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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Henri Dorvil et Robert Mayer, “Problèmes sociaux et sciences sociales”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Henri Dorvil et Robert Mayer, Problèmes sociaux. Tome II. Études et interventions sociales, conclusion, pp. 635-649. Québec: Les Presses de l'Université du Québec, 2001, 679 pp. [Autorisation accordée par l'auteur le 5 juin 2008 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Henri Dorvil et Robert Mayer [† - 2003] 

Travailleurs sociaux, professeurs,
Respectivement de l’École de Travail social, UQÀM
et de l’École de Service sociale, Université de Montréal.
 

Problèmes sociaux et sciences sociales. 

Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Henri Dorvil et Robert Mayer, Problèmes sociaux. Tome II. Études et interventions sociales, conclusion, pp. 635-649. Québec : Les Presses de l'Université du Québec, 2001, 679 pp.
 

Introduction
 
Qu'est-ce qu'un problème social ?
Enfance-famille-jeunesse
La place et le traitement des groupes marginalisés
L'intervention sociale
 
Bibliographie
 

INTRODUCTION

 

Dans les sciences sociales et humaines, les problèmes sociaux constituent sans nul doute un champ de réflexion et de recherche qui a marqué la fondation même de la pensée scientifique. En effet, si en 1920 l'École de Chicago a jeté les balises de ce territoire, les phénomènes de déviance et d'exclusion constituent depuis le XIXe siècle l'un des thèmes centraux de la pensée sociologique. Les premiers sociologues, Quételet avec principalement la statistique morale, Tarde avec la criminalité comparée, Comte avec le positivisme, Saint-Simon avec son socialisme planificateur et technocratique, Durkheim avec Le suicide se sont d'abord préoccupés de moralité, de criminalité, de pauvreté et de santé. C'est le flot et la complexité des problèmes sociaux de l'ère industrielle qui ont donné naissance au travail social comme profession. 

Le concept de problèmes sociaux est typiquement nord-américain. À preuve, tous les dictionnaires anglo-saxons en donnent une définition assez exhaustive avec force références historiques, alors que les dictionnaires français de sciences sociales, même les plus récents, n'en font guère mention. Selon le dictionnaire des Social Sciences, un problème social se définit comme une situation touchant un nombre significatif de personnes et qui est considérée par elles ou par une portion significative de la société comme une source de difficultés ou de désagréments, susceptible d'être changée. Wirth va un peu dans le même sens. Pour lui, il y a problème social lorsqu'une situation existante diverge d'une autre situation qui est préférée par la majorité parce qu'elle est en accord avec certaines valeurs d'une société donnée. Un problème social existe alors seulement lorsque certaines personnes considèrent une situation existante comme un problème, que ces personnes soient des acteurs ou des spectateurs. Derrière ces définitions se profilent deux corps théoriques. Selon l'approche consensuelle, un problème social se définit comme l'écart entre la réalité sociale et les standards sociaux, ou entre ce qui est et ce qui devrait être. L'approche conflictuelle, en revanche, considère les problèmes sociaux comme des conséquences de la structure économique du capitalisme et des relations de pouvoir existantes, relations qui résultent d'un système d'exploitation par une minorité qui ne désire pas vraiment les résoudre, voire qui en bénéficie assez directement. En France, pour couvrir cette réalité, on parlera de rupture du lien social, de fracture sociale, de marginalité/marginalisation, de désaffiliation, d'exclusion. Un expert d'origine française qui enseigne la gérontologie sociale au Québec depuis deux décennies semble avoir réuni les deux traditions en proposant pas moins de quatre définitions de problèmes sociaux. 

 

QU'EST-CE QU'UN PROBLÈME SOCIAL ?

 

1. Un problème qui trouve son origine ou son explication dans les rapports sociaux d'exploitation ou de domination, et qui entraîne un défaut d'intégration ou une sous-utilisation des ressources des divers milieux de vie. 

2. Un problème qui remet en cause les rapports sociaux (de classes, de sexes, d'ethnies, de générations, de cultures, etc.), les positions ou histoires sociales qui en sont les effets et leur imbrication complexe dans la dynamique sociale concrète. 

