Pour compléter l’analyse, il convient toutefois d’évaluer la perception que les policiers eux-mêmes ont des manifestants ciblés par leurs arrestations de masse. Il se dégage d’une analyse du discours des policiers (dans les médias et dans leurs cahiers d’opération, par exemple, ou lors de témoignages dans le cadre de procès) qu’ils perçoivent eux aussi ces militants et manifestants comme étant « déviants ».

 

La police pratiquant
la discrimination politique
 [72]

 

L’analyse du discours des policiers révèle une conception partagée entre ceux-ci et les autres entrepreneurs politico-moraux au sujet des manifestants ciblés par des arrestations de masse, communément étiquetés par les policiers comme des anarchistes jeunes, marginaux et violents ou potentiellement violents. Avant le Sommet des Amériques en avril 2001, le directeur général de la Sûreté du Québec, Florent Gagné, déclarait s’inquiéter des « groupes dits d’action directe. Ces groupes violents n’ont pas vraiment d’idéologie. Ce sont des casseurs, des anarchistes [73] » [je souligne]. Au sujet de la marche pacifique du Sommet des peuples lors du Sommet des Amériques, le porte-parole de la police, Robert Poeti, déclare dans les médias que « [c]’était organisée par des gens sérieux, c’était impeccable » [74]. On retrouve dans ces discours l’effet de distinction entre manifestants légitimes et illégitimes (déviants), ces derniers étant exclus du champ de la rationalité politique et associés à une violence pure. S’ajoute à cet étiquetage l’identification à une marginalité culturelle qui s’exprimerait dans des codes esthétiques typés. En général, les manifestants « se ressemblent », « y a un style » : « Y a beaucoup de bottes noires d’armée, de jacquets vert armée là en bas des fesses avec des pantalons verts ou noirs, mais c’est toute le même style […] avec ben des épingles, des kangourous [75] sur la tête donc, heu, c’est homogène », un « style punk » et « un peu marginal [76] » [je souligne]. Le journaliste Charles Côté de La Presse, qui couvrait des manifestations à Ottawa en novembre 2001, note qu’il a pu « constater » que les policiers arrêtaient des individus « parce qu’il[s] portai[en]t des vêtements noirs et un bandeau sur la figure, comme le font souvent les jeunes anarchistes dans les manifestations antimondialisation [77]. » 

Dans la rue, les policiers vont donc chercher des signes de l’anarchie et de la déviance culturelle, comme l’indiquent des policiers lors de témoignages en cour ou encore les notes inscrites dans les cahiers d’opération menant à des arrestations de masse [78]. Une policière, infiltrée dans la manifestation du 15 mars 2002 et témoin à la cour municipale de Montréal, mentionne, par exemple, à plusieurs occasions, qu’elle avait observé sur le parcours de la manifestation des graffitis de « A » cerclés (signe de l’anarchie) [79]. Appelés à témoigner lors de procès collectifs, des policiers expliquent à la cour le sens qu’ils donnent à la présence de drapeaux noirs dans une manifestation. Ainsi, le policier Dominic Monchant, agent dépisteur, dit avoir une expérience de douze à quinze manifestations (pas toujours à titre de dépisteur), et il ajoute, au sujet des drapeaux : « La signification exacte je peux pas vous la donner […] mais de façon assez régulière les gens qui se regroupaient autour de ces drapeaux-là effectuaient des méfaits [80]. » Au sujet de l’arrestation du 26 avril 2002, des policiers justifient devant le juge cette opération en expliquant qu’il y avait dans la foule assemblée « des drapeaux rouges représentant l’anarchie et des gens à problèmes », ce qui annonçait « un potentiel de violence [81] ». Que le drapeau rouge soit celui des communistes et non des anarchistes est ici révélateur à la fois du flou de l’analyse politique des policiers ainsi que de l’analogie que font les policiers entre l’« anarchie », des « gens à problèmes » et une violence potentielle. Dans ce dernier cas, les policiers ont empêché la manifestation de même débuter parce qu’ils ont identifié dans la foule un « noyau dur anarchiste [82] », pour reprendre les propos d’un autre policier témoin au même procès. Les policiers en opération face aux manifestations accordent donc une très grande importance à l’identité politique et culturelle des manifestants, visible selon eux par la présence de drapeaux noirs (et parfois aussi de drapeaux rouges) et par une mode vestimentaire spécifique ; des indices qui leur permettraient d’associer l’ensemble des manifestants à l’idéologie anarchiste et de justifier l’arrestation de masse. Le processus d’étiquetage et d’analyse de la situation est donc le même chez les policiers que chez les autres entrepreneurs politico-moraux : on identifie des manifestants à des « anarchistes » (même s’ils ont des drapeaux rouges…) et donc comme « potentiellement » violents. 

Becker note, comme indiqué précédemment, que les policiers peuvent être encouragés à réprimer des individus étiquetés comme « déviants » si ces derniers n’affichent pas un respect à leur égard. Dans le cadre des manifestations contre la brutalité policière associées à l’altermondialisme par les policiers eux-mêmes [83], des policiers témoignant lors des procès indiquent à plusieurs reprises qu’ils ont entendu des slogans hostiles à l’égard des policiers. Une policière note ainsi au sujet des manifestants qu’« y criaient » et « quand on dit ‘fuck de police’ d’habitude y a de l’agressivité là-dedans [84] ». Elle va aussi avoir recours à l’argument de la montée aux extrêmes, soulignant qu’il y avait une ambiance violente : « Je marchais au milieu d’eux, on sentait qu’il y avait une hostilité […] une hostilité dans l’air comme ambiance [85] », mais « c’est graduel, il y a une évolution dans l’agressivité [86] ». Elle ajoute, émettant un jugement quant à la rationalité des acteurs : « Y avait pas d’ordre, c’était dangereux, n’importe quels hommes ou femmes raisonnables qui auraient été présents là y auraient eu peur [87] » [je souligne]. Un autre policier donne, lors de son témoignage, l’exemple d’un citoyen qui aurait dû, selon lui, avoir peur de la manif, soit « un bon père de famille là qui sort de son travail [88] », effectuant une distinction entre des citoyens « normaux » et raisonnables et les manifestants « déviants ». Les policiers, qui s’instituent clairement comme juge et partie, vont nier toute motivation politique aux manifestants lorsque l’objet de la manifestation est la répression policière elle-même. Ainsi, au sujet de la manifestation contre la brutalité policière du 15 mars 2002 (371 arrestations), le commandant André Durocher la prétend composée de « jeunes marginaux » qui « n’ont qu’un but, c’est faire de la casse [89]. » 

