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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Fernand Dumont et Jean-Charles Falardeau, “Pour la recherche sociographique au Canada français.” Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 1, no 1, 1960, pp. 3-5. [Avec l’autorisation formelle accordée le 8 janvier 2004 par la directrice de la revue Recherches sociographiques, Mme Andrée Fortin, professeure de sociologie à l’Université Laval].

[3]

Fernand Dumont et Jean-Charles Falardeau

sociologues, Université Laval

Pour la recherche sociographique
au Canada français
.”

Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 1, no 1, 1960, pp. 3-5.


Au seuil de ce premier fascicule des "Recherches sociographiques", nous voudrions définir brièvement les objectifs que nous poursuivons. Ces propos liminaires ne constituent aucunement un manifeste ; ils visent simplement à dégager la signification que nous donnons à notre tentative.

Cette revue sera principalement consacrée à l'étude de notre société. Elle publiera aussi, pour fins comparatives, des études sur d'autres milieux qui, sous un rapport on un autre, peuvent être mis en parallèle avec le nôtre. Cela ne constitue pas un plaidoyer implicite pour l'empirisme radical. Nous savons que la science ne commence pas nécessairement pat la description des phénomènes. Pour que la sociologie demeure véritablement une science, même quand elle étudie la société à laquelle le sociologue appartient, il faut qu'elle vise aussi à des élaborations théoriques. Le Département de Sociologie de Laval, en prenant l'initiative dé publier les "Recherches sociographiques", ne veut pas cesser d'accorder une grande importance à la théorie sociologique. L'étude de notre milieu n'épuise pas les intentions des chercheurs qui constituent l'équipe de notre revue. On lira, dans d'autres publications, canadiennes ou étrangères, leurs travaux plus théoriques. Souhaitons aussi, incidemment, que le projet d'une revue théorique consacrée aux sciences humaines formulé il y a déjà quelque temps au sein de 1'Association canadienne-française pour l'Avancement des sciences — puisse bientôt devenir une réalité. Notre propos est, ici, beaucoup plus limité.

On 1'a répété cent fois : notre société est peu connue. Pour une large part, nous en sommes encore au niveau des vastes représentations idéologiques concurrentes. On parle souvent du "Canadien français", de l’"Ouvrier", du "Capitaliste", comme s'il s'agissait là de groupements homogènes et bien connus. Bien sûr, 1'analyse sociologique doit s'exercer à ce plan : c'est une excellente façon d'aborder une société que d'analyser les vastes représentations idéologiques qu'elle s'est données, au risque de s'enfermer dans des adhésions ou des thèmes stéréotypés. Dans cette publication, nous ne ferons pas écho à ces légitimes combats.

[4]

Notre société, les "Recherches sociographiques" voudraient la considérer, pour ainsi dire, au ras du soi. C'est pourquoi on trouvera ici des monographies très empiriques. Certains articles seront même d'un caractère exclusivement descriptif : nous les livrerons comme d'utiles matériaux. Nous ferons large place à l'histoire. La sociologie, répétons-le, n'a jamais été "la science du présent" mais celle des sociétés.

La publication de ces monographies sera complétée par une chronique régulière sur les sources diverses d'une sociographie du Canada français et des notes (que nous voudrions abondantes) sur des recherches en cours, des réunions scientifiques intéressant notre propos, etc. Pour les recensions critiques, nous retiendrons surtout les livres et les articles portant sur notre milieu. Nous voudrions même publier, à 1'occasion, des articles plus théoriques sur les implications de l'analyse d'un milieu donné. L'équipe de la revue espère aussi organiser, de temps en temps, des sessions de travail sur les problèmes posés par la description sociographique. Nous ne prétendons pas ainsi nous ériger en juge des efforts qui se font, de bien des côtés, pour étudier notre société ; nous voudrions simplement, tout en y participant, en donner une image d' ensemble et apporter ainsi une information utile aux chercheurs de diverses disciplines.

Ce travail serait impossible si le Département de Sociologie de Laval n'avait réussi à s'assurer la collaboration étroite des collègues de la Faculté des Sciences sociales de Québec, du Centre de recherches de cette même Faculté, du groupe de recherche animé par Arthur Tremblay à l'Ecole de Pédagogie, du Centre de recherches en sociologie religieuse de 1'Université Laval. Nous tâcherons, par tous les moyens, d'élargir encore le cercle de nos collaborateurs. Dès maintenant, nous faisons appel à la bonne volonté de tous ceux qui sont intéressés par notre tentative. Il est juste, enfin, de souligner l'intérêt qu'a pris l'Université Laval à nos cahiers en assumant la charge financière et administrative qu'ils comportent.

Nous n'oublierons pas que nous ne sommes pas des pionniers. Que, par exemple, à l'Université Laval, il existe déjà des revues scientifiques de mérite et de haute qualité, dont les préoccupations confinent aux nôtres. Nous saluons les Archives de Folklore et les Cahiers de Géographie comme des aînés et comme des entreprises-soeurs avec lesquelles nous comptons entretenir des rapports intimes, provoquer des dialogues, assurer une intégration harmonieuse. Pour la même raison, dans toutes les occasions où nos préoccupations rejoindront les leurs, nous serons attentifs aux revues professionnelles du Service Social et des Relations Industrielles. Nous ambitionnerons de rivaliser avec des revues déjà renommées, de Montréal ou d'Ottawa, dont l'expérience nous indique des routes à suivre : La Revue d'Histoire de l'Amérique Française, 1'Actualité Économique, la Revue de Géographie de l'Université de Montréal, les Contributions à l'Étude des Sciences de l'Homme, Anthropologica. Chacune de ces revues, à sa façon, a exploré des domaines inédits. C'est leur mérite d'avoir circonscrit, inventorié, exploité des champs inexplorés. Ce sera notre responsabilité soit d'aborder la reconnaissance d'autres champs encore inconnus, soit de creuser dès champs connus à des niveaux différents.

[5]

Nous n'oublierons surtout pas les chercheurs, récents ou plus anciens, qui nous ont précédés. Il faudra bien un jour écrire l'histoire des recherches sociales au Canada français — une histoire qui fut sporadique, avec des arrêts et des rebondissements, mais sous laquelle on retrouve une tradition tenace dont nous voulons continuer à nous inspirer. Quand nous pensons à cette tradition, nous évoquons surtout un état d'esprit. Nous évoquons l'état d'esprit qui fut celui d'un Léon Gérin, d'un Errol Bouchette, d'un Edmond de Nevers. Ils furent les premiers à se poser dès questions au sujet de notre société, à poser des questions à notre société. Leurs interrogations allèrent au-delà des jugements établis, des opinions courantes, des interprétations apologétiques ou purement lyriques. Ce souci de réalisme et d'objectivité fut, après eux, oublié pendant un long temps. Marius Barbeau prit la relève en abordant le champ des enquêtes folkloriques et ethnographiques. Ce furent, assez longtemps encore après, les premiers travaux géographiques, puis les premières tentatives d'enquêtes collectives d'où est sortie la collection d'études sur Notre Milieu de Esdras Minville. Avec l'Institut de Psychologie de Montréal et la Faculté des Sciences sociales de Québec, la recherche commence à s'institutionnaliser. Aiguillonnées par les travaux de Blanchard, de Miner, de Everett Hughes, les premières équipes de spécialistes "professionnels" des sciences de l'homme sont alertées par les transformations d'une société dont les structures traditionnelles sont heurtées par l'industrialisation et l'urbanisation. Ces transformations deviennent des problèmes â étudier et conditionnent les méthodes et l'organisation de la recherche. Nous en sommes à ce stade où toute recherche d'importance est, quasi inévitablement, travail d'équipe associant des spécialistes appartenant â des disciplines diverses. Or, dans cette tâche commune, il nous semble que la sociologie a une responsabilité irrécusable. Vu que, par essence, la sociologie, avant d'être interprétation d'une société, est conscience d'une société, c'est des interrogations posées par les sociologues que la recherche sociale, quelle qu'elle soit, dérivera sa signification et son importance.

Nos cahiers seront axés sur la recherche. Nous pensons cependant qu'ils ne seront pas sans intérêt pour ceux qui les liront avec des préoccupations d'action. Ils apporteront des matériaux précieux, nous semble-t-il, aussi bien pour une pastorale qui voudrait se renouveler au contact des complexes des réalités humaines que pour une politique qui deviendrait soucieuse des nuances. Nous publierons d'ailleurs, à l'occasion, des notes de sociologie appliquée.

Un dernier mot. On nous a déjà qualifiés d’"internationalistes", en ce sens que nous ne serions pas suffisamment enracinés dans notre milieu. Nous n'en discuterons pas ici. Rappelons simplement que les longs contacts avec les hommes, leurs problèmes, leurs misères qui accompagnent nécessairement la recherche monographique du sociologue, sont un apprentissage valable d'une authentique fraternité avec l'homme d'ici. Cette solidarité qui tantôt prend le visage de l'amour et tantôt celui de la colère, nous ne tenterons jamais d'en cerner le visage dans ces cahiers. Mais il fallait dire, une fois seulement, qu'elle est inséparable de nos travaux.

Fernand DUMONT
Jean-Charles FALARDEAU


Retour au texte de l'auteur: Fernand Dumont, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le dimanche 30 juin 2019 18:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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