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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Fernand Dumont, POUR LA CONVERSION DE LA PENSÉE CHRÉTIENNE. (1964)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Fernand Dumont, POUR LA CONVERSION DE LA PENSÉE CHRÉTIENNE. in OEUVRES COMPLÈTES DE FERNAND DUMONT. Tome IV: Études religieuses, pp. 1-145 (145 pp.) Québec: Les Presses de l’Université Laval, 2008, 640 pp. [Édition originale: Fernand Dumont, Pour la conversion de la pensée chrétienne. Montréal: Les Éditions Hurtubise HMH, ltée, 1964. Collection: Constantes.]


[3]

Avant-propos


Cet ouvrage voudrait éclairer quelques-unes des conditions d’un dialogue critique entre la religion et les impératifs de l’histoire présente. Le sujet est immense. On ne trouvera pas ici une étude un peu exhaustive sur la crise religieuse. Il va sans dire que je n’ai pas tenté d’intégrer tous les matériaux que la science contemporaine – la sociologie et l’histoire, en particulier – a déjà accumulés sur ce thème. Il y faudrait un énorme ouvrage où seraient esquissées et confrontées une anthropologie religieuse et une phénoménologie du christianisme. Je ne renonce pas à l’écrire. Mais c’est un projet à long terme. Il ne s’agit pas seulement de collationner des données innombrables, de puiser dans des sciences de l’homme très diverses, de remettre aussi en question, par un long travail critique, les éclairages propres aux disciplines anthropologiques et aux sciences religieuses dans leur état actuel. Il y faut la lente maturation d’un état d’esprit.

Je considère donc ce livre tout au plus comme une préface à un ouvrage plus élaboré. Il ne traite pas tous les problèmes qu’en impliquerait le thème. Ce qui procède d’un choix délibéré. Des centaines de livres et d’articles ont été publiés, ces dernières années, sur ces questions : je pense en avoir lu une bonne partie, mais je n’avais pas l’intention d’écrire un manuel. J’ai voulu poursuivre plus librement mon chemin par une évocation de problèmes typiques qui permettrait d’illustrer une certaine manière d’aborder l’éternelle interrogation religieuse.

Il est vrai que je serais bien embarrassé pour définir cette attitude d’un coup et dans une nette formule. Renan avait senti que, pour parler de la religion, même l’incroyant devait y mettre quelque complicité. J’exclus, en tout cas, le dilettantisme et un certain détachement. Mais je réserve la part de la recherche spirituelle de divers courants de l’athéisme contemporain. Elle nous [4] aura éclairés sur l’aventure religieuse beaucoup mieux que bien de pieuses intentions. Elle nous aura surtout remis en face des exigences de Dieu et de l’allure pitoyable de diverses stratégies chrétiennes envers l’incroyance.

Quant à moi, j’espère que l’on discernera ici le témoignage de ma foi. Il m’était loisible, comme à chacun, de parler abondamment des tares de l’Église ou, à l’inverse, des signes de sa grandeur. Quitte à doser, avec de savantes minuties, les unes et les autres. Survivance raffinée d’une apologétique qui ne me séduit guère.

Avec l’apologétique, bien d’autres choses s’en sont allées. Au sortir de la jeunesse, on ne croit plus au pathos religieux. Une obscure fatigue nous avertit que l’heure viendra bientôt des profondes colères et des fidélités inexorables. On tâche de ramasser les fils divers de son destin avec, déjà, quelque pressentiment de la froideur têtue du vieillard. Chaque jour, l’image de l’Église est brouillée par le masque grimaçant du cléricalisme, la paisible pâleur d’un message où plus rien ne semble subsister des angoisses humaines, la complexité des médiations devenues souvent des dédales et parfois des pièges. Comme beaucoup de chrétiens sans doute, combien de fois me suis-je examiné : l’Église est-elle le lieu nostalgique de nos enfances, la pauvre consolation de nos dérives vers la mort, la dérisoire figure de nos espérances ? Mais jamais je n’ai pu m’arracher la conviction que le Christ habite cette vieille maison. Plusieurs de mes frères m’y ont aidé : je les nommerais si j’avais la simplicité de nos antiques Églises. Misérable du dedans et du dehors, couverte d’oripeaux, faite de blocs solides et de pauvres cailloux branlants, cette maison est à moi et je la reconnais comme mon héritage, pierre par pierre.

Quelle peut être la tâche d’un intellectuel dans la vieille demeure ? Faire des plans, c’est notre vice et notre seul honneur. Il y a des spécialistes, bien sûr. Mais les théologiens sont des casaniers. Le laïc travaille aux champs. On trouvera donc ici des esquisses du dimanche.

Le titre que j’ai mis à ce livre paraîtra très général, excessif même dans l’intention qu’il exprime. Je sais bien que la réflexion religieuse doit se convertir en des directions diverses que je n’ai pas toutes recensées. J’ai voulu considérer la pensée chrétienne à partir de son terreau le plus élémentaire, à travers ses couches successives, celles où s’élaborent les attitudes qui supportent la réflexion. Et j’ai voulu entrevoir, à la fin, les questions qui seraient ainsi posées à une théologie soucieuse de l’expérience qu’elle veut mettre en forme et fonder en Vérité.

Si j’ai rédigé ce bref essai en marge de travaux scientifiques qui ont un tout autre objet, si je m’y suis placé résolument sur le terrain de l’édification de [5] l’Église en notre temps, c’est qu’il n’est possible de croire, d’une foi présente au fil des jours, que si on tâche de préciser la figure de son espérance. À une Église qui ne donne guère l’impression quotidienne de partager les inquiétudes des hommes, aurait-il fallu le crier avec l’impatience qui anime aussi bien ma pauvre foi que mes engagements dans la cité ? Est-ce la lassitude ou l’indéracinable confiance qui m’ont empêché de céder aux coulées spontanées de la sensibilité ? Je voudrais pourtant que, pour le lecteur attentif, ma discrétion ne masque ni mes angoisses, ni ma certitude.



Retour au texte de l'auteur: Fernand Dumont, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le samedi 5 novembre 2011 11:31
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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