RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Le mouvement des femmes au Québec ” (1978)
Texte intégral de l'article


Une édition électronique réalisée à partir de l'article “ Le mouvement des femmes au Québec ”. Un article collectif publié dans la revue Politique aujourd’hui, Paris, no 7-8, 1978, pp. 165 à 178. (Québec : de l’indépendance au socialisme) [Le collectif est composé de : Denise Dorval, Irène Durant-Foupart, Serge Lacroix, Martine Lanctôt, France Leboeuf, Danielle Lemay, Louise Maillette, Hedi Mizouni et Pauline Lacroix-Lecompte, étudiant(es) de Maîtrise en sociologie à l’Université du Québec à Montréal].

Texte intégral de l'article

Introduction
Historique
Le mouvement féministe
Le mouvement réformiste
Les syndicats
Les groupes politiques de gauche
Les groupes populaires
La production culturelle
Les femmes et le pouvoir
Conclusion
Bibliographie

Introduction

La résurgence du mouvement féministe au Québec, à la fin des années 60, est liée aux conditions sociales particulières aux sociétés capitalistes du monde occidental qui ont atteint un stade de développement avancé. La similitude de situation des femmes de ces pays très industrialisés constitue un des fondements du nouveau féminisme et rend compte de son caractère international.

En 1977, au Québec, 920.000 femmes travaillent à l'extérieur de la maison, soit 37,8 % de la population féminine, ce qui forme 37 % de la main d'œuvre. Le taux de chômage des femmes est de 11, 5 % contre 9,6 % pour les hommes. Les travailleuses syndiquées constituent environ 37 % de la main-d'œuvre féminine, en 1974, et représentent 32 % de l'ensemble des syndiqués. L'écart entre le salaire médian des hommes et des femmes, au début de cette décennie, se situe autour de 42 %. Dans le domaine de l'éducation, les filles forment environ la moitié de la population étudiante aux niveaux primaire, secondaire et collégial mais seulement 38,7 % de la population universitaire, en 1977, et cette proportion diminue fortement aux deuxième et troisième cycles. De plus, elles se dirigent encore massivement vers les secteurs «féminins» du marché du travail. Enfin, pour la majorité des québécoises, le mariage conduit encore principalement à la « carrière domestique », même si un aussi grand nombre de femmes mariées que de femmes célibataires ont un emploi rémunéré.

Ce bref tableau de la situation générale des femmes au Québec met en évidence cette réalité commune aux pays qui ont vu l'émergence récente des mouvements féministes. Toutefois, le caractère particulier que prennent ces mouvements, au sein des différentes réalités sociales, dépend de conditions historiques spécifiques dont il faut nécessairement tenir compte. Au Québec, la présence de deux communautés ethniques dont l'une, minoritaire et anglophone, détient la suprématie sur l'autre, majoritaire et francophone, est une de ces conditions déterminantes. On ne peut étudier le mouvement des femmes sans prendre en considération cette composante essentielle de la spécificité québécoise. La question nationale est inséparable de celle des classes sociales au sein du mouvement social dans son ensemble.

Dans cette optique, il est possible de se demander si les difficultés qui ont marqué la naissance du mouvement féministe au Québec, si sa dispersion et son manque d'enracinement au sein des masses, ne sont pas liés, en partie, à l'émergence d'un nouveau mouvement de libération nationale, au cours des années 60. En effet, celui-ci a pu canaliser l'énergie de nombreuses militantes québécoises et freiner ainsi l'éclosion d'un mouvement féministe plus vaste et mieux organisé. Cette hypothèse s'appuie, entre autres, sur le fait que les femmes constituent la fraction la plus importante de la base du Parti Québécois (56% des membres) et sont ses plus actives militantes. Cependant, il ne faudrait pas en conclure que la lutte des québécoises contre leur oppression spécifique est moins importante qu'ailleurs ni que les idées féministes ont moins d'emprise. Le mouvement des femmes au Québec, dont l'organisation féministe n'est qu'un des aspects, est un vaste courant social qui englobe les luttes des femmes à tous les niveaux de la société et dont il faut tenir compte dans son ensemble.

Dans cette perspective, nous avons choisi de ne pas limiter notre analyse au seul mouvement féministe avec ses différentes tendances : réformiste, marxiste et radicale. Nous avons cherché à en élargir le cadre de manière à inclure d'autres dimensions du mouvement des femmes. Après un rappel historique, nous abordons la question des femmes telle qu'elle se pose dans les syndicats, dans les groupes politiques de gauche et dans les groupes populaires et telle qu'elle se manifeste dans la production culturelle. Enfin, pour situer le mouvement des femmes dans le contexte politique, nous examinons la politique actuelle du gouvernement à l'endroit des femmes.

