RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Fernand DUMONT, “L'éducation: s'interroger à nouveau.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Fernand Dumont et Yves Martin, L'éducation, 25 ans plus tard ! et après ? Actes du colloque tenu à Québec, en novembre 1989, à l'occasion du 25e anniversaire de création du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'Éducation, pp. 11-14. Québec: Institut québécois de recherche sur la culture, 1990, 432 pp. [Autorisation formelle confirmée le 6 février 2006 au téléphone par M. Yves Martin et confirmée par écrit le 7 février 2006 de diffuser la totalité de ses œuvres: articles et livres]

[11]

L'éducation, 25 ans plus tard ! et après ?

Fernand DUMONT

Sociologue, président de l’IQRC

L'éducation :
s'interroger à nouveau
”.

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Fernand Dumont et Yves Martin, L'éducation, 25 ans plus tard ! et après ? Actes du colloque tenu à Québec, en novembre 1989, à l'occasion du 25e anniversaire de création du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'Éducation, pp. 11-14. Québec: Institut québécois de recherche sur la culture, 1990, 432 pp.


Les examens de nos problèmes scolaires n'ont pas manqué. Régulièrement, le Conseil supérieur de l'éducation publie des études et des avis d'une excellente qualité ; leur abondance nuit un peu à leur diffusion dans un large public. Des diagnostics sont davantage à la portée des lecteurs ordinaires : en effet, les journaux traitent périodiquement des résultats des élèves aux épreuves d'évaluation, de la piètre qualité du français, de l'importance de l'informatique, etc. Cela n'est pas suffisant pour que se forme vraiment une opinion publique éclairée quant à la situation de notre système d'éducation. Il en ressort une confusion et un malaise partout répandus.

Pourquoi avons-nous tant de difficulté à faire le point ?

La première cause, à mon sens, réside dans la lourdeur de l'appareil. L'institution scolaire s'embourbe quelque peu. Il ne s'agit pas de mener le procès de telle ou telle instance. C'est la prolifération des instances qu'il faut plutôt mettre en cause, avec les bureaucraties et les corporatismes qui s'ensuivent. Comment, dans un pareil maquis, pourrait-il émerger des diagnostics un peu nets et des décisions qui emportent l'adhésion ? Certes, ce piétinement de l'institution scolaire [12] ne lui est pas exclusif. Nos grandes institutions sont devenues de grosses machines, pataudes, embarrassées dans les problèmes de gestion. Cet empêchement a succédé à la fièvre des années 1960.

Par ailleurs, notre système d'éducation est mal articulé. Le niveau primaire est cohérent. Mais qu'en est-il du secondaire, où le flottement se perçoit déjà ? Quant au statut de l'enseignement collégial, je n'ai pas de mérite à répéter ce qu'on dit un peu partout, y compris au Conseil des collèges : on ne sait trop quelle est la vocation des cégeps. Les liens avec l'Université se sont établis selon des mécanismes officieux, dans certains cas ; ils n'existent pas, dans d'autres.

Pour parvenir à un diagnostic d'ensemble, une nouvelle commission Parent ne suffirait pas à la tâche. L'évaluation doit être continue. Or il est patent que nous ne disposons pas de dispositifs permanents d'évaluation. Au niveau secondaire, les élèves sont soumis à des examens publics ; en tire-t-on des conclusions pertinentes ? Au niveau des collèges et des universités, rien ne nous permet de mesurer l'efficacité du système, la qualité des enseignements, la pertinence des programmes. Les Conseils de l'éducation, des collèges, des universités formulent des recommandations ; ils sont dépourvus des pouvoirs qui engageraient à donner suite. À cet égard, l'exemple de l'Ontario nous serait utile à considérer.

Pour évaluer, on doit disposer de critères. Il n'est pas certain que, dans les établissements scolaires comme dans l'opinion publique, ces critères puissent faire consensus. Les critères impliquent une élucidation des objectifs à poursuivre, un éclairage sur les finalités de l'éducation scolaire dans la société d'aujourd'hui. Là-dessus, un débat public est nécessaire. Car c'est là que se trouve l'essentiel : qu'est-ce que notre société peut exiger de l'éducation scolaire ? Et, en conséquence, qu'est-ce qu'elle ne doit pas en attendre comme panacée à ses insuffisances ou comme aliment pour ses utopies ?

