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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Types de sociétés et de représentations du normal et du pathologique:
la maladie physique, la maladie mentale
(1985)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Henri Dorvil, Types de sociétés et de représentations du normal et du pathologique: la maladie physique, la maladie mentale. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Jacques Dufresne, Fernand Dumont et Yves Martin, Traité d'anthropologie médicale. L'Institution de la santé et de la maladie. Chapitre 15, pp. 305-332. Québec: Les Presses de l'Université du Québec, l'Institut québécois de recherche sur la culture (IQRC) et les Presses universitaires de Lyon (PUL), 1985, 1245 pp. [Autorisation accordée par l'auteur le 11 mai 2006.]

Introduction

La maladie, c'est une chose ; l'idée que l'on s'en fait en est une autre. Il y a certes des différences objectives entre les malaises eux-mêmes, mais il y a aussi des réactions et des perceptions différentes d'une même maladie suivant les gens. Le médecin, en dépit de son savoir scientifique, du prestige de sa profession, n'est d'ailleurs pas à l'abri de la subjectivité de ses patients et de leurs différentes perceptions du phénomène maladie. Au lieu de décrire les symptômes, les patients s'acharnent subtilement a suggérer au médecin la maladie qu'ils croient avoir ou veulent avoir. Ce sont souvent les sensations, et non le raisonnement, qui guident les êtres humains dans le dédale du système de soins de santé. Ce que le malade recherche avant tout, c'est la confirmation, l'imprimatur par la science médicale, de sa propre perception de son malaise. S'il ne trouve personne dans le circuit médical pour l'approuver dans sa représentation, à cause des normes trop rigides, il s'en remettra parfois au réseau parallèle des guérisseurs, voire à la religion dont le jugement sur la maladie s'avère plus évanescent. La médecine est négociation perpétuelle entre malade et médecin jusqu'à un compromis toujours temporaire: 
Nous pensons que certaines personnes qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent affronter les problèmes de leur vie s'en tirent en tombant malades. Si le médecin a l'occasion de les voir dans les premières phases du processus de la maladie - c'est-à-dire avant qu'ils ne se fixent à une maladie précise et « organisée » - il peut se rendre compte que de tels patients offrent, pour ainsi dire, ou proposent diverses maladies ; et ils continuent à en offrir de nouvelles jusqu'à ce que survienne entre eux et le médecin un accord au terme duquel l'une de ces maladies est admise comme justifiée par les deux parties... Le choix de maladies utilisables par chacun est déterminé par sa constitution, son éducation, sa situation sociale, ses peurs conscientes ou inconscientes, l'image qu'il se fait des maladies, etc. [1] 

Dans une étude récente sur le feeling sick, deux sociologues américains Telles et Pollack [2] vont dans le même sens : ils contestent la prétention que le contrôle de la maladie se trouve entièrement entre les mains du médecin. Il est probable que le médecin a une influence plus grande que quiconque sur le malade, mais le point de vue de ce dernier demeure important dans l'évaluation des symptômes. De plus, le médecin travaille au profit des intérêts directs du patient en lui fournissant la légitimation dont il a besoin pour justifier son statut de malade à son milieu de travail, à ses proches, à la sécurité sociale. D'où une convergence d'intérêts qui peut nuire à l'objectivité du diagnostic. 

Il existe un lien entre le vécu et l'imaginaire de la maladie. Dans certains cas, il existe même une disproportion énorme entre la réalité clinique et le vécu individuel d'une maladie. Alors que la maladie apparaît au médecin comme une entité identifiable avec des signes généraux et objectifs, pour le patient il s'agit d'une expérience où interviennent sa socialisation, ses valeurs et ses habitudes de vie, Les mêmes bouffées de fièvre sont vécues différemment du patient A au patient B. À l'exception des cas de pathologie sévère qui désorganisent l'organisme de fond en comble, affirme Shontz [3], la signification personnelle de la maladie n'est pas la conséquence d'un désordre somatique mais la conséquence de l'importance que l'état physique revêt dans le comportement général de l'individu affecté. 

Il y a tellement de subjectivité dans la maladie que même « l’objectivité du regard médical » a de la misère à y voir clair. C'est pourquoi, au cours de la dernière décennie, plusieurs spécialistes des sciences humaines et sociales [4] sont descendus dans la rue armés, de magnétophones, en vue de consulter le plus de monde possible sur leurs représentations de la santé et de la maladie. Il s'agissait de sonder tout ce qu'on appelle croyances, mythes, idéologies, représentations, images, attitudes. Qu'avons-nous appris ?


[1]     Michel BALINT, Le médecin, son malade et la maladie, Paris, Payot, 21 éd., 1968, p. 26.

[2]     Joel-Leon TELLES and Mark POLLACK, « Feeling sick : the experience and legitimation of illness », Social Science and Medicine, 15A, 1981, pp. 243-251.

[3]     F.C. SHONTZ, « The personal meaning of illness », Advances in Psychosomatic Medicine, 8, 1972, pp. 63-85.

[4]     Claudine HERZLICH, Santé et maladie, analyse d'une représentation sociale, Paris, La Haye, Mouton, 2e édition, 1975 ; Michel TOUSIGNANT et Guy DENIS, « Folie, maladie mentale et dépression : analyse de la représentation sociale du normal et du pathologique », Revue canadienne des sciences du comportement, 9, 4, 1977 ; Françoise LOUX, « Santé et maladie dans les représentations populaires françaises traditionnelles et modernes », Santé, médecine et sociologie, Paris, C.N.R.S., 1978, pp. 311-315 ; Alain LETOURMY, Jeannine PIERRET et Manuela VICENTE, Santé, mode de vie et cadre de vie, Publications du Centre de Recherche sur le Bien-être, Paris, CEREBE, 1980, Albert BASTENIER et Felice DASSETO, Immigrés et santé, no 2, (Les immigrés et l'hôpital), Louvain-La-Neuve, Groupe d'études des migrations (GREM), 1980 ; Maurice BLOUIN, Culture, santé et maladie. Mémoire de maîtrise, Département d'anthropologie, Université Laval, 1980 ; Gilles BIBEAU et Louise PELLETIER, « Le discours sur la santé et la maladie dans deux populations de Québec », École des Sciences infirmières, Université Laval, Québec, 23 septembre 1982 ; Jean-François SAUCIER, Attitudes et conceptions des adolescents francophones vis-à-vis la maladie, Presses de l'Université de Montréal, 1981 ; M. DE KONINCK, L. DUNNIGAN, F. SAILLANT, Essai sur la santé des femmes, Conseil du statut de la femme, Québec, 1981 ; Claudine HERZLICH et Janine PIER, Malades d'hier, malades d'aujourd'hui (De la mort collective au devoir de guérison), Paris, Payot 1984 ; Y. LAMONTAGNE, R. ÉLIE et S. GAYDOS, « L'attitude des Montréalais devant la maladie mentale ».


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 31 mai 2006 18:26
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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