3. Un problème dont la solution durable nécessitera (ou nécessiterait) la mise en place d'un nouveau projet global d'orientation de la société, à travers ses organisations, ses institutions, ses mouvements sociaux, projet visant à plus d'égalité, plus de liberté, plus de citoyenneté. 

4. Un problème dont n'est pas responsable la personne qui l'affronte ou le subit, et qui n'a rien à voir avec ses attitudes et comportements, son histoire de vie personnelle ou les vicissitudes de celle-ci. 

Par ailleurs, alors que les États-Unis boudent encore le terme exclusion, voire en font un terme tabou, le nouveau parti travailliste de Grande-Bretagne [1] vient d'adopter le terme Social Exclusion pour désigner les 20-30% de la population qui, ne disposant pas des qualifications nécessaires pour mener une vie décente, se trouvent rivés à un état de pauvreté relative et d'immobilité sociale. Au Québec, terre française, juxtaposée à une Amérique du Nord essentiellement anglophone, à l'exception du Mexique hispanophone, l'expression exclusion a droit de cité et voisine avec une tradition américaine de problèmes sociaux. Un survol de quelques annuaires [2] des cours dispensés dans les écoles de service social et dans les départements de sociologie suffit à nous en convaincre. À l'Université Laval, l'École de service social dispense le cours Pauvreté et sous-développement qui présente une double problématique de la pauvreté et du sous-développement ; d'un côté, le vécu des populations concernées ; et les mécanismes sociaux de production et de reproduction de ces phénomènes, de l'autre. Déviance, délinquance et criminalité explore des connaissances théoriques et des concepts associés à la nature, au sens, à la portée des agirs déviants et délinquants ainsi que les effets personnels et sociaux de ces comportements. Analyse des problèmes sociaux est consacré exclusivement à l'étude de diverses problématiques sociales, objet de l'intervention du service social. La notion de problème social y occupe d'ailleurs une place de choix. 

À l'École de service social de l'Université de Montréal, les problèmes sociaux font l'objet d'une approche envisagée sous trois angles différents : les acteurs sociaux, l'identité et l'institution. Le premier volet étudie des phénomènes collectifs tels que la pauvreté, l'exclusion, le chômage et la population à risque ; il en identifie les facteurs et explore des stratégies d'adaptation des acteurs sociaux concernés. Le deuxième volet aborde le processus d'individualisation à l'origine du malaise identitaire dans les sociétés d'aujourd'hui ainsi que les formes de gestion sociale et des enjeux de l'action collective. Quant au troisième volet, il analyse le rôle des idéologies professionnelles et des mécanismes institutionnels dans la représentation et la reproduction des problèmes sociaux. Au Département de sociologie de cette même université, les processus de stigmatisation, d'exclusion et d'étiquetage font l'objet de débats dans le cours Déviance, exclusion et contexte social qui adopte une perspective voisine de celle de l'École de service social. Populations exclues ou marginalisées, comportements considérés aberrants ou hors normes sont abordés sous l'angle de l'intégration, de la régulation sociale et de la production sociale de conduites et de statuts marginaux. Dans une tout autre perspective, Culture, déviance et psychopathologie au Département d'anthropologie fait une étude comparative de ces réalités dans diverses sociétés. Leurs rapports à la culture sont analysés à la lumière des courants de l'anthropologie, en général, et de l'ethnomédecine, en particulier. 

À l'Université du Québec à Montréal, Dynamique des problèmes sociaux, cours obligatoire pour les étudiants en travail social est assumé par le Département de sociologie. Ce cours étudie les rapports de force qui découlent des problématiques sociales contemporaines et les enjeux sur les plans politique, économique et juridique. Il analyse les principaux problèmes sociaux vécus par les classes populaires comme la pauvreté, le chômage, le logement, l'oppression nationale et l'immigration. Il examine les solutions proposées à ces problèmes par différents groupes : gouvernement, syndicats, organisations populaires, etc. Quant au cours Déviance sociale, marginalités, inclusion-exclusion, anciennement Déviance sociale 1 à l'École de travail social, il présente l'étude épistémologique des notions de normalité, de déviance, de marginalité, de handicap, de santé mentale, de stigmatisation, de criminalité, d'exclusion, d'intégration, d'institutionnalisation, de désinstitutionnalisation et d'aliénation. Il explore la fonction sociale du professionnalisme en regard du contrôle de la normalité et de la déviance. Il analyse également quelques types de déviance vus comme des phénomènes tant sociaux qu'individuels fondamentalement interreliés tels que la violence, la délinquance, la marginalisation des groupes, l'excision, l'alcoolisme, le tabagisme et le suicide. Mais revenons au concept d'aliénation traité dans ce cours qui se définit comme « l'état de l'individu dépossédé de lui-même par la soumission de son existence à un ordre de choses auquel il participe mais qui le domine ». Caractérisé en cinq dimensions par Melvin Seeman : impuissance, perte de sens, anomie, isolement social et sentiment d'être étranger à soi-même, il symbolise la situation des individus aux prises avec des problèmes sociaux, écartelés entre la dépossession d'eux-mêmes par quelque chose « ne venant de nulle part ailleurs que d'eux-mêmes », pour reprendre les propos de Gauchet et Swain, et la puissance des forces occultes qui contrôlent sa société d'appartenance. Cependant, dans certains cas, cette condition d'aliéné peut servir de tremplin permettant à des groupes marginalisés de se trouver des niches d'empowerment, d'autonomie, de créativité en dépit des contraintes économiques et sociales du milieu. D'où l'importance de l'utilisation de ce concept phare pour l'étude des problèmes sociaux contemporains. 

À l'instar de l'Université du Québec à Montréal, à l'Université McGill, le cours appelé Social Problems fait partie des 12 crédits que les étudiants de service social doivent suivre dans le champ des sciences sociales. Le cours intitulé Poverty and Social Work, inscrit au baccalauréat en service social, analyse divers problèmes sociaux : le vieillissement, la conduite criminelle, les enfants abusés et le patient du système de santé. Ces problèmes sociaux sectorisés se retrouvent également dans le répertoire des cours des écoles francophones de travail social. 

Cet ouvrage collectif est le fruit de la collaboration de professeurs et de chercheurs oeuvrant dans des institutions universitaires (l'Université internationale de la Floride, deux universités de France, deux universités de l'Ontario, neuf universités du Québec), dans deux collèges d'enseignement général et professionnel, dans quelques centres et instituts de recherche, dans des groupes communautaires et dans des centres locaux de services communautaires (CLSC). Cet ouvrage est multidisciplinaire : les textes qui y sont colligés sont rédigés par un criminologue, une historienne, un philosophe, deux anthropologues, trois infirmières, trois médecins, trois politologues, huit psychologues, des sociologues et des travailleurs sociaux. Cette particularité multidisciplinaire est positive puisque nous sommes convaincus qu'aucune discipline ne saurait fournir, à elle seule, l'expertise suffisante pour expliquer la genèse, le vécu et la prospective des problèmes sociaux. De là, une combinaison d'approches conceptuelles différentes et de méthodologies diverses. Le propos de l'ouvrage est donc de présenter, de façon synthétique, des recherches menées sur de multiples objets reliés à la notion de problèmes sociaux tout en prenant le recul nécessaire a une rigueur scientifique. Et, faire une synthèse de l'ensemble de ces contributions serait une tâche impossible, chacune d'entre elles constituant déjà un résumé de recherches réalisées ou de recherches en cours. 

Néanmoins, nous pouvons faire ressortir les grandes orientations qui s'en dégagent, particulièrement celles qui constituent un apport appréciable pour l'enseignement, la recherche et l'intervention. Aussi, au-delà des approches théoriques - approches qui ont acquis leur lettre de noblesse dans l'étude des problèmes sociaux -, au-delà des instruments méthodologiques - si précieux pour la compréhension de ces problèmes – et au-delà de l'approche propre à la discipline de chacun des auteurs, nous pouvons distinguer trois grands axes qui se recoupent de manière dialectique : l'axe enfance-famille-jeunesse, celui de la place et du traitement des groupes marginalisés et celui de l'intervention. Ces axes ne sont pas nouveaux : il s'agit plutôt de nouvelles configurations de problèmes sociaux qui sont depuis longtemps constitutifs du champ des sciences sociales. 
 

ENFANCE-FAMILLE-JEUNESSE

 

La famille, institution fondamentale de toute société, présente ou passée, se définit comme une unité sociale composée de personnes en interaction. Elles prennent des engagements, assument des responsabilités les unes envers les autres, elles se socialisent, se transmettent des valeurs culturelles et religieuses, elles partagent leurs ressources. Dans cette dynamique, la fonction de socialisation est prédominante. C'est en effet le processus par lequel l'enfant s'humanise et adopte ses principaux comportements sociaux. C'est par la famille, admet-on, que l'enfant fait son entrée dans le monde, dans la vie tout court. Le devenir des êtres humains est donc influencé par les premières expériences de la petite enfance. Et, toute privation, qu'elle soit matérielle ou affective, risque d'être catastrophique pour l'identité et la confiance en soi, leviers de la réussite sociale. D'autant plus que troubles affectifs et difficultés d'adaptation se vivent aussi bien dans les familles biparentales que dans les familles monoparentales, reconstituées ou homosexuelles. Dans famille et société, Marie-Thérèse Lacourse fait état de plusieurs valeurs susceptibles de perturber la vie de la cellule familiale. Elle mentionne, entre autres, l'individualisme narcissique, la performance, la rationalisation et le relativisme des valeurs. Sans oublier la crise de l'État-providence qui remet en question les solidarités étatiques avec les familles dans les politiques sociales. De là l'importance et le caractère novateur des programmes d'actions communautaires auprès des enfants (Pace), des initiatives communautaires visant à améliorer leur santé, leur bien-être, leur performance scolaire avec la collaboration des parents et des ressources locales (Naître égaux et grandir en santé, 1,2,3, GO ! Projet jeunesse montréalais, mères avec pouvoir, ProsPère, PrinsiP, etc.). Bref, tous ces investissements dans les quartiers défavorisés des grandes villes et des municipalités de région seront rentables en termes de prévention de troubles comportementaux. Selon un auteur, la fin de l'adolescence est « une période de tumulte » au cours de laquelle le jeune consolide son identité par l'exploration et l'expérimentation de nouveaux rôles sociaux. Quant à la jeunesse, cette période intermédiaire entre l'état de dépendance de l'enfant et l'autonomie, signe d'une certaine maturité, elle se prolonge de plus en plus. Cet allongement de la jeunesse, appelé néoténie qui date des années 1950 est associé à l'entrée tardive de cette catégorie sociale dans la vie active et à ses réticences à fonder une famille. Et, selon François Dubet, il est accentué par le chômage, qui la frappe plus particulièrement, et par les problèmes d'insertion de divers ordres. Si l'on décèle un affaiblissement du contrôle social et des rites initiatiques, c'est à l'école que les jeunes construisent leur statut d'adulte. Il arrive que ces épreuves préparatoires à l'entrée dans la vie et à la formation de soi s'accompagnent de détresse psychologique [3], de déviance, de délinquance, et ce, parfois, sous les formes les plus violentes (violence contre soi, contre autrui et contre les objets). 

 

LA PLACE ET LE TRAITEMENT
DES GROUPES MARGINALISÉS

 

Groupes marginalisés, c'est-à-dire marqués par le processus de marginalisation, production sociale qui, selon Castel, trouve son origine dans les structures de base de la société, l'organisation du travail et le système des valeurs dominantes à partir desquels se répartissent les places et se fondent les hiérarchies attribuant à chacun sa dignité ou son indignité sociale. Lorsqu'on examine la place et le traitement réservés aux personnes marginalisées, deux caractéristiques ressortent : permanence et mouvance. Comme bien des auteurs l'ont déjà souligné, le repérage des différences, la stigmatisation [4], l'exclusion des corps différents, la gestion des exclus constituent un invariant de tous les temps et de tous les espaces sociaux. Seuls changent, avec le temps, la forme, la formalité, les lieux et les idéologies des groupes d'individus. Les pauvres, les individus itinérants, les personnes classées malades mentales, déficientes intellectuelles, handicapées physiques, les enfants trisomiques, les personnes d'orientation homosexuelle, pour ne citer que ceux-ci, sont mis à l'écart, méprisés, discriminés aux yeux de la majorité. Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas ce qu'ils devraient être au regard des dominants. Parce qu'ils ne correspondent pas au canon de la conformité, de la norme : pour non-respect de l'éthique du travail, absence d'adresse et de domicile stable, trouble de comportement, quotient intellectuel en deçà de la moyenne, corps non équilibré, affront à une certaine image de l'esthétisme, anomalie sexuelle. Par exemple, les enfants infirmes, les mésadaptés socio-affectifs sont traités de manière différente et sous des motifs divers. Dans la Rome antique, ils étaient lapidés, pour des raisons d'ordre religieux ou fantasmatique. Par la suite, dans le but d'aider la famille et pour la promotion de l'institution, on les confia à des experts en milieu fermé. Dans le contexte de dévalorisation institutionnelle d'aujourd'hui et pour des raisons d'économie, la famille est promue au rang de milieu-thérapie pour cette catégorie d'enfants et l'on ne parle plus de milieu pathogène, de concept de la mauvaise mère. Des raisons d'ordre psychologique sont invoquées pour expliquer le bannissement des corps différents : inconscient collectif, mécanismes de projection, exorcismes, bouc émissaire, soupape de sûreté. Des raisons d'ordre politique aussi sont à l'œuvre : une image de l'ordre, une division du territoire en aires du bien et du mal, l'idéal de la perfection, la peur de l'autre, de l'étranger, considéré comme un adversaire, un ennemi représentant un danger commun à affronter. L'organisation de l'espace économique joue un rôle de premier plan dans la balkanisation des récalcitrants au inonde du travail réglé et surveillé. Les fous, les vagabonds, les prostitués, les délinquants sont sommés de se conformer à la rentabilité du temps, de rentrer dans le rang de la morale bourgeoise. Étudiant la situation des vagabonds, José Cubero arrive au même constat et décèle, à l'égard de ces derniers, une réaction à la fois double et paradoxale : la compassion et la peur. Parfois aumône, accueil et tentative d'insertion, parfois galère, bagne, enfermement et refoulement. La situation actuelle des sans domicile fixe (SDF) pose le même problème de ces éternels exclus, mais sous des jours différents. 

 

L'INTERVENTION SOCIALE

 

Les problèmes sociaux constituent une atteinte à la dignité de l'être humain, un frein dans la marche vers la citoyenneté. Les différents auteurs de cet ouvrage se sont montrés sensibles à cette problématique. Ils ont analysé les politiques sociales, examiné les expériences novatrices tentées pour enrayer ce phénomène au Québec et dans d'autres pays. Les organismes subventionnaires de recherche tant au Québec qu'au Canada ont de plus en plus un souci de prévention et d'intervention. Il s'agit d'une question d'éthique découlant des droits humains tels qu'ils figurent dans la Déclaration universelle des droits de l'homme dont on a fêté le cinquantenaire en 1998. 

Les personnes marginalisées ne subissent pas seulement cette situation d'inégalité sociale que leur imposent les dominants au niveau de la jouissance des biens matériels et symboliques : elles agissent, résistent aux discriminations et obtiennent le statut de sujet ou d'acteur social. Que ce soit dans le domaine du vieillissement, de l'employabilité, de l'assurance-emploi, de l'appropriation par les jeunes des espaces publics comme perche identitaire, voire des consommateurs survivants (consumer survivor) des soins psychiatriques, etc., les personnes marginalisées concourent à faire changer les lois, les politiques sociales, à réinventer des formules gagnantes d'insertion à l'emploi, à formuler un autre type d'expertise, le savoir expérientiel, bref, à réaménager l'espace cognitif, à faire bouger les structures stables de la société, à déployer de nouveaux rapports sociaux, voire à régénérer l'épicentre du système social. Comme nous l'avons déjà établi ailleurs, c'est à partir des zones grises, des désintégrations périphériques que l'on éclaire le cœur de la société. L'histoire de la folie de Michel Foucault n'a-t-elle pas apporté une foule de renseignements sur la raison même de l'âge classique ? L'ordre ne va pas sans le conflit. On étudie les normes, l'intégration sociale par le biais de la criminalité. En d'autres termes, une société se définit, s'identifie par ce qu'elle exclut, rejette, refoule et liquide. 

C'est dans la marge aussi que le système trouve les comportements de demain. Par exemple, la maternité hors mariage, autrefois ostracisée en chaire par le clergé catholique, ridiculisée dans le public sous le vocable de fille-mère, punie là où l'on a péché par des accouchements sans droit à l'anesthésie (pratiqués à l'hôpital de la Miséricorde [5]), est devenue aujourd'hui une pratique courante qui gagne de jour en jour en prestige faisant parfois l'envie de gens mariés qui en empruntent le vocabulaire : mon chum, mon compagnon, mon copain au lieu de conjoint, de mari, d'époux. Dans certains milieux, divorcer, parler de son « ex » avec détachement est devenu le mot de passe, un sauf-conduit, un rite de passage, voire un droit de péage en quelque sorte pour entrer au club select du Women's Lib. De toute façon, l'expression monoparentale est beaucoup plus prestigieuse que celle de fille-mère utilisée autrefois. L'homosexualité, hier une maladie figurant dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux est aujourd'hui pratique presque normale, puisque les couples gais sont en voie de bénéficier des mêmes privilèges d'assurance-sociale que les couples hétérosexuels. Rappelons tout de même le curriculum vitae de l'homosexualité : un vice, un péché, un crime, une maladie mentale, enfin une condition et/ou un choix de vie. L'alcool, autrefois prohibé, est aujourd'hui lubrifiant social, ingrédient de convivialité, voire de santé. Le destin du tabac est tout autre. Sans oublier les jeux de hasard devenus aujourd'hui jeu compulsif et pathologique. Il en est ainsi. Il y va de la sécurité même du système social. La société a besoin d'une bonne période de latence pour une évaluation du potentiel de dangerosité, pour un exorcisme, éventuellement, avant d'accorder un certificat de navigabilité, un permis de séjour, voire d'existence, à une pratique donnée. 

Dans les sociétés dites développées, les droits libertés autant que les droits créances (indemnisation) ne suffisent plus pour soutenir l'impératif de justice sociale. La lutte contre l'exclusion invite ainsi à explorer les droits d'intégration, leviers principaux d'appartenance au corps social. Être exclu, c'est ne compter pour rien, ne pas être considéré comme utile à la société, être écarté de la participation. Le revenu minimum d'insertion en France (le RMI) ainsi que les programmes de retour au travail pour les assistés sociaux au Québec constituent un droit, en ce sens qu'ils sont accessibles à tous et traduisent la reconnaissance du fait que les exclus ont droit à un minimum de ressources pour leur permettre de retrouver une place dans la société. Cette idée de dette sociale est présente dans la réforme en profondeur de l'assistance sociale de Grande-Bretagne (Social Benefits) : nous allons donner du travail à ceux qui peuvent travailler et de la sécurité à ceux qui ne peuvent pas travailler. En fait, les Britanniques ne font que reprendre la coupure séculaire de l'Ancien Régime entre indigents valides et nécessiteux invalides réservant le travail aux premiers et l'assistance aux seconds. Ce contrat lie deux parties : la responsabilité de la société, d'une part, et l'engagement personnel du bénéficiaire dans une démarche d'insertion, d'autre part. Cette manière de penser rejoint les fondements éthiques de la responsabilité individuelle et de la solidarité entre personnes partageant les risques d'une vie en société. Comme les individus vivent des situations singulières, ils doivent être traités de façon particulière pour qu'une véritable équité soit atteinte. Après le droit à la subsistance, c'est le droit à l'utilité sociale, c'est l'articulation du secours économique et de la participation sociale, bref, c'est le droit de vivre en société : la citoyenneté. 

