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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les classes sociales au Canada français ” (*) (1962)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article du professeur Jacques Dofny (1923-1994) et Marcel Rioux, “ Les classes sociales au Canada français ”. Un article publié dans la Revue française de Sociologie, vol. 3, no 3, juillet-septembre 1962, pp. 290-300. [Autorisation accordée par l'épouse de M. Dofny le 29 décembre 2003]. Je tiens à remercier infiniment Mme Céline Saint-Pierre, sociologue à l'INRS-urbanisation de l'Université du Québec, pour ses démarches auprès de Mme Dofny qui nous a autorisé à diffuser toute l'oeuvre de son mari, le professeur Dofny. Sans les démarches de Mme Saint-Pierre, nous n'aurions pas obtenu cette autorisation. Merci.

Introduction

Le concept de classe sociale se réfère essentiellement à celui de société globale: faute de replacer les phénomènes sociaux, culturels et économiques dans l'optique de la société globale, on risque de confondre les classes sociales avec les groupes d'occupation, d'intérêts socio-économiques que l'on retrouve dans la composition des classes sociales mais qui ne se confondent pas avec elles. (Les classes sociales sont des groupes réels de très grande envergure, apparus dans les sociétés où les structures économiques prédominent et déterminent le jeu des incompatibilités concernant les autres systèmes d'activité, groupes dont la différenciation est surtout fondée sur l'inégalité économique. Ceux-ci, qui apparaissent dans les sociétés hétérogènes, en viennent à former des sous-cultures, c'est-à-dire des systèmes culturels relativement cohérents qui, tout en possédant la plupart des éléments constitutifs d'une culture globale, diffèrent de celle-ci par l'étendue, le contenu et la structuration. D'autre part, en tant que groupes de très grande envergure, les classes sociales créent, tendent à créer ou à s'approprier la plupart des attributs qui caractérisent la société globale elle-même.

Si nous examinons de ce point de vue le Canada français, nous nous rendons compte qu'à travers l'histoire cette entité socio-culturelle se considère et est considérée à la fois comme une société globale et une minorité ethnique à statut reconnu (chartered) à l'intérieur du Canada. Une double distinction s'impose ici: d'une part, il faut distinguer entre les aspirations d'une certaine partie de la population canadienne-française vers la société globale, et la réalité objective qui n'a jamais coïncidé avec ces aspirations, le Canada français ayant toujours fait partie, à divers titres, d'une autre société plus vaste. D'autre part, si on distingue société et culture globales, le Canada français peut être considéré beaucoup plus facilement comme une culture globale (c'est-à-dire un système total de valeurs, d'idées, de symboles qui influent sur le comporte-ment d'une société humaine et ses oeuvres de civilisation) que comme une société globale (c'est-à-dire un ensemble cohérent d'institutions, de rapports sociaux et de comportements spécifiques d'un système social total). Alors-que la culture canadienne-française est assez homogène et assez forte pour réinterpréter la plupart des éléments allogènes (anglais et américains), la société reste tronquée, notamment dans son système économique (axé sur les États-Unis) et dans son système politique (participation minoritaire à la Confédération canadienne). C'est cette situation de non concordance ou de concordance partielle ou tronquée entre le système culturel et le système social qui fait la spécificité du problème des classes sociales au Canada français.

Classe sociale et minorité ethnique reconnue et de grande envergure partagent beaucoup de caractères communs: multifonctionnalité, propension à résister à la société globale, conscience collective, cadre des œuvres culturelles et élaboration d'une idéologie. Notre hypothèse est que la plupart des caractères particuliers du problème des classes sociales au Canada français tiennent au fait que d'une part cette entité socioculturelle se considère et est considérée comme une société globale, comme une nation, et qu'à ce titre le problème des classes sociales se pose comme dans toute autre société globale en voie d'industrialisation et d'urbanisation; que d'autre part, les Canadiens français se considèrent et sont considérés comme une minorité ethnique reconnue qui, à l'intérieur du Canada, envisagé à son tour comme société globale, joue le même rôle que celui d'une classe sociale à l'intérieur d'une société globale. C'est l'interaction entre ces deux situations de fait et la prédominance de l'une ou l'autre conscience de «classe» à un moment donné qui explique la physionomie de chaque époque, les alliances et les luttes idéologiques qui y apparaissent. En surimpression et pour expliquer certains phénomènes plus généraux, il faut faire appel à une troisième dimension, celle de l'Amérique du Nord. Certaines valeurs, certaines institutions, la plupart des techniques, un grand nombre de comportements sont nord-américains avant d'être canadiens ou canadiens-français. Pour ce qui nous occupe plus particulièrement ici, on doit dire que l'idéologie de la classe moyenne est essentiellement nord-américaine et plus spécialement «étatsunienne». Ainsi lorsqu'on considère le Canada français, on se trouve en présence d'une société intimement emboîtée dans deux ensembles plus grands, phénomène qui rend compte d'un certain nombre de caractères communs aux sociétés nord-américaines.

On aura deviné que pour analyser les aspects particuliers du problème des classes sociales au Canada français, les faits nous commandent de privilégier l'élément prise de conscience et singulièrement la conjonction ou la disjonction de la conscience sociale et de la conscience ethnique. Qu'il s'agisse de classe sociale ou de «classe» ethnique, la prise de conscience peut parcourir quatre phases bien distinctes: 1) la communauté d'attitudes, de croyances, d'opinions concernant les relations à l'intérieur du groupe; à l'extérieur, les rapports avec les autres classes et groupes ethniques; 2) la conscience du nous par les membres de la classe ou de la minorité en tant que telles; 3) l'organisation de la classe ou de la minorité en de multiples groupements; 4) la prise du pouvoir, partiel ou total, précaire ou durable.


Note:

(*) La matière de l'article que nous publions ici a fait l'objet dune communication au Congrès de l'Institut des Études Canadiennes, organisé à l'Université de Carleton à Ottawa. Ce Congrès s'est tenu du 15 au 17 mars et avait pour thème: «Class in Canada». Nous remercions les organisateurs du Congrès qui ont autorisé la présente publication dans la Revue française de Sociologie, avant la parution des Actes du Congrès.

Retour au texte de l'auteur: Jacques Dofny, sociologue, Université de Montréal (1923-1994) Dernière mise à jour de cette page le Lundi 05 septembre 2005 19:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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