On demande beaucoup au système d'enseignement : de doter les jeunes d'une solide culture, à commencer par leur apprendre à parler et à écrire ; d'assumer les défis de la technologie et d'assurer la formation professionnelle ; quand ce n'est pas de revenir à la formation dite fondamentale. Au gré des modes, on veut y introduire un peu d'économique ou un peu d'écologie, poursuivant l'idéal d'un encyclopédisme qui est le fléau de l'école et qui n'a d'égal que son contraire, [13] la spécialisation prématurée. Au fait, nous ne savons plus guère où se trouvent l'originalité et la limite de la culture scolaire.

L'acquisition des savoirs n'a jamais été le privilège des établissements scolaires. L'enfant sait déjà beaucoup de choses avant d'entrer à l'école ; il en apprendra bien d'autres en marge de l'école. La scolarisation a toujours été à l'écart de la culture et des savoirs autrement diffusés ; il suffit pour s'en convaincre de songera la formalisation des niveaux et des programmes, aux examens et aux diplômes. Le processus scolaire suppose fermeture par rapport aux autres apprentissages. Cette fermeture est difficile à maintenir à une époque où les médias, une cohésion plus grande qu'auparavant de la culture de la jeune génération lui font sérieuse concurrence. Ces phénomènes nouveaux ne doivent pas cependant nous faire oublier les difficultés anciennes ; un fils de paysan ou d'ouvrier qui parvenait jadis au seuil de l'école avait, lui aussi, à franchir une difficile barrière. Et l'une des raisons qui expliquent, encore aujourd'hui, l'exclusion scolaire de beaucoup de jeunes dépend de la même barrière : une frontière culturelle, davantage qu'un empêchement d'ordre économique.

Obstacle, il y a donc. Aujourd'hui comme hier, entrer dans le monde scolaire, c'est pénétrer dans un autre univers. La question est de savoir, et pour maintenant, comment aménager cet univers afin que la migration soit possible et ait pertinence pour ceux qui la subissent ou l'assument. D'où l'importance des objectifs. Il n'y a pas, pour l'étudiant, de scolarisation sans projet ; c'est vrai pour l'élève du primaire comme pour l'étudiant universitaire. C'est vrai également pour le jeune qui a quitté l'école trop tôt et que l'on veut remettre sur la voie du savoir. Ce projet, que chacun entretient à sa manière autour de son propre cheminement, on doit pouvoir en percevoir quelque correspondance dans le système lui-même. Autrement, aux projets des étudiants, nous ne saurions opposer que la cafétéria des connaissances.

L'enseignement est-il seulement un vaste marché où se mêlent les produits des techniques ? Sert-il uniquement à pourvoir d'instruments fonctionnels les mécanismes économiques et autres ? Faudrait-il se borner à y ajouter une teinture de culture dite gratuite, pour faire effet de vitrine, comme c'est trop souvent le cas pour les cours obligatoires de littérature ou de philosophie dans les collèges ?

[14]

Bien entendu, nous devons transmettre aux jeunes les savoirs nécessaires pour qu'ils s'insèrent dans la division sociale du travail. On n'y arrivera pas en procédant en toute hâte à une plus grande dispersion des programmes. Il n'est pas question non plus de tenter un illusoire ajustement automatique au marché de l'emploi. Pour un jeune, l'acquisition d'un savoir scolaire, l'appartenance à l'école relèvent d'un contexte plus large où sa participation à la société est en cause. L'école est davantage qu'une machine distributrice de programmes. Voilà ce qui devrait être une préoccupation capitale.

Il en est une autre, qui ne lui est étrangère qu'en apparence. Dans un monde où les canaux de diffusion de la culture se sont multipliés, qu'advient-il des éducateurs ? Notre société accorde beaucoup de valeur à la scolarisation, mais peu d'importance à ceux qui y travaillent. Il y a là une contradiction étonnante. Veiller à la conservation du savoir dans une collectivité, en transmettre l'héritage : cette responsabilité ne mérite-t-elle pas la plus grande considération et le plus profond respect ? L'évaluation de l'enseignement, dont je plaidais la nécessité plus avant, est l'envers de cette autre tâche : la revalorisation de l'enseignant. Les questions de structure et de gestion devraient lui être subordonnées dans une authentique échelle des valeurs.

Mais je ne voulais pas, dans ces propos liminaires, empiéter sur les réflexions de nos collaborateurs, je me suis borné à indiquer les perspectives que nous avons adoptées, Yves Martin et moi, en préparant le programme du colloque dont les travaux sont ici réunis.


Retour au texte de l'auteur: Fernand Dumont, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le lundi 18 août 2014 9:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref