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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article du professeur Gilles Dostaler, professeur d'économie, UQAM, Un disparu de 2006 qui a laissé sa marque. Milton Friedman, apôtre d'un libéralisme radical”. Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du vendredi, 29 décembre 2006, page A7- idées. [Autorisation accordée par l'auteur le 29 décembre 2006.]

Disciple radical de Keynes, pourfendeur de l'économie orthodoxe, Galbraith en appelait à une intervention considérable des pouvoirs publics pour réguler l'économie et lutter contre le pouvoir excessif des grandes entreprises, les effets de la spéculation, le chômage et la pauvreté. 

Auteur d'un livre intitulé Contre Galbraith, Milton Friedman est au contraire l'apôtre d'un libéralisme radical. Depuis le début de sa carrière, dans les années 30, il mène une croisade idéologique et politique dont les cibles principales sont Keynes, le keynésianisme et l'intervention de l'État dans l'économie. 

Persuadé de l'efficacité du mécanisme du marché, Friedman place la liberté économique (condition selon lui de la liberté politique) au premier rang. Ses armes sont ses nombreuses publications universitaires mais aussi des ouvrages de vulgarisation, des journaux, des périodiques populaires ainsi que des émissions de radio et de télévision. Il partage avec Galbraith l'honneur d'avoir été interviewé dans la revue Playboy! 

Polémiste redoutable, Friedman a mené sans relâche la lutte contre toutes les formes d'intervention gouvernementale, contre les pouvoirs syndicaux et ceux des corporations professionnelles. Il est convaincu de la nocivité, sinon de l'inefficacité, des politiques fiscales et monétaires, et en particulier de toutes les tentatives de gestion de la conjoncture économique. Il s'est attaqué au salaire minimum comme au contrôle des loyers. Il a proposé de remplacer toutes les mesures de sécurité sociale par un impôt négatif sur le revenu, plus apte selon lui à préserver l'incitation au travail. Il a même lutté contre l'interdiction de la vente et de la possession des drogues, autre entorse au libre jeu du marché qui aggraverait plutôt que de régler les problèmes de criminalité. 

En 1947, il compte parmi les membres fondateurs de la Société du Mont Pèlerin, créée à l'initiative de Friedrich Hayek pour promouvoir la défense du libéralisme, menacé par le socialisme et la révolution keynésienne. Il préside cette société de 1970 à 1972. On peut le considérer comme un des principaux inspirateurs de ce qu'on appelle le néolibéralisme. Il fut conseiller du candidat républicain ultraconservateur Barry Goldwater en 1964, puis des candidats et présidents Richard Nixon et Ronald Reagan. 

Isolé et même ostracisé au temps du règne du keynésianisme, il connaît son heure de gloire à partir des années 70 avec le triomphe du monétarisme, associé à son nom. L'attribution, en 1976, du prix de la Banque de Suède en mémoire d'Alfred Nobel (erronément appelé «prix Nobel») en est le symbole. La remise de ce prix, à Stockholm, a provoqué des manifestations d'envergure, à l'initiative de comités d'appui à la démocratie chilienne renversée par le régime Pinochet, dont Friedman était considéré comme un des inspirateurs. Reaganisme et thatchérisme portent, entre autres, la marque des idées de Friedman. 

 

Théoricien du monétarisme 

 

Friedman a contribué à plusieurs domaines de la théorie économique, mais c'est dans le champ de la théorie monétaire et de la macroéconomie qu'il a fait ses contributions les plus marquantes. C'est sur ce terrain, en particulier, qu'il a mené son principal assaut contre la théorie keynésienne. 

Dans sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), Keynes s'attaquait à la théorie quantitative de la monnaie, en vertu de laquelle toute modification de la masse monétaire n'a d'effet, du moins à long terme, que sur le niveau général des prix. Dans le chapitre initial d'un livre qu'il édite en 1956 (Studies in the Quantity Theory of Money) et dans plusieurs autres publications, Friedman réhabilite cette théorie, dont il présente une version plus sophistiquée. Il affirme, entre autres dans son discours d'acceptation du «prix Nobel», que la loi en vertu de laquelle toute variation de la masse monétaire est suivie, après un délai d'ajustement, d'une variation dans le même sens du niveau général des prix a le même caractère de régularité et d'universalité que les grandes lois empiriques dans les sciences naturelles. 