Pour réaliser cette citoyenneté, encore faut-il que le Social reprenne de la vigueur sur le terrain comme dans les écrits et que de plus en plus de voix s'élèvent pour faire contrepoids aux fondamentalistes monétaires [6], c'est-à-dire les bureaucrates du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), des maisons de cote de crédit Moody's investors, etc.), bref, les croisés de la mondialisation obsédés par le déficit zéro, la dette, l'inflation et la déréglementation complète de l'économie qui obligent tout gouvernement élu à sabrer dans les programmes sociaux. Les groupes marginalisés dont il est question dans ce livre sont généralement perdants dans ce type d'économie néolibérale qui évalue d'abord les gens selon leur taux de réussite économique. Cette société marchande et individualiste se développe dans un contexte social et idéologique où le gène, l'hérédité, les déterminismes naturels, c'est-à-dire l'inné, tiennent le haut du pavé tout en gardant dans la pénombre la socialisation, l'éducation, bref, l'environnement plurifactoriel, c'est-à-dire l'acquis. Et pourtant, au niveau des problèmes sociaux, voire au niveau des troubles mentaux, la science se fait précise : 

[...] biology is a pre-disposing, rather than a pre-determining, factor in explaining mental disorder. According to this theory, whether a person who is pre-disposed biologically will actually develop a mental disorder will depend on the conditions in which she or he lives. A nurturing environment may protect the individual against the biological pre-disposition, just as a stressful environment may activate the same pre-disposition, and in so doing produce a mental disorder. 

Quoi qu'en disent les partisans d'une économie sociale, cette forme d'économie n'arrive pas à compenser les effets socialement destructeurs de la pure logique du marché. Mais, à notre avis, elle peut introduire l'économie, entre autres, dans la sphère civique des solidarités de proximité. Il faut donc ramener les forces de la mondialisation sous le contrôle humain dans une perspective de développement social pour que la croissance économique soit inclusive, intégrée, durable et profitable à tous. Car au départ, il existe une relation entre l'égalité et l'inégalité ou du moins un état de moindre inégalité puisque l'égalité complète entre les êtres humains n'a jamais été atteinte si l'on se fie aux écrits consignés depuis la Grèce et la Rome antiques. Il demeure une ligne de démarcation entre la possession et la privation des droits, terrain fertile de contestation entre ceux qui ont intérêt à restreindre, à limiter cet état de droit à certains groupes - les hommes, les Blancs, les propriétaires de capital - et les exclus - les femmes, les peuples de couleur, les travailleurs à gages qui luttent pour obtenir le droit de vivre dignement. À l'ère de la mondialisation, il y a risque de déficit de citoyenneté, d'apparitions de formes d'inégalité insidieuses plus ou moins visibles à court terme, voire de retour en arrière sous forme de nivellement par le bas puisque d'une frontière à l'autre les États-nations ne sont pas tous au même diapason relativement aux droits acquis : assurance-maladie, revenu minimum d'insertion, aide financière généreuse aux étudiants à défaut de l'éducation gratuite universelle, équité salariale pour les groupes minoritaires et les femmes, liberté d'association syndicale, tolérance zéro à l'égard de la violence sous toutes ses formes, interdiction de la traite des femmes et des enfants, droit au transport adapté, possibilité de voies alternatives quand l'institution inventée pour résoudre un problème social donné faillit à sa tâche, reconnaissance de la citoyenneté et de la diversité culturelle, protection de l'environnement, etc. La menace est d'autant plus réelle que les États-Unis, la seule super-puissance mondiale, hésitent encore à choisir entre une idéologie avouée d'égalité et d'inclusion, c'est-à-dire le credo américain, l'idéal démocratique, et un désir viscéral et courant d'exclure et de rejeter plusieurs catégories d'êtres humains. De là, l'impératif de vigilance et d'organisation de luttes pour une moins grande inégalité et une participation sociale de tous à la société civile, et ce, par-delà les frontières nationales. L'effort social, c'est-à-dire le développement des politiques sociales, des institutions socio-sanitaires et des initiatives publiques ou privées mises sur pied au cours des siècles pour résoudre divers problèmes sociaux dont celui de la pauvreté, doit être maintenu avec conviction dans tous les pays. Ainsi, l'existence, la persistance même de ces problèmes, au cours de l'histoire de l'humanité témoigne des incontournables contradictions des sociétés. L'effort social contre la pauvreté à l'ère de la mondialisation demeure le meilleur moyen pour qu'une société qui avance ne soit par une société qui appauvrit, qui exclut. 

Au cours des deux dernières décennies, la lutte contre les inégalités sociales semblait léthargique. La revue Possibles sonne le réveil de la pensée critique avec un numéro spécial au thème évocateur « Sortir de la pensée unique ». Les sociologues du centre de communication avancée Havas Advertising annoncent pour l'an 2000 aussi bien une explosion extraordinaire d'émotion qu'un regain de tonicité sociale après quinze ans de dépression collective. Il faut avoir la foi... Pour notre part, jamais l'espérance n'aura été aussi proche de la croyance.
 

BIBLIOGRAPHIE

 

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[1] « Britain - Back to class war ? », The Economist, 3 juin 2000, p. 58.

[2] Université Laval, Université de Montréal, Université du Québec à Montréal et McGill University.

[3] Rapport de l'enquête Santé Québec 1987, Et la santé, ça va ?, Gouvernement du Québec, 1992-1993. [Voir l’édition 1992-1993 du Rapport disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[4] Un des stigmas les plus coriaces et les plus tabous est le Racial Profiling (sélection raciale), profil statistique construit à même des banques de données. Ce marqueur social construit sur un phénotype racial donne lieu à un genre de harcèlement policier qui consiste à contrôler et arrêter d'une manière intempestive les gens de race noire ou les hispanophones jusqu'à deux fois par mois, cinq fois plus souvent que les Blancs. Une jolie voiture conduite par un Noir, c'est une voiture de dealer. Même si 80% des consommateurs de cocaïne aux États-Unis sont blancs, la police cherche de la drogue en priorité chez les Noirs et les Latinos-Américains, en conformité avec le Drug Courrier Profile. D'ailleurs, c'est maintenant connu. Quand les policiers se mettent en parallèle des autoroutes, ils contrôlent la conduite automobile à même les plaques d'immatriculation. Quand ils garent leur voiture en retrait et de manière perpendiculaire à la circulation automobile, ils contrôlent avant tout le profil racial. Si les gens des ghettos en pâtissent, se résignent, des pasteurs, des acteurs de race noire, des professionnels du jeu (tennis, basket-ball, golf, etc.) et surtout les gens d'affaires, principalement ceux du consortium Ebony dénoncent, se plaignent en haut lieu et investissent le parti démocrate. Autrefois (1964-1975) à Montréal, plusieurs psychiatres d'origine haïtienne se faisaient arrêter pour identification de leur BMW ou de leur Mercedes-Benz comme s'ils n'avaient pas le même salaire que les médecins blancs. Cette pratique a perdu du terrain à cause des pressions exercées sur les autorités de la police de Montréal par les surintendants médicaux de divers hôpitaux, le président du Collège des médecins d'alors. Toutefois, les Haïtiens de Montréal-Nord, du quartier Saint-François à Laval, de Saint-Hubert continuent de se faire humilier par les policiers préposés à la circulation routière : il s'agirait d'une question de classe sociale avant d'être une question d'ethnicité, Tout en reconnaissant que l'immigration est une expérience qui bouleverse la vie d'un être humain, le moment est venu en ce début de XXIe siècle, d'engager un combat arc-en-ciel contre la pauvreté qui affecte un nombre grandissant de citoyens de toutes origines. Cependant, il faut toujours tenir la bride haute à ces associations de termes fétiches (péril jaune, nouvelles classes dangereuses, sida/étranger, minorités visibles, vote ethnique) dérivées du stigma racial profiling à forte portée ethnocidaire sous-entendant que les immigrants sont des groupes a risque porteurs de menace potentielle pour la sécurité collective, qu'ils sont des personnes moins valables que les natifs du pays, dits de souche ou natif-natal.

[5] Selon une professeure de travail social de l'Université du Québec à Montréal, Michèle Bourgon, cet hôpital obstétrique était littéralement divisé en deux sections : une section réservée aux femmes mariées, des gens de bien et une autre réservée aux filles-mères, les dépravées... Il va sans dire que les cris de douleur étaient plus retentissants dans la section des parturientes privées de gaz anesthésiant.

[6] Allocution de Giovanni Berlinguer, le père de la politique de santé en Italie, recevant le doctorat honoris causa de l'université de Montréal en présence de jean Rochon, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, mai 1996.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 31 juillet 2008 20:12
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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