Questions de culture no 5

Sommaire

ANCIENS ET NOUVEAUX QUÉBÉCOIS ?

Mutations de la société rurale et problèmes d'identité collective au XXe siècle

Gérard Bouchard

Le thème de l'identité est à la mode au Québec et, depuis une douzaine d'années, on parle volontiers ici et là des "nouveaux Québécois". Ce texte croit trouver dans les mutations qui ont secoué les régions du Québec à partir de la décennie 1920-1930 un ressort essentiel de la Révolution tranquille et des révisions qu'elle a suscitées dans les structures sociales comme dans la conscience collective. Les contradictions apparues dans les mécanismes de la reproduction sociale étaient porteuses de ruptures à long terme et elles annonçaient le déchirement d'un vieux cadre socio-culturel devenu anachronique. Ces ruptures ont fait place à des pratiques populaires de réappropriation symbolique dans lesquelles les Québécois ont cherché à retrouver le discours vrai de leurs expériences collectives passées: quête à la fois libératrice et déroutante, dans la mesure où les figures qui en ont émergé révèlent les fondements précaires et les racines ambiguës auxquelles s'alimente la culture des nouveaux Québécois. Confuse, l'identité "réjuvénée" est déjà confrontée au problème de ses lendemains car, comme l'ancienne, elle prend appui sur une marginalité et une dépendance.

RIMOUSKI ET LE BAS-SAINT-LAURENT

Identité culturelle et développement régional

Guy Massicotte

Rimouski est un des lieux privilégiés de l'histoire du Bas-Saint-Laurent. Son évolution est fortement intégrée à celle de la région. Tout d'abord au service du mouvement de colonisation avec ses composantes agraires et rurales d'une part et forestière de l'autre, elle s'est nourrie de ces fonctions jusqu'à la crise de l'économie agro-forestière et la fin du mouvement de colonisation. Elle devient alors un des lieux de l'émergence [16] d'une volonté régionale de prise en charge de sa destinée, qui se concrétise dans divers projets de développement, notamment l'aménagement intégré des ressources agro-forestières, le développement industriel axé sur la PME, la planification globale du développement régional. Ces projets alimentent la culture socio-politique de la région depuis les années quarante, avec toutes les ambiguïtés d'un régionalisme issu du milieu et s'intégrant par ailleurs très bien dans le projet national québécois ou canadien.

ENCADREMENT SOCIAL ET MUTATION DE LA CULTURE RELIGIEUSE EN MAURICIE, 1850-1900

René Hardy et Jean Roy

Notre analyse des rapports annuels des curés des paroisses du diocèse de Trois-Rivières a permis de démontrer que la pratique pascale et l'observance du jeûne et de l'abstinence alimentaire se sont considérablement redressées au cours de la seconde moitié du XIX^e siècle, au point qu'on observe vers 1900 une conformité à peu près parfaite entre le prescrit du clergé et le vécu des fidèles. Cette mutation de la culture religieuse s'est opérée au cours de la brève période de 1870 à 1885. Nous nous interrogeons ici sur les formes d'encadrement social et religieux qui ont pu concourir à un tel succès de l'action pastorale et qui rendent compte en même temps de l'importance de la décennie de 1870 dans ce processus d'acculturation. En scrutant l'évolution de l'effectif du clergé paroissial, la fondation des confréries et des associations de piété, l'implantation des écoles modèles et académiques et l'établissement des communautés religieuses enseignantes dans les paroisses, nous avons pu montrer que dans trois de ces quatre secteurs, le dernier quart du XIXe siècle fut particulièrement fécond. Nous pouvions alors conclure que le redressement des pratiques religieuses étudiées trouvait là une de ses explications majeures.

L'OUTAOUAIS: UNE CULTURE EN MUTATION

Bilan et avenues de recherche en histoire culturelle

Pierre-Louis Lapointe

La région de l'Outaouais, c'est-à-dire la rive nord de la rivière des Outaouais, d'Argenteuil jusqu'aux confins du Vieux-Témiscamingue, est une zone frontalière qui se sent tiraillée par son appartenance au Québec et à la vallée de l'Outaouais et par le faisceau de liens étroits qui unit son sort à celui de la rive ontarienne. L'histoire de l'Outaouais québécois ne peut pas s'écrire sans tenir compte de ce contexte excessivement important. Le texte qui suit tente de définir l'Outaouais et de cerner sa personnalité en effectuant un bilan des écrits et de la recherche en histoire [17] culturelle. Il en ressort un portrait fort diversifié de cette région, dont l'évolution culturelle est marquée par la frontière, la rivière, le pluralisme culturel et religieux, la complémentarité des secteurs agricole et forestier, la dépossession et le dépeuplement de l'arrière-pays ainsi que le passage d'une culture de “cols bleus” à une culture de “cols blancs".

QUELQUES AVENUES EN HISTOIRE CULTURELLE DES CANTONS DE L'EST

Guy Laperrière

L'étude de la culture des Cantons de l'Est doit se situer dans le contexte plus global de la présence de différents groupes ethniques et des structures économiques de la région. L'influence américaine y a été forte, mais ne s'identifie pas avec la culture loyaliste, qui ne représente que quelques noyaux très localisés. La culture ouvrière (mines, pâtes et papier, forêt) est un champ neuf à analyser plus en profondeur. Ces différents coups de sonde montrent que les études sur la culture au Québec seront plus fructueuses si elles sont menées, sur une base comparative, à partir de certains thèmes fondamentaux (groupes ethniques, milieux de vie, occupations) que selon les découpages régionaux.

UNE PROBLÉMATIQUE DE CULTURE URBAINE

Montréal (1820-1920)

Yvan Lamonde

L'article qui suit propose un modèle d'analyse de la culture urbaine à partir du cas montréalais sur une période d'un siècle. La recherche du “spécifiquement urbain” dans cette culture a conduit à l'identification de cinq facteurs essentiels: la population ou le nombre, l'espace, le système de production économique, le temps et les intervenants sociaux. Ces cinq paramètres structurent des formes et un vécu culturels spécifiques à la ville.

L'ETHNOGRAPHIE AU QUÉBEC

Bilan critique d'une période (1970-1980)

Paul-Louis Martin

Après avoir rappelé les origines de l'ethnographie québécoise et les travaux des précurseurs, l'auteur tente d'expliquer les causes de l'augmentation phénoménale des recherches en culture matérielle entre 1970 et 1980. Liées à la redécouverte de l'identité nationale, ces recherches, [18] pour la plupart commandées par les pouvoirs publics, ont connu sinon subi les inconvénients propres à une discipline en plein développement, aux traditions jeunes et ouvertes sur plusieurs horizons de la connaissance. Suit un bilan critique de la production de cette décennie présentant par champs de recherche (cueillette et alimentation, architecture et urbanisme, mobilier et décoration, artisanats, culture orale, etc.) les travaux marquants et les avenues porteuses d'intérêt nouveau. L'auteur propose enfin une hypothèse et une périodisation des changements culturels survenus entre 1760 et 1930 à partir de la lecture du cadre matériel connu de la vie des populations rurales et urbaines.