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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ Le sens de la théorie et la théorie du sens ” (1982)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Alfred Dumais, “ Le sens de la théorie et la théorie du sens ”. Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 14, no 2, octobre 1982, pp. 67 à 76. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal. [M Dumais est sociologue et enseigne au département de sociologie de l’Université Laval. M. Dumais nous a autorisé à diffuser cet article le 6 août 2004.]

Introduction

Il est courant en philosophie des sciences d'affirmer que le sens de la théorie est univoque. On la définit alors comme une instance spécifique du processus de recherche, comme celle qui se présente sous la forme d'un système hypothético-déductif de propositions. Que le contenu de ce système soit constamment modifiable, qu'il soit même fragile et éphémère au risque, comme disait Poincaré, d'accumuler ruines sur ruines, cela, on le concède (1). Mais à la condition que la nature du contenant ne soit en rien changée. Cette conception rigide de la théorie a étonné beaucoup de monde, Horkheimer, en particulier, qui l'a dépeinte sous les traits de la théorie traditionnelle. «Dans la mesure, écrit-il, où le concept de théorie est posé comme un absolu, comme s'il était fondé dans une essence propre de la connaissance ou de quelque autre façon en dehors de l'histoire, il se mue en une catégorie idéologique réifiée (2).» De là à faire de la théorie un instrument, aussi distinct que les autres dans le cours de la recherche, il n'y a qu'un pas qu'ont franchi d'ailleurs les logiciens du Cercle de Vienne en déclarant: «La théorie n'est rien d'autre qu'un outil ou un instrument servant à prédire (3).» Cette prise de position laisse entrevoir quelle conception on se fait et de la démarche théorique et du statut du théoricien. C'est encore Popper qui en a donné l'image la plus saisissante. «Les théories, dit-il, sont des filets destinés à capturer ce que nous appelons «le monde»; à le rendre rationnel, l'expliquer et le maîtriser. Nous nous efforçons de resserrer de plus en plus les mailles (4).»

Et pourtant, ce n'est certainement pas aux historiens de la philosophie ou aux sociologues de la connaissance qu'on peut reprocher d'avoir ignoré la diversité des sens qu'a prise la théorie au cours des âges. Au début du siècle, Pareto faisait entrer dans les dérivations ou éléments variables les théories susceptibles de rendre compte des résidus ou éléments constants (5). On doit ajouter du reste qu'en Occident la forme de pensée théorique, qu'a suscitée la science moderne, restreignait considérablement la conception élargie que se faisait de la théorie la Grèce ancienne, par exemple. Aussi soupçonne-t-on aisément que la réflexion d'Aristote sur les principes premiers, la critique de Hume sur la causalité ou même le discours de Descartes sur la méthode ne sauraient parvenir à des réponses semblables à la question théorique par excellence: Pourquoi les choses se passent-elles ainsi et pas autrement? On est donc amené à reconnaître l'existence de traditions théoriques différentes et à ne pas voir la théorie sous une couleur principale dont les autres teintes ne seraient que du dégradé.

Mais, si l'on veut découvrir, en sociologie, le sens de la théorie, comment faudrait-il poser le débat? N'y aurait-il pas lieu d'examiner davantage l'activité même du théoricien, qui demeure une conduite humaine comme une autre, avec ses finalités, sa structure et son dynamisme? Il faudrait partir alors du fait que la théorie, c'est une forme de vie. Et, dans le cas du sociologue, théoriser, c'est se demander ce que la société signifie pour lui. C'est en même temps chercher à savoir comment le théoricien produit ses activités, c'est-à-dire à quelles règles du jeu il souscrit, lorsqu'il se met à discourir sur la société. C'est dans ce contexte qu'on verra peut-être comment la théorie du sens vient transformer le sens de la théorie. Il ne pourra s'agir, bien sûr, que d'une esquisse, que d'une tentative de dégager quelques points de repères, anciens autant que modernes, qui à la fois récapitulent une très vaste tradition et entretiennent encore les tensions du théoricien dans la conduite de ses activités. Théoriser, serait-ce simplement contempler ou abstraire? C'est, en tout cas, au moins depuis Weber, tout autant expliquer que comprendre. Et encore là, on n'aura pas tout dit de cette activité qui, dans ses visées les plus générales et même utopiques, n'est pas insensible à l'action, étant elle-même insérée au cœur de l'action.


Notes:

(1) Henri Poincaré, la Science et l'hypothèse, Paris, Flammarion, 1968, p. 173.
(2) Max Horkheimer, Théorie traditionnelle et théorie critique, Paris, Gallimard, 1974, p. 22.
(3) Karl Popper, la Logique de la découverte scientifique, Paris, Payot, 1978, p. 57.
(4) Ibid.
(5) Vilfredo Pareto, Traité de sociologie générale, Paris, Droz, 1968, pp. 785-1305. [Livre disponible, en version intégrale dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]


Retour au texte de l'auteur: Alfred Dumais, sociologue, Université Laval. Dernière mise à jour de cette page le samedi 20 janvier 2007 7:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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