Malgré notre désir de présenter une image globale de la lutte des femmes, il est évident que nous devons en négliger de nombreux aspects. Ainsi, nous nous concentrons essentiellement sur la région de Montréal, où se situe le noyau principal du mouvement, mais qui n'est certainement pas l'image exclusive du Québec. De plus, notre étude porte avant tout sur le mouvement francophone ; généralement distinct du mouvement anglophone, il reflète davantage les aspirations de la majorité des québécoises.
Historique

La naissance du mouvement des femmes au Québec coïncide avec le mouvement de réforme urbaine qui se propage au Canada, à la fin du XIXe siècle. C'est à travers cette lutte contre les « méfaits » du capitalisme industriel en pleine expansion que se développe un premier mouvement féministe, principalement à Montréal, qui regroupe des femmes de la bourgeoisie anglophone et francophone. Leurs principales activités s'articulent d'abord autour de la réorganisation du travail philantropique pour ensuite s'étendre à la promotion plus globale de leurs droits, sans pour autant remettre en question le rôle de la femme au foyer.

Au cours des premières années d'expansion de ce féminisme de type juridico-politique, les femmes de la bourgeoisie des deux communautés ethniques luttent au sein d'une organisation unique, non confessionnelle, mise sur pied par les anglophones. Cependant, les Canadiennes-françaises perçoivent bientôt la nécessité de s'organiser de façon autonome, en réponse, d'une part, au nationalisme grandissant et surtout, d'autre part, aux pressions du clergé catholique et à l'anti-féminisme virulent de la société québécoise. La constitution d'une organisation francophone indépendante favorise le développement d'un féminisme chrétien, pacifique et « raisonnable », hérité du courant féministe catholique qui a cours en France, à cette époque. Les Canadiennes-françaises ont ainsi trouvé le moyen de concilier leur foi catholique et la revendication de leurs droits de femmes. Cependant, la prédominance croissante de l'aspect moral et religieux, sous influence de l'Eglise, ne tarde pas à restreindre considérablement la portée et le contenu de leurs revendications. Ne pouvant étouffer totalement le mouvement des femmes, le clergé le récupère. Il réussit même à détourner les militantes de la lutte pour le suffrage féminin. Ayant perdu sa raison d'être, cette première organisation féministe francophone se met à décliner dès les années 20.

Dès lors apparaissent des organisations laïques de femmes qui luttent pour l'obtention du droit de vote au Québec. Ce droit a été obtenu en 1918 au niveau fédéral et la plupart des Provinces canadiennes l'ont accordé peu après. Seul le Québec maintient une attitude fermement hostile au suffrage féminin. L'emprise de l'idéologie catholico-nationaliste, qui fait de la mère québécoise la principale garante de la survie de la « race » canadiennefrançaise, explique en partie ce retard. La lutte des féministes sera très longue et humiliante ; elles n'obtiendront gain de cause qu'en 1940. Après l'obtention du droit de vote, le mouvement féministe québécois connaît un déclin marqué comme dans tous les pays où la lutte s'est centrée sur cet objectif. Il faut attendre les années 60 pour voir réapparaître des organisations féministes, visant cette fois l'émancipation globale des femmes. Et ce n'est qu'à l'extrême fin de cette décennie que le féminisme révolutionnaire, dont l'objectif est la libération des femmes, commence à se manifester. Il ouvre une deuxième phase de la lutte des femmes.

Au cours de la première étape de cette lutte, le combat des femmes de la bourgeoisie pour la reconnaissance de leurs droits politiques ne constitue pas la seule dimension du mouvement des femmes. Les luttes des femmes au travail en sont un autre aspect essentiel. En effet, à partir de la fin du XIXe siècle, les canadiennes, issues du prolétariat naissant, accèdent du marché de travail, Le développement du capitalisme industriel accroît constamment la demande de main d'œuvre à bon marché ; ce phénomène se mamieste plus particulièrement au Québec où la structure industrielle est basée sur l'industrie légère, qui requiert ce type de travailleurs. Les femmes sont massivement employées dans le secteur manufacturier (textile, vêtement, chaussure, tabac). Les services domestiques et le travail de bureau recrutent la plupart des autres travailleuses. Le travail des femmes étant essentiel à l'économie, leur participation croissante au marché du travail est peu entravée par l'opposition quasi générale de la société québécoise au travail féminin. Toutefois cette opposition sert à renforcer la discrimination flagrante que pratiquent les employeurs à l'égard des femmes et les syndicats ne font qu'entériner cette situation.

Malgré les difficultés, ces travailleuses furent d'ardentes militantes. Certaines grèves dans le textile et le vêtement l'attestent, les noms de plusieurs dirigeantes syndicales sont restés célèbres dans les annales du syndicalisme. La grève des employées d'un grand magasin, en 1952, et bien d'autres, dont il serait trop long de faire état, témoignent de la combativité des ouvrières dans la lutte pour leurs droits fondamentaux. Cet ensemble de faits révèle une dimension essentielle de l'histoire cachée des femmes au Québec.
Le mouvement féministe

Au cours des années 60, on assiste, au Québec, à la montée des mouvements de libération nationale. Certains de ces mouvements favorisent la voie électorale (le « Rassemblement pour l'indépendance nationale », le « Mouvement souveraineté-association », le « Parti Québécois », etc.) ; d'autres, jugeant les partis indépendantistes trop réformistes dans leur projet social, choisissent une voie plus radicale et lient la libération nationale à la révolution sociale. C'est le cas du « Front de libération du Québec » qui opte pour la violence et la clandestinité et, dans le milieu intellectuel, de groupes tels que le « Mouvement de libération populaire » et de revues politiques comme Parti Pris, principal organe d'expression des indépendantistes progressistes entre 63 et 68. Tous tentent d'inscrire la question nationale dans une stratégie de lutte des classes.

L'impact de cette prise de conscience politique nationaliste d'une part et, d'autre part, l'impact de la littérature féministe française et américaine marquèrent l'éclosion du mouvement féministe québécois. En effet, c'est en 1969 que naît le premier groupe féministe marxiste, le « Front de libération des femmes ». Issu d'une manifestation organisée à Montréal, par un groupe de femmes, pour protester contre le réglement anti-manifestation décrété par le maire Jean Drapeau, le F.L.F. se veut un outil de prise de conscience féministe. Les femmes qui le composent sont des militantes qui se disent déçues par le « chauvinisme mâle » de certains groupes politiques de gauche et insatisfaites du rôle secondaire qu'on leur y fait jouer. Elles décident de se regrouper dans un mouvement autonome. Dans son Manifeste des Femmes Québécoises, le F.L.F. associe la lutte pour la libération des femmes à la lutte pour la libération nationale. Ce groupe compte aussi à son actif la publication du premier numéro du journal féministe Québécoises Deboutte, qui sera ensuite reprise par le « Centre des femmes ». Notons qu'à ses débuts, le F.L.F. travaillait en collaboration avec le mouvement féministe anglophone. C'est ainsi qu'en 1970, des consultations sur l'avortement étaient offertes conjointement par les deux groupes. Une brochure rédigée par des étudiantes de l'Université anglophone McGill, The Birth Control Handbook (qui obtint en 1971 le record des ventes annuelles de toutes les publications canadiennes) fut aussi reprise par le F.L.F. sous le titre Pour un contrôle des naissances et connut un succès éclatant. Cependant, l'alliance entre les deux mouvements s'affaiblit rapidement ; le lien qu'établissaient les québécoises francophones entre l'oppression féminine et l'oppression nationale, ne correspondait pas à la démarche des féministes anglophones. Ces dernières s'inspiraient plutôt des problématiques élaborées par le mouvement féministe américain. Le « Front de libération des femmes » a surtout eu pour fonction d'élaborer une théorie de l'oppresion des femmes qui tienne compte de la spécificité québécoise. Il disparaît en 1972 mais deux de ses militantes créent le « Centre des femmes » dont l'analyse politique est basée sur les mêmes principes : on veut organiser la lutte dans une perspective féministe et la situer dans la lutte des québécois contre toutes les formes de leur exploitation.

L'ampleur que prend, à cette époque, le procès de Morgentaler (médecin montréalais accusé d'avoir pratiqué des avortements illégaux), canalise l'énergie féministe vers le problème de l'avortement. En effet, cet évènement qui prend vite l'allure d'un procès général de l'avortement, revêt une importance considérable, tant par les réactions qu'il suscite dans l'opinion publique que par le lieu de mobilisation qu'il représente pour le courant féministe. Les trois grandes centrales syndicales ainsi que divers groupes féministes, politiques et populaires, s'unissent pour former le « Comité pour la défense du Dr. Morgentaler ». Cependant, le « Centre des femmes » et quelques autres groupes féministes se dissocient bientôt du Comité de défense Morgentaler, expliquant que la lutte ne doit pas être menée pour la défense de la profession médicale mais pour le droit des femmes au contrôle de leur corps et de leur fonction reproductrice. A la suite de cette scission, ces femmes se réunissent pour mettre sur pied le « Comité de lutte pour l'avortement et la contraception libres et gratuits » dont la lutte ne se situe pas seulement au plan légal mais vise « les structures patriarcales et capitalistes ».

Le « Centre des femmes », qui ferme ses portes en 75, aura joué un rôle moteur dans le courant féministe marxiste au Québec. Il fut le premier à formuler une pensée féministe exerçant une certaine influence, surtout par l'intermédiaire de son journal Québécoises Deboutte. Il fut aussi à l'origine, de façon plus ou moins directe, de plusieurs groupes militants actuels. Notons, le « Théâtre des cuisines », troupe de théâtre féministe qui se produit aux fêtes du 8 mars et dans diverses manifestations; il se donne pour but de décrire l'exploitation quotidienne et spécifique des femmes dans le travail ménager. La troupe a monté deux pièces de théâtre : Môman travaille pas à trop d'ouvrage et Nous aurons les enfants que nous voulons. La maison des « Éditions du Remue-ménage », pour sa part, publie des livres qui analysent l'oppression des femmes à partir de thèmes comme le travail ménager, la santé, le viol et les violences de toute sortes qu'elles subissent. Elle a publié, entre autres, la pièce du « Théâtre des cuisines », Môman travaille pas à trop d'ouvrage. Il faut aussi noter l'existence du « Centre de documentation féministe » qui veut procurer aux femmes des instruments de réflexion qui favorisent leur implication dans des groupes autonomes ainsi que le « Centre de santé des femmes du quartier Plateau Mont-Royal », clinique de santé autogérée par des femmes.

