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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article du professeur Gilles Dostaler, professeur d'économie, UQAM, “Paul Anthony Samuelson, «l'enfant terrible de l'économie».” Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du mardi, 29 décembre 2009, page A7 — Idées. [Autorisation accordée par l'auteur le 26 juin 2003.]

Gilles Dostaler

Professeur, département des sciences économiques,
Université du Québec à Montréal

Paul Anthony Samuelson,
«l’enfant terrible de l’économie»
”.

Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du 29 décembre 2009, page A7 — Idées.


Le 13 décembre dernier, Paul Anthony Samuelson s'est éteint à Belmont (Massachusetts), à l'âge de 94 ans. Après des études à Chicago et à Harvard, où on l'avait surnommé «l'enfant terrible de l'économie», il fit toute sa carrière au Massachusetts Institute of Technology, les portes de Harvard lui ayant été fermées entre autres à cause de ses origines juives.

Il suit de près dans la tombe John Kenneth Galbraith et Milton Friedman. Une époque s'achève, puisqu'il s'agit là de trois des économistes les plus influents de la deuxième moitié du vingtième siècle. Alors que Galbraith occupait l'aile gauche dans le champ de l'économie politique et que Friedman campait résolument à droite, Samuelson prenait place au centre.

Évidemment, tout cela est relatif. Lorsque j'ai commencé mes études d'économie dans les années soixante, Samuelson représentait, pour plusieurs d'entre nous, la droite. La remise en question de l'interventionnisme et la montée du néolibéralisme l'ont déplacé vers la gauche. Samuelson et ses collègues keynésiens de la première heure sont devenus des critiques radicaux des nouveaux intégristes du marché. On a même assisté, dans les dernières années, à un rapprochement entre Samuelson et Galbraith.

Précoce, prolifique, engagé

Samuelson se qualifiait lui-même de libéral, dans le sens américain du mot: partisan de l'État-providence et d'une intervention active des pouvoirs publics dans l'économie. Il s'est fait l'avocat de ces idées, pendant plusieurs années, dans les colonnes de Newsweek et d'autres médias. Il a aussi défendu ses idées à titre de consultant auprès de nombreux organismes tant privés que publics.

Conseiller économique du président John F. Kennedy, qui fut son étudiant, il a refusé son offre de présider le Comité des conseillers économiques, préférant agir comme éminence grise. Il s'est alors fait le promoteur d'une politique budgétaire expansionniste, mise en oeuvre sous l'appellation de «nouvelle économie».

Le début des années soixante marque le triomphe de l'interventionnisme keynésien aux États-Unis. Le vent a tourné depuis, et Samuelson s'est le plus souvent opposé aux politiques menées par les gouvernements américains successifs, en particulier celui de Ronald Reagan. Très critique de la politique économique de George W. Bush, il a appelé à voter pour John Kerry aux élections de 2004 et pour Barack Obama en 2008.

Activement engagé dans le débat public, c'est avant tout comme théoricien que Samuelson a acquis sa notoriété. Il est en 1970 le troisième économiste, et le premier des États-Unis, à recevoir le prix de la Banque de Suède en mémoire de Nobel, souvent désigné de manière erronée et abusive comme le «prix Nobel d'économie».

Samuelson est l'un des économistes les plus précoces et les plus prolifiques dans l'histoire de la discipline. Il a commencé à 21 ans à publier des articles majeurs et a continué à le faire sans interruption jusqu'à son dernier souffle. À 26 ans, il soutient une thèse de doctorat, publiée en 1947 sous le titre de Fondements de l'analyse économique, qui s'impose comme une oeuvre majeure dans la réorientation de l'analyse économique après la guerre.

L'année suivante, il publie L'Économique, un manuel qui devient rapidement l'un des plus grands succès de la littérature économique. Une vingtaine d'éditions et plusieurs millions d'exemplaires vendus en plusieurs langues font de lui un homme riche. Samuelson a dit avoir écrit ce livre parce qu'il avait besoin d'argent, après que son épouse eut donné naissance à des triplets!

Architecte de la mathématisation
de l'économie


Discipline principalement littéraire jusqu'au milieu du vingtième siècle, l'économie est devenue un domaine du savoir hautement mathématisé, formalisé et axiomatisé. Samuelson est le principal architecte de cette transformation. Dès le début de sa carrière, il acquiert la conviction que tous les domaines de la théorie économique partagent des propriétés communes, telles que le principe de l'équilibre et celui de la maximisation. La tâche de l'économiste consiste dès lors à dériver ce qu'il appelle des théorèmes significatifs, au moyen de méthodes mathématiques inspirées des sciences naturelles. Samuelson est en effet convaincu de l'analogie entre sciences humaines et sciences naturelles.

Exposé dans ses Fondements de l'analyse économique, ce programme de recherche est mis en oeuvre de manière systématique, au cours de sa carrière, dans tous les domaines. Samuelson se décrit d'ailleurs lui-même comme le dernier généraliste d'une réflexion économique désormais caractérisée par une spécialisation à outrance.

Lorsqu'il est encore étudiant, il propose une nouvelle analyse des fluctuations économiques. Il apporte des contributions marquantes à la théorie du consommateur. Il s'intéresse très tôt au commerce international, cherchant à démontrer les avantages du libre-échange.

Par la suite, il intervient entre autres dans les domaines des finances publiques, de l'équilibre général, de la théorie du bien-être, de l'économie du travail, de l'économie spatiale, de la théorie du capital et de la croissance.

En outre, Samuelson a offert des contributions importantes dans les domaines de l'histoire de la pensée comme de la méthodologie économiques. Marx a été, parmi d'autres, l'un de ses sujets d'intérêt.

Apôtre d'un keynésianisme aseptisé

Outre la mathématisation de l'économie, le nom de Samuelson est étroitement associé à la réception des idées keynésiennes aux États-Unis. Mais il y a ici un paradoxe. Keynes était très critique envers l'économie néoclassique et cette mathématisation de l'économie. Or Samuelson se fera le champion de Keynes en mathématisant sa théorie et en la combinant avec la microéconomie néoclassique. C'est d'ailleurs lui qui a popularisé cette division schizophrénique de la discipline en microéconomie et macroéconomie, dans son manuel de 1948.

Dans la cinquième édition de son manuel, Samuelson introduit l'expression «synthèse néoclassique» pour caractériser la combinaison de la microéconomie néoclassique et de la macroéconomie keynésienne. Cette macroéconomie est toutefois délestée d'un certain nombre de caractéristiques essentielles de la démarche de Keynes, telles que la prise en compte du temps, des anticipations et de l'incertitude.

Les disciples radicaux de Keynes crieront à la trahison en qualifiant de bâtard le keynésianisme de Samuelson. Mais c'est ce keynésianisme modéré qui a dominé la profession dans les trente années de l'après-guerre et qui revient à la mode aujourd'hui.

S'il n'y pas d'école samuelsonienne, la plus grande partie de la théorie néoclassique contemporaine est imprégnée de ses contributions. Aucun étudiant ne peut parcourir la littérature économique sans croiser à tous les carrefours les textes et les thèses de Samuelson.

Contrairement à la grande majorité des économistes contemporains, Samuelson a une plume très élégante et témoigne d'une remarquable érudition dans tous les domaines du savoir. J'ai eu l'occasion de communiquer avec lui et de le rencontrer. Mes positions sur les relations entre l'économie et les sciences naturelles, comme sur l'interprétation de Keynes ou de Marx et plusieurs autres questions, sont opposées aux siennes, ce qui n'a pas empêché des conversations agréables avec un intellectuel de haut niveau, doué d'un sens de l'humour exceptionnel, qualité bien rare dans ce milieu où on se prend souvent très au sérieux.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 31 décembre 2009 15:52
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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