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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean-Paul Desbiens, Sélection de citations. Se dire, c'est tout dire (1989). Une présentation et une sélection de Laurent Potvin, frère mariste, Château-Richer, Qc. Chicoutimi: Les Classiques des sciences sociales, août 2009, 35 pp. [Autorisation accordée par l'auteur le 20 janvier 2005 de diffuser la totalité de ses publications.]

Présentation
Sélection de citations.

Présentation

Par Laurent Potvin,
frère mariste, août 2009.


« Je confie à mon Journal personnel
les souvenirs que je veux conserver
pour le jour où j’écrirai
mes mémoires pour moi-même. »
Anonyme

Jean-Paul Desbiens a publié, au cours des années, plusieurs passages de son Journal personnel. Il nous a livré, dans les premières pages de « Se dire, c’est tout dire », sa pensée concernant  un journal personnel : « Au fond, un Journal doit être pour d'autres, de la nourriture. Il a été pour moi une manne ; il doit être pour d'autres également une manne. »

Il a donc effectué un certain choix   dans les pages de son Journal rédigées au jour le jour en vue de les confier à  ses publications, en particulier dans celle que nous vous présentons aujourd’hui.

Les thèmes de ses divers « Journaux personnels » peuvent se grouper sous cinq titres :

1. Lectures: livres,  revues, journaux: Le Devoir, la Presse surtout.  Il nous  offre de nombreuses citations provenant de ses lectures.

2. Rencontres de personnes et de groupes, voyages.

3. Activités : correspondances, conférences,  téléphones importants.

4. Les mille événements  de la vie quotidienne : accidents, guerres, conflits, mortalités, récréations,  programmes de télévision, etc.

5. Vie de l’Église et vie communautaire: textes liturgiques, échanges d’informations, décisions de gestionnaire,  relations interpersonnelles, etc.

Pour la rédaction de ses divers Journaux qu’il a publiés, il a dû effectuer un judicieux choix de propos tout en mettant en évidence ses sentiments parfois très intimes.

Pour plus de commodité de lecture, il a groupé le contenu du présent Journal sous cinq grands thèmes : Instantanés – Écriture – Balises – Reflets - Foi. Dans la présente Sélection, nous avons identifié chaque citation par l’idée principale en maintenant  la disposition adoptée dans les publications précédentes.

La sélection que vous allez parcourir vous permettra d’accéder à des pensées très personnelles de cet écrivain et de connaître les  valeurs auxquelles il accorde  priorité  dans sa vie.

Vous y trouverez, entre autres confidences,  la liste de A à Z de ses auteurs proférés, des auteurs dont il a lu parfois plusieurs œuvres et qu’il se plaisait à citer dans ses conférences et ses articles aux journaux et revues.

Vous noterez aussi la franchise avec laquelle il expose son point de vue sur certaines prises de positions et sur divers personnages quant à l’exercice du pouvoir en ce qui concerne l’Église et l’État.

Enfin, vous verrez qu’il ne craint pas, comme  éducateur religieux, d’exposer sobrement ses convictions sur la prière, le service religieux, le service à la société, la paix,  la guerre, le respect de la vie…

 Puisse cette Sélection vous  inciter à lire le texte entier de « Se dire, c’est tout dire… »  publié par L’analyste.  Vous y ferez des découvertes révélatrices sur la profondeur de pensée de cet écrivain polémiste.


A

Alambic et conscience

La conscience d'un écrivain, c'est l'alambic des événements et des opinions qui se produisent ou qui s'expriment à un moment donné. L'alambic ne crée rien et il fonctionne à partir du jus où il plonge par un bout.

Amour des vieilles choses…

Je dis a ma mère, parlant d'une vieille chanson : J’aime les vieilles choses.

Mon Dieu! Que tu dois m'aimer ! 

Amour du pauvre

Je verrai peut-être la dénonciation de cet amour perverti du pauvre ; cette exploitation politique du pauvre. Le capitaliste exploite le pauvre, mais il ne prétend pas l'aimer. La gauche prétend l'aimer.

Anagrammes, les conserver

Monde : anagramme de démon. Éternité : anagramme d'étreinte. Ces rapprochements ne veulent sans doute rien dire. Pourtant, quand on m'en signale un, je ne peux plus l'oublier.

Angoisse, une réponse

Longs moments d'angoisse, hier soir. Plusieurs heures. Où vais-je ? Réponse : Jésus m'aime.