Tous ces groupes ont une idéologie commune : ils cherchent à donner à la lutte des femmes une perspective de classe, en refusant d'en faire « un appendice de la lutte des classes ». En outre, ils veulent tous demeurer autonomes par rapport aux groupes politiques de gauche, particulièrement en ce qui concerne la direction politique de la lutte féministe.

D'autres groupes se mobilisent en vue d'actions concrètes sans faire d'analyse politique très précise. On pourrait citer la « Librairie des femmes d'ici » qui se définit comme un lieu de rencontre pour les québécoises de divers milieux et de diverses tendances. Cette librairie ne vend que des livres écrits par des auteurs féminins et elle veut être un moyen pour les femmes de trouver leur identité.

Le journal Pluri-elles, de son côté, se présente comme un bulletin de liaison entre les divers groupes autonomes de femmes et définit ses buts comme suit : poursuivre la construction d'une solidarité, approfondir la compréhension des luttes féministes et travailler à la construction d'un vaste mouvement autonome de femmes. Pluri-elles ouvre donc ses portes à des groupes de différentes tendances, à la condition qu'ils représentent des mouvements autonomes de femmes.

il existe d'autres organisations qui ne prennent pas ouvertement position sur le rapport entre l'oppression des femmes et la lutte des classes. Leur but est d'offrir des services concrets aux femmes : information juridique, consultations sur l'avortement, accueil aux femmes battues, aide aux immigrées, etc. On peut citer le «Centre de la femme nouvelle», le «Centre d'auto-santé des femmes», le «Centre d'aide aux victimes du viol», «Assistance aux femmes» etc. Certaines de ces organisations regroupent des militantes anglophones et francophones et offrent leurs services aux deux communautés.

La tendance radicale du mouvement féministe québécois est très peu représentée au sein des groupes organisés de femmes. On la retrouve dans de nombreux écrits individuels mais elle ne se manifeste, sous une forme structurée, que dans le journal Les Têtes de Pioche. Aussi, malgré son faible tirage (quelques centaines d'exemplaires), ce journal prend une importance particulière. Il représente la seule expression officielle d'une position qui définit le pouvoir mâle comme la contradiction principale de la société et qui refuse de tenir compte de toute autre forme d'oppression et d'exploitation qui ne concerne pas exclusivement les femmes. De ce point de vue, l'oppression spécifique des femmes est la source de toutes les autres et annihile toutes différences entre les femmes.

Pendant quelque temps, à ses débuts, le journal est dirigé par un collectif de 6 personnes au sein duquel se manifestent des divergences théoriques. Certaines analyses tiennent compte de la lutte des classes et des différences fondamentales entre les femmes. À la suite de dissensions internes et d'une polarisation des positions devenues inconciliables, le collectif est réduit à trois personnes qui refusent de faire «de la lutte des femmes un appendice de la luttes des classes» et de «prendre en charge toutes les misères phallocratiques». Pour s'en sortir, les femmes doivent s'unir, répondre à leur besoin d'être bien ensemble, vivre pour elles et reconnaître le lesbianisme comme une nouvelle forme de sexualité.

Les Têtes de Pioche étant le seul journal féministe à l'heure actuelle et ses positions étant jugées très radicales, il est l'objet de critiques et de commentaires qui le placent à l'avant-scène du mouvement féministe.

Le mouvement réformiste

Composé de diverses associations et de fédérations d'associations, le mouvement réformiste québécois présente un éventail de tendances idéologiques. Toutefois, l'action de ces groupes, orientée vers des objectifs communs, exerce une influence non négligeable sur les gouvernements. L'association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS) recrute ses membres surtout dans les milieux ruraux et des petites villes. Fondée en 1966, l'AFEAS regroupe aujourd'hui quelques 35.000 femmes, réparties dans 600 cercles à travers la Province. Fortement inspirée par l'idéologie catholique, c'est une organisation féministe, réformiste, traditionnelle et confessionnelle très modérée. Cette position particulière se traduit, aux plans social et politique, par la volonté de promouvoir une participation plus grande des femmes aux structures de la société et au processus électoral. Le caractère apolitique de l'AFEAS lui permet d'exercer, sous forme de « lobbying » et de présentation d'études et de mémoires, une pression constante sur les divers paliers de gouvernement. L'AFEAS s'est penchée récemment sur quelques thèmes importants, entre autres, le problème de la femme collaboratrice de son mari dans une entreprise à but lucratif et la survivance de la famille. L'AFEAS est en faveur de l'implantation de garderies subventionnées et gérées conjointement par l'État et par les parents ; elle n'approuve l'avortement que pour des raisons thérapeutiques.

Implantée surtout à Montréal et dans d'autres milieux urbains, la Fédération des Femmes du Québec (FFQ) est une fédération d'associations qui se définit dans l'ensemble comme étant a-politique. La Fédération qui fut fondée en 1966 regroupe aujourd'hui 30 associations (plus de 130.000 membres) et 500 membres individuels. Elle rejette les valeurs qui définissaient l'idéologie traditionnelle et s'affirme par son libéralisme. Mise sur pied par des femmes de la bourgeoisie, ayant l'expérience d'une carrière dans les professions libérales et dans la politique, la FFQ est encore largement dominée par ce groupe. La Fédération s'est fixée comme objectif de donner à la femme québécoise un statut de citoyenne à part entière : la reconnaissance de ses droits fondamentaux et la possibilité d'exercer ses libertés. Pour certaines tendances féministes, la position de la FFQ sur l'avortement semble trop modérée. En effet, ce n'est qu'en 1975, que la FFQ, par un vote controversé modifie une politique jusque-là défavorable à la libéralisation de l'avortement. Sans prendre position pour ou contre l'avortement et parce que «les problèmes existent déjà», elle demande le retrait de l'avortement du code criminel et encourage l'éducation sexuelle et l'adoption de mesures sociales adéquates. Il faut signaler que la FFQ bénéficie à elle seule de tous les fonds accordés par les gouvernements aux organisations féministes (77.500 dollars en 1977). Au plan des réalisations (cours, études, mémoires), la FFQ est particulièrement productive. C'est grâce à son travail, en partie, qu'on a mis sur pied, au niveau provincial, en 1973, le Conseil du Statut de la Femme, organisme para-gouvernemental de consultation.

La Ligue des Femmes du Québec, membre de la Fédération Démocratique Internationale, fondée en 1957, est l'association féministe de type réformiste la plus ancienne au Québec. La Ligue regroupe aujourd'hui 300 membres dans la région de Montréal et entretient une politique de sympathie envers le mouvement ouvrier québécois. Cette particularité lui donne une place plus progressiste que celles des autres mouvements réformistes. De plus, ses revendications en faveur de l'avortement et des garderies libres et gratuites, en font un agent de contestation à l'intérieur de la FFQ, dont elle est membre.

Pour sa part, le Réseau d'Action et d'Information pour les femmes (RAIF), fondé en 1973, recrute la plupart de ses membres dans la région de Québec. Il ne s'associe à aucune idéologie précise, n'a aucune structure hiérarchisée et aucun bureau permanent. Il réagit donc rapidement, au jour le jour, aux politiques gouvernementales touchant les droits des femmes, par différentes t'ormes de manifestations et de dénonciations (lettres, télégrammes, études). Dénonçant le système patriarcal sexiste, et la place subalterne de la femme dans la famille, le RAIF est en faveur de l'avortement et de l'implantation d'un réseau de garderies. Pour la présidente du RAIF, la libération de la femme est prioritaire et elle est essentielle à la libération nationale du Québec.
Les syndicats

Dès le début de la participation féminine au marché du travail, les syndicats, dans leur ensemble, ont condamné le travail des femmes, surtout des femmes mariées. C'est seulement à partir de 1960 qu'ils commencent à reconnaître la légitimité du travail féminin. Dans les années 70, ils manifestent toutefois un intérêt croissant pour les questions relatives aux femmes et ils souhaitent devenir des agents de changement de la condition féminine.

Face à la difficulté pour les femmes de se syndiquer et de participer aux instances de décision, les trois grandes centrales syndicales ont mis sur pied des comités de la condition féminine. En 1972, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) - regroupant des syndicats américains et canadiens au Québec - crée un comité d'étude ayant pour mandat d'expliquer la faible participation des femmes, à tous ses échelons. En effet, bien qu'elles constituent 20 % des effectifs, les femmes sont sous-représentées de façon flagrante au niveau de la Fédération ; elles ne comptent que pour 3 à 4 % des permanents et aucune femme n'a jamais été élue à l'exécutif.

La situation est quelque peu différente à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), - centrale formée de syndicats catholiques à l'origine où les femmes forment le tiers des effectifs. La CSN a été la première centrale à se préoccuper des problèmes pratiques relatifs au travail féminin, même si elle a longtemps subi l'influence de l'idéologie traditionnelle.

Seule la Centrale des enseignants du Québec (CEG) a une majorité de femmes parmi ses syndiqués, soit les deux tiers. Toutefois, le problème de la sous-représentation féminine aux instances de décision se pose aussi à la CEG. À son congrès de 1973, elle s'est orientée vers une réflexion plus profonde sur la condition féminine, en créant un comité chargé, entre autres, de mener une étude sur les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires.

Les principales revendications des comités de la condition féminine des trois centrales portent sur les congés de maternité, les garderies et la mise en pratique du principe « à travail de valeur égale, salaire égal ». On sent toutefois que le mouvement syndical éprouve certaines difficultés à intégrer la question féminine dans sa pratique quotidienne. On constate par ailleurs que le militantisme syndical des femmes est entravé par leurs charges familiales. Un comité de la condition féminine inter-centrales vient tout juste d'être créé pour l'élaboration de politiques et d'actions communes, susceptibles d'améliorer la condition des femmes.
Les groupes politiques de gauche

Au Québec, les caractéristiques des groupes politiques de gauche sont souvent différentes de celles des groupes européens. Il s'agit surtout de « groupuscules » qui regroupent quelques centaines de membres et qui militent principalement dans les groupes populaires, les syndicats, les collèges et les universités. Les plus actifs sont présentement le « Parti communiste canadien marxiste léniniste » (PCCML), la « Ligue communiste marxiste-léniniste du Canada » (LCMLC), le « Groupe marxiste-léniniste canadien » (En Lutte), la Ligue ouvrière révolutionnaire » (LOR) et le « Groupe socialiste des travailleurs du Québec » (GSTQ). La plupart de ces groupes sont nés dans les années 70 et leur objectif, au-delà des divergences idéologiques et stratégiques, reste le renversement du régime capitaliste par la classe ouvrière organisée. Ces groupes appuient la lutte contre l'oppression nationale et reconnaissent le droit à l'auto-détermination de la nation québécoise. Toutefois les trois premiers s'opposent à l'indépendance du Québec alors que les deux autres la soutiennent.

Pendant plusieurs années, ils ont eu une position semblable quant à la libération des femmes. Pour tous, la source de l'exploitation des femmes réside dans la propriété privée des moyens de production et la libération des femmes dépend de l'avènement d'une société socialiste ou communiste. Ainsi, la plupart des groupes politiques de gauche n'appuient pas les mouvements féministes autonomes qui divisent, selon eux, les forces révolutionnaires, en cantonnant les femmes dans leurs revendications spécifiques. Récemment, la « Ligue ouvrière révolutionnaire » a toutefois appuyé les regroupements des femmes, pour laisser, dit-elle, le droit aux opprimés de se regrouper et de lutter pour la transformation de tous les rapports de force économiques et sociaux. Pour sa part, le groupe « En lutte » vient de participer à un colloque sur les dix dernières années de luttes féministes au Québec, auquel prenait part également l'ensemble des groupes féministes. Ces quelques changements montrent que la conjoncture incite ces groupes à accorder de plus en plus d'importance à la question des femmes.
Les groupes populaires

Les groupes populaires apparaissent vers la fin des années 60, dans le contexte d'un courant de contestation, inspiré par la démarche de l'animation sociale. Ce sont des organisations militantes, implantées surtout dans les quartiers ouvriers, qui se donnent pour but d'élever le niveau de conscience des travailleurs, chômeurs, ménagères, assistés sociaux, à partir de leurs problèmes spécifiques en menant la lutte sur des questions concrètes. Ces groupes nous intéressent ici dans la mesure où les femmes y occupent une place majoritaire aussi bien comme membres que militantes.

Parmi ces groupes, signalons la « Coop Olier », coopérative d'alimentation orientée vers la défense et l'éducation des consommateurs ; « SOS Garderies » dont les objectifs sont la démocratisation du système de garderies ; « L'association pour la défense des droits sociaux » (ADDS) Cette dernière est composée presque exclusivement de femmes, bénéficiaires de l'assistance sociale et se donne pour objectif la défense des droits des assistés-sociaux. Quant au « Centre de formation populaire » (CFP), il donne des cours souvent gratuits portant sur la société québécoise et, entre autres, sur la condition féminine, à la demande de ses membres. Les militantes de ces divers groupes s'efforcent de réfléchir à leur condition de femmes et tentent de sensibiliser les autres femmes à cette question en l'intégrant aux objectifs propres à leurs organisations.
La production culturelle

Le féminisme occupe une place importante dans le champ de la production culturelle québécoise. Depuis le début des années 60, les chansonniers et les poètes nationalistes ont formulé pour beaucoup de québécoises et de québécois la recherche d'une identité. Comme on l'a signalé, le féminisme n'est pas isolé de ce courant nationaliste et certaines productions culturelles se réclament des deux démarches.

Nous ne soulignerons que quelques productions culturelles particulièrement significatives, mais il va sans dire qu'elles s'inscrivent dans un mouvement beaucoup plus vaste. Il faut noter aussi que ces réalisations auraient été impossibles sans la tenacité, la volonté et la solidarité exceptionnelle de leurs productrices. Ces femmes appartiennent à un milieu culturel privilégié mais elles peuvent être considérées comme les porte-parole de milliers d'autres femmes. Plusieurs d'entre elles se sont engagées à la fois dans le cinéma, le théâtre, l'écriture et la musique.

Le féminisme apparaît dans la production culturelle avec la série télévisée « En tant que femme », présentée à la télévision d'État en 1973. Un groupe de femmes cinéastes à l'office National du Film entreprennent cette expérience collective de recherche et de mise en scène, en parlant chacune à leur manière des problèmes des femmes québécoises : mariage, travail domestique, garderies, etc...

En 76, l'évènement théâtral « La nef des sorcières » (dont le texte était lancé le soir de la première) met en scène six femmes qui prennent la parole pour dire « l'inavouable de la condition féminine ». Cette création collective d'écrivains et de comédiennes, mise en scène par Luce Guilbeault, a représenté pour ces femmes plus qu'un travail de collaboration. C'est un projet de solidarité qui passe par la voix de ces femmes isolées dans leur monologue : l'actrice, la ménauposée, la fille ordinaire, la lesbienne et l'écrivaine. La « Quinzaine des femmes », présentée par le Centre d'essai du Conventum, l'automne dernier constitue une manifestation originale : des ménagères de banlieue y présentent leur première création théâtrale.

« La chambre nuptiale », conçue par Francine Larivée, est un environnement total dans un but d'animation culturelle. Cette singulière pièce architecturo sculpturo-musico-picturale fut créée par le « Groupe de recherche et d'action sociale par l'art et les médias de communication ». Présentée par des animateurs, elle a touché des milliers de personnes. La «Chambre nuptiale» vise à démystifier le mariage et les stéréotypes qui s'y rattachent et à dénoncer l'aliénation conjugale des femmes. Francine Larivée a poursuivi l'élaboration de l'analyse théorique qui est à l'origine de son projet. Elle tente d'en assurer la continuité malgré les difficultés financières qu'entraîne le coût du projet et du travail d'animation.

Plusieurs chanteuses ont déjà inscrit des chansons féministes à leur répertoire mais « Femmes de paroles » de Pauline Julien, est le premier spectacle (enregistré sur disque) qui soit totalement consacré à la thématique féministe. Bien accueilli en France comme au Québec, il représente un hommage aux femmes que l'histoire a passées sous silence : sorcières, hérétiques, indiennes, mères de famille, amoureuses, avortées, etc... Pauline Julien s'est publiquement associée à la cause de l'indépendance du Québec ; elle lie la lutte de décolonisation nationale à la lutte de libération des femmes, deux mouvements qui lui apparaissent irréversibles. Cependant, elle considère que la lutte des femmes possède une spécificité propre mais qu'elle ne doit pas être menée au détriment de la libération nationale. D'autres femmes qu'on ne peut toutes nommer, sont également identifiées au nationalisme et au féminisme ; citons Michèle Lalonde auteur du célèbre poème Speak White et Michèle Rossignol, femme de théâtre bien connue.

Le courant littéraire, dont Madeleine Gagnon est une des représentantes les plus connues, veut se réapproprier la représentation de la femme et de son corps. Madeleine Gagnon considère que la femme est l'objet de la représentation de l'homme depuis des millénaires et qu'en prenant la parole, les femmes se constituent en sujet de l'histoire. Selon elle, cette parole doit chercher aux racines de l'humain l'origine de la domination de l'homme sur la femme. Son dernier livre, Retailles, écrit avec Denise Boucher est le résultat de l'éclatement d'un « groupe de conscience » de femmes et se définit comme « la mise à mort même de l'échec ». Ce type de production s'inscrit dans une démarche semblable à celle du courant littéraire féministe en France, avec lequel les auteurs entretiennent des liens étroits.

La nouvelle collection Délire des « Éditions Quinze » sous la responsabilité d'Andrée Yanacopoulo et de Nicole Brossard (auteur de L'Amer), veut susciter une réflexion spécifiquement féminine. Leur premier texte, Maman de Marcelle Brisson, est le début d'un vaste projet de publication.
Les femmes et le pouvoir

L'action principale du gouvernement fédéral, en ce qui concerne les femmes, a été la mise sur pied d'une Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada dont le but était de « modifier en profondeur la vie des Canadiennes » et qui a produit le volumineux rapport Bird en 1970. Cette enquête suscitait beaucoup d'intérêt mais fut qualifiée de « rapport conservateur » et de « constat de situations bien connues ». La mise en application de certaines de ses recommandations, par le gouvernement fédéral, n'a solutionné aucun des problèmes importants des femmes.

Au niveau provincial, l'accession au pouvoir du Parti Québécois le 15 novembre 1976 suscite bien des espoirs chez les femmes du Québec. Son programme propose une série de mesures que les femmes attendent depuis longtemps, notamment les garderies et les congés de maternité. L'urgence d'actions concrètes s'impose ; en effet, les dossiers sont complétés et les besoins définis.

Après plus d'un an de pouvoir, la situation économique difficile qui prévaut au Québec, ne justifie pas, pour la plupart des militantes (qui forment 56% des membres du parti), les faibles réalisations du gouvernement touchant les questions jugées primordiales par l'électorat féminin. Par exemple, c'est à la suite seulement de pressions exercées par certains mouvements de femmes que le gouvernement a consenti à intégrer dans sa nouvelle loi sur l'assurance -automobile, des mesures non discriminatoires pour les femmes. Par ailleurs, il a chargé le Conseil du Statut de la femme de préparer une étude « en profondeur », en vue d'établir une politique d'ensemble de la condition féminine. Précisons que le C.S.F. est un organisme d'étude et de consultation mis sur pied grâce aux efforts de la Fédération des Femmes du Québec et d'autres associations féminines. D'autre part, aucune des priorités définies par le comité de la condition féminine du P.Q. ne s'est concrétisée.

L'épineuse question de l'avortement a suscité dernièrement des remous au sein du gouvernement et de l'opinion publique. Passée sous silence par le premier ministre, René Lévesque, dans le discours inaugural de la première session parlementaire après la victoire du P.Q., cette question est soulevée au congrès national du P.Q. tenu en mai 1977. L'Exécutif du parti, M. Lévesque en tête, rejette alors une proposition touchant l'avortement adoptée par la majorité des militants(tes) de l'Assemblée générale. Cette proposition visait à rendre l'avortement libre et gratuit et prévoyait l'implantation de services cliniques et/ou hospitaliers à cet effet, dans l'ensemble du Québec. M. Lévesque rappelle alors, au nom du gouvernement, que ce dernier n'est pas lié par les mandats que lui vote le parti et qu'on ne peut statuer sur une question « qui choque profondément la conscience d'un grand nombre de citoyens ».

La loi fédérale prévoit l'existence de comités thérapeutiques d'avortement dans les hôpitaux. Cependant, au Québec, de tels comités n'existent pas dans la majorité des hôpitaux francophones, et là où ils existent, ils fonctionnent difficilement. Par conséquent, les francophones sont forcées de s'adresser principalement aux hôpitaux anglophones, plus libéraux en ce domaine. Le ministre des affaires sociales du Québec annonçait dernièrement la création de vingt cliniques de planification familiale. Leurs modalités de fonctionnement n'ont pas été encore précisées mais on sait qu'il ne s'y pratiquera pas d'avortement sur demande. Cette mesure paraît néanmoins progressiste à plusieurs personnes.

L'octroi de congés de maternité et l'implantation d'un réseau de garderies ont aussi fait l'objet de résolutions adoptées par l'Assemblée générale du P.Q. Précisons qu'aucune loi ne protège encore les québécoises contre le congédiement en raison d'une grossesse. L'inaction gouvernementale maintient le Québec parmi les trois provinces canadiennes qui n'ont pas adopté de mesures statutaires dans ce domaine, Par ailleurs, la politique du ministère des affaires sociales en ce qui concerne les garderies, se limite à subventionner quelques garderies en milieu défavorisé. Le budget alloué à cette fin à été augmenté cette année, mais il n'existe aucune politique globale dans ce domaine et le gouvernement n'envisage pas, à court terme, d'implanter un réseau universel de garderies.

Déçues par l'attitude du gouvernement face aux recommandations du parti touchant la condition des femmes, un groupe d'ex-militantes péquistes a lancé, avec d'autres femmes, le Regroupement des femmes québécoises, en fév. 1978. À court terme, le mouvement se donne comme objectif de négocier le référendum de façon que «l'indépendance se fasse avec et pour les femmes» (1) À moyen terme, ce nouveau groupe féministe désire mobiliser les québécoises dans un mouvement de masse, pour faire pression sur le gouvernement afin d'obtenir la satisfaction de diverses revendications féminines.
Conclusion

À l'heure actuelle, le mouvement des femmes au Québec manifeste une vitalité certaine. Les média lui accordent une importance croissante et de nombreux débats publics, colloques, manifestations et publications diverses témoignent de l'intérêt grandissant des québécoises et québécois pour les questions relatives à la libération des femmes.

Dans le domaine de l'éducation, plusieurs commissions scolaires, collèges et universités offrent maintenant des cours sur la condition féminine. Depuis quelques années, l'Université Concordia, à Montréal, a mis sur pied un département d'études féminines et l'Université du Québec à Montréal vient d'inclure des cours sur le sujet, dans certains de ses programmes.

Présentement, l'avenir du mouvement des femmes est certainement une préoccupation majeure pour de nombreuses québécoises. Le symposium organisé à l'Université de Montréal, au début de mars, vise en partie, à répondre aux interrogations que pose ce devenir. Au mois de juin a lieu le congrès de fondation du Regroupement des femmes québécoises et on pourra en évaluer alors, l'envergure et la portée possibles. Après ces dix années de lutte, que nous avons tenté de résumer brièvement, le mouvement des femmes au Québec cherche à réorienter son action et à approfondir sa réflexion. Il s'agit, selon nous, de trouver le moyen de regrouper toute l'énergie trop souvent dispersée, tout le potentiel révolutionnaire des femmes, trop souvent inutilisé. On peut penser que le mouvement de libération des femmes, qui a pu être freiné par la lutte nationale, profitera peut-être de la désillusion de nombreuses québécoises à l'endroit du Parti Québécois et qu'il parviendra à élargir ses bases et à devenir une force sociale dont il faudra tenir compte.


Bibliographie

Quelques suggestions de livres sur le mouvement des femmes au Québec :

- Barry, Francine,
Le travail de la femme au Québec, l'évolution de 1940 à 1970, Presses de l'Université de Montréal, 1977.

- Dolmet, M. et Barthe, M.,
La femme au Québec, Les presses libres, Montréal, 1973.

- Dumont-Johnson, M. « Histoire de la condition de la femme dans la Province de Québec », in
Tradition culturelle et histoire politique de la femme au Canada, étude numéro 8 de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, 1971.

- Gagnon, Mona-Josée,
Les femmes vues par le Québec des hommes, 30 ans d'histoire des idéologies, 1940-1970, Éditions du jour, Montréal, 1974. Jean, Michèle, Québécoises du XXe siècle, textes choisis et présentés par Michèle Jean, Éditions du jour, Montréal, 1974.

- Lavigne, Marie et Pinard, Yolande,
Les femmes dans la société québécoise, aspects historiques, Collection « études d'histoire du Québec », Éditions du Boréal Express, Montréal, 1977.

- Trofimenkoff Mann, Susan et Prentice, Alison,
The Neglected Majority : Essays in Canadian Women's History, Mc Clelland and Stewart, Toronto, 1977.

Notes:

(1). Il s'agit du référendum sur l'indépendance du Québec qui aura lieu dans le courant de l'année qui vient.

Retour au texte du collectif Dernière mise à jour de cette page le Vendredi 19 décembre 2003 13:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref