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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Nicolas DESURMONT, “Communicologie et radiophonie : des fins militaires aux fins éducatives.” Un article publié dans la revue Les Cahiers du journalisme, no 18, printemps 2008, pp. 138-164. Québec: Département d’information et de communication de l’Université Laval (Québec). [Autorisation accordée par l'auteur le 21 août 2008 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Nicolas DESURMONT *

Communicologie et radiophonie :
des fins militaires aux fins éducatives
”.

Un article publié dans la revue Les Cahiers du journalisme, no 18, printemps 2008, pp. 138-164.

Introduction
Les premiers balbutiements
La commercialisation de l’activité radiophonique
La radiophonie et le contrôle de l’information
La rivalité entre le Canada, les États-Unis et l’Europe
De la radio et des technologies de l’information à l’espionnage industriel et la psychiatrisation
Conclusion
Références bibliographiques


INTRODUCTION

La rationalité technicienne devient un créneau socio-économique au 19e siècle, s’esquissant comme le modèle des techniques. Il est compréhensible que le développement des télécommunications se soit progressivement inscrit dans cette logique. Entre le milieu du 19e siècle et le milieu du 20e siècle, l’histoire des télécommunications est caractérisée par les premières expérimentations de télégraphie et de transmission de signaux électriques d’abord utilisées à des fins essentiellement militaires, puis à des fins éducatives et commerciales à partir des années 1920 à une échelle limitée (temps d’antenne et couverture du réseau [1]) d’abord. À partir des années 1930 et 1940, la radio s’implante comme service public essentiel consolidé par son usage durant la Deuxième Guerre mondiale. Cette évolution s’inscrit dans un contexte marqué par la volonté du Canada de développer un réseau public de radiodiffusion privilégiant le volet éducatif et public de la radiophonie. Dans ce texte, nous allons traiter de quelques faits saillants de l’histoire radiophonique québécoise et canadienne en remontant aux sources de la transmission électrique des signaux morse. Notre parcours s’achève par les années 1950 marquées par différentes inventions comme la télévision, le développement de l’informatique et l’enregistrement magnétique.


Les premiers balbutiements

Avant même l’apparition de la radiophonie, différentes inventions dans le domaine des communications et de la transmission d’information sont étroitement reliées au milieu militaire. L’officier d’artillerie Charles Barbier invente la sonographie tactile fondée sur la combinaison de 12 points en relief, et il est auteur de divers procédés de communication nocturne destinées aux armées en campagne. L’invention de Louis Braille, perfectionnant le système de Barbier, dans les années 1820, permet la lecture dans l’obscurité de messages militaires. Dans les années 1840, un vaste réseau télégraphique et l’agence Associated Press sont créés aux États-Unis, donnant ainsi la possibilité de collecte et de circulation de nouvelles (l’invention du télégraphe par l’ingénieur français Claude Chappe date, quant à elle, de 1794 [2]). En son temps, le télégraphe de Chappe suscitera aussi l’intérêt de Napoléon, ce qui lui donnera un avantage sur ses rivaux et constituera la réponse adéquate pour les besoins de la communication marine entre vaisseaux [3].

En 1844 d’ailleurs, la première ligne télégraphique est établie entre Hamilton et Washington D.C. et deux ans plus tard, le 19 octobre 1846, la Toronto-Hamilton-Niagara and St. Catharine Electro-Magnetic Company transmet le premier message télégraphique canadien de Toronto à Hamilton. Parmi les nouveaux modes de communication qui prennent leur essor au 19e siècle, le télégraphe est une forme de communication par fil utilisant le code « morse », du nom de son célèbre inventeur Samuel Morse. L’encodage des signaux est réalisé par la fermeture et l’ouverture de circuits électriques à l’aide d’une clé de cuivre. La variation de ces impulsions correspond aux codes de lettres et de chiffres. Le code morse, dont l’alphabet est proposé en 1838, aura un impact mondial sur les radios communications en milieu marin et deviendra un système mixte de transmission standardisé et non-standadisé de messages.

Ce type de transmission donnera lieu, sur le même principe, à la création du Code international des signaux en sept langues en 1931 et entré en action en 1934, code toujours utilisé aujourd’hui. Les signaux sont composés, comme la nomenclature de l’Otan, d’une séquence de une, deux, trois ou quatre lettres. Malgré l’invention de la radio, le code morse continuera à être utilisé dans la marine et même l’invention de la radio téléphonie ; son usage dans la marine, fonctionnant sur des fréquences VHF, aura un impact déstratreux : « Since vessels began conversing freely in their own language without adhering to standardized messages : there was continued deterioration, and not improvement, of maritime communication world-wide as VHF use proliferated [...] A number of major catastrophes involving vast material damage and considerable loss of lives, all resulting form abortive attempts of communicating on VHF, clearly demonstrated the need for normative action vis-à-vis language use in the interest of vessel safety [4]. » Le code morse ne sera abandonné que tout récemment lors de l’apparition de systèmes tels le Cospas-Sarsat, système mondial d’alerte et de localisation de balises de détresse ou du lancement, en février 1992, du Système maritime mondial de détresse et de sécurité (GMDSS). Quant à lui, le système télégraphique a été supplanté par l’apparition des fibres optiques et des ondes ultra-courtes.

La fin du 19e siècle et le début du 20e siècle témoignent des premières tentatives de transmission à ondes électromagnétiques. Vers 1888, le physicien allemand Heinrich Hertz valide la théorie de la propagation des ondes électromagnétiques exposée par le physicien britannique James Clerk Maxwell 15 ans plus tôt [5]. Ainsi, les travaux de Hertz comprenaient-ils plusieurs montages qui allaient constituer pour longtemps la base technologique du développement de la radio. Son expérience, réalisée en 1887, s’organisait autour des deux éléments fondamentaux d’un système radioélectrique, l’émetteur et le récepteur. Le premier était constitué d’un générateur d’oscillations de haute fréquence, ou excitateur, dans lequel des étincelles étaient produites par un éclateur à boules. Le second, dénommé alors résonateur, éloigné de plusieurs mètres, permettra à Hertz d’observer une étincelle témoignant de l’existence d’oscillations de haute fréquence induites à distance. Il en mesurera diverses grandeurs, dont la longueur d’onde et la vitesse de propagation. Ce sera sur cette base que de multiples éléments viendront progressivement se greffer pour déboucher sur une utilisation pratique des ondes hertziennes [6].

D’autres travaux sont entrepris, par exemple ceux de Leo Graetz, sur la dispersion des ondes électriques qui sera à la base du téléphone, de la radio et de la télévision [7]. Le développement du transport ferroviaire et l’arrivée du télégraphe durant le 19e siècle vont révolutionner la vitesse des transports et des communications, vitesse qui sera accrue par les voitures, autobus, avions, téléphones, radio, etc.

Quelques années plus tard, Nikola Tesla à Saint-Louis au Missouri en 1893 et, en 1894, l’Italien Guglielmo Marconi réalisent la télégraphie sans fil qui allait devenir la base de la transmission radio. Ce dernier utilise l’éclateur de Hertz comme émetteur et le cohéreur de Branly (du nom du physicien Edouard Branly) comme récepteur [8] et, de fait, fin 1895, il transmet un message en morse à une distance de 2 400 mètres. Deux ans plus tard, il transmet des signaux à un navire manoeuvrant à 29 km de la côte atlantique [9]. Marconi s’installe au Canada au début du 19e siècle. Entre 1900 et 1905, l’usage en milieu naval des ondes radios connaît un progrès incontestable après que le brevet d’invention de communication entre les navires breveté par Edison en 1885 a été vendu à Marconi. En 1901, Marconi installe un émetteur à Poldhu (Cornwall) en Angleterre et capte les premiers signaux morse dans le récepteur installé dans la tour Cabot à Terre-Neuve. Cette expérience, bien qu’encore contestée, a fait l’orgueil des Canadiens et des Anglais [10].

Les premières transmissions de musique et de messages sont effectuées par Reginald Aubrey Fessenden de la Wireless telegraph Company à la veille de Noël 1906 à Brant Rock au Massachussetts (auparavant, seul le code morse était diffusé [11]). Ainsi, le physicien originaire de l’Estrie (East Bolton, Québec) transmet-il la première émission radiophonique vocale et musicale au monde depuis sa station expérimentale de Plymouth (11 km de Brant Rock) après avoir transmis pendant toute l’année 1906 des bulletins météo parlés à des cargos naviguant aussi loin que les Antilles [12]. Nombreuses de ses inventions brevetées sont aussi adoptées – sans son consentement – pendant la Première Guerre mondiale, servant, comme on peut l’imaginer, les intérêts militaires avant ceux de l’individu, raison d’État oblige.

« D’un million et demi qu’était la population québécoise en 1896, elle passe à un peu plus de 2 millions en 1914, et devient alors majoritairement urbaine. Durant cette même période, la valeur de la production agricole double, s’élevant à près de 90 millions de dollars annuellement, et la production manufacturière quadruple, atteignant les 4 000 millions [13]. » C’est dans ce contexte de développement de l’industrie que la télégraphie sans fil (désormais T.S.F.) fait son apparition au Canada en 1903, et en 1906 une convention internationale à Berlin fixe les usages des installations radio à des fins militaires. Ce n’est que 10 ans plus tard qu’une loi, la Loi du radiotélégraphe de 1913, accorde au ministre de la Marine et des Pêcheries le pouvoir d’émettre des licences pour les stations de radio. L’attribution de cette compétence au ministère fédéral de la Marine et des Pêcheries témoigne du fait que ce sont essentiellement les impulsions électriques en code morse utilisées de manière courante par la marine qui sont d’abord transmises [14].

C’est aussi ce même ministère qui régit la radiotéléphonie et commence à accorder des licences de radiodiffusion à partir de 1922. L’historien de la radio Franco Monleteone explique qu’« [i]nsieme al telefono, la radio fu una delle poche industrie a trovare enormi vantaggi dalla guerra. In tutti i paesi direttamente convoitti nel clonflito la radio–ancora un telefono senza fili, si sviluppa como mezzo bellico eo da li inizia le sua transformazione [15]. »

Au secrétariat provincial, on est appelé à intervenir pour régir et légiférer la T.S.F. Cette dernière prend son essor au Canada entre 1912 et 1914 [16] (notons par exemple les expériences de transmission de l’abbé Georges Désilets vers 1914 à Nicolet) alors que dès 1913, l’Allemagne transmet par les ondes radio des discours et de la musique à l’intention des soldats [17]. Conjuguée à l’utilisation des ondes courtes en 1923 pour les émissions de signaux sur de grandes distances, à l’amélioration des communications transatlantiques et aux recherches sur le son et la technologie radio par Marconi mais aussi par l’American Telegraph & Telephone (A.T.&T. créé en 1885), Bell Canada et General Electric corporation (qui fait partie notamment avec A.T.&T. de la Radio Corporation of America créée en 1919 [18]), la T.S.F. s’inscrit dans un contexte qui va favoriser l’écoute radiophonique et l’émergence de l’industrie du disque. La General Electric et l’A.T.T. tirent leurs profits essentiellement de la vente d’ampoules et de système d’éclairage, même si leur véritable activité est le transport d’information, au sens large du terme.


La commercialisation
de l’activité radiophonique

Contrairement à ce que donnent à penser certains clichés, « le Québec de la première moitié du 20e siècle est loin d’avoir été une société homogène et frileuse repliée sur elle-même [19] ». Au début du 20e siècle, les élites économiques anlophones font de Montréal la capitale financière et industrielle du Canada et l’inscrivent ainsi au sein des grands courants d’échanges internationaux, notamment avec les États-Unis. C’est aussi l’époque de l’émergence d’une immigration internationale, notamment entre les années 1910 et 1920. La population montréalaise d’origine britannique est de 33,7% en 1901, de 25,7% en 1911 et de 24% en 1921 [20]. La population du Canada fait un bond de plus de 40%, passant de 5 371 315 habitants en 1901 à 7 530 000 en 1913 [21]. Les États-Unis ou l’Europe sont proposés comme modèles, selon les allégeances politiques. Outre ce partage des allégeances, le modèle de la survivance que l’on a tenté d’appliquer comme paradigme dominant chez de nombreux auteurs serait en définitive, selon Gérard Bouchard, plutôt celui d’une reconquête [22].

L’activité radiophonique est donc favorisée d’autant plus que seuls les Canadiens anglais participent à la grande bourgeoisie capitaliste. L’effort de Marconi fait naître une programmation radiophonique régulière avec la station expérimentale montréalaise CINW, plus connue sous le nom de XWA lancée le 1er décembre 1919 (devenue en 1922 la CFCF) de la Canadian Marconi Company (Marconi Wireless Company of Canada [23])). Non seulement la XWA, entreprise privée appartenant à des intérêts britanniques, marque-t-elle le début de l’usage commercial de la T.S.F., mais c’est à cette station de Marconi que revient le mérite d’avoir diffusé, le 20 mai 1920, la première émission radiophonique en Amérique du Nord, peut-être même dans le monde [24]. À partir de cette date, une programmation régulière est diffusée. Le rôle des radios-amateurs au début des années 1920 n’est pas non plus négligeable : « Les radio-amateurs ont réalisé des prouesses spectaculaires, comme le premier contact radio transatlantique (1921) sur ondes courtes, domaine délaissé par les professionnels mais qui se révéla décisif pour le développement de la radiotéléphonie commerciale intercontinentale [25]. »

Le mois d’avril 1922 marque néanmoins la création des premières stations de radio canadiennes. En vertu d’un nouveau règlement du gouvernement fédéral adopté au début de l’année, la station CFCF, propriété de Marconi, est donc instituée en même temps que CKAC (et les deux stations se partagent la même fréquence entre 1925 et 1928), propriété du journal La Presse créée par Jacques Narcisse Cartier, maskoutain, journaliste et expert de technique radio [26] : « Dans les années 20, les Chemins de fer du Canadien National créent un réseau radiophonique comptant des stations à Ottawa, à Montréal, à Toronto, à Moncton et à Vancouver. Sa programmation se compose de concerts, d’opéras comiques, d’émissions scolaires et de drames historiques, mais ne compte toujours vers 1929 que trois heures en ondes par semaine à l’échelle nationale [27]. »

La commercialisation de l’activité radiophonique au début des années 1920 témoigne en quelque sorte du dépassement de la phase expérimentale et des préoccupations militaires tant au Canada que dans d’autres pays impliqués dans le conflit mondial. Selon Pierre Albert, il semble aller de soi que la naissance de la radio va soulever d’importantes difficultés dans les pays libéraux. Alors que dans les pays totalitaires, ou autoritaires, l’utilisation de l’audiovisuel comme instrument de propagande fut évidemment la règle (avec pour corollaire le brouillage des émissions étrangères) et ce, d’autant plus que la radio et la télévision se révélaient comme des moyens de propagande encore plus efficaces que la presse, l’idée que la radio puis la télévision étaient de véritables médias – et à ce titre devaient bénéficier d’un statut aussi libéral que celui des journaux – aura été très longue à s’imposer. Au début, dans la mesure où elle semblait se présenter comme la suite de la télégraphie et de la téléphonie sans fil, la radio naquit partout sous le règne du monopole et donc de l’autorisation par une autorité gouvernementale préalable à la création d’une station [28].

C’est en partie ce qui explique le contrôle gouvernemental des licences d’exploitation radiophonique et que durant le conflit mondial, c’est avant tout la fonction informative de la télégraphie sans fil qui va être valorisée par les besoins de la marine par exemple. Une fois la Première Guerre mondiale terminée, la radiophonie commerciale va prendre un essor et devenir un moyen d’information, de divertissement et d’éducation même si dans les années 1920, la « T.S.F. est [encore] utilisée pour envoyer des messages télégraphiques des signaux de guidage pour les navires, des signaux horaires, des mesures scientifiques, etc. [29] ». En somme, surtout aux États-Unis et en Angleterre, la guerre avait favorisé le développement de capacités nettement supérieures aux possibilités d’un marché encore à créer et qui se développera justement à partir du début des années 1920 [30]. Dans les années 1920, les Chemins de fer du Canadien National (société constituée le 6 juin 1919), fortement impliqués dans l’appui publicitaire à la culture (on se rappellera à titre d’exemple le Festival pan-canadien de la chanson, des arts et des métiers de 1927, 1928 et 1930) créent un réseau radiophonique. Le réseau compte des stations à Ottawa [31], Montréal, Toronto, Moncton et Vancouver.

La fin des années 1920 est aussi marquée par le développement d’émissions de radio éducatives un peu partout au Canada (pensons à CKUA en Alberta en 1927). Les habitudes d’écoute vont aussi se transformer quelques années plus tard avec l’apparition des premiers postes miniatures. Lors des premières années de la radiophonie, Marconi, qui donne son nom à une entreprise de produits électriques, fait usage de la radio en classe. Quelques récepteurs seront prêtés par Marconi aux classes de telle manière à combler le fait que les ménages n’en possédaient pas toujours. Cette initiative permettra de promouvoir l’usage de la radio et d’en démocratiser l’emploi. De plus, la visite de diffuseurs offrira la possibilité de faire des émissions tests, donnant ainsi l’occasion aux enfants de chanter des chansons que leurs parents écoutaient [32]. En outre, en décembre 1929, CKAC confie à Édouard Montpetit le soin de créer une émission éducative de qualité, l’« Heure provinciale », qui présente chaque semaine des universitaires et conférenciers parmi lesquels Lionel Groulx et Joseph Papin-Archambault, fondateur des Semaines sociales du Canada et de la Ligue d’Action nationale.

Dans ce contexte, Herbert Berliner, Allemand d’origine établi à Montréal, exploite le marché de l’enregistrement des émissions radiophoniques dès 1925 [33]. Robert Thérien fait un bilan de l’enregistrement des émissions de radio et, conséquemment, du déclin progressif de l’industrie du disque entre l’apparition de la radio, la crise économique de 1929 et 1936. On utilisera plusieurs méthodes pour réaliser ces transcriptions d’émissions de radio. La première fut naturellement d’enregistrer en studio les émissions, puis de presser un certain nombre de disques qu’on faisait alors parvenir aux stations de radio. Au début des années 1930, on mettra au point un système qui permettait la gravure latérale par pression sur un disque d’aluminium mou. À la fin de 1934, le disque de laque fera son apparition, révolutionnant l’industrie de la radio. Les stations pouvaient dès lors acheter une « table tournante » capable de graver un enregistrement directement dans une mince couche de laque appliquée sur un disque d’aluminium. Il devenait ainsi possible d’enregistrer 30 minutes par face sur un disque de 40 cm. Grâce à la laque, la qualité du son était considérée comme deux fois meilleure que celle des transmissions par ligne téléphonique des plus grands réseaux et supérieure de 2 000 cycles à celle des disques pressés commercialement. Ce système très flexible donnera une fantastique autonomie aux stations de radio, mais créera en même temps la panique au sein des compagnies de disques qui, depuis le début de la décennie, survivaient principalement grâce aux transcriptions réalisées dans leurs studios et pressées dans leurs usines [34].

De plus, poursuit Robert Thérien, « lorsque les techniciens veulent faire entendre en onde de la musique enregistrée, ils font appel à un certain Herbert Berliner qui se passionnait lui aussi pour la radio. Et les premières pièces musicales diffusées par CFCF sont jouées sur un gramophone Berliner [35] » et ce, dès 1920, même si la qualité de la musique interprétée en direct demeure bien supérieure à celle des disques commerciaux [36].


La radiophonie et le contrôle de l’information

À la fin des années 1920 et le début des années 1930, le système de radiodiffusion étatsunien passe d’une programmation locale à une programmation en réseau avec la création des réseaux comme NBC (novembre 1926) ou CBS (septembre 1927). Un nombre important de radios canadiennes s’affilient aux réseaux américains, un arrangement qui perdure dans les années 1930 et qui permet aux talents américains de se faire connaître au Canada. « Pendant 15 ans, CKAC sera la seule grande station écoutée par les Québécois francophones, la radio d’État ne venant que difficilement en 1933 puis la station CBF de Radio-Canada en 1937 [37]. » La conjoncture économique défavorable du Canada (récession de 1921) et l’expansion économique des États-Unis à partir de 1922 favorisent l’émigration massive de Canadiens français vers les États-Unis et l’influence grandissante de la radio américaine au Canada. La réglementation relative aux contenus de programmations est limitée.

Alors qu’en 1928, plus de 60 stations émettrices sont en activité dans un contexte de sous-réglementation permettant la diffusion importante de contenus américains, le besoin d’une commission parlementaire sur les avantages de l’intervention étatique en matière audiovisuelle se fait sentir. Le premier ministre du Canada, Mackenzie King, établit une commission d’enquête parlementaire, la Commission royale d’enquête sur la radiodiffusion (Commission Aird) dont le mandat est précisément d’étudier les avantages de la propriété publique afin de contrer l’influence des radios privées américaines. Le rapport est soumis le 11 septembre 1929, 48 jours avant le krach boursier de la même année, proposant la création d’une société d’État semblable à la BBC (British Broadcasting Company suivie de British Broadcasting Corporation) créée, elle, en 1922 [38].

Encore en 1936, la Revue dominicaine déplore les conséquences désastreuses de l’influence de la radio américaine sur les Canadiens [39], et nombreux sont les acteurs de l’époque à décrier la pénétration de la musique américaine (notamment le jazz) sur les ondes de la radio québécoise. La radio est fortement liée à la question de l’identité et de la souveraineté culturelle et la « radiodiffusion publique [est] considérée depuis les années 1930 comme outil principal de mise en oeuvre des objectifs culturels de l’État […] Pour contrer la menace américaine, on faisait appel à l’entreprise privée. On ne semblait pas se rendre compte qu’en privilégiant le système commercial, à l’américaine, on produirait des émissions de type "américain" [40] ». Le rapport de la Commission Aird, appuyé par la Ligue canadienne de la radio, valorisait l’abolition des stations de radio privées, considérant la radiodiffusion comme un service d’État et non comme une simple entreprise orientée vers le profit. Ainsi, le besoin de protéger la culture canadienne dissimule d’autres objectifs : « Renforcer l’unité nationale du pays, promouvoir une industrie audiovisuelle commerciale, favoriser le développement socioculturel par une radiotélévision plus éducative que divertissante. Cependant, l’histoire démontre qu’on ne peut faire avancer l’un ou l’autre de ces dossiers, parfois contradictoires, sans faire référence au besoin de démarquer la radiotélévision canadienne des États-Unis [41]. »

À la fin des années 1920, au moment de l’ouverture de la Commission Aird du nom du banquier Sir John Aird, la radio est ouverte à qui sait obtenir une licence du ministère de la Marine et des Pêcheries. Afin de contrer l’orientation commerciale de la radio, le gouvernement du Canada va tenter de mettre en place une activité radiophonique à vocation éducative et organiser un service public canadien de radiodiffusion. Tout en contrant l’influence étatsunienne, on souhaite aussi minimiser la menace à l’intégrité nationale du Canada que constituait la résistance culturelle des Canadiens français au Québec [42]. À la suite des recommandations de Commission Aird, en 1932, Richard B. Bennet présente la première législation canadienne en matière de radiodiffusion (Loi canadienne sur la radiodiffusion) en même temps qu’est adoptée la Commission canadienne de la radiodiffusion (CCR), précurseurs de la Société Radio-Canada [43].

Le modèle d’un service public de radiodiffusion s’alignant sur le modèle britannique au détriment du modèle américain entre en vigueur. Au Canada, la création de la corporation Radio-Canada en 1932, appuyée par le gouvernement, et la création de nouveaux transmetteurs pendant la Deuxième Guerre mondiale permettent d’atteindre en quelques années 90% de la population canadienne [44]. Le réseau est financé par les licences et par la publicité mais son influence diminuera à la fin du 20e siècle du fait des compressions budgétaires. La radio fut donc complémentaire à l’urbanisation parmi les variables qui entraînèrent un déplacement, sinon la polarisation, des pratiques culturelles vers la ville. Néanmoins la commission nommée par Bennett, faute de fonds suffisants, n’arrivera pas à mettre en place des stations dans plus de cinq villes, ce qui explique l’existence d’un régime « mixte » : radio privée et radio publique appartenant au même réseau. Cela n’empêchera pas l’augmentation incroyable du nombre de licences de 1931 à 1936, passant d’un demi-million à un million. Vu les difficultés, la Commission canadienne de radiodiffusion vote une nouvelle loi. C’est ainsi que la Loi canadienne sur la radiodiffusion est adoptée, donnant lieu en novembre 1936 à la création de la Société Radio-Canada (SRC), constituée en Société de la Couronne. Des efforts considérables sont également entrepris en 1937 pour augmenter la puissance des émetteurs canadiens étant donné que les stations américaines brouillent la réception des stations canadiennes. Ces émetteurs installés à Montréal et Toronto permettent de rejoindre 76% de la population canadienne.


La rivalité entre le Canada,
les États-Unis et l’Europe

Analyser l’activité radiophonique en temps de guerre nécessite des précautions particulières. D’abord parce que la rapidité et l’efficacité des transmissions se jouent à l’échelle internationale. Dans la terminologie de Marshall McLuhan, la radio est un média « chaud », c’est-à-dire qui donne beaucoup d’information, à haute définition [45]. Il importe notamment de clarifier les concepts d’information et de communication souvent utilisés indifféremment l’un pour l’autre [46]. L’essor de la télégraphie et la propagation des ondes électromagnétiques et même avant les modes de diffusion de l’imprimé ou des manuscrits permettent de distinguer le contenu des données transmises (informations, renseignements, indications, signaux, etc.) et le processus de transmission (la communication). Ainsi on communique de l’information mais on n’informe pas de la communication ! La transmission de renseignements et d’informations, ses mécanismes, ses méthodes, est à la fine pointe de la technologie en milieu militaire.

McLuhan voit juste en affirmant que « la guerre n’est jamais rien de moins qu’un changement technologique accéléré. Elle commence quand l’inégalité des rythmes de croissance a provoqué un déséquilibre notable des structures existantes [47] ». Même si les applications militaires précèdent souvent la démocratisation de certaines pratiques (comme la radiogoniométrie qui est l’une des caractéristiques de la militarisation des corps policiers), il n’en reste pas moins que c’est souvent le génie de certains physiciens, informaticiens, ingénieurs et analystes civils qui ont été l’inspiration des militaires. Pensons seulement à Reginald Aubrey Fessenden (dont on utilisait pendant la première guerre les inventions brevetées au Canada sans son consentement et qui fut remercié plus de 10 ans plus tard), à Vannevar Bush (inventeur du microfilm et précurseur de l’hypertexte, à la tête d’A.T.&T. en 1948 après huit ans d’étroite collaboration avec la Défense américaine alors qu’il est encore membre du département d’ingénierie électrique du MIT), à Claude Shannon et Alan Turing (dont on utilisa les talents de décrypteurs, précurseurs de l’informatique) et, plus récemment, à Tim Berners-Lee (chercheur au CERN de Genève, le laboratoire européen de physique des particules, créateur du World Wide Web [48]).

En ce sens, nous allons maintenant élargir l’étendue géographique de notre intérêt montrant ainsi que la Deuxième Guerre mondiale est non seulement le théâtre d’affrontements meurtriers nécessitant des opérations tactiques et stratégiques, mais qu’elle se caractérise aussi par une activité radiophonique et de transmission en général fort innovatrice (comme ce sera aussi le cas de l’aéronautique). L’accroissement important du nombre de postes récepteurs, de même que l’augmentation des zones de couverture par l’installation d’émetteurs régionaux sont des preuves de l’amélioration technique des modes de diffusion permettant aussi une meilleure distribution de l’écoute musicale à travers le pays. Le monde des communications va être bouleversé par la Deuxième Guerre mondiale. La radio y joue un rôle persuasif auprès de la population en vue de la participation à l’effort de guerre, à tel point qu’elle est soumise à la censure militaire, le ministre de la Défense ayant pris le contrôle des ondes. Les activités de radio-amateurs avaient été suspendues par les autorités fédérales : « L’instauration de la Loi des mesures de guerre donne au gouvernement fédéral des droits presque illimités en ce qui a trait au contrôle de l’information [49]. » Le gouvernement va notamment utiliser Radio-Canada et créer l’Office national du film et Radio-Canada international pour diffuser ses messages autant au Canada qu’à l’étranger.

En 1942, le Bureau de l’information publique (Bureau of Public Information) devient la Commission d’information en temps de guerre (Wartime Information Board) quelques mois après la création aux États-Unis de l’Office of the Coordinator of Information en juillet 1941 [50]. À partir de ce moment, en partie en réaction au fait que depuis février 1942, une propagande ennemie cible les Canadiens français ; le ministère de la Défense nationale « en profite pour réclamer un contrôle plus strict de la couverture des opérations militaires dans la presse écrite et à la radio [51] ». Radio-Berlin et Radio-Vichy multiplient, quant à elles, les programmes à ondes courtes s’adressant aux francophones d’Amérique. De son côté, le gouvernement nazi mène une vaste campagne de publicité pour que les Allemands achètent des postes de radio. Bien que la politique fédérale soit acceptée par les anglophones, les Québécois vont jusqu’à refuser la conscription en 1942, signant ainsi l’échec de la propagande radiophonique par le radio-feuilleton [52]. Les États Unis, via le US War Department, commencent à produire en mars 1942 une émission de variétés nommée Command Performance pour leurs troupes à l’étranger. Le 4 juillet 1943, cette émission et Mail Call sont incorporées dans le American Forces Network. Des émissions sont produites à Londres, utilisant les studios de la radio des alliés (la BBC [53]) et permettent aux soldats américains stationnés dans des zones étrangères de garder le contact avec leur culture. La station Voice of America sert aussi les fins de la propagande de guerre. Cette dernière se double donc d’une propagande idéologique [54] aux États-Unis tout autant qu’au Canada d’ailleurs et, fait intéressant, c’est dans ce contexte qu’apparaît la firme de sondage BBM (1944) alors qu’en France, ce n’est qu’en 1949 que prend naissance l’audimétrie avec la création de l’Ifop Etmar. Dans les années 1950, les stations de radio américaines perdent de l’importance au profit de la télévision [55].

Si l’on doit – hélas – à la Deuxième Guerre mondiale de nombreuses pertes humaines, c’est aussi la dimension compétitive du jeu guerrier qui a donné lieu au perfectionnement de matériel de plus en plus performant. Il en va ainsi de l’amélioration des techniques d’enregistrement, de transmission et de réception du signal. La transmission comme domaine d’étude militaire se perfectionne, l’Allemagne étant alors un pays fort avant-gardiste en la matière. Lors de ce conflit mondial, les alliés et les nazis vont s’intéresser à l’enregistrement magnétique, technique d’enregistrement qui depuis 1879 fait l’objet de tentatives d’expérimentations, par exemple chez Alexandre Graham Bell, puis le Danois Valdemar Poulsen en 1898.

Ainsi les forces alliées pénétrant en Allemagne à la fin de la Deuxième Guerre mondiale vont y découvrir des magnétophones de qualité nettement supérieure à celle des appareils qui existaient auparavant, permettant notamment de reproduire la voix humaine avec un tel degré de perfection qu’il devenait impossible de savoir si les émissions diffusées par Hitler [56] et les autres étaient des directs ou des différés (le France accuse d’ailleurs un certain retard dans le domaine de la transmission sur les Allemands pendant le second conflit mondial [57]). Cela étant imputable en partie au fait que le ruban magnétique venait juste d’être inventé par AEG Telefunken et BASF, et présenté à l’exposition universelle de Berlin en 1935 [58].

Les effets de la guerre se font sentir dans plusieurs pays par la modernisation de la société. C’est le cas au Québec. Les lendemains de la guerre provoquent un sursaut de mobilisation religieuse alors qu’une génération commence à exprimer de manière plus explicite son désir de rupture avec le passé. Paul-Émile Léger obtient de la station CKAC qu’elle diffuse quotidiennement la récitation du chapelet en direct de l’archevêché. Les années 1950 voient apparaître l’apparition de la diffusion du chapelet quotidien, le « Quart d’heure de la Bonne chanson » et les premières émissions en modulation de fréquence améliorant la qualité sonore des émissions.

Dans un contexte où la propagande de guerre appelle à l’émotivité des masses, le vocabulaire militaire est récupéré pour satisfaire les fins du clergé. Ainsi, la Croisade du Rosaire sollicite-t-elle les auditeurs pour « défaire les ennemis de la civilisation chrétienne et humaine » et leur demande de s’enrôler [59]. Les années 1950 voient aussi naître 16 nouvelles stations au Québec [60] et, dans les années 1960, 27.

D’une concurrence matérielle liée à l’effort stratégique de guerre, le développement des technologies radio est ensuite motivé par un objectif de plus grande couverture du territoire et surtout par une logique de concurrence sous la pression commerciale et compte-tenu de l’apparition de la télévision.


De la radio et des technologies de l’information
à l’espionnage industriel et la psychiatrisation

Cinquante ans plus tard, les technologies de l’information sont devenues un secteur d’excellence au Québec, notamment les compagnies de jeux électroniques (Ubisoft par exemple) dont le pôle de recherche et développement est installé à Montréal. Même chose pour la compagnie suédoise Ericsson, dont le pôle recherche de Montréal est très actif (la téléphonie mobile apparaît au Canada en juillet 1985). Parallèlement au domaine des télécommunications, mentionnons également le secteur de l’aéronautique, du géospatial et, enfin, l’industrie biotechnologique.

Les biotechnologies, aussi surprenant que cela puisse paraître, sont d’une certaine manière liées de plusieurs manières aux conflits guerriers. La médecine d’abord a abondamment profité de l’afflux important de victimes et de la diversité des blessures (lors de la Première guerre mondiale) donnant lieu par exemple à l’invention de nouvelles prothèses. Mais plus récemment, c’est la psychiatrie qui s’est grandement développée en diagnostiquant par exemple pour la première fois, dans la foulée de la guerre du Vietnam, les premiers états de « stress post-traumatique » (apparus dans le DSMIV). Cependant, de manière moins positive pour les patients, elle sert aussi, avantageusement pour l’État, à l’élimination d’individus talentueux lorsqu’il s’agit notamment de camoufler les surveillances politiques exercées par l’État [61].

Ainsi, il n’est pas inintéressant de signaler que la production et la recherche de nouveaux produits pharmaceutiques constitue un domaine de pointe au Québec tout en servant indirectement les intérêts de l’ingérence dans la vie privée par les moyens dont dispose l’État, que ce soit au Québec [62] ou ailleurs. La coïncidence entre la création de la CIA (en 1947) comme celle de l’American Psychiatric association au début des années 1950 et le développement important du diagnostic des troubles mentaux à partir de l’apparition de la téléphonie (espionnable dès les débuts de la téléphonie [63]) et de la radio constitue pour nous un élément important de lien entre la psychiatrisation de certaines personnes au profit d’intérêts politiques et économiques opposés et les techniques d’ingérence dans la vie privée par les industries sécuritaires financées par l’État ou des complices de fonctionnaires corrompus. L’invalidation de certains phénomènes comme le stalking organisationnel par les forces de l’ordre et les psychiatres au profit d’allégations fallacieuses sur le délire de persécution ou la schizophrénie nous semblent des postulats dépassés à l’heure de la radiogoniométrie, de l’existence des nacelles de contrôle visuel équipant les chasseurs (le Rafale, le Mirage, le F16, etc.) et de l’ensemble de moyens de surveillance dont dispose l’industrie policière et sécuritaire [64].

Bref, les moyens de télécommunications dont disposent les États industrialisés, notamment le Canada, pourraient avantageusement être mis au profit des citoyens et des justiciables non seulement dans les missions de contre-espionnage et pour nuire aux intérêts de certains intellectuels (par le recours à ce que l’Otan nomme les armes psychologiques de combat mais en contexte civil, pourrions-nous préciser), sources de renseignement ou artistes (mentionnons John Nash, Alain Barrière, Myrianne Coen, Éric Nadeau parmi tant d’autres) sinon afin de fournir des éléments probants recevables en procédure pénale [65]. Une simple perspective historique nous permet de comprendre que les guerres comme les surveillances politiques (qui sont justifiées en termes militaires par la surveillance du territoire) sont des opérations très lucratives qui rapportent surtout à ceux qui recueillent des renseignements dans les missions de contre-espionnage : les cabinets de ministres (Communication, Défense, Sécurité publique ou Intérieur, etc.), les États majors, les laboratoires et, évidemment, les ministres eux-mêmes profitant pour ce faire du vide juridique qui justifie la prévention.


Conclusion

Nous arrêtons notre parcours historique plus ou moins aux années 1950, période de développements notables en matière de télécommunications (et de diagnostic de nouvelles maladies mentales…). Pensons seulement à la télévision dont la commercialisation suit de peu de temps la fin des conflits internationaux, puis le développement de l’intelligence artificielle et, conséquemment, de l’informatique. Vannevar Bush, conseiller de la Défense américaine pense au concept d’hypertexte, lequel trouvera d’abord ses applications dans le domaine militaire par l’Arpanet. Puis, le progrès technique de l’informatique (comme de la radio dans les mêmes années) qui passe des ordinateurs à lampe juste après la Deuxième Guerre mondiale (dans les années 1950) aux ordinateurs à transistors (1958, 1965), aux ordinateurs à circuits intégrés (1966, 1970), aux ordinateurs à micro-processeurs à partir des années 1970.

La radio n’est en définitive qu’une invention parmi tant d’autres qui a permis une rapide diffusion de l’information, corollaire à une nécessité de mieux stocker les données sur des mémoires auxiliaires. Ainsi l’apparition du micro-film pour le meilleur stockage des informations s’inscrit-elle comme la naissance de la cassette magnétique [66] et, plus tard, du disque optique, des supports phonographiques, dans le sillage du développement industriel et des besoins de communiquer sur des échelles de plus en plus importantes. Les techniques militaires se développeront et les technologies seront utilisées d’abord en milieu militaire comme l’Arpanet, ancêtre de l’Internet et la radiogoniométrie, parallèlement à la militarisation des corps policiers mais aussi à l’implantation de ces techniques pour le contrôle des activités de communication des citoyens. La localisation des individus par la triangulation de leur GSM (cellulaire) et la mise en réseau des gens par la téléphonie, par la radiophonie, par l’Internet et par la téléphonie mobile sont des preuves manifestes du développement de l’usage des nouvelles technologies, d’abord dans le domaine militaire, ensuite, dans le domaine éducatif et de divertissement. L’invention des relais hertziens pour la transmission téléphonique par ondes ultra-courtes en 1942, celle du walkie-talkie par Motorola en 1944, celle du fax qui permet d’envoyer des messages écrits par lignes téléphoniques en 1947, sont quelques-uns des exemples qui montrent que l’invention de nouveaux moyens de communiquer sert avant tout aux impératifs liés à la gestion des crises en temps de guerre.

Ces mises en réseaux, qui se sont nettement développées par l’informatique et la création de techno-objets mixtes, répondent à un besoin de communiquer de plus en plus rapidement des informations mais comportent également des risques comme cela a été rappelé par Sébastien Bombal (2007) à propos du Blackberry [67] dont le leader mondial actuel est la société canadienne RIM (Research in Motion). Le développement de la téléphonie mobile à partir du début des années 1990 [68] et plus récemment des wi-fi, des connections par satellite et d’une panoplie de techno-objets permettent l’accroissement du temps réel, sans espace et la mise en réseaux des individus sans que pour autant se développe de manière proportionnée la connaissance des ingérences dans la vie privée que permettent ces techno-objets (par la radiogoniométrie, les écoutes électroniques, les caméras de surveillance, etc).

La téléphonie mobile individualise les pratiques radiophoniques comme les radios-amateurs en permettant en somme à chacun d’émettre depuis une géolocation plus ou moins précise (100 mètres en zone urbaine) et même de changer son lieu d’émission au gré de ses déplacements et des configurations de fréquence des opérateurs de téléphonie mobile. Le passage de l’activité d’écoute radiophonique collective à l’activité radiotéléphonique individuelle marque celui d’une écoute collective d’un récepteur recevant d’un seul émetteur à une pratique d’émission individualisée privée vers de multiples individus. Le réseau relationnel n’est autre que le réseau relationnel de l’individu [69] et l’écoute des stations de radios privées [70] par des organisations comme Echelon s’est en quelque sorte ajoutée à l’écoute des radios publiques. Le temps déspatialisé prend part justement à cet objectif de mise en réseau des télécommunications [71].

À la fine pointe du développement grâce notamment à une collaboration étroite avec des laboratoires, les télécommunications sont en contexte de guerre, depuis déjà plusieurs décennies, une composante de la transmission, arme de commandement qui concerne la communication. Elles font partie d’une multitude d’armes et de techniques que les deux conflits mondiaux ont fait évoluer : la guerre chimique qui connaît sa naissance comme arme de destruction massive pendant la Guerre 1914-1918 est simultanée à l’essor des laboratoires de chimie ; la guerre motorisée qui apparaît aussi pendant ce conflit a recours à la vitesse, la diversion et la surprise comme tactiques militaires.

De toutes les armes de commandement, les télécommunications jumelées au développement de l’aéronautique (pensons au développement dans les années 1970 de la flotte des Mirage en France) nous semble, opérationnellement parlant, le secteur le plus performant depuis la fin du 19e siècle. Plus de 100 ans après les premières transmissions de voix à longue distance, la demande va du côté du traitement et de la mesure des signaux électromagnétiques. Et les moyens techniques d’investigation des forces de l’ordre, de plus en plus militarisés, ont connu un essor impressionnant depuis les attentats du 11 septembre 2001 qui ont agi comme un détonateur.


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* Diplômé en sociologie et en sport, Nicolas Desurmont s’est ensuite consacré au journalisme écrit, publiant ses articles dans des revues générales et spécialisées (droit, sociologie, histoire, etc.). Il a aussi animé pendant plusieurs années des émissions de radio. Interprète et traducteur, il a aussi été appelé par la police judiciaire de Nancy pour différentes missions et a poursuivi son travail de consultation pour de nombreuses organisations policières et des renseignements généraux, en Belgique et en France notamment. Cet article est rédigé à la mémoire de Reginald Aubrey Fessenden.

[1] La région de Charlevoix est paradoxalement peu desservie sur la plan local pendant de nombreuses années. « Toutefois, c’est en 1939 que la station CHGB de Sainte-Anne-de-la-Pocatière entre en ondes. C’est cette station qui desservira le plus étroitement la région de Charlevoix » (Serge Gauthier, 2006.)

[2] Vers la fin du 18e siècle, Claude et Ignace Chappe inventent le télégraphe optique, qui fut utilisé dans plusieurs pays européens. Il est alors composé de trois bras en bois interconnectés : un bras vertical plus long que les deux bras indicateurs latéraux, le tout sur le dessus d’une perche fixe. Les bras latéraux pivotent librement. Les différentes positions des bras peuvent à cette époque transmettre environ 8 500 mots à partir d’un vocabulaire de 92 pages. Deux signaux sont nécessaires pour créer un mot : la page du vocabulaire et le numéro du mot. Source.

[3] Voir Kurt Opitz (1987), p. 1639.

[4] Voir supra, p. 1640.

[5] Maxwell présente son travail A Dynamical Theory of the Electromagnetic Field en 1864. La description et l’énumération des nombreux travaux expérimentaux entre 1840 et 1890 nécessiteraient un travail qui déborderait des limites d’un article comme celui-ci. Mentionnons néanmoins les expérimentations de transmission d’ondes électromagnétiques par induction de David Hugues et de Thomas Edison à la fin des années 1870 et début des années 1880. C’est Hertz qui va démontrer que les ondes radio ont toutes les propriétés des vagues, d’où le syntagme anglais hertzian waves. On emploie aussi radio waves (voir Tom Duncan, 1983, pp.64 et ss. sur l’induction et p.2 71 sur les ondes radio).

[6] « Radio », Encyclopédie® Microsoft® Encarta 98. © 1993-1997 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

[7] Robert Thérien (2003), p.15. La technique d’enregistrement acoustique s’étend de 1877 et va jusqu’en 1948, les stations de radio d’alors produisant de nombreux enregistrements.

[8] Jean Du Berger et al. (1997), p.19. Notons également à la même époque les expériences du physicien anglais Sir Oliver Lodge.

[9] Les expériences de Marconi, certes les mieux connues, ne sauraient nous faire omettre les expérimentations de Jagdish Chandra Bose, de Nikola Tesla et d’Alexandre Stepanovich Popov (qui construisit son premier récepteur radio en 1894). Quant à Branly, il découvrira en 1890 le premier détecteur sensible d’ondes hertziennes.

[10] C’est aussi grâce à l’Italien Marconi que la radiophonie éducative prend forme après les débuts expérimentaux de la XWF et la vente de matériel radiophonique (voir infra).

[11] Les expériences de Lee de Forest du haut de la Tour Eiffel en 1908 sont également attestées et parfois considérées à tort comme les premières (voir Cécile Méadel, 1994, p. 186).

[12] Robert Thérien, 2003, p.106. Sur les premières tentatives de transmission sans fil et le désir de monopole de Marconi, voir Stéphane Dubreuil, 1998, p. 7.

[13] Robert Lahaise (2002), p. 23.

[14] Le contrôle des ondes a donné lieu au Canada comme en France à de nombreuses lois. Soulignons qu’au Canada, l’année où le Parti Québécois cède sa place au Parti Libéral en 1985, une loi est votée qui interdit d’établir une station de radiocommunication ou même d’avoir en sa possession un appareil de radiocommunication sans détenir une autorisation délivrée par le ministre des Communications (L.R.C., 1985, c. R-2, art. 4).

[15] Traduction libre : « Avec le téléphone, la radio fut l’une des seules industries à trouver d’énormes avantages dans la guerre. Dans tous les pays directement impliqués dans le conflit la radio – encore un téléphone sans fil – se développa comme moyen belliqueux et, de là commença sa transformation » (1992, p.5). D’ailleurs, en Italie, la radio va se développer parallèlement au mouvement fasciste et en même temps le réseau des autostrade. 156 Les Cahiers du journalisme n o 18 – Printemps 2008

[16] Des 47 licences accordées par le Gouvernement fédéral, 18 sont accordées au Québec. Calquée sur le modèle anglo-saxon, la livraison de licences facilite le contrôle des informations quittant le territoire canadien et l’ingérence dans les communications navales. Entre 1912 et 1916, 8 500 licences de transmission sont accordées aux États-Unis. Soulignons que déjà en 1912, le Parlement britannique adoptait une loi imposant l’installation d’un équipement de T.S.F à bord de tous les paquebots à la suite de l’arrestation de Dr Hawle H. Crippen pour l’assassinat de sa femme à bord du paquebot Montrose équipé de la T.S.F. de Marconi (voir McLuhan, 1968, pp.270-271).

[17] Sylvia L’Ecuyer (2003), p.957. Pendant la Première Guerre mondiale, l’Allemagne utilise pour la première fois des armes de destruction massive. Il s’agit de la guerre chimique par l’envoi de chlore dans les camps opposés afin de faire sortir les soldats du front opposé des tranchées. Notons aussi l’essor des télécommunications qui voit l’usage du ballon captif envoyant des informations via des cables jusqu’aux postes de commandement de l’artillerie utilisant la technique de télégraphie. L’Allemagne est aussi, pendant la Deuxième Guerre mondiale, très avant-gardiste en matière de transmission par rapport à la France qui va redoubler d’ardeur après la guerre. Le Canada et la France comptent aujourd’hui parmi les nations les plus développées en matière de télécommunications.

[18] Voir David F. Krugler (2000), chap.1.

[19] Simon Langlois (2006), p.204.

[20] Voir Yvan Lamonde (2004), p.78. Paul-Marcel Leclaire (1989, pp.286-287) explique quant à lui que « le groupe minoritaire d’origine anglaise a depuis longtemps joui d’un pouvoir politique et d’un prestige qui lui permettent non seulement d’échapper à l’intégration au peuple québécois de langue française, même d’assimiler la majorité des immigrants ».

[21] Maurice Lemire, Denys Saint-Jacques et al. (2004), p.34.

[22] Voir Gérard Bouchard (2004), pp.67, 202, 249.

[23] En 1919, les techniques radioélectriques permettent la transmission de messages par ondes hertziennes, ce qui logiquement va entraîner la création de stations de radio émettrices un peu partout dans le monde (le nombre d’émetteurs en Europe est multiplié par cinq entre 1922 et 1932).

[24] Keith Macmillan (1983), p.860. Bernard Lamizet et Ahmed Silem (1977, p.469) affirment qu’en 1920 est inaugurée la station de radio KDKA à Pittsburgh (Pennsylvanie, États-Unis). La station aurait commencé à émettre en 1916 comme une radio-amateur 8XK. À la station Chelmsford de Cornovaglia en février 1920, une émission est diffusée quelques mois avant la radio de Pittsburgh (voir Franco Monteleone, 1992, p.5). On peut aussi se reporter à E. Barnouw (1966), A history of broadcasting in the United States, Tower of Babel, New York, Oxford University Press, vol.1. Les débuts de la radio commerciale en Allemagne et en France datent de 1921, en Angleterre de 1922 et en Italie du 16 octobre 1924. Les datations sont sujettes à changement selon les sources (comme d’ailleurs pour de nombreuses d’informations concernant l’invention dans le domaine des télécommunications).

[25] Radio, Encyclopédie® Microsoft® Encarta 98. © 1993-1997 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

[26] Mentionnons que Cartier a été membre du corps expéditionnaire canadien pendant la Première Guerre mondiale et a servi l’aviation britannique comme membre des services de contre-espionnage. 157 Communicologie et radiophonie : des fins militaires aux fins éducatives

[27] Société Radio Canada, Encyclopédie canadienne. (23 août 2007).

[28] Pierre Albert (1993), p.962.

[29] Cécile Meadel (1994), p.187.

[30] Voir Cécile Méadel, ibid. Parfois, à l’inverse, pour l’informatique, le fait que certains éléments techniques ou des logiciels ne soient pas encore développés, le concepteur peut tenter de les exécuter à la main. C’est ce que fit Claude Shannon pour un programme de jeu d’échecs (voir Pierre Vandeginste, 1987).

[31] C’est d’ailleurs à Ottawa que sera célébré le 50e anniversaire de la Confédération, premier événement politique d’importance nationale diffusée sur les ondes de la radio.

[32] Darby Coats (s. d.), p.288.

[33] Voir E. G. Moogk (1975), p.107.

[34] Robert Thérien (2003), p.168.

[35] Robert Thérien (2003), p.107.

[36] Pour cette raison, la Federal Radio Commission adoptera en 1927 un règlement qui obligera les stations de radio à prévenir les auditeurs lorsqu’elles faisaient jouer de la musique enregistrée (ibid, p.170).

[37] Pierre Pagé (2002), p.9.

[38] Les recherches sur la radiophonie en Angleterre sont, comme en France, très documentées (voir par exemple les travaux d’Asa Briggs, 1985).

[39] Lucien Desbiens (1936), « L’infiltration américaine par la radio », La Revue dominicaine, n°42, 3 mars, pp.134-149.

[40] Florian Sauvageau (1999, p.XV). Mentionnons d’ailleurs que la fusion entre le ministère de la Culture et du ministère des Communications québécois à partir des années 1980 et 1990, en plus de l’ajout du ministère de la Condition féminine en 2006, témoigne de cette convergence entre les intérêts nationaux du Québec, la prise en main des médias alors que la condition féminine permet également de considérer qu’en contexte post-féministe, certains puissent jouir d’intérêts précis en utilisant les modes opératoires pertinents (télécommunications pour l’ingérence dans la vie privée), cadre légal favorisant la femme (l’article 264 du Code criminel est surtout documenté en contexte de violences conjugales favorisant les femmes, ajouté au Code criminel en 1993) pour les appâts et les faveurs, enfin le volet culturel qui contient à la fois les individus à évincer ou ceux à favoriser par le biais des appâts ou des faveurs (notamment). Cette information nous a été transmise par un fonctionnaire du milieu de la langue au Québec. Il ne faudrait pas abusivement attribuer à un ministère des visées machiavéliques mais l’histoire, qui permet, comme l’affirme l’historien et ex-ministre Denis Vaugeois, d’éclairer le présent sur les ondes de Radio-Canada, prouve néanmoins que certains professeurs ont vanté leur lien avec le politique et que dans leur entourage de brillants intellectuels ont été évincés.

[41] Marc Raboy (1999), p.4.

[42] Ibid, p.6.

[43] « La Commission, composée de trois membres, a le pouvoir de réglementer, diriger et exploiter des stations de radiodiffusion au Canada ; de produire et transmettre des émissions ; de louer, acheter ou faire construire des stations et, en fin de compte, d’assumer la propriété de tout le réseau de radiodiffusion canadien, si on lui en donne les moyens. Pendant toute la durée de son mandat, la Commission fait face à de nombreuses difficultés […] Dans la plupart des centres urbains, des stations privées transmettent les émissions du réseau de la Commission. C’est ainsi que le système actuel à caractère mixte, fait de stations publiques et privées au sein d’un même réseau, voit le jour. Encore aujourd’hui, il caractérise la radio et la télévision de la Société Radio-Canada (SRC) » source :

www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1SEC846904 : Radiodiffusion et télédiffusion.

[44] Christoper H. Sterling (2003), p.23.

[45] Marshall McLuhan (1968), p.39.

[46] Voir Jean-Louis Nicolet (1999, p.276). Dans la foulée du Rapport Nicolet et de notre travail sur le harcèlement organisationnel, il conviendrait de distinguer dans le cadre d’une gestion politique de l’information : 1. l’information de gestion, c’est-à-dire les consignes de type opérationnel relatives à un commandement de zone (types d’unités, nombre d’intervenants, positionnement des intervenants, zones criminogènes, etc.) ; 2. l’information aux victimes ou aux personnes impliquées, c’est-à-dire ici une information utilitaire qui fait souvent défaut en dépit de ce que l’on appelle la police de proximité (s’agissant de transmettre une réponse relative à un courrier expédié, la police transmet parfois un aperçu par des traces du contenu qu’elle donne à voir à l’expéditeur) ; 3. l’information grand public d’intérêt général, quant à elle, vise deux types de public : le grand public et le public cible. Dans ce dernier cas, c’est la désinformation, c’est-à-dire l’information cryptée et manipulée, travestie, l’information médiatique cherchant à susciter le renseignement dont il est question. À noter que la désinformation par micro contre-espionnage annule l’information de l’émetteur pour capter les sources de fuites. La désinformation par macro contre-espionnage (en général plus par la télévision, qui est un média froid, et la radio que par les journaux) manipule l’information pour susciter le renseignement chez les personnes espionnées, pour faire réagir. Le mot désinformation lui-même est contemporain de l’apparition de la télévision au début des années 1950. Un média froid comme la télévision, c’est-à-dire qui nécessite la participation de l’auditeur pour compléter l’information, est très performant en matière de contre-espionnage puisqu’il ne fait que placer des indices et laisse à l’auditeur le soin de compléter les informations qui ne lui sont pas données ou, pour ainsi dire, le provoque de telle manière à ce qu’il révèle les éléments manquants comme s’il s’agissait d’un interrogatoire policier. Alors que la désinformation par micro contre-espionnage est souvent le fait de simples inspecteurs en patrouille ou de membre des forces de l’ordre, la désinformation par macro contre-espionnage est proportionnelle au nombre de personnes écoutant ou voyant le média. Souvent la désinformation de ce type relève de pratiques auxquelles s’adonnent les membres de cabinets ministériels et la hiérarchie policière (surtout la police judiciaire) via leur attaché(e) de presse dans le cadre des missions de contre-espionnage, ou, si l’on préfère, de surveillance administrative des citoyens (source : entretiens avec la Police nationale de Nancy [septembre 2002] et ministères de l’Intérieur en Belgique et en France [2003, 2004]).

[47] Marshall McLuhan (1968), p.124. Le développement de l’automatisme va évidement avoir des conséquences importantes sur les conduites opérationnelles et notamment sur l’évolution de l’artillerie.

[48] Le cas d’Alan Turing, dont on aurait provoqué, dit-on, le suicide, est intéressant car il figure comme l’un des précurseurs de l’intelligence artificielle au début des années 1950 et nous semble aussi évocateur, comme Fessenden, des abus commis par l’État de certaines sources de renseignements dans les milieux des experts comme ceux mentionnés dans le texte plus haut, sinon dans le milieu des infiltrés en contexte policier (Marc Fiévet, Eric Nadeau, etc.). Le développement des télécommunications et du matériel technique est fortement relié à l’activité militaire et des services de renseignements ; ainsi constate-t-on la naissance des services secrets américains quelques années après la naissance de la télégraphie au milieu du 19e siècle et le développement de ceux-ci après celui de la télégraphie sans fil dans les années 1910. Enfin, le développement de l’informatique est consécutif des grands pas faits pendant la Deuxième Guerre mondiale de la cryptologie et des mathématiques. Il n’est pas inintéressant de mentionner que les approches sémio-linguistiques s’inspirent de la théorie mathématique de la communication. Parmi ceux-ci, mentionnons Noam Chomsky. Les premiers travaux de Noam Chomsky, comme ceux du MIT d’alors (N. Chomsky, communication personnelle, 11 août 2007) sont aussi financés par le Pentagone, et fortement influencés par la logique dans ses analyses grammaticales, par les travaux de Claude Shannon et Quine, et s’inscrivent dans les efforts contemporains de la formalisation des langues naturelles parallèle à la naissance de la cybernétique comme préfiguration d’une société de la communication (voir Serge Proulx, 2007). Les années 1955 à 1960, qui sont aussi les premières années de Chomsky comme linguiste au MIT, sont déterminantes dans le développement de l’informatique, laquelle se nourrit évidemment de la logique utilisant pour ce faire les algorithmes pour fabriquer des solutions à des problèmes de calculs. L’ordinateur est, comme nous l’apprennent les cours de base en informatique et calcul numérique doté d’une unité arithmétique et logique (voir L. Zandarin, 1981, p.D-27). Parmi les innovations importantes de l’époque, notons par exemple la fabrication des premiers circuits intégrés en 1959 qui vont servir à l’élaboration des ordinateurs de troisième génération. Des langages évolués apparaissent dans cette période : le Fortran en 1957, le COBOL (Common Business Oriented Language) en 1960, le PL/1 (Programming Language, n°1) en 1964 et le Basic en 1965.

[49] Pierre Hébert, dans Jacques Michon (dir.) (2004), p.389.

[50] « Depuis le début de la guerre, le Bureau de l’information publique, supervisé par le ministère des Services nationaux de guerre, alimente la presse québécoise d’une littérature résolument "héroïque" et spécifiquement destinée aux Québécois où Dollard et Montcalm côtoient les héros de Courcelette et de Vimy, ceci dans l’espoir d’éveiller la fibre patriotique des francophones » (Richard, 2002, p.48).

[51] Richard (2002), p.49. Il est d’autant plus intéressant de signaler qu’en situation de crise, « l’être humain éprouve un réel besoin de donner un sens aux informations qui lui parviennent de toutes parts et qu’il accorde beaucoup de crédibilité aux médias » (Danielle Maisonneuve, 1999, p.12).

[52] Voir Desurmont (2003), p.764.

[53] Association tripartite de recherche média sans but lucratif, qui mesure et rapporte l’auditoire des stations de radio et de télévision partout au Canada.

[54] Voir à ce sujet Gérard Laurence (1985), p.285 ; Claude Beauregard (1999), p.33 et ss.

[55] On peut extrapoler par ailleurs en disant que comme pour l’apparition du papyrus qui fit passer le pouvoir des mains du clergé à celles des militaires, l’apparition de la télévision fut un détonateur de la laïcisation de la société québécoise.

[56] La radio est particulièrement utile dans un contexte de propagande par le Reich. Hitler dote son ministère de la propagande d’un budget important et obligeait les auditeurs le jour où il prononçait ses discours à les écouter fenêtres ouvertes pour que voisins et passants puissent en profiter... (voir Serge Tchaktotine, 1952, p.360).

[57] Sur l’histoire de la radio en France pendant la guerre, on consultera avec intérêt Hélène Eck (dir.), 1985.

[58] Steve Jones (2003), p.261. L’enregistrement magnétique à des fins commerciales ne se répand néanmoins qu’à partir de 1948 alors que les premiers enregistrements numériques datent de 1972, mais ne se répandent commercialement que dans les années 1980. Le vocabulaire psychologique relatif à la mémoire a largement emprunté aux métaphores numériques : stockage, encodage, sauvegarde, etc.

[59] Pierre Pagé (2002), p.13. Voir aussi Serge Tchakhotine (1952), p.368.

[60] La radio est présente, quant à elle, dans 90% des foyers français en 1950 (Bénédicte Delorme-Montini, 2006, p.172).

[61] Voir à ce sujet Georges Banu (2006). De nombreux éléments de notre enquête auprès du ministère de l’Intérieur en Belgique et de la Police nationale de Nancy ont permis de prouver ce qui de toute manière est d’ores et déjà connu comme un phénomène de société. La surveillance illicite de la police va de pair avec ce que j’appelle la psychiatrisation car il est nécessaire de pratiquer des duperies et des simulations assimilables à des symptômes et de persuader la cible de leur objectivité pour crédibiliser ensuite le diagnostic psychiatrique. En fait, il s’agit de vieilles techniques guerrières qui sont pour la plupart listées dans la nomenclature de l’Otan à Bruxelles (tirs de harcèlement, imitation, etc.).Voir Jean-Paul Brunet (2000).

[62] À cet égard, la présence parmi le gouvernement indépendantiste de René Lévesque de deux psychiatres, Camille Laurin et Denis Lazure (à une époque où l’on s’inquiétait de la présence de Français au Québec et où l’on cherchait à contrer l’ingérence française au Québec), nous interpelle au plus haut point. À cette même époque, l’universitaire Marcel Juneau de l’Université Laval, professeur de linguistique, dut mettre fin à sa carrière pour des raisons gardées secrètes mais connues du milieu des linguistes. Claude Poirier, fidèle collaborateur de Denis Vaugeois, alors ministre de la Culture et des Communications et longtemps collaborateur de Juneau, a remplacé Marcel Juneau à la direction du Trésor de la langue française du Québec juste après la parution du DSM III (1980) dont la quatrième édition (1994) est contemporaine de la fusion des ministères de la Communication et de la Culture. La critique du DSM, manuel de diagnostic des troubles mentaux utilisé en milieu psychiatrique au Québec et partout en Amérique du Nord, est fort connue. Sa première édition date de 1952. Tout autant connue est l’implication du ministre Claude Morin et de Jean Claude Gagnon, ancien officier traitant de Claude Morin et ex-garde du corps de Pierre Elliot Trudeau et directeur de l’officine du SCRS chargé de contrer les ingérences françaises au Québec. On consultera avec profit le DVD Psychiatry and industry of Death de la Citizen Commission on Human Rights. Pour l’épisode de collaboration entre Claude Morin, on consultera les écrits des journalistes Pierre Godin, Normand Lester et de l’ex-ministre Claude Morin lui-même.

[63] Source : Employé France Télécom, 10 octobre 2007, salon Milipol, Paris.

[64] Voir Judith Dubois (2004) sur la couverture médiatique concernant les intimidations (armes psychologiques de combat) des membres du corps judiciaire. Selon une enquête que nous avons conduite entre les mois d’avril et d’octobre 2007 en Belgique et en France, notamment auprès d’un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et un commissaire (environ 40 entretiens de 15 minutes en plus de 1 000 heures de conversation avec des membres de la police et d’agents secrets entre septembre 2002 et octobre 2007 possédant des connaissances diverses sur la violence morale exercée en leur sein), ceux-ci nous ont confirmé que ce sont essentiellement les membres des unités opérationnelles, ceux des agents de la police judicaire et agents secrets (mieux informés) qui ont recours aux armes psychologiques de combat afin de faire pression moralement sur des justiciables ou des magistrats ou parfois même des gens qu’ils ont illégalement utilisés ou surveillés afin de se couvrir d’éventuelles attaques judiciaires. Il convient donc de psychiatriser la personne ou la criminaliser ou, enfin, simplement en l’injusticiabilisant, en la déchargeant de toute responsabilité pénale, peu importe le mode opératoire sachant que l’assassinat est aussi une voie possible. Rien n’empêche légalement les fonctionnaires de police d’impliquer les fonctionnaires d’un quelconque ministère dans la circulation du discours de la vie privée d’une cible afin de simuler ce que l’on nomme des projections (voir Pierre Ciotola, 2007, p.33).

[65] En outre faut-il rappeler que cela ne va pas sans l’exercice d’un plus grand contrôle des organes de surveillance des forces de l’ordre, surtout de la police judiciaire et de toutes les organisations policières et d’agents secrets susceptibles de travailler en tenue civile dans leurs missions. Les nombreux dérapages peuvent aisément conduire à des simulations de symptômes. Les intimidations émanant des membres du personnel de la justice sont peu publicisés mais connus en milieu criminologique et policier. Quant aux organes de contrôle, les sanctions qu’ils appliquent, souvent symboliques et les moyens volontairement peu importants que leur donne le gouvernement, sont critiqués par des organisations comme Amnistie Internationale. Notons que l’élimination psychique d’une personne par violences morales et duperies peut coûter plusieurs centaines de milliers de dollars canadiens car elle se fait dans la durée (ressources humaines, frais d’essence, temps de vol, écoutes téléphoniques, appels espions, etc.). L’importance des industries des télécommunications dans le harcèlement politique est capitale.

[66] Il est intéressant de souligner que le mot « cassette » vient de « caisse » et suppose qu’il contient ou stocke de l’information. Cet élément nous semble primordial pour les supports de stockage d’information tout autant que les techniques elles-mêmes, comme la radioélectricité qui transporte de l’information, c’est-à-dire du courant électrique.

[67] La solution Blackberry permet de recevoir depuis environ 2004 des courriels sur son téléphone portable. Cette technique est au coeur d’une polémique d’espionnage concernant des millions de personnes sur la protection de la vie privée. (Voir Bombal, 2007).

[68] Source : Claude Desurmont, conversation personnelle, 2 août 2007. La Drug Enforcement Administration, administration américaine chargée de lutter contre le trafic des stupéfiants, utilise des téléphones cellulaires depuis la période 1981 à 1985 et l’invention par Erickson date de 1979 même si depuis les années 1950, certaines personnes importantes et des techniciens ou membres des compagnies de télécommunications utilisent des radios automobiles qui nécessite de passer par une opératrice pour émettre une communication.

[69] C’est lors de la visite à la Sûreté de l’État de J.P.D. en juin 2006 que nous avons pu par ailleurs vérifier la technique du copier-coller du répertoire téléphonique, laquelle permet effectivement la connaissance du réseau relationnel de la personne. Déjà en novembre 2005, l’ingénieur Thierry Bourgeois nous avait informé de la technique d’écoute directe, technique d’espionnage assez peu connue du grand public mais qui circule depuis environ novembre 2006 sur certains sites Internet (l’une des armes psychologiques de combat les plus puissantes). Le développement de la radiotéléphonie mobile a aussi permis la démocratisation de l’ingérence dans la vie privée des individus par triangulation d’abord et par écoute directe ensuite. Ces techniques permettent de nourrir les contenus servant à la désinformation et au contre-espionnage (méthodes dites passives). Elles ont fait l’objet d’abus importants par la CIA et par Silvio Berlusconi comme en ont fait état les médias en 2006. La Belgique et la France n’ont pas non plus échappé à cela, même si l’on en a moins parlé surtout en Belgique. La France a pratiqué de nombreuses écoutes électroniques documentées par les criminologues comme Benoît Dupont et parfois désinformé en récupérant des épisodes du passé comme les écoutes sous Mitterrand. Il s’agit évidement de techniques très différentes car à l’époque de Mitterrand, on n’écoutait que les conversations téléphoniques ; maintenant on écoute tout ce qui se dit dans l’environnement acoustique d’un GSM, ce que les Italiens nomment l’osculto ambientale.

[70] On peut considérer avec François-Bernard Huygue que le GSM est par nature un objet nomade, presque intime puisqu’on le porte toujours avec soi : « Il est aussi un terminal relié à des flux numériques de voix, de textes, d’images, de données et maintenant d’argent circulant sous forme numérique, via une multitude de relais et vecteurs » (2007, p.132). L’auteur souligne qu’il y aura bientôt trois milliards de téléphones portables et « depuis quelques mois, en France, le nombre de GSM a dépassé celui des lignes filaires et il est très supérieur dans de nombreux pays du Sud ». Le GSM étant un émetteur radio, il répond à des critères légaux d’écoute différents des lignes filaires. Au Canada, le Communications Security Establishment du ministère de la Défense est chargé d’écouter, d’intercepter et de radiogoniométrer les émissions de toutes origines de manière similaire au Centre de sécurité des télécommunications (C.S.T.), au Groupement des Contrôles Radioélectriques (G.C.R.) et au Groupement Interministériel des Communications. (G.I.C.). En outre, dès que le GSM est sous tension, il est espionnable contrairement à une ligne filaire qui n’est pas espionnable lorsque le téléphone est branché, sauf par le biais d’un haut-parleur du destinataire placé à proximité de son propre GSM. Cette pratique est régulière au sein des forces de l’ordre, y compris l’écoute collective des discussions par le haut-parleur. L’usage de ces techniques devrait aussi servir comme moyen de preuve, en plus des missions de contre-espionnage et de harcèlement pratiquées par les forces de l’ordre (voir à ce sujet notre article sur le harcèlement moral en réseau, Desurmont, 2006). La trop grande restriction du champ d’application des écoutes téléphoniques laisse une force d’initiative plus importante à la police politique.

[71] André H. Caron et Letizia Caronia, 2005, p.27.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 16 octobre 2009 13:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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