La discrimination fonctionnant sur le mode de la généralisation abusive, il convient bien de parler ici pour au moins deux raisons de discrimination politique pratiquée par les policiers à l’égard des manifestants étiquetés comme « anarchistes » ou « jeunes » et « radicaux », c’est-à-dire comme des « déviants » politiques : 

(1) Ces manifestants seraient tous arrêtés en masse parce qu’ils sont considérés a priori comme « violents », indépendamment de leurs actions réelles. En réalité, plusieurs anarchistes sont des adeptes dogmatiques ou des partisans pragmatiques de la non-violence [90], et divers mouvements sociaux étiquetés comme « modérés » - dont les syndicats - ont parfois recours à la force, sans être soumis au même type de répression policière. Becker notait d’ailleurs que « les actions visant à maintenir l’ordre [et réprimer la déviance] ne suivent pas automatiquement une infraction à la règle. Le déploiement de la force pour imposer le respect d’une règle est sélectif, et cette sélection procède différemment selon les types de personnes, selon les moments dans le temps et les diverses situations [91]. » Il ajoute que « des gens peuvent être étiquetés déviants même si en fait ils n’ont pas transgressé de règle [92] », le même geste pouvant être identifié comme « une infraction quand il est posé par une personne, mais non par une autre [93] ». L’arrestation de masse en marge de la réunion de l’OMC en juillet 2003 à Montréal est tout particulièrement révélatrice de l’attitude discriminatoire des policiers à l’égard de certains manifestants. Les policiers avaient procédé à plus de 200 arrestations, prenant pour cible une foule paisiblement rassemblée dans un terrain vague. Ils vont rapidement découvrir qu’ils ont arrêté Amir Khadir, un médecin et politicien candidat de l’Union des forces progressistes aux élections provinciales, présent à titre de membre de l’équipe médicale militante mise sur pied en prévision de brutalité policière, dont une vingtaine de membres seront arrêtés avec lui. Apparemment conscients qu’ils risquaient un dérapage médiatique, les policiers ont très rapidement relâché Amir Khadir (et son épouse) sans l’accuser, alors que ses camarades de l’équipe médicale également arrêtés seront détenus avec les autres arrêtés et feront tous face à des accusations. Cet évènement est un autre indicateur de la logique binaire et discriminante des policiers à l’égard des manifestants en raison de leur statut sociopolitique. 

(2) Il convient également de parler de discrimination en raison de la généralisation qui gomme toute diversité au sein des manifestations ciblées par les arrestations de masse. L’arrestation de masse est en elle-même discriminatoire, puisqu’elle fonctionne nécessairement par généralisation, associant tous les manifestants à l’anarchisme ou à un certain radicalisme politique indépendamment de leur sentiment d’appartenance ou non à ces idéologies politiques et indépendamment de leurs actes réels ; sont désignés comme « jeunes » et « déviants » un ensemble de manifestants pris dans les coups de filet et qui peuvent être « bien habillés », « pères de famille », « travailleurs respectables », etc. 

La police pratique donc une discrimination à l’égard de ces manifestants, mais il importe de noter qu’elle n’est pas la seule et qu’elle subit une pression à tout le moins informelle de la part d’un vaste ensemble d’entrepreneurs politico-moraux influents. On retrouve donc dans le domaine politique la dynamique décrite par Becker, lorsqu’il explique que l’identificateur de déviance (le rules creator) tend à exiger une grande fermeté contre les déviants de la part des policiers et à les critiquer lorsque ces derniers semblent inaptes à imposer l’ordre et à réprimer les déviants [94]. Cette pression est d’ailleurs évoquée par Richard Saint-Denis, le directeur général adjoint de la Sûreté du Québec, peu avant le Sommet des Amériques de Québec en avril 2001. Il avait été invité par ses homologues à assister aux opérations de contrôle des foules en marge du Sommet de l’Union européenne à Nice en décembre 2000 et il avait confié à un journaliste de La Presse en être revenu avec l’impression que les Niçois avaient fait le reproche aux policiers français de ne pas avoir effectué suffisamment d’arrestations [95]. L’expression publique en faveur d’une police plus répressive contre un mouvement social joue à la fois comme variable indirecte diminuant le statut de légitimité des manifestants et encourageant donc leur répression, et comme variable encourageant directement la répression policière par une demande explicite, ce qui augmente d’autant la probabilité de répression policière et sa légitimité aux yeux des agents sociaux, dont les policiers eux-mêmes. Enfin, en termes de rapports de force politique, l’étiquetage négatif qu’effectuent des porte-parole autoproclamés des mouvements sociaux réformistes [96] laisse prévoir que la répression des manifestants comme « déviants » n’entraînera même à « gauche » qu’au pire un faible ressac de protestation contre les policiers, indiquant à ces derniers que les déviants sont marginalisés, puisque lâchés et même ouvertement critiqués par leurs alliés potentiels qui se révèlent, en fait, être des ennemis qui cherchent par leurs déclarations dénigrantes à les rejeter hors du politique.

 

Conclusion

 

L’analyse proposée tend à démontrer que la répression dont certains manifestants sont la cible s’explique principalement par l’identification de ces citoyens à une déviance en apparence politique, perçue dans les faits comme synonyme d’une déviance sociale, culturelle et psychologique. L’étiquetage de déviance ne fonctionne pas de façon homogène, puisqu’elle ne convainc pas tout le monde de se tenir à distance de ceux qui sont étiquetés comme « déviants ». Lors des manifestations contre le Sommet des Amériques, par exemple, plusieurs résidants de la ville de Québec ont exprimé leur solidarité à l’égard des manifestants « déviants » en les encourageant du haut de leur balcon, et en offrant de l’eau ou un abri à ceux frappés par les gaz lacrymogènes. L’analyse démontre toutefois que cet étiquetage est produit par un ensemble d’agents sociaux influents, ainsi que par les policiers eux-mêmes, ces deux processus se renforçant l’un l’autre. Dans la mesure où cette conclusion est fondée, une seconde conclusion s’impose : il y a au Québec, et surtout à Montréal, une situation de répression policière à caractère politique et discriminatoire, puisqu’elle se justifie par l’image négative associée à des citoyens, indépendamment de leurs actes réels. Une telle pratique policière contrevient à l’éthique libérale, qui exige que les administrateurs de la loi agissent, en principe, de façon neutre à l’égard des citoyens en ce qui a trait à leurs opinions politiques. 

Suite à une intervention musclée (utilisation de poivre de Cayenne) et à trois arrestations contre la marche du 1er mai 2005, le porte-parole du SPVM déclare que « Si des gens considèrent que leurs droits n’ont pas été respectés, il existe des recours [97]. » Force est de constater que la très faible légitimité des groupes ciblés par la répression policière semble réduire l’efficacité des tentatives formelles et légales de mettre un terme à cette tactique d’arrestations de masse. Divers groupes et des individus dénonçant cette tactique, et voulant la prévenir dans des situations futures, ont effectué du lobbying auprès des autorités politiques et ont émis des déclarations publiques, mais en vain et sans que les autorités concernées n’y accordent la moindre importance. En 2001, le quotidien La Presse mentionne une citoyenne qui exige « la formation d’une commission d’enquête pour examiner l’action policière pendant le sommet du G20 », caractérisée par une charge de cavalerie et plusieurs dizaines d’arrestations [98]. Cette citoyenne a été arrêtée, photographiée et détenue pendant 18 heures avant d’être relâchée sans qu’aucune accusation ne soit portée contre elle. Il n’y aura aucune commission d’enquête. En mai 2002, suite aux arrestations de masse du 15 mars et du 26 avril, une représentante de la Ligue des droits et libertés demande en vain devant le Conseil de ville de rencontrer le maire de Montréal (Gérald Tremblay) et qu’une enquête publique soit mise sur pied. Lors de la séance de la Commission de la sécurité publique de la ville de Montréal du 20 mai 2002, plusieurs citoyens, dont des personnes ayant été arrêtées, des représentants de la Ligue des droits et libertés et le représentant du Mouvement action justice (M. Yves Manseau) interpellent les élus et les représentants de la police, encore une fois en vain puisque la même tactique sera employée dans les années suivantes. Des lettres ouvertes sont également publiées dans les quotidiens dénonçant la répression policière et demandant des enquêtes publiques (99). Même lorsqu’un rapport de la GRC propose une enquête interne et la prise de sanctions disciplinaires sur la brutalité pendant le Sommet des Amériques, la recommandation reste sans effet. Au moins trois recours collectifs ont été déposés contre la ville de Montréal en 2005 en rapport avec des arrestations de masse, dans un désir d’obtenir réparation et de créer un rapport de force qui forcerait les policiers à considérer de façon neutre les manifestants qu’ils ont la tâche de surveiller. L’avenir dira si cette avenue juridique mènera à un nouveau rapport de force entre manifestants et policiers, et encouragera ces derniers à agir de façon plus équitable à l’égard de citoyens exprimant leurs opinions politiques en manifestant.


[1]    Je tiens à remercier le Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal (CRÉUM) pour l’aide financière et matérielle octroyée dans le cadre de cette recherche, ainsi que les participants à un séminaire de ce centre où j’ai présenté une première version de ce texte à l’automne 2005, dont les commentaires, suggestions et critiques m’ont aidé à clarifier ma réflexion. Merci également à Olivier Fillieule et aux deux lecteurs anonymes de la revue Les ateliers de l’éthique pour leurs commentaires sur la version précédente de ce texte.

[2]    Garlan, Frédéric [AFP], « Sommet du G8 : Les Huit affirment qu’ils ne se laisseront pas intimider par les casseurs », La Presse, 23 juillet 2001, p. A4.

[3]    H.S. Becker, Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance, New York, Free Press, 1973 (nouvelle édition), p. 163.

[4]    Requérante : Rachel Engler-Stringer.

[5]    Les textes de l’AFP ont été retenus pour deux raisons : (1) parce qu’ils permettent une analyse comparative internationale ; (2) parce qu’une agence de presse constitue un cas limite intéressant, les rédacteurs doivent en principe garder un ton neutre et objectif.

[6]    Au sujet du traitement des manifestations dans les médias, voir Andrea M. Langlois, Mediating Transgressions : The Global Justice Movement and Canadian News Media, Montréal, mémoire de maîtrise, Département de Communication Studies, Université Concordia, 2004.

[7]    Valérie-Anne Mahéo-Le Luel, De la pensée et de l’action : L’engagement de jeunes dans le mouvement anti-altermondialiste au Québec, Montréal, mémoire de maîtrise, Département de science politique, 2006 ; Félix Thériault-Bérubé, Les « Black Blocs » et leur impact sur les autres acteurs du mouvement anti-altermondialiste au Québec : Le cas du Sommet de Québec en 2001, Montréal, mémoire de maîtrise, Département de science politique, 2006.

[8]    Isabelle St-Amand, Penser la ville close : Rue et périmètre de sécurité, Québec 2001, Montréal, mémoire de maîtrise, Université Concordia, 2004.

[9]    Mireille Elchacar, Le vocabulaire de l’antimondialisation dans les quotidiens québécois : Naissance, évolution et fixation d’un vocabulaire sociopolitique, Sainte-Foy, mémoire de maîtrise, Département de linguistique, Université Laval, 2005 ; A. Langlois, Mediating Transgression.

[10]   F. Dupuis-Déri, « Révolte au coeur de l’Empire : Pourquoi ? », Argument, vol. 5, no. 2, 2003.

[11]   Diverses études réalisées récemment par des sociologues et des politologues le confirment. Voir, parmi d’autres, Nathalie Bayon et Jean-Pierre Masse « L’altermondialisme au prisme de l’exceptionnalisme : les effets du 11 septembre 2001 sur le mouvement social européen », Cultures et conflits [source Internet : http ://www.conflits.org] ; Olivier Fillieule, Jean-Pierre Masse, « Fear in the City : Alterations in the doctrine and practice of maintenance of order brought about by the growth of anti-globalization protests », conférence prononcée en Suède au colloque Protest after Seattle, en mai 2004 (version manuscrite diffusée par les auteurs, version finale à paraître).