Aquabonite

Bernanos disait : « Le démon de mon cœur s'appelle à-quoi-bon. » Sulivan, familier de Bernanos, invente. le nom d'une maladie qu'il a, lui aussi, contractée : l'aquabonite.

Attente, sur listes

Une des plus radicales exploitations de l'homme par l'homme : l'expropriation de son temps personnel. Les queues en pays socialistes, les listes d'attente… Faire attendre, c'est exploiter.

Attention filiale

Ma mère dit qu'elle a peur de mourir. J'attache à sa robe l'insigne mariste que je porte à mon veston. Elle en est toute contente. Je fais ce geste avec piété. Et elle s'inquiète de savoir si j'en ai un autre !

Attitude devant les autres, devant Dieu

Par rapport à ceux qui me pèsent, me contrarient, me « détestent », je dois me dire : ils sont aimés de Dieu. Comment puis-je croire que je suis aimé de Dieu - et je le crois -, si je ne crois pas que tous les autres le sont aussi ? En seraient-ils moins dignes que moi ?

Auteurs préférés

Je fais un exercice de mémoire, sans consulter ma bibliothèque ; j'essaie de me dire qui sont mes auteurs préférés, par ordre alphabétique. Cela donne ceci : A : Alain, Aristote ; B : Bible, Bloy, Bernanos ; C : Claudel, Céline, Chesterton ; D : Domenach ; E : Étiemble ; F : Fourastié ; G : Guitton, Guéhenno, Girard ; J : Jünger, Jouhandeau ; K : Koestler ; L : Légaut, La Fontaine ; M : Montaigne, Montherlant ; N : Nietzsche ; 0 ; Ortega y Gasset ; P : Pascal, Platon ; R : Rilke ; S : saint Thomas d'Aquin ; U : Unamuno ; V.- Valéry ; W.- Weil, Simone. Il s'agit d'un exercice de mémoire. Il y a des oublis, des trous...

Avortement, euthanasie, suicide…

Les mêmes sociétés qui promeuvent l'avortement, l'euthanasie (déguisée) et le suicide (il existe des manuels de suicide) refusent les exécutions légales.

Avortement et  Église

Même dans les pays très pauvres et à démographie galopante, le pape rappelle l'opposition de l'Église à l'avortement, à la stérilisation et au contrôle artificiel des naissances. Il ne saurait être question de distraction ou d'ignorance de sa part. Pour !'heure, on ne comprend pas toujours l'obstination de l'Église. L'Histoire, peut-être pas si lointaine, nous éclairera sur le bien-fondé de son choix. « Choisis la vie. » (Deut 30,19)

B

Béatification

La béatification d'un homme ou d'une femme est un événement qui n'a de sens ou, en tout cas, de sens complet que pour un croyant. Pour le croyant, deux histoires se déroulent simultanément : l'histoire du Monde, qui est l'histoire du Pouvoir, et l'histoire du Salut, qui est l'histoire de l'Amour.

Bonheur

On est heureux quand on est sûr d'être utile aux autres.

But d’une revue, comment le préciser?

L'Analyste ne dit pas : « Voici le nouveau programme à suivre. » Elle dit : « La démocratie exige ceci et cela. La liberté implique ceci et cela. La vérité est difficile, mais on ne la trouve pas en se promenant avec une grille de lecture. »

C

Chef

Il y a peu de personnes qui soient capables d'être chefs. Tout simplement peu. Les charges, autrefois, étaient courues parce qu'elles comportaient des avantages et un réel pouvoir sur les êtres. Maintenant que le vote est devenu le huitième sacrement, elles sont moins courues.

Christianisme et politique

C'est le christianisme qui a introduit la coupure radicale entre le politique et le destin de l'homme. Sans lui, l'homme serait totalement politique. C'est précisément ce qui arrive dans les États totalitaires. Le politique prend d'autant plus de place que le christianisme se retire davantage.

Citations, leur valeur humaine

Dans un article du Time, on cite, mine de rien, Homère. Pourquoi ? Qu'est-ce que Homère ajoute au reportage ? Réponse : il ajoute une épaisseur humaine. Il ajoute une harmonique. Le ton, le son, est moins plat, moins isole. La culture, c'est le contraire de l'isolement.

Concentrer ma pensée

Pendant la messe, cette nuit, (Noël 1983), je me disais : à force d'écrire, de toujours chercher le mot juste, de toujours travailler à concentrer ma pensée, j'en arrive à ne plus pouvoir supporter l'à-peu-près. Et, du même coup, à ne plus sentir ce qui déborde le conceptuel ; à ne plus pouvoir le tolérer.

Conférencier à plein temps!

Demande de conférence à Beauport sur le Livre Blanc. Je note pour la postérité que je pourrais être à plein temps dans ce métier. Mais notre société ne permet pas ça. Elle est trop pauvre en ressources humaines et en ressources financières.

Conférencier, mon but limité

Il m'importe assez peu de parler devant un petit groupe. On ne touche jamais qu'une âme par-ci, par-là. Et même si on n'en touchait qu'une seule dans toute une vie de « conférencier »... De toute façon, je ne peux toucher personne. Le Christ est le passage obligatoire entre moi et les autres. Aussi bien, je dis toujours, avant de parler : Sermone ditans guttura. (« Parle par mon gosier. ») Le latin était concret et grossier jusque dans la Liturgie. Aujourd'hui, on « interpelle » !

Courage

Le courage, c'est la plus grande des vertus, parce que c'est lui qui garantit toutes les autres. Le courage, c'est la peur baptisée par la prière. Jünger disait : « La prière use la crainte. »

Courage et  joies

On tire son courage de ses joies. Donc, il faut se ménager des joies ou, en tout cas, prendre celles qui s'offrent.

Culture

La culture, c'est le contraire de l'isolement.

Culture, parfois vent vide

Une bonne partie de ce qu'on appelle la culture et l'activité culturelle n'est que prétention, vent vide. « L'homme n'aura entendu que bien peu de voix saines. » (Rostand)

D

Décadence

Notre culture sécrète une seule morale : la morale médicale et sa fleur la plus exquise, la prévention. Le pendant politique : l'écologie.

Dédicace

Petit fait émouvant et dont je pense que je ne tire aucune vanité, mais, certes, un peu de joie : une femme, à peine m'a-t-elle vu entrer, sort un exemplaire des Insolences pour une dédicace... On aimerait avoir un peu de génie, dans ces circonstances. Mais j'étais extrêmement tendu. J'écris : « À madame X, 23 ans après... à Métabetchouan. » Je fais, en tout cas, le lien historique et géographique.

Demandeuse d’autographe

Une inconnue qui me connaît par mass media interposés (et c'est tant mieux pour moi !) me demande mon autographe ! Je lui écris : « Vous me demandez mon autographe. Mon Dieu ! qu'est-ce que mon autographe ? Je souhaite qu'il soit pour vous le signe matériel d'un homme qui espère croire deux choses immenses, c'est-à-dire non mesurables : a) Dieu existe ; b) Il nous aime et Il le prouve en nous donnant son Fils.

Démocratie, une impasse

La démocratie, telle qu'on la pratique en Occident, est une impasse. Ainsi, le gouvernement annonce qu'il veut revoir toute la politique de l'assurance-chômage, notamment en ceci qu'elle n'est pas un encouragement au travail. Tout de suite, les syndicats disent qu'ils combattront le gouvernement. Jamais on n'entend dire que les partis ont étudié ensemble un problème et proposent, ensemble, une solution.

Détails, leur importante

Je me laisse obséder par les détails. Au fond, c'est que je ne vois pas de détails. Une petite félonie, c'est une félonie aussi grande que le peut son auteur. Quand on gère peu de monde, peu de choses, et qu'on fait une félonie, on fait la même chose qu'un grand, gérant de grandes choses.

Dieu aime tout le monde

Si Dieu aime tout le monde, y compris moi-même, c'est parce qu'il sait, lui, ce que, nous, nous ne faisons que pressentir par éclairs touchant les autres. Et soi-même aussi.

Docilité, obéissance

Docile ne veut pas dire obéissant. Loin de là. Docile veut dire : apte à recevoir un enseignement. C'est le contraire de l'obéissance. Rien n'est plus subversif que la pensée. Mais, pour penser, il faut avoir été docile...

E

Écriture  et symphonie

Celui qui écrit est bien le seul à connaître toutes ses « finesses » ! Ainsi, j'écris : « ... on demande à un cul-de-jatte de discourir ... » Qui verra courir, allié à cul-de-jatte ? Encore : presque toujours, mes textes sont des symphonies. Le mot est prétentieux, mais enfin, c'est celui-là qui me vient à l'esprit. Symphonie en ce sens que, sans jamais me proposer la chose, je découvre, après coup, qu'un mot, une image, m'ont gouverné tout au long, reviennent souvent, comme trois notes…

Église et  libération politique

On parle de plus en plus de libération politique par l'Église ; de sa responsabilité à cet égard ; de son engagement obligatoire dans la libération des opprimés. Foutaise ! Saint Pierre disait : « Soumettez-vous à toute institution humaine à cause du Seigneur ... » (1 Pe 2,13) Ni le Christ ni l'Église primitive n'ont fait de politique. Ils ont pourtant bel et bien changé le monde, leur monde.

Église, force conservatrice

Je lis quelque part : « L'Église catholique est une force conservatrice ... » Cela est dit, évidemment, par mode de persiflage, de jugement négatif. Il faut renverser le jugement et dire : « L'Église est une force conservatrice et il faut l'en bénir. » Car, enfin, il faut bien que des choses soient conservées. Conserver, c'est la première volonté de l'être. Même la pierre, même l'atome, veulent se conserver.

Évangile

Déplacement de l'accent sur le message évangélique vers le destinataire. Risque de l'opération : tomber dans un humanisme bêlant. La Foi interpelle l'homme et non l'inverse. Le discours chrétien est de plus en plus minoritaire ; ce n'est pas une raison pour le rendre minimaliste.

Évangile, les disciples d’Emmaüs

L'épisode des disciples d'Emmaüs. On lit ceci : « Jésus en personne s'approcha. » « ... et partant de Moïse.. il leur interpréta ce qui le concernait. » (Lc 24,27) Ça doit être quelque chose que de se faire donner un cours de deux heures sur Jésus par Jésus. Seigneur, donne-moi un cours !

Évangile, paralytique guéri

Les Pharisiens disent au paralytique guéri : « C'est le sabbat. Tu n'as pas le droit de porter ton brancard. » Voici un homme délivré et qui porte, pour ainsi dire, sa prison dans ses mains. Tout de suite, d'autres hommes veulent l'emprisonner de nouveau. Les esclaves ne tolèrent pas le spectacle de la liberté. Asservis, ils veulent asservir les autres. Jésus, libère-moi et ne permets pas que j'asservisse les autres. Fais-moi libérateur, en toi et comme toi.

Évoluer

Après une conférence, un directeur d'école se déclare déçu. Sa raison : « Je m'attendais à du Frère Untel. » Et voilà ! On invite le Frère Untel de 1960 et on entend Jean-Paul Desbiens de 1981. Les gens nous enferment dans un rôle dont ils ne veulent pas que l'on sorte.

Examen de conduite

a) Omnia videre.  Tout voir. b) Multa dissimulare. Fermer les yeux souvent.

c) Pauca corrigere. Corriger un peu  d) Multum exhortare.  Encourager beaucoup.

Je fais a) à la perfection. Je fais b) très peu et difficilement. Je fais c) avec frustration. Je fais d) presque jamais.

Excellence ou égalité

Puisqu'il est dur d'atteindre l'excellence, tous sont réduits à l'égalité. Égalitarisme : refuge glorifié devant la tension. Puisque Vélasquez est inégalable, faisons tous du coloriage.

Exploitation des autres par le cinéma

(Par le cinémas), il est beaucoup demandé à des êtres, en notre époque, aux femmes surtout. Ce sont des prisonnières, des êtres dévorés, livrés en pâture aux millions de désirs anonymes ; livrés aussi, sans doute, à l'âpreté des hommes d'argent. Des êtres dont tout l'être n'existe que dans le regard des autres.

Examen médical, que répondre?

Sortez votre carte-soleil et dites à un médecin : « Docteur, je souffre d'aquabonite. »

(À quoi bon! État d’un découragé de tout!)

F

Féminisme

Lecture en la fête de l’Immaculée conception : Signum magnum apparuit : « une femme, vêtue de soleil, et la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles. » (Apoc. 12,1) Le féminisme, c'est le champ où pousse l'ivraie et le bon grain, en ce qui touche la révélation de la femme.

Fidélité

Je lis Devenir soi de Marcel Légaut, rencontré à Chicoutimi l'automne dernier. Le sous-titre du volume pourrait être : « La difficulté et la fécondité de la fidélité ». Ça serait illisible, comme titre, mais c'est bien le thème.

Film Visage

Pendant 4 jours, j'ai tourné pour le film de la série Visage que Radio-Québec est censé présenter au réseau national au printemps prochain. Ce fut une expérience enrichissante mais épuisante. Ils ont filmé quelque 25 cassettes de 20 minutes chacune. Donc, plus de huit heures d'entrevues et de scènes extérieures. À quoi il faut ajouter les séances d'installation, de mise en situation, les déplacements, etc. 

Fin d’année

La fin de l'année est une date arbitraire. Elle n'a aucun fondement naturel, comme les solstices ou les équinoxes. Mais la pression des institutions est irrépressible. On se sent différent en cette soirée. On est à la fin de quelque chose et au bord de quelque chose d'autre. Tentation du bilan. Tentation de la prévision.

Foi

Le cardinal Roy m'a dit un jour : « Quand il n'y aurait plus qu'un seul catholique, la Foi serait entière, et entièrement professée. » Il y a eu un moment, dans l'histoire de l'Église, où seule Marie a cru.

Fins de vie

Les fins de vie doivent être entourées des mêmes soins que les commencements.

Frère André

Il est bien évident que le Frère André est un produit typique du peuple québécois. Je veux dire : issu de lui, reconnu par lui. Par les humbles d'abord, « l'invisible cohorte des humbles qui, à travers les âges, a toujours assuré l'essentiel » (W.H. Auden). Cette reconnaissance du peuple québécois, dans les deux sens du terme (connaissance et gratitude), ne date pas du 23 mai 1982. À la mort du Frère André, en 1937, déjà tout un peuple s'est levé pour le saluer.

Frère solide

À propos de mes récents articles dans Le Devoir, je reçois un petit mot d'un Montréalais qui commence ainsi : « Frère solide ». Je lui réponds : « Quelles que soient les apparences "stylistiques", vous savez bien que j'écris ce que j'écris dans l'angoisse, le doute et la solitude totale. »

G

Gâteau à partager

C'est toujours la même loi qui s'applique : plus le gâteau est petit, plus féroce le combat autour.

Gloire de Dieu

Quand je suis pressé, au sens physique du terme, pressé comme le raisin dans le pressoir, je dis au Seigneur : « Rappelle-toi, je t'ai toujours demandé de m'utiliser pour ta gloire. Et ta gloire, c'est le cœur de l'homme. » Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo, a gloriam. « Non pas à moi, Seigneur, vraiment pas ; mais, à Ton nom, rend gloire. »

Gouverner les mots

Si nous gouvernions les mots comme un pilote gouverne son avion, il n'y aurait plus de mensonge.

H

Homme

« L'homme est un mystère. » Dire qu'il est un mystère de fait, ce n'est pas original. Légaut ajoute : un mystère de droit. C'est la base de toute son anthropologie. La Rédemption et l'immortalité de « l'âme », ces deux « dogmes », sont déterminées par cette option. Option est son terme. Je marche assez là-dedans.

Homme d’institution

Je me définis comme un homme d'institution. L'institution, c'est le contraire de l'arbitraire, le contraire du « club de chums.

Homme, le Pape

Un homme et sa planète. L'homme, c'est Jean-Paul II, successeur de celui dont Pilate a dit : Ecce homo.

Homme, sa nature

L'homme est curieux de l'homme, c'est dans sa nature.

Homme, sa puissance

Par ma fenêtre, je vois un gros avion (type DC-9) qui rase la tête des arbres, s'apprêtant à atterrir à l'aéroport, à deux ou trois milles d'ici, en ligne droite. Mettons cinq milles, et n'en parlons plus. Je suis toujours émerveillé par ce spectacle. J'y vois deux choses : a) la victoire de l'homme, en général ; b) la domination d'un homme bien précis : le pilote. Race admirable, qui porte sa vie et celles de beaucoup, et qui n'a pas droit à l'erreur, comme les scribouilleurs.

Hypocrite ou véridique

On est hypocrite ou illusionné si l'on se présente aux autres comme sauvé, et leur disant, implicitement, qu'on va les aider. On est véridique si l'on se présente comme perdu, mais plein d'espoir dans Jésus Sauveur. Que de « sauveurs » ne sont que des excités et qui, souvent, font partie du problème qu'ils s'offrent à résoudre.

I

Idéologie

Ce n'est pas que je sois socialiste. Je ne crois a rien, sauf au communisme religieux. Hors une Foi, je ne vois que jungle sur jungle, à l'infini. Comme dit Céline : « Il y a eu ceci, il y aura cela, et c'est la même chose. » La planète, c'est un panier de crabes avec de plus en plus de crabes dedans, et de plus en plus vicieux ; les pinces de plus en plus fouilleuses, mordantes et coupantes. Les pinces de l'idéologie.

J

Jeunes

Je trouve que les jeunes sont jeunes plus longtemps qu'auparavant. À cause des protéines et de la vie douce, ils sont gros et grands, mais on dirait que l'âme n'a pas suivi, qu'elle ne remplit pas la cabine.

Jésus, le grand renverseur

 Ce soir, à l’Évangile de  la messe, j'entends : « Béni sois-tu, Père, d'avoir révélé ces choses aux petits... » L'élitisme inversé. Papini disait que Jésus est « le grand renverseur ».

Journal

L'utilité de tenir un journal ne fait guère de doute. Il s'agit d'abord d'un exercice d'écriture et, par là, une occasion de préciser sa pensée. Il permet ensuite de constituer des réserves, d'engranger des observations fugitives, des citations que l'on aurait bien de la peine à retrouver autrement

Journal de Léon Bloy

Léon Bloy, durant certaines périodes de sa vie, tenait littéralement deux journaux parallèles. Dans l'un, il notait les événements tels qu'il les vivait ; dans l'autre, celui qu'il a publié, il faisait des choix et des arrangements qui arrangeaient, justement, sa posture pour la postérité.

Journaux,  avidité devant eux

Je suis depuis toujours un lecteur avide de journaux : cela tient sans doute au besoin que j'ai de vérifier sans cesse mes positions. Avec cette différence toutefois que je ne donne pas tant mes positions que je ne cherche à les déterminer en prenant connaissance de celles des autres. Et ma prétention, c'est qu'il existe d'autres êtres comme moi.

Juger et prédire  en 300 mots

Radio-Canada me demande un éditorial parlé, qui sera diffusé entre Noël et le Jour de l'An. Trois minutes (300 mots) pour juger 1983 et deviner 1984. Rien que ça !

K

L

Langue en péril

Un grand corps comme une langue met du temps à se faire et du temps à se défaire. Le corps français se défait depuis longtemps et cela est le signe d'autre chose. Le signe que notre civilisation est morte, mais que la décomposition du corps social met plus de temps à se faire remarquer que la décomposition d'une vache crevée.

Légaut, Marcel

Cet homme écrit peut-être un des français le plus difficile mais le plus rigoureux qui soient.

Légaut, Marcel, écrivain

Cet homme, Marcel Légaut, pratique un français extrêmement difficile, laborieux, mais irréprochable. Il écrit comme on marche en montant un sentier caillouteux. Il écrit au fin bout de ses 80 ans et non pas en poussant une histoire devant lui, dont il serait le maître, mais en déroulant sa vie, dont il s'émerveille qu'elle ait été ce qu'il en découvre. Chaque mot s'appuie sur le précédent comme une pierre sur une pierre. Il écrit comme un maçon scelle des pierres...

M

Maladies dites mentales

Les maladies dites « mentales » sont terribles, car elles peuvent être niées par ceux qui en sont victimes, ce qui n'est pas le cas des autres maladies. Pourtant, les maladies « mentales » sont des maladies physiques. Un esprit ne peut pas être malade. Il peut être ignorant, mal informé, etc., mais il ne peut pas être malade. Un esprit peut être faux (c'est même la règle), mais cela n'est pas une maladie « mentale ». C'est autre chose.

Manque de qualité

Quand on manque de qualité (au sens où l'on dit : un homme de qualité), on manque précisément de ce qui permettrait de s'apercevoir qu'on en manque. C'est sans remède.

Message

En 1955, je « découvrais » le Prophète, de  Khalil Gibran. Vingt-sept ans plus tard, écrivant à la fiancée de mon neveu, je trouve l'occasion de lui envoyer une photocopie du poème sur l'amour. Je le trouve aussi beau qu'à l'époque, en moins douloureux, en plus assumé.

Moineaux increvables

En attendant l'autobus, j'étais tout près d'un petit massif d'arbustes. Un moineau pépiait là-dedans, comme s'il était un pinson. C'était rien qu'un moineau, fier de l’être, ne sachant pas qu'il va mourir. C'est increvable, ces oiseaux-là. Un par un, ