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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jules Duchastel, “La citoyenneté multiculturelle comme stratégie politique au Canada.” Notes de la Conférence publique prononcée par l'auteur dans le cadre du Seminario Internacional Ciudadania, sociedad civil y participación política, Universidad de Buenos Aires, 2 septembre 2005, 16 pp. Montréal: Chaire de recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie. [Autorisation accordée par l'auteur le 5 janvier 2005 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

Jules Duchastel

sociologue, professeur de sociologie, UQAM

La citoyenneté multiculturelle
comme stratégie politique
au Canada
.”

Notes de la Conférence publique prononcée par l'auteur dans le cadre du Seminario Internacional Ciudadania, sociedad civil y participación política, Universidad de Buenos Aires, 2 septembre 2005, 16 pp. Montréal : Chaire de recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie.



A. Trois perspectives pour comprendre la citoyenneté
B. Qu'est-ce que la citoyenneté multiculturelle ?
C. Comment expliquer les transformations de la citoyenneté
D. Le cas canadien
Conclusion
Bibliographie


Il est fini le temps des « deux solitudes » qui a trop longtemps défini notre approche de ce pays. L'étroitesse du « chacun pour soi » n'a plus sa place dans le monde actuel qui exige que nous apprenions à voir au-delà de nos blessures et de nos différends pour le bien de l'ensemble. Bien au contraire, nous devons briser le spectre de toutes les solitudes et instaurer un pacte de solidarité entre tous les citoyens qui composent le Canada d'aujourd'hui. Michaëlle Jean, Gouverneure générale du Canada (2005)


La citoyenneté multiculturelle est encore une autre manière de nommer un phénomène à la fois de reviviscence et de complexification de la citoyenneté. On parle également de citoyenneté identitaire, culturelle, particulariste ou incorporée (Bourque et al, 1999, Beauchemin, 2004). En fait, qualifier ainsi la citoyenneté, c'est vouloir signifier une étape supplémentaire dans la complexification d'une notion qui depuis le 18e siècle n'a cessé d'élargir sa portée, de la citoyenneté fondée sur les libertés civiles et politiques à la citoyenneté reconnaissant les droits sociaux et culturels.

Le multiculturalisme est une manière de désigner la diversité qui caractérise nos sociétés, mais il est aussi une stratégie du pouvoir visant à gérer les différences inhérentes à une société complexe. On peut donc regarder le multiculturalisme comme une description relativement adéquate de la réalité contemporaine, on peut aussi le saisir comme tentative de réinstitutionnalisation de la société politique.

Je procéderai en quatre temps. D'abord, j'indiquerai sommairement trois perspectives permettant  de saisir la citoyenneté et montrerai que chacune est questionnée par l'accroissement de la diversité. Ensuite, je présenterai trois manières de répondre à la question : qu'est-ce que la citoyenneté multiculturelle ? Je tenterai, par la suite, de fournir quelques explications permettant de comprendre les transformations de la citoyenneté. Enfin, j'aborderai le cas canadien afin de montrer que le multiculturalisme a été une stratégie de contournement politique de la crise d'identité canadienne, mais qu'il est devenu le socle incontournable de cette même identité.


A. Trois perspectives
pour comprendre la citoyenneté

Je ne parlerai pas ici de la citoyenneté en tant que statut juridique, bien que ce premier sens soit primordial, l'absence de statut rendant caduque pour l'individu les droits et les privilèges attachés à la citoyenneté. Je veux plutôt parler des dimensions fondamentales de la citoyenneté une fois celle-ci acquise. Bien que dans la littérature on ait tendance à séparer ces trois dimensions, je crois qu'elles doivent être considérées simultanément. Il s'agit des droits de l'homme, de la démocratie et de l'identité. D'une certaine manière, on pourrait reprendre le développement de la citoyenneté tel que présenté par T.H. Marshall (1950) pour comprendre chacune de ces perspectives [1]. La manière la plus courante de penser la citoyenneté, c'est à travers l'existence des droits de l'homme à portée universelle. Le citoyen est le sujet moderne jouissant de la pleine autonomie, libre et égal aux autres sujets. Mais ce sujet est aussi un sujet politique. Il est au fondement de la légitimité du système démocratique. Le citoyen n'est pas uniquement porteur de libertés, il est porteur de droits et de devoirs de participations à la chose publique. Enfin, le citoyen ne peut participer politiquement qu'à condition d'appartenir à une communauté politique, de s'identifier à cette communauté. Ainsi, se décline une série de droits : les droits et les libertés civiles produisant le sujet autonome ; les droits politiques produisant le sujet politique ; les droits sociaux accroissant le sentiment d'appartenance de l'ensemble des sujets à la communauté nationale.

L'ensemble de ces droits a une portée universelle, c'est-à-dire qu'ils sont accordés de manière équivalente à tout individu ayant la qualité de citoyen [2].  Les droits sociaux, définis au moment de la formation de l'État providence, introduisent certes une modification importante dans la logique des droits universaux - par le caractère plus ou moins ciblé de leur application et la nature « collective » de leur définition - mais ils restent dans les limites de la citoyenneté universelle. L'ensemble des citoyens sont exposés à une série de risques sociaux (chômage, maladie, invalidité, etc.) qui sont pris en charge par des politiques universelles. Que la matérialisation de ces risques se manifeste principalement dans certaines couches sociales ou certains secteurs de la société n'empêche pas l'idée d'une couverture universelle.

Si l'on accepte de caractériser la citoyenneté en relation avec le développement des diverses catégories de droits, on peut identifier trois types de citoyenneté : la citoyenneté civile, la citoyenneté politique et la citoyenneté sociale. La citoyenneté multiculturelle émergerait alors dans le sillage du développement d'une nouvelle catégorie de droits culturels. Ces derniers chambardent le dispositif initial de la citoyenneté, fondé sur l'existence des droits de l'homme, sur le sujet démocratique et sur l'acteur collectif transcendé dans la communauté politique (le peuple ou la nation). Les droits culturels quittent le terrain de l'universel vers celui du particulier. Les droits culturels s'adressent à des catégories particulières de personnes, celles qui appartiennent à des groupes diversifiés. L'émergence de ces droits accompagne les transformations profondes de la logique des institutions politiques. Leur prise en charge s'effectuera de plus en plus en dehors de la délibération démocratique, pour se réfugier dans un double processus de juridicisation des conduites (Chevalier, 2004) et de judicia risation des rapports sociaux (Mandel, 1996). La production des normes est déplacée de l'espace législatif vers l'espace techno-juridique et la résolution des conflits du Parlement au Tribunal. Les droits culturels auront un effet tout aussi déterminant sur la pratique démocratique elle-même. La diversité des identités rend difficile une représentation unitaire de la communauté politique et, en conséquence, sa légitimité démocratique, fondée sur le modèle de représentation est contestée par un autre modèle de légitimité appelant à une plus grande participation démocratique des diverses parties prenantes (Duchastel, 2004). Le multiculturalisme favorise ainsi la prise en charge différenciée de la diversité, tout en compromettant la saisie de l'unité de la société.


B. Qu'est-ce que la citoyenneté
multiculturelle ?

Il y a trois façons de répondre à la question de savoir ce qu'est la citoyenneté multiculturelle : typologique, théorique et politique. L'approche typologique renvoie à la description des formes que peut prendre le multiculturalisme. On trouve chez Kymlicka (1995) et chez Kymlicka et Norman (2000) une double typologie des manifestations du multiculturalisme et des droits qui y sont rattachés. La première forme de multiculturalisme renvoie à la coexistence plus ou moins pacifique de plusieurs nations dans un même État et au droit inhérent à une forme quelconque d'autonomie gouvernementale. La seconde forme concerne les minorités en provenance de l'immigration et du droit à la reconnaissance, à la non-discrimination et à l'action positive. Enfin, une troisième forme réfère à un ensemble de groupes catégoriels sui generis fondés sur la religion le genre, le handicap, etc. et les droits de non-discrimination et de représentation spéciale qu'y sont rattachés. Cette classification des différentes formes que peut prendre la diversité et des droits qui peuvent en découler nous amène à poser deux nouvelles questions. Peut-on confondre ces diverses formes et, sinon, comment les distinguer ? Par ailleurs, quels sont, non seulement les divers droits mis en œuvre par chacune des formes de la diversité, mais quelle est la différence de nature entre ces droits ? Kymlicka (1995) nous indique que la co-présence de plusieurs nations dans un même État ne peut être comparée à la diversité des groupes d'immigrants, pas plus qu'elle ne devrait être mise en relation avec la multiplication des groupes catégoriels. Chaque forme de la diversité appelle donc des droits différents. L'autonomie gouvernementale ne saurait être au même niveau que la politique de reconnaissance des identités culturelles ou que la politique de non-discrimination catégorielle. Si le multiculturalisme est une stratégie de gestion de la diversité, il me semble qu'il représente mieux les différences d'ordre ethnique, culturel ou même biologique que celles qui caractérisent les identités nationales. L'identité nationale peut difficilement se négocier dans le cadre du multiculturalisme. Kymlicka suggère d'ailleurs de distinguer le caractère multiculturel d'un pays de son caractère plurinational. Cette première approche descriptive du multiculturalisme nous permettra plus loin de comprendre les enjeux d'une stratégie multiculturaliste au Canada.

Il est possible de proposer une réponse plus théorique à la question de la définition de la citoyenneté multiculturelle, du moins sur le plan sociologique. Reprenant les trois perspectives déjà définies pour saisir la citoyenneté - celle des droits de l'homme, de la démocratie et de l'identité -, je tenterai d'apporter des éléments de compréhension de l'émergence progressive de la citoyenneté multiculturelle. Cette dernière manifeste une transformation de la nature des droits du citoyen. Il est possible de saisir cette transformation à travers trois mouvements. Le premier, déjà mentionné plus haut, concerne le passage de l'universel au particulier. Il ne s'agit pas de croire à une époque où les droits auraient eu une portée universelle pour se pervertir avec le temps en droits particuliers. Ce qu'il faut saisir, c'est que les droits universels ont toujours été théoriques.

Dans la pratique, les droits universels, ne se sont appliqués qu'à des catégories particulières d'acteurs sociaux. Leur définition dans des termes universels a cependant comporté un potentiel émancipatoire. Ce que l'on nomme la particularisation des droits, c'est aussi l'universalisation des catégories d'acteurs sociaux pouvant bénéficier des droits citoyens. On est face à un paradoxe qui prescrit que l'expansion des catégories de personnes et l'approfondissement des catégories de droits, au nom de l'universalité, conduit vers des droits pouvant comporter des restrictions catégorielles.

Une seconde transformation de la nature du droit citoyen s'effectue dans le passage du caractère parfaitement individuel des droits du citoyen au caractère collectif que peuvent prendre certains d'entre eux. Les droits sociaux représentent l'amorce de ce passage à des droits définis collectivement [3]. On doit cependant distinguer les situations où les droits sont réellement collectifs, s'adressant à des sujets collectifs (par exemple, le droit à l'autodétermination des peuples) et les situations où ils sont indirectement collectifs, étant attribués à des individus appartenant à certains groupes (par exemple, les droits linguistiques ou culturels). C'est en ce second sens que les droits se fragmentent en autant de catégories qu'il existe de collectifs d'appartenance.

Le troisième passage se produit du sujet politique au sujet moral. L'ensemble des mouvements identifiés jusqu'à présent a tendance à transformer la nature du sujet. Le citoyen défini comme sujet politique tend à s'effacer devant un sujet moral qui négocie sur la base des droits qui lui sont dévolus. C'est la nature démocratique de la citoyenneté qui est mise en péril par la prise en charge juridique des revendications de droits. Ce triple passage du sujet universel au sujet particulier, du sujet individuel au sujet collectif et du sujet politique au sujet moral aura des incidences profondes sur les institutions et les pratiques démocratiques. La citoyenneté multiculturelle contribuera, en effet, à la crise de la démocratie de deux manières. La première manifestation de cette crise se réalise dans le déplacement de la résolution des conflits, des assemblées délibératives vers les tribunaux. Par définition, les droits minoritaires sont mieux défendus par les juges que par les majorités parlementaires. La seconde manifestation se loge au sein même de la pratique démocratique. Les citoyens multiculturels, insatisfaits du modèle de la démocratie représentative,  plaident pour une meilleure représentativité des divers intérêts et une participation plus réelle de l'ensemble des groupes dans la délibération (Angus).

Si la citoyenneté multiculturelle induit des transformations de la nature des droits citoyens et de la pratique démocratique, elle entraîne également une redéfinition de l'identité collective. Que devient la nature de la communauté politique ? Comment combiner la diversité sous ses diverses formes (nationale, ethnique ou catégorielle) avec le principe d'une communauté politique unifiée ? La citoyenneté multiculturelle met au défi la définition traditionnelle de l'unité nationale. Il ne faut cependant pas croire que cette unité théorique défendue comme modèle à suivre - par exemple, dans l'idéologie républicaine française - ait été matérialisée dans l'ensemble des États nations. Au contraire, il existe depuis toujours, et en très grand nombre, des formes institutionnelles tel le fédéralisme qui ont fait place à l'expression de la diversité. Ce qui est nouveau, c'est le nombre grandissant des revendications de reconnaissance en provenance de différentes catégories d'ayants droit que l'on peut qualifier, à la suite de Tully (1999), d'« étrange multiplicité ».

Un troisième type de définition de la citoyenneté multiculturelle est de nature politique. Il s'agit ici de comprendre la citoyenneté multiculturelle comme manifestation de l'activité politique. D'un côté, on peut dire que ce type de citoyenneté est le résultat d'un long processus de politisation étendue de l'ensemble des rapports d'inégalité. La portée universelle des droits fonde l'action politique de tous les groupes sujets à des formes d'oppression ou de discrimination. La citoyenneté multiculturelle apparaît alors comme le résultat de ce long processus de luttes sociales et politiques. A contrario, la citoyenneté multiculturelle peut aussi apparaître comme le résultat d'une stratégie politique visant à juguler la diversité. Kymiicka et Norman (2000) identifient plusieurs politiques susceptibles de répondre au problème de la diversité, visant soit son élimination, soit sa prise en charge. Le premier groupe de politiques va du génocide, au transfert de populations, à la sécession et à l'assimilation. Le second groupe comprend le contrôle hégémonique, l'autonomie territoriale ou non territoriale et l'intégration multiculturelle. Le Canada a choisi cette dernière solution, ce qui, comme nous le verrons en dernière partie, n'est pas sans poser de problème pour les autres formes de revendications fondées sur la diversité nationale.


C. Comment expliquer les transformations
de la citoyenneté

Jusqu'à présent, j'ai considéré les transformations de la citoyenneté à partir de sa propre logique, en tant qu'elle est reliée à la problématique des droits de l'homme, de la démocratie et de l'identité. Peut-on expliquer ces mêmes transformations à partir de facteurs externes ? J'en considérerai trois : la fragmentation/diversification des sociétés, les effets de la mondialisation, le changement des régimes étatiques et internationaux.

Assiste-t-on aujourd'hui à un accroissement de la diversité ou, plus simplement, à une plus grande prise en compte du phénomène ? Le premier exemple est l'importance grandissante de l'immigration. Tout comme pour ce qui est de la mondialisation, on ne peut pas dire que les phénomènes migratoires sont nouveaux, comme en témoigne l'histoire de nos pays respectifs, l'Argentine et le Canada. Il est indéniable cependant que l'immigration croissante depuis la deuxième guerre mondiale a pu modifier l'équilibre des populations d'origine diverse. D'une part, la moitié de l'immigration dans le monde (Kymlicka, 1995) se concentre dans les trois pays qui ont adopté des politiques multiculturelles : les États-Unis, l'Australie et le Canada. D'autre part, alors qu'en 1941, 16% de la population Canadienne était d'une autre provenance que française et britannique, elle est composée aujourd'hui de plus ou moins de 50% d'immigrés d'autre provenance [4]. Cette diversité a joué, comme nous le verrons dans le cas canadien, en faveur des politiques multiculturelles. Mais on peut affirmer que l'ensemble des pays sont aux prises avec les problèmes du pluralisme culturel généré par les mouvements de population importants [5] et qu'ils sont conduits à adopter des politiques pour en tenir compte.

La mondialisation, en plus d'intensifier les flux migratoires, a aussi le double effet d'homogénéiser certaines pratiques économiques, politiques et culturelles et d'encourager simultanément la diversification des mêmes pratiques et la fragmentation des identités (Bourque et Duchastel, 1996). La mondialisation accroît, selon Appaduraï (1996), un ensemble de flux, migratoires, médiatiques, idéologiques, technologiques, et financiers. Ces flux entrent en tension les uns avec les autres et encouragent un double mouvement contradictoire d'homogénéisation et d'hétérogénéisation des pratiques. Ainsi, dans la société de l'information, on constate un accroissement des demandes de reconnaissance d'un ensemble de groupes différents. Un bon exemple est certainement la multiplication des pratiques diasporiques qui témoignent à la fois d'un décloisonnement des identités et de leur renforcement concurrent.

Un troisième facteur s'inscrit dans cette double problématique de la fragmentation et de la mondialisation. Il s'agit de la transformation des modalités de la régulation autant au plan national qu'international. Ces transformations vont modifier la conception des catégories du politique : la nation, la citoyenneté, la démocratie. Le premier phénomène est celui de la multiplication des lieux de la régulation. Mondialisation oblige, un ensemble de normes et de règles à propos d'un grand nombre d'activités économiques, sociales, culturelles, sont désormais définies en dehors du cadre étatique. On peut ainsi parler d'une certaine désétatisation de la régulation (Mockle, 2002). Les nouveaux lieux peuvent aussi bien être infra-étatique, paraétatiques ou supra-étatiques. Ils peuvent être de nature publique, mixte ou même privée, comme l'Internet nous en donne l'exemple. Un tel contexte ébranle l'édifice de la modernité politique qui conçoit l'État comme le détenteur de la souveraineté et du pouvoir exclusif d'exercer la violence. Il met en cause également la légitimité démocratique qui fondait ce pouvoir absolu. Aujourd'hui, il y a plusieurs catégories d'acteurs qui sont convoqués dans l'arène où se décident les règles devant s'appliquer à un grand nombre d'activités de production, d'échange, de circulation et de consommation. On peut saisir ce phénomène en montrant que le modèle de gouvernement est doublé par un nouveau modèle de gouvernance. Alors que le modèle de gouvernement met en relation l'État, la nation et le citoyen sur la base d'un principe de légitimité de représentation démocratique, le modèle de gouvernance met en rapport l'État et les grandes organisations internationales avec le secteur privé et la société civile.

Le citoyen universel est remplacé par les « parties prenantes ». À un modèle construit autour des liens civils, civique et social, on substitue un modèle des intérêts particuliers (Duchastel, 2004).

J'ai déjà indiqué que la logique intrinsèque des sociétés tend à déplacer la résolution des conflits en direction du tribunal. Cette régulation de nature techno-juridique est propre aux nouveaux lieux de la régulation et se concilie assez bien avec le modèle de gouvernance. Mais ce qu'il faut souligner, c'est que la demande sociale contribue également au renforcement de ce modèle. La démocratie n'est pas uniquement tirée vers le bas par un modèle de régulation alternatif. Elle est en crise intrinsèquement du point de vue même de sa légitimité. Un ensemble de phénomènes - centralisation du pouvoir au niveau de l'exécutif, affaiblissement du corps législatif, renforcement de l'appareil juridique - rend relativement caduque le modèle de la représentation démocratique, de telle sorte que les mouvements sociaux demandent plus de participation, plus de représentativité, plus de délibération. C'est ainsi que convergent les intérêts des minorités culturelles et les   nouvelles modalités de la décision politique.


D. Le cas Canadien

Le terme « multiculturalisme » comporte une grande part d'ambiguïté. Au sens propre, il renvoie à la reconnaissance d'une multiplicité de cultures. On aurait ainsi une mise à plat de toutes les cultures, chacune valant l'autre. Mais on a vu que Kymlicka (1995) distingue au moins trois catégories de groupes et de droits culturels : le droit à l'autonomie gouvernementale pour les nations sans État ; le droit de non-discrimination et d'action positive pour les groupes ethno-culturels en provenance de l'immigration ; enfin le droit de représentation spéciale pour les groupes catégoriels. La question est de savoir si la politique canadienne du multiculturalisme distingue ou confond tous ces niveaux.

Sur le plan officiel, la politique du multiculturalisme au Canada est récente [6]. Elle fut introduite en 1971 et ne prit forme de loi qu'au début des années quatre-vingt-dix. Pour comprendre cette innovation politique, il faut remonter loin derrière dans l'histoire canadienne. La problématique des droits minoritaires et du multiculturalisme répond aux défis soulevés par la diversité. J'ai montré comment cette diversité a tendance à s'accroître et surtout qu'elle est de plus en plus prise en compte par les gouvernements. Au Canada, la diversité est présente dès le début de la confédération en 1867. Les autorités auraient souhaité une constitution unitaire sous forme d'Union législative, mais le caractère diversifié des colonies britanniques les en ont empêché. La confédération canadienne, qui est en fait une fédération, a été pensée pour tenir compte du caractère distinct des nationalités présentes sur le territoire - le Canada français et le Canada anglais - et des particularités régionales des différentes colonies. La confédération est fondée, dès le départ, sur un double principe de diversité, nationale et régionale. Au même moment, les peuples autochtones ne sont pas reconnus, malgré les traités qui les avaient pourtant tacitement considérés comme des nations, mais considérés comme des mineurs assujettis à la « loi sur les indiens de 1876 » qui a remplacé « L'Acte de civilisation progressive des tribus sauvages dans les deux Canadas » de 1857 (Tully, 1999).

À cette diversité inscrite au sein même de la constitution de 1867 s'est ajouté l'inachèvement de l'État national. Le Canada n'a pas été pleinement indépendant avant le moment du rapatriement de la constitution résidant jusqu'à 1982 à Londres. Le Canada n'a gagné que progressivement sa pleine autonomie. L'autonomie en matière internationale sera obtenue en 1931 par le statut de Westminster, la citoyenneté canadienne ne verra le jour qu'en 1946, la cessation des appels de dernière instance au Conseil privé de Londres ne surviendra qu'en 1949. Deux conséquences ont découlé de cette situation. L'histoire canadienne est caractérisée par la négociation perpétuelle au sein des conférences fédérale-provinciales sur le partage des pouvoirs et des juridictions, avec l'objectif ultime le rapatriement de la constitution.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que le Canada ait souffert d'une crise d'identité nationale. Je ne peux ici refaire l'histoire de cette crise. Mais disons qu'elle peut être divisée en trois grandes périodes. De la confédération de 1867 à la seconde guerre mondiale, il n'y a pas à proprement parler d'identité canadienne. Cette période s'est caractérisée par l'affrontement de deux identités concurrentes qui recouvrent l'ensemble du Canada, même si l'une d'entre elle est plus fortement concentrée dans la province de Québec. D'un côté, il y a la « race » canadienne française et catholique, de l'autre, la « race » anglo-saxonne et protestante. Soit, l'on se réfère à l'Empire Britannique, soit, on se rapporte à la tradition française, fondée sur la langue et la religion catholique. C'est dans ce contexte que s'est formé la représentation des deux peuples fondateurs.

Ce n'est qu'à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale qu'une identité proprement canadienne se met en place sous le couvert de la citoyenneté sociale, dans le sillage du développement de l'État providence. À cette identité stato-civique s'oppose au Québec une identité ethno-culturelle jusqu'aux années soixante au cours desquelles le Québec développera sa propre identité nationale. À compter de ce moment, s'affronteront deux identités nationales concurrentielles : l'une fondée sur la citoyenneté sociale au Canada ; l'autre sur l'existence d'un peuple nation au Québec. C'est à partir de la fin des années soixante que les identités respectives du Canada hors-Québec et du Québec vont se complexifier pour tenir compte du pluralisme culturel.

J'ai affirmé en introduction que le multiculturalisme canadien peut être vu comme une stratégie pour juguler les revendications politiques de nature identitaire. La question identitaire avait jusque là mis aux prises les deux identités « nationales » du Canada anglais et du Canada français. Les choses vont se compliquer énormément au cours des années soixante. Un certain nombre d'initiatives du gouvernement fédéral vont faire exploser les revendications identitaires. La première fut la création, au cours des années soixante, d'une commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme qui recommandera une politique de bilinguisme officiel, mais également, au grand dam du Québec, une politique du multiculturalisme en lieu et place d'une politique du biculturalisme. D'un Canada comportant deux traditions linguistiques et culturelles, on passe à un Canada bilingue mais multiculturel. Malgré les apparences, ces deux politiques vont dans le même sens. Le bilinguisme officiel transforme la question nationale des canadiens français en question purement linguistique. Les Canadiens de langue française acquièrent ou consolident un droit particulier [7] partout au Canada, mais ils perdent le caractère culturel et historique de leur identité nationale canadienne française [8]. Quant à l'ensemble des Canadiens, ils acquièrent des droits visant à protéger leur culture d'origine, chacune d'entre elles devant être traitée sur un pied d'égalité.

Une seconde initiative fédérale survient en 1969 avec un projet de loi sur les Indiens qui vise à accorder la  pleine citoyenneté aux autochtones en retour d'une renonciation à leurs droits ancestraux, inscrits dans les traités (Weaver, 1981). Cela déclanchera leur colère et contribuera à leur mobilisation autour de revendications pour la reconnaissance de leurs droits ancestraux, particulièrement le droit à l'autodétermination. En lieu et place d'une assimilation dans une citoyenneté indifférenciée, surgiront de nouvelles demandes de reconnaissance d'un groupe particulier, mais dont le fondement est national.

Une troisième initiative se traduit par une politique d'appui à un ensemble de groupes sociaux - communautaires, féministes, écologistes, etc.- afin de leur permettre de faire valoir leurs revendications particulières. Pal (1993) explique, par exemple, que la force du mouvement féministe au Canada ne peut se comprendre sans considérer l'apport considérable du secrétariat d'état canadien (Pal, 1993) au développement de leurs organisations. C'est dire que les politiques mêmes du gouvernement contribue au renforcement des revendications des nouveaux mouvements sociaux. Toutes ces initiatives convergeront dans la multiplication des demandes en provenance de groupes définis par la culture, le genre, le handicap ou l'orientation sexuelle.

L'ensemble des revendications des groupes définis comme ayants droit ont abouti dans la négociation ultime pour le rapatriement de la constitution en 1982 à l'enchâssement de la charte des droits et libertés accordant à ces groupes un ensemble de droits particuliers. Le résultat net de ce processus fut :

1. La reconnaissance de droits linguistiques pour les citoyens appartenant aux deux communautés linguistiques ;

2. la reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones ;

3. la reconnaissance des droits culturels;

4. la reconnaissance du droit à la non discrimination pour un ensemble de catégories sociales ;

5. mais, par contre, la  non reconnaissance de toute spécificité nationale pour le Québec.

On peut dire que la politique multiculturelle canadienne a répondu aux revendications des groupes ethno-culturels et catégoriels, mais que partiellement aux revendications nationales, positivement pour les autochtones, négativement pour les québécois. C'est pourquoi au Québec, on a perçu la politique du multiculturalisme comme une supercherie. Paradoxalement, le Québec subissant le même type d'influence que le reste du Canada, a dû développer une politique répondant aux problèmes de la diversité et du pluralisme culturel. Le Québec avait précédé le gouvernement fédéral en adoptant une charte des droits et libertés dès 1975 et a également adopté une politique des communautés culturelles. Cette dernière veut se distinguer par son objectif d'intégration des communautés culturelles à la société québécoise, mais elle n'en développe pas moins les mêmes protections que la politique canadienne.


Conclusion

En conclusion, on peut dire que le Canada et le Québec ont tous deux adopté une approche multiculturaliste. Cette approche est commandée par les transformations intrinsèques et extrinsèques que j'ai identifiées dans la première partie de mon texte. Cependant, on peut dire que leur stratégie identitaire nationale n'est pas tout à fait la même. Alors qu'au Canada on a tendance à substituer au principe de la citoyenneté sociale celui de la citoyenneté multiculturelle, au Québec on tente de construire une identité proprement nationale - c'est-à-dire une identité fondée sur l'existence d'une nation - mais qui sait tenir compte du pluralisme culturel. Au Canada, l'identité nationale a toujours été problématique, confrontée à la fois à l'identité québécoise et à l'identité américaine. Ce qui a fait la force de l'identité canadienne, ce fut jusqu'aux années soixante-dix l'existence d'une citoyenneté donnant droit à un régime de protection sociale. Bien que toujours là, cette identité tend à substituer au principe de solidarité le principe de diversité et du partage de valeurs communes [9]. On pourra s'interroger longuement, comme le fait Kymlicka (2004), sur le caractère insuffisant de tels principes. La diversité peut-elle vraiment suffire à fonder l'identité nationale canadienne ?

Au Québec, malgré l'autonomie politique relative prévue dans la constitution canadienne, un sentiment d'aliénation subsiste par rapport à la non-reconnaissance de son identité nationale. Cela ne l'empêche pas d'avoir développé sa propre version d'une politique multiculturaliste sous la forme d'une politique des communautés culturelles, ce qui

laisserait croire que, quelque soit l'approche retenue pour gérer le pluralisme culturel, aucune société ne peut faire abstraction de la citoyenneté multiculturelle ? Paradoxe certes, car le multiculturalisme au Canada qui a servi d'instrument stratégique pour contrer la conception binationale que certains, surtout au Québec, entretenaient de l'identité canadienne a fini par s'imposer comme nouvelle modalité de prise en charge de la diversité jusqu'à en faire le nouveau socle de l'identité canadienne.


Bibliographie

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Marshall,  T.H.,   (1950).  Citizenship  and social Class and Other Essays, Cambridge, University Press.365 p.

Mockel, D. (2002). « Gouverner sans le droit ? Mutation des normes et nouveaux modes de régulation. » Les cahiers du droit, 43, 2, 143-210.

Pal, L. A. (1993).   Interests of State, The Politics of Language, Multiculturalism, and Feminism in Canada, McGill-Queen's University Press, 330p.

Taylor, C. (1992). Multiculturalisme, Différence et démocratie. Paris, Aubier, 142 p.

Tully,  J.  (1999).  Une étrange multiplicité, Le constitutionnalisme à une époque de diversité, Québec, Presses de l'Université Laval, 342 p.

*  *  *



[1] T. H. Marshall, dans sa célèbre conférence, présente le développement de la citoyenneté selon trois étapes. Les droits civils et les libertés fondamentales se développent dans l'Angleterre du 18e siècle. Les droits politiques s'établissent au cours du 19e siècle, suite aux révolutions démocratiques française et américaine. Enfin, les droits sociaux émergent au 20e siècle dans le contexte du développement de l'État providence. Pour Marshall, cette séquence n'est pas historiquement nécessaire, mais représente son évolution dans le contexte des sociétés occidentales.

[2] Le problème devient celui de l'attribution de cette qualité de citoyen qui a été loin d'être universelle au moment où ces droits universaux étaient institués.

[3] Marshall (1950) utilise l'expression de citoyenneté industrielle pour désigner le droit de négocier une convention collective au nom d'un ensemble de salariés. Ce droit n'est plus défini pour l'individu, mais pour le sujet collectif que représentent les travailleurs.

[4] L'estimation du pourcentage de personnes appartenant aux diverses origines ethniques est de plus en plus difficile à établir. L'évolution du questionnaire de statistique Canada contribue fortement à brouiller les chiffres. De 1921 à 1971, on peut établir assez clairement la proportion des populations d'origine Britannique ou Française. En 1921, elles représentent respectivement 55,4% et 27,9% du total alors qu'en 1971, elles sont respectivement 44,6% et 27,9% du total. Cela suppose que les populations d'origine autre passent de 16,7% à 26,7% (Li, 2000). Une source fédérale http://www.caa.ca/cjbswew/1996/fid editof.htm) établit la population d'origine britannique à 28% et la population d'origine française à 23 % en 1991. Cependant, 18% de la population est composée d'individus d'origine mixte, britannique et française, ou britannique ou française avec une autre origine ethnique. Il devient encore plus difficile d'estimer les proportions à partir du recensement de 1996 où on introduit la catégorie « origine canadienne » (39,4% des répondants) et où on permet de se réclamer de plusieurs origines simultanément. Plus aucun chiffre n'est comparable, ce qui est peut-être le but recherché. Ainsi, les personnes se réclamant d'origine française ne représentent plus que 20,2% en 2001, ce qui sous-estime largement la proportion de la population d'origine française.

[5] Au delà de l'immigration légale, il existe un mouvement important des populations qui migrent illégalement du Sud vers le Nord. La Commission mondiale sur les migrations internationales (CMMI) estime qu'environ 10,000 personnes entrent illégalement dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla chaque année. On observe également un flux massif d'immigrants illégaux à la frontière du Mexique et des États Unis. Au total, le CMMI estime que 2,5 à 4 millions de personnes franchissent les frontières internationales illégalement chaque année. En outre, elle estime à 200 millions le nombre de personnes vivant ailleurs que dans leur pays d'origine, ce qui représente 3% de la population globale, 7,7% de la population européenne et 12.9% de la population américaine. (Desrosiers, 2005)

[6] On pourra se référer à Bourque et Duchastel (1996 et 2000) pour comprendre pllus en profondeur les développements qui suivent.

[7] Celui d'avoir des services en français là où le nombre le justifie.

[8] Cette transformation de l'identité des canadiens français hors Québec, de nationale à linguistique, sera compensée par le renforcement d'une identité purement nationale dans le territoire québécois.

[9] La citation en exergue représente assez bien l'identité canadienne construite au cours des derniers quarante ans. Fini les deux solitudes, c'est-à-dire cette confrontation perpétuelle entre les deux identités constitutives du pays, les Anglais et les Français, qui se seraient développées dans leur univers clos. Nous devons construire par la rencontre de toutes les solitudes un pacte de solidarité entre tous les citoyens. La Gouverneure générale invente une nouvelle représentation de la population canadienne, formée des découvreurs (les premiers arrivants), des peuples autochtones et des gens venus des quatre coins du monde. Il s'agit dorénavant de célébrer la diversité de tous les citoyens de quelque origine qu'ils soient. Le second canon du discours vice royal est le partage des valeurs communes. Cette nouvelle identité doit se construire sur la diversité et dans l'adoption des valeurs de liberté, de partage, d'égalité en droits, de tolérance, de respect et de générosité. Tels sont les termes utilisés par la Gouverneure pour établir sa conception du Canada, conception qui est le fruit ultime de la politique du multiculturalisme. Il n'est pas surprenant qu'au Québec, cette déclaration concernant l'évanouissement des deux solitudes a étonné les commentateurs même fédéralistes.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 20 novembre 2012 9:43
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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