[12]   Martin Pelchat, « Sommet des Amériques : ‘Québec doit être plus gros que Seattle’ », La Presse, 7 avril 2001, p. B6.

[13]   Selon la police, citée par le New York Times le 4 septembre 2004.

[14]   Voir N. Bayon et J.-P. Masse « L’altermondialisme au prisme de l’exceptionnalisme » ; Rapport de la permanence juridique G8, Violences et abus de la police à Genève durant la période du G8, mai-juin 2003, octobre 2003, 108 pages. Voir aussi le rapport annuel 203 d’Amnesty International.

[15]   Il est impossible d’arriver à un total précis, les sources policières, juridiques et médiatiques ne concordent pas. Les données de la police elle-même ne sont pas toujours convergentes, en raison par exemple de l’inclusion ou non des individus mineurs dans le total des arrêtés.

[16]   Une exception : l’arrestation en septembre 1999 de 270 élèves du secondaire qui protestaient contre la suspension de leurs activités parascolaires.

[17]   Voir Leo Panitch, « Violence as a tool of order and change : The war on terrorism and the anti-globalization movement », Policy Options, 2002 ; O. Fillieule, J.-P. Masse, « Fear in the City » ; N. Bayon et J.-P. Masse, « L’altermondialisme au prisme de l’exceptionnalisme ».

[18]   Témoignage du commandant Alain Tourigny, retranscription sténographique du procès La Reine c. Éric Côté et als. (causes nos. 102 078 334 et als.), cour municipale de Montréal, juge Denis Laliberté, 24 novembre 2003, p. 110 et p. 124.

[19]   Pour des synthèses de cette tradition : John Morrow, « Ch. 12 : Resisting unjust rulers » et « Ch. 14 : Theories of Civil Disobedience and Non-Violent resistance to political authority », J. Morrow, A History of Political Thought : A Thematic Introduction, New York, New York University ; Barbara Goodwin, « Obligation and protest » (ch. 15), B. Goodwin, Using Political Ideas, New York, Wiley, 1987 (4e éd.), p. 349-373.

[20]   Walter Benjamin, « Critique of Violence », W. Benjamin, Reflections : Essays, Aphorisms, Autobiographical Writings (New York-London : Harvest-HBJ Book, 1978), 277-300. Voir aussi : Jacques Derrida, « Force of Law : The ‘Mystical Foundation of Authority’ », Drucilla Cornell, Michel Rosenfeld et David Gray Carlson (dirs.), Deconstruction and the Possibility of Justice, New York-Londres, Routledge, 1992 ; Philippe Braud, « La violence politique : repères et problèmes », Culture et Conflits (source Internet : http ://www.conflits.org) ; J.K. Galbraith, La paix indésirable ?, Paris, Calmann-Lévy, 1968, p. 100.

[21]   Patrick Forget, Sur la manifestation : Le droit et l’action collective, Montréal, Liber, 2005.

[22]   Forget souligne que l’intérêt pour la police de la loi sur l’attroupement illégal telle que formulée « tient justement au fait qu’elle ne dépend pas d’éléments matériels précis susceptibles d’être attribués à chaque accusé. La même preuve sert à la condamnation de tous les membres de l’attroupement » (Sur la manifestation, p. 146).

[23]   P. Forget, Sur la manifestation, p. 160-162.

[24]   P. Forget, Sur la manifestation, p. 160-162.

[25]   J’ai moi-même proposé une analyse du recours à la force par certains manifestants : Francis Dupuis-Déri, « Penser l’action directe des Black Blocs », Politix, 2004, no. 68 et F. Dupuis-Déri, Les Black Blocs : La liberté et l’égalité se manifestent, Montréal, Lux, 2003 (seconde édition augmentée, publiée en 2005 à Lyon par l’Atelier de création libertaire).

[26]   Laura-Julie Perrault, « Le SPVM montré du doigt par un comité de l’ONU : Des experts des droits de la personne s’inquiètent des arrestations massives au cours de manifestations », La Presse, 3 novembre 2005, p. A15.

[27]   Pour plusieurs exemples, voir F. Dupuis-Déri, Les Black Blocs.

[28]   André Durocher tentera confusément de clarifier cet évènement à la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal : « Ce qu’on a dit c’est qu’il y a un individu qui a été arrêté en même temps lors de la manifestation […]. En aucun temps on a dit que la personne nous a dit qu’y’était manifestant. Il a été arrêté là, évidemment la personne ne nous a pas fait de déclaration à l’effet qu’il était manifestant ou pas, il a été arrêté dans le cadre… lors de la manifestation, c’est pas… je vois pas comment je pourrais être plus clair » (retranscription de la séance de la Commission de sécurité publique de la Ville de Montréal du 30 mai 2002).

[29]   À l’automne 2004, alors que les syndicats du Québec se mobilisent contre le gouvernement de Jean Charest, diverses actions de perturbation sont marquées par de la violence de la part des manifestants : au moins trois bureaux de politiciens sont saccagés par des syndiqués, des syndiqués perturbent un colloque à Montréal où la présidente du Conseil du Trésor doit prendre la parole, d’autres forcent l’entrée de l’Hôpital Sainte- Justine, encerclent et bousculent le ministre des finances. Aucune arrestation n’est rapportée suite à ces évènements, malgré une présence policière. Dans le cadre de la grande grève étudiante de l’hiver 2005, les fédérations étudiantes considérées comme « modérées » (la FEQ et la FEUQ) organisent un assaut de l’hôtel où se déroule un Congrès du Parti libéral du Québec, enfoncent la porte et bousculent des gardes du corps et des policiers. S’il y a bien 7 arrestations à cette occasion, ces associations ne seront pas, dans les mois qui suivent, victimes de répression policière, et elles ne seront pas étiquetées comme « déviantes ». Elles seront même invitées à la table de négociation par le ministre de l’éducation qui refusera par ailleurs de négocier avec la CASSÉ, une fédération jugée « radicale » ; un refus justifié par ailleurs par la « violence » de certaines de ces manifestations.

[30]   Pierre Favre, « Nature et statut de la violence dans les manifestations contemporaines », Les Cahiers de la sécurité intérieure, éditions La documentation française, no. 1, avril-juin 1990.

[31]   Isabelle Sommier, « Paradoxes de la contestation : La contribution des services d’ordre syndicaux à la pacification des conflits sociaux », Actes du IIe congrès mondial de l’ASEVICO, Violence et coexistence humaine, vol. IV, Montréal, Montmorency, 1995, p. 333. Voir aussi : Dominique Cardon et Jean-Philippe Heurtin, « Chapitre 3 : “Tenir les rangs”. Les services d’encadrement des manifestations ouvrières (1909-1936) », Pierre Favre (dir.), La manifestation, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1990, p. 123-155 ; Olivier Fillieule, Stratégies de la rue : Les manifestations en France, Paris, Presses de sciences po, 1997, p. 273.

[32]   Karim Benessaieh, « Une manifestation contre la brutalité policière…. Vire au saccage », La Presse, 16 mars 2002, p. A11. Voir aussi Brigitte McCann, « La marche contre la brutalité policière… tourne mal », Journal de Montréal, 16 mars 2002, p. 7.

[33]   J.A. Frank, « La dynamique des manifestations violentes », Revue canadienne de science politique, XVII, 2, juin 1984, p. 349.

[34]   N. Lacey, C. Wells, D. Meure, Reconstructing Criminal Law : Critical Perspectives on Crime and the Criminal Process, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1990 ; M. Lipsky, Protest in City Politics : Rent Strikes, Housing, and the Power of the Poor Chicago, Rand Mac Nally and Company (American Politics Research Series), 1970 ; Carl J. Couch, « Collective behavior : An examination of some stereotypes », Social Problems, vol. 15, no. 3, p1/968, p. 310-322.

[35]   O. Fillieule, Stratégies de la rue, p. 312.

[36]   Voir le chapitre 7 d’O. Fillieule, Stratégies de la rues, p. 305-364 ; Olivier Fillieule et Donatella della Porta « Variations de contextes et contrôle des mouvements collectifs », Olivier Fillieule, Donatella della Porta (dirs.), La police des foules, à paraître, 2006 ; Donatella Della Porta, Herbert Reiter (dirs.), Policing Protest, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1998, p. 24-27.

[37]   I. McClintock et all., « Police et violence collective », M. Szabo (dir.), Police, culture et société, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1974.

[38]   J.A. Frank, « La dynamique des manifestations violentes », p. 326-327 ; voir aussi J.A. Frank, Michael Kelly, « ‘Street politics’ in Canada : An Examination of mediating factors », American Journal of Political Science, vol. 23, no. 3, août 1979, p. 597.

[39]   J.A. Frank, « La dynamique des manifestations violentes », p. 348-349 ; voir aussi J.A. Frank, Michael Kelly, « ‘Street politics’ in Canada », p. 597.

[40]   J.A. Frank, Michael Kelly, « ‘Street politics’ in Canada », p. 608. Voir aussi Gamson, The Strategy of Political Protest, 1975, p. 2 ; Charles Tilly, From mobilization to revolution, chap. 4, p. 111 environ ; Obershall, Social Conflict and Social Movements, 1973, p. 341-342.

[41]   Voir aussi : J.A. Frank, Michael Kelly, « ‘Street politics’ in Canada », p. 609.

[42]   Voir aussi : P. Favre, « Nature et statut de la violence dans les manifestations contemporaines », p. 157.

[43]   Irving Louis Horowtiz et Martin Liebowitz se sont ainsi intéressés aux mobilisations des « nouveaux » mouvements sociaux aux États-Unis dans les années 1960 (« Social deviance and political marginality : Toward a redefinition of the relation between sociology and politics », Social Problems, vol. 15, no. 3, 1968, p. 280-296). Voir aussi : W. R. Gove, « The labelling perspective : an overview », W. R. Gove (dir.), The Labelling of Deviance : Evaluating a perspective. New York-Londons, Sage Publications, 1975 ; P.G. Schervish, « The Labelling perspective : Its bias and potential in the study of political deviance », The American Sociologist, vol. 8, no. 2, 1973 ; Marshall B. Clinard, Sociology of Deviant Behavior, New York, Holt, Rinehart and Winston, inc., 1974 (4e éd.), p. 18.

[44]   Howard S. Becker, Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance, New York, Free Press, 1973 p. 1.

[45]   Voir David Green, The Language of Politics in America : Shaping Political Consciousness from McKinley to Reagan, Ithaca, Cornell University Press, 1987, p. 7 et p. 11-12. Anne-Marie Gingras, politologue spécialisée dans l’analyse des médias, note dans son ouvrage Médias et démocratie que « les personnages publics font usage de symboles, de mythes et de métaphores ; cela éclaire peu sur la substance des choses mais suscite des réactions émotives. Ils travaillent aussi assidûment à étiqueter des mots […], à s’étiqueter eux-mêmes, de même que leurs adversaires » (dans Médias et démocratie : Le grand malentendu, Ste-Foy, Presses de l’Université du Québec, 1999, p. 72).

[46]   H. S. Becker, Outsiders, p. 17. Il ajoute : « le rôle important que le pouvoir joue dans les théories interactionistes de la déviance. Sous quelles circonstances faisons-nous et imposons-nous des règles ex post facto [c’est-à-dire rétroactivement] ? Je pense qu’une recherche empirique montrera que cela survient quand un camp dans une relation est disproportionnellement puissant, au point où il peut imposer sa volonté malgré les objections des autres, tout en désirant maintenir une apparence de justice et de rationalité » (p. 188). Dans la même veine, voir M. B. Clinard, Sociology of Deviant Behavior, p. 22.

[47]   H. S. Becker, Outsiders, p. 156.

[48]   H. S. Becker, Outsiders, p. 156.

[49]   Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne II : Les relations en public, Paris, Minuit, 1973, p. 228-229.

[50]   E. Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne II, p. 228-229.

[51]   H. S. Becker, Outsiders, p. 158-159. Voir aussi : M. B. Clinard, Sociology of Deviant Behavior, p. 358.

[52]   Dans le domaine de l’étude de l’histoire des idées politiques, l’approche dite de l’École de Cambridge, développée dans les années 1970-80, propose aussi de porter une attention particulière à l’utilisation politique que les acteurs font du discours, en particulier des mots qu’ils utilisent comme des armes de combat dans des luttes politiques pour accroître la légitimité des forces politiques dont ils se sentent solidaires ou au contraire réduire celle des forces adverses. Ce qui importe, selon Quentin Skinner, ce sont « les relations entre le langage et le pouvoir. […] Nous employons notre langage pas seulement pour communiquer de l’information mais aussi pour affirmer notre autorité par ce que nous exprimons, pour stimuler des émotions chez nos interlocuteurs, pour créer des frontières d’inclusion et d’exclusion et pour nous engager dans plusieurs autres processus de contrôle social » [je souligne] (Quentin Skinner, Visions of Politics I : Regarding Method, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 2, p. 4-5). Voir aussi : William E. Connolly, The Terms of Political Discourse, Princeton, Princeton University Press, 1993 (3e édition) ; P. Braud, « La violence politique : repères et problèmes ».

[53]   Susan George & Martin Wolf, La Mondialisation libérale, Paris, Bernard Grasset-Les Échos, 2002, p. 159.

[54]   S. George, Un autre monde est possible si…, p. 263. Des propos qui font écho à un rapport de la police suisse, où l’on s’inquiète d’« une folie destructrice, apparemment sans raison et « des actes de vandalisme, sans aucune motivation politique ou idéologique ».

[55]   Q. Skinner, Visions of Politics I, p. 162 et p. 173.

[56]   Voir, parmi tant d’autres : « Manifestation pacifique de plus de 30 000 personnes dans les rues de Québec », 21 avril 2001-AFP (non-signé) ; Pierre Celerier, « Les manifestants contre le FMI jouent au chat et à la souris avec la police », 16 avril 2000-AFP ; Marie-Claude Lortie, « Sommet des Amériques – Soutien aux manifestants : Secouristes, observateurs et avocats sillonnent les lieux », La Presse, 22 avril 2001, p. A5 ; Rima Elkouri, « Squats et bureaucrates », La Presse, 14 août 2002, p. E1 ; « Affrontements entre policiers et manifestants en marge du Sommet de Goeteborg », Le Monde - avec AFP, 15 juin 2001.

[57]   Marcel Belleau, « Sommet de Québec : Une dynamique de confrontation ? », La Presse [section « Opinion »], 23 mars 2001, p. A10.

[58]   Pierre Foglia, « Pour chasser les dernières fumées », La Presse, 26 avril 2001, p. A5. Voir aussi : Lysiane Gagnon, « Un bon Sommet ! », La Presse, 24 avril 2001, p. A17.

[59]   Katia Gagnon et Marie-Claude Lortie, Martin Pelchat, Paul Roy, « Sommet des Amériques – Tous pour la démocratie : La rue vole encore la vedette – Les affrontements reprennent ; 30 000 personnes manifestent dans l’ordre », La Presse, 22 avril 2001, p. A1.

[60]   Cité par AFP, « Le président Bush critique les manifestants contre le Sommet des Amériques », 21 avril 2001 [non-signé]. Voir aussi : Marco Fortier, « Jean Chrétien dénonce la violence : ‘Inacceptable en démocratie’ », Journal de Montréal, 21 avril 2001, p. 6. Pour les propos péjoratifs du premier ministre du Québec, Bernard Landry, voir : « Sommet des Amériques : Plusieurs dizaines de milliers de dollars de dégâts », AFP, 23 avril 2001 [non-signé].

[61]   Presse Canadienne, « La violence d’un ‘très petit groupe’ », Le Journal de Montréal, 21 avril 2001, p. 6. « Ce n’est pas une poignée de gauchistes, mais la majorité de la population qui dénonce les politiques antisociales du gouvernement Charest » [je souligne], déclarait pour sa part Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), dans un discours lors des manifestations contre le Congrès du Parti libéral du Québec à Montréal, en novembre 2004, où la police avait procédé deux jours plus tôt à l’arrestation de près de deux cents manifestants identifiés à l’extrême gauche (Émilie Côté, Raymond Gervais, « Des milliers de personnes de tous les milieux manifestent : Congrès du PLQ », La Presse, 21 novembre 2004, p. A1).

[62]   I. L. Horowitz et M. Liebowitz, « Social deviance and political marginality ».

[63]   Marc Pigeon, « Manif anti-policiers au centre-ville », Journal de Montréal, 16 mars 1998, p. 10.

[64]   Yves Boisvert, « L’anarchie n’est pas un parti », La Presse, 8 mai 2000, p. A5. Voir aussi : Bertrand Desjardins, « Une manif contre la brutalité policière tourne au vinaigre : 10 arrestations », Journal de Montréal, 16 mars 1999, p. 5.

[65]   I. St-Amand, Penser la ville close, p. 53.

[66]   I. St-Amand, Penser la ville close, p. 62.

[67]   Émilie Côté, « Manif contre la brutalité policière », La Presse, 16 mars 2005, p. A4.

[68]   Voir L. Panitch, « Violence as a tool of order and change » ; O. Fillieule, J.-P. Masse, « Fear in the City » (à paraître) ; N. Bayon et J.-P. Masse, « L’altermondialisme au prisme de l’exceptionnalisme ».

[69]   Tim Dunne, « Anarchistes et Al-Qaeda », La Presse, 8 juillet 2005, p. A23. Un autre universitaire (Robert Martyn, professeur d’histoire à l’Université Queen) qui avait participé en 2004 à une recherche pour le ministère de la Justice du Canada affirme que « les factions anarchistes ou nihilistes représentent une source d’incitation au terrorisme plus facilement perceptible » [je souligne] (dans : La loi antiterroriste et ses effets : Point de vue d’universitaires canadiens, Division de la recherche et de la statistique/ministère de la Justice du Canada, 31 mars 2004, p. 55-57).

[70]   Clairandrée Cauchy, « Manifestation à Montréal contre la publication des caricatures du prophète Mahomet : Les imams craignent un dérapage : Les mosquées ouvriront plutôt leurs portes aux autres communautés », Le Devoir, 10 février 2006, p. A3.

[71]   André Duschenes, « Accueil houleux pour les ministres du G8 », La Presse, 27 avril 2002, p. A3.

[72]   Le Service canadien du renseignement de sécurité indiquait avec à propos, dans un rapport rédigé avant le Sommet des Amériques de Québec, en avril 2001 – L’antimondialisation, un phénomène en pleine expansion –, qu’on assistait à une certaine montée du phénomène « anarchiste » dans la foulée du mouvement contre la mondialisation néolibérale : « S’inspirant des anarchistes qui ne juraient que par l’“action directe”, les manifestants de l’an 2000 emploient une foule de nouvelles méthodes qui ajoutent une dimension plus complexe aux activités de protestation » On y apprend aussi que « les activités de protestation n’ont toutefois pas uniquement pour but de dénoncer les pratiques répréhensibles des grandes entreprises […] mais se double d’une critique du capitalisme, des crédos chers aux activistes et aux anarchistes » [je souligne] (source : document du SCRS n° 2000/08. www.csisscrs. gc.fa/miscdocs/200008_f.html ; voir aussi le Rapport public de l’an 2000 [www.csis-scrs.gc.fa/publicrp/pub2000_f.html] ; voir aussi : Presse Canadienne, « Mise en garde du SCRS pour le sommet de Kananaskis », La Presse, 28 avril 2002, p. A3.). Dans le document Le potentiel de violence résidant dans le mouvement antimondialisation produit par l’Office fédéral suisse de la police en 2001, on peut lire : « On peine par ailleurs à comprendre le potentiel de violence dont font actuellement preuve certains jeunes. Souvent, cette violence se manifeste par une folie destructrice, apparemment sans raison, ou par une agressivité extrême à l’égard des personnes. Il en résulte que les évènements publics, de quelque nature qu’ils soient, sont de plus en plus souvent marqués par des actes de vandalisme, sans aucune motivation politique ou idéologique » [je souligne] (Office fédéral de la police, Département fédéral de Justice et Police, Service d’analyse et de prévention, « Le potentiel de violence résidant dans le mouvement antimondialisation », Berne, juillet 2001 [merci à O. Fillieule pour cette référence]).

[73]   « ‘José Bové viendra !’ La police aussi… », Courrier international, 11 avril 2001. Voir aussi : Denis Lessard, « Sommet des Amériques : La police craint les casseurs — “Des groupes préparent des actions précises et spectaculaires », La Presse, 7 avril 2001, p. A12.

[74]   Cité par Christine Courcol et Stéphanie Pertuiset, « Une grande marche pacifique d’un côté, une poignée d’extrémistes de l’autre », AFP, 22 avril 2002.

[75]   Les « kangourous sur la tête » sont des capuchons de chandails dotés d’une poche ventrale, d’où la référence à l’animal.

[76]   Témoignage de la policière Nadia Taha, agente dépisteuse, matricule 4612, retranscription des séances du 3 mai 2004, cour municipale de Montréal, devant le juge Gérard Duguay (référence horaire : Taha 15h21 et suiv.). Cause : 102-06-759 Julia Blais et als. Et retranscription sténographique du procès La Reine c. Sarita Ahooja et als. (causes nos. 102 075 983 et als.), Cour municipale de Montréal, juge Lison Asseraf, 14 juin 2004, p. 88. Nathalie Leduc, agent-enquêteur matricule 2857, note dans son rapport que des manifestants « semblaient appartenir à des groupes de marginaux vêtus de noir ayant des drapeaux noirs » [je souligne]. Nathalie Leduc, fiche de « Rapport complémentaire » au sujet des manifestations contre le Congrès du Parti libéral du Québec, 19 novembre 2004, no. d’évènement 20-041119-037, p. 1. On note aussi dans un cahier d’opération la prise en filature en manifestation d’une « fille avec cheveux verts » (commandant de l’opération Sylvain Brouillette, Évènement : Comité opposé à la brutalité policière, numéro du projet : 20020003, Police de Montréal, p. 4). Voir aussi : le témoignage du sergent-détective Monchamp, matricule 3822, retranscription sténographique du procès La Reine c. Éric Côté et als. (causes nos. 102 078 334 et als.), à la cour municipale de Montréal, juge Denis Laliberté, 24 novembre 2003, p. 16 ; le témoignage du sergent Marc Bérubé, de la GRC (le 5 février 2003) et celui du sergent-détective Destrempes, du SPVM (le 5 mai 2003), dans la cause La Reine c. Sarita Ahooja et als. [causes nos. 100 135 409 et als. ], cour municipale de Montréal.

[77]   Charles Côté, « Denise Veilleux crie à la violation des droits et libertés », La Presse, 24 novembre 2001, p. B8.

[78]   Dans le cahier d’opération traitant d’une manifestation contre la brutalité policière, la présence de « drapeaux noirs » est indiquée (commandant de l’opération Sylvain Brouillette, Évènement : Comité opposé à la brutalité policière, numéro du projet : 20020003, Police de Montréal, p. 4).

[79]   La même policière qui témoigne dans le procès d’autres accusés pour la même arrestation de masse y rediscute des graffitis anarchistes (témoignage de la policière Nadia Taha, agente dépisteuse, matricule 4612, retranscription sténographique du procès La Reine c. Sarita Ahooja et als. [causes nos. 102 075 983 et als.], cour municipale de Montréal, juge Lison Asseraf, 14 juin 2004, p. 114-115), et encore le lendemain (retranscription sténographique du procès La Reine c. Sarita Ahooja et als. [causes nos. 102 075 983 et als.], cour municipale de Montréal, juge Lison Asseraf, 15 juin 2004, p. 59, p. 61). Ce qui fait écho aux propos de son collègue, le constable François Pelbois, qui dit avoir aperçu « deux signes d’anarchie… A comme un signe d’anarchie qu’ils appellent, faites avec ce qui semble être de la peinture (…) c’est comme un ‘A’ avec un rond à l’entour là » (retranscription des séances du 4 [pour la constable Taha] et 5 mai 2004 [constable Pelbois], cour municipale de Montréal, devant le juge Gérard Duguay [référence horaire du 4 mai : Taha 15h17 et suiv. ; deux fois à 15h24 et suiv. ; Pelbois 14h35 et suiv.], cause : 102-06-759 La Reine c. Julia Blais et als. Voir aussi la retranscription des séances du 3 mai 2004, cour municipale de Montréal, devant le juge Gérard Duguay (référence horaire : Taha 15h00 et suiv. ; 15h08 et suiv.).

[80]   Témoignage du policier Dominic Monchant, policier agent dépisteur, matricule 3822, retranscription sténographique du procès La Reine c. Aubin Jordan et als. (causes nos. 102 075 736 et als.), à la cour municipale de Montréal, juge Denis Boisvert, 20 avril 2004, p. 8. Voir aussi : Témoignage du Sergent détective Monchamp, matricule 3822, retranscription sténographique du procès La Reine c. Éric Côté et als. (causes nos. 102 078 334 et als.), cour municipale de Montréal, juge Denis Laliberté, 24 novembre 2003, p. 56. Dans le cahier d’opération de la police de Montréal à propos de la manifestation contre la brutalité policière le 15 mars 2002, la présence de « 150 personnes avec banderoles et drapeau noir » est relevée avant même le départ de la manifestation (commandant de l’opération Sylvain Brouillette, Évènement : Comité opposé à la brutalité policière, numéro du projet : 20020003, Police de Montréal, p. 4. Voir aussi : SPVM, Congrès du Parti libéral du Québec [cahier d’opération de l’évènement], no. de projet 20042935, 19 novembre 2004, entrée no. 218, p. 12). Voir aussi : Stéphane Campeau, matricule 2162 du SPVM, fiche de « Filature de renseignement – Résumé chronologique », au sujet des manifestations contre le Congrès du Parti libéral du Québec, 19 novembre 2004, à 18h40.

[81]   Jugement du 23 septembre 2004 [998-757-115], juge Evasio Massignani, cour Municipale de Montréal, Johanne Allard sténographe officielle, p. 7. Au sujet des « drapeaux noirs », voir aussi le témoignage du policier Dominic Monchant, policier agent dépisteur, matricule 3822, retranscription sténographique du procès La Reine c. Aubin Jordan et als. [cause nos. 102 075 736 et als. ], cour municipale de Montréal, juge Denis Boisvert, 20 avril 2004, p. 8.

[82]   Jugement du 23 septembre 2004 [998-757-115], juge Evasio Massignani, cour Municipale de Montréal, Johanne Allard sténographe officielle, p. 7. Au sujet des « drapeaux noirs », voir aussi le témoignage du policier Dominic Monchant, policier agent dépisteur, matricule 3822, retranscription sténographique du procès La Reine c. Aubin Jordan et als. (cause nos. 102 075 736 et als.), cour municipale de Montréal, juge Denis Boisvert, 20 avril 2004, p. 8 ; et le témoignage du sergent-détective Destrempes, du SPVM (le 5 mai 2003), dans la cause La Reine c. Sarita Ahooja et als. [causes nos. 100 135 409 et als. ], cour municipale de Montréal.

[83]   Brigitte McCann, « La marche contre la brutalité policière… tourne mal », Journal de Montréal, 16 mars 2002, p. 7.

[84]   Retranscription du procès La Reine c. Julia Blais et als. (cause : 102-06-759 et als.), cour municipale de Montréal, juge Gérard Duguay, 3 mai 2004 (référence horaire : témoignage de Taha 14h36 et suiv.).

[85]   Retranscription du procès La Reine c. Julia Blais et als., 3 mai 2004 (référence horaire : témoignage de Taha 12h11 et suiv.).

[86]   Retranscription du procès La Reine c. Julia Blais et als., 3 mai 2004 (référence horaire : témoignage de Taha 14h36 et suiv.).

[87]   Retranscription du procès La Reine c. Julia Blais et als., 3 mai 2004 (référence horaire : témoignage de Taha 15h00 et suiv.).

[88]   Témoignage du Sergent détective Monchamp, matricule 3822, retranscription sténographique du procès La Reine c. Éric Côté et als. (causes nos. 102 078 334 et als.), à la cour municipale de Montréal, juge Denis Laliberté, 24 novembre 2003, p. 76.

[89]   Brigitte McCann, « Manifestation contre la brutalité policière : Plus de 400 jeunes arrêtés », Journal de Montréal, 17 mars 2002, p. 3.

[90]   Pour des discussions sur l’anarchisme, la violence et la non-violence, voir, entre autres, le chapitre 40, « Ends and Means », dans Peter Marshall, Demanding the Impossible : A History of Anarchism, Londres, Fontana Press, 1993, p. 625-638 ; le numéro spécial « Anarchisme, non-violence, quelle synergie ? », de la revue Alternatives non violentes, no. 117, hiver 2000/2001 et le numéro spécial de la revue « Violence, contre violence, non-violence anarchistes », de la revue Réfractions, no. 5, printemps 2000.

[91]   H. S. Becker, Outsiders, p. 133.

[92]   H. S. Becker, Outsiders, p. 9.

[93]   H. S. Becker, Outsiders, p. 14.

[94]   H. S. Becker, Outsiders, p. 162.

[95]   Martin Pelchat, « ‘Ce ne sont pas les grands voiliers…’ : La sécurité coûtera plus de 70 millions », La Presse, 14 avril 2001, p. B2. Au sujet de porte-parole du mouvement altermondialiste exigeant que la police arrête des « anarchistes » à Seattle, voir Moises Noim, « Lori’s War », Foreign Policy, printemps 2000, p. 28 et Timothy Egan, « Talks and Turmoil : The Violence », The New York Times, 2 décembre 1999, p. 1 (sect. A).

[96]   J’ai expliqué ailleurs quel avantage escomptent tirer en termes de gains personnels et organisationnels auprès des institutions officielles les porte-parole autoproclamés du mouvement altermondialiste de cette stratégie de distanciation qui leur permet d’apparaître respectables par effet de contraste (F. Dupuis-Déri, « Penser l’action directe des Black Blocs », p. 89-103 et F. Dupuis-Déri, Les Black Blocs, p. 51-62 [voir p. 91-106 dans la seconde édition]). Voir aussi : P. Braud, « La violence politique : repères et problèmes ».

[97]   Hugo Meunier, Denis Lessard, « La marche du 1er mai tourne au vinaigre : Des manifestants dénoncent la brutalité policière », La Presse, 2 mai 2005, p. A1.

[98]   Charles Côté, « Denise Veilleux crie à la violation des droits et libertés », La Presse, 24 novembre 2001, p. B8.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 17 novembre 2007 18:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref