par Jean-Paul Desbiens

Je reproduis ici un certain nombre d'éditoriaux ou d'articles publiés dans La Presse, de mai 70 à octobre 71. Je reproduis également un certain nombre de textes dont la plupart furent donnés à l'occasion de conférences, de colloques et autres rencontres.

Ces textes sont reproduits, tels qu'ils furent publiés ou dits, à quelques corrections de forme près. Rien n'est parfait, dit le renard.

Ils sont regroupés sous quelques rubriques très générales. Pour certains textes, le choix de la rubrique fut difficile et demeure donc contestable. Le genre d'écriture que je pratique m'amène souvent, à partir de l'actualité ou des sujets proposés, à des considérations d'ordre général. C'est ainsi qu'à propos d'une grève dans le secteur public, j'ai pu parler de justice ou de démocratie ou même du climat social du Québec.

Sous la rubrique « intemporel », je reproduis des textes qui n'ont rien en commun et certains, uniquement pour mon plaisir, ce qui est toujours une raison. Quant aux titres, ils indiquent tout autant l'atmosphère d'un texte que son sujet.

J'ai intitulé ce recueil Dossier Untel avec quelque raison et quelque agacement. La raison, c'est que la direction des Cahiers de Cap-Rouge a cru utile de faire une espèce de rétrospective des Insolences et des sujets abordés dans le livre en question. Une espèce de bilan, comme on peut voir dans l'introduction de Rosaire Bergeron.

Le fait que ce recueil rassemble un certain nombre d'éditoriaux parus dans La Presse et un nombre important de textes, à toutes fins utiles inédits, justifie l'appellation de Dossier. Le Petit Robert, à la page 510, le confirme en tous mois quand il donne, comme exemple au mot dossier : le dossier Un Tel. C'est une fatalité.

Mon agacement vient du fait que je confirme ainsi l'identification de Jean-Paul Desbiens avec le Frère Untel. Je ne déteste pas ce dernier, mais il a fait son temps. Que je sois plus vieux ou plus jeune que lui, plus rassis ou plus navré, ne regarde que moi.

Quoi qu'il en soit, je m'étais bien juré, en entrant à La Presse, de ne rien écrire qui aurait l'air simple (comme on dit au Lac-Saint-Jean) six mois ou six ans plus lard ; ce n'est pas une question d'information, car on n'a jamais toute l'information qu'il faut ; ce n'est pas une question de logique, chose que l'on confie aux ordinateurs ; c'est une question de cohérence. On verra, si on lit ces textes, que je n'ai pas bronché depuis dix ans en ce qui touche mes valeurs, valeurs que je n'ai d'ailleurs pas inventées.

J'ai conscience que ces textes, malgré leur apparente facilité, sont d'une écriture assez concentrée. Là, je regrette et je m'excuse, mais je n'y peux rien : j' écris en français et je m'adresse à ceux qui ont terminé les études du niveau élémentaire, celui où l'on apprend à lire.

Je comprends, cependant, qu'habitué à lire du sociologue (je dis : sociologue, comme on dirait monomotapais), il puisse paraître difficile de lire du français. C'est ainsi, qu'habitué à lire : élève, vers les années 30 et avant, il puisse être déroutant de ne plus lire que : le s'éduquant, pour désigner èguezactement le même morveux, ahuri et génial, condamné à l'école, [geôle de jeunesse captive], comme disait Montaigne.

Dire cela, ce n'est pas encourager les zarzais ; c'est reconnaitre que le petit d'homme doit apprendre à vivre et notamment à l'école. Il ne devient pas un s'éduquant pour autant ; il est un élève, c'est-à-dire quelqu'un qui s'élève à l'occasion d'un mur, l'adulte étant la définition du jeune, sa barrière et la condition de son élévation.

Jean-Paul Desbiens