L'inflation, qui est pour Friedman le mal le plus grave à combattre, avant le chômage, a donc une origine purement monétaire. Elle résulte des politiques erronées et discrétionnaires de banques centrales qui gèrent à leur guise la masse monétaire. 

Comme Friedman croit l'avoir démontré dans les longues études empiriques qu'il a menées avec Anna Schwartz, les fluctuations cycliques des économies modernes sont sinon provoquées, du moins aggravées, par ces politiques monétaires erratiques. Avant de se traduire, au bout de 12 à 18 mois, par un mouvement du niveau général des prix, la variation de la masse monétaire agit d'abord sur la production et l'emploi. 

Selon Friedman, Keynes se trompe en faisant de la fluctuation de l'investissement la cause première des cycles économiques et du chômage. 

Les conséquences politiques coulent de source. La seule manière de lutter efficacement contre l'inflation et les cycles économiques est de contrôler l'augmentation de la masse monétaire. Il faut la soustraire au pouvoir discrétionnaire des politiciens et des dirigeants des banques centrales en fixant dans la constitution un taux d'augmentation monétaire annuel égal à l'augmentation moyenne de la production nationale, quelque part entre 3 et 5%. 

Telle est la «règle monétaire» que Friedman propose en 1960 (A Program for Monetary Stability). Telle est aussi l'origine du terme «monétarisme», créé à la fin des années 60 pour caractériser cette vision de la monnaie et des politiques monétaires mais plus globalement pour qualifier l'ensemble des politiques libérales mises en avant par Friedman et ses disciples. 

La théorie du taux naturel de chômage complète l'arsenal théorique du monétarisme. Elle est énoncée dans le discours présidentiel de Friedman à l'American Economic Association en 1967 (The Role of Monetary Policy) tout en étant formulée au même moment par Edmund Phelps, lauréat du «prix Nobel» de cette année. 

Friedman prétend qu'il existe dans toute économie un taux de chômage naturel, ou d'équilibre, déterminé par des mécanismes institutionnels comme la structure du marché du travail, la force syndicale, le fonctionnement de l'assurance chômage ou les imperfections du marché. 

Ce chômage doit être distingué du chômage conjoncturel contre lequel les politiques économiques keynésiennes peuvent avoir une certaine efficacité à court terme. Toute tentative pour faire diminuer le taux de chômage sous son taux naturel déclenche une inflation qui doit augmenter constamment si on veut maintenir l'emploi à ce niveau artificiel. 

Cela signifie que l'arbitrage entre inflation et chômage, représenté par la célèbre courbe de Phillips, élément central de la panoplie du keynésianisme d'après-guerre, disparaît. Il n'y a qu'un et un seul taux de chômage naturel que la politique monétaire traditionnelle est impuissante à réduire. Pour le faire diminuer, il faut agir sur des facteurs structurels, par exemple en assouplissant le marché du travail. Sur ce point, le message de Friedman a été bien reçu un peu partout dans le monde à partir des années 80. 

De manière plus générale, la philosophie politique et économique de Friedman continue d'avoir le vent dans les voiles, même si une partie de ses énoncés théoriques ont été remis en question et dépassés par plusieurs de ses disciples.

Texte intégral de l'article

Gilles Dostaler,
professeur d'économie, UQAM

Un disparu de 2006 qui a laissé sa marque.
Milton Friedman, apôtre d'un libéralisme radical


Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du vendredi, 29 décembre 2006, page A7- idées.
[Milton Friedman : la liberté économique au premier rang. Texte sous la photo. Archives Le Devoir.]

L'année 2006 a vu la disparition de deux des économistes les plus connus du grand public, soit John Kenneth Galbraith, en avril, et Milton Friedman, en novembre. Ils représentaient deux pôles profondément antinomiques sur l'échiquier de la pensée politique et économique.
 


Retour au texte de l'auteur: Dernière mise à jour de cette page le mercredi 10 septembre 2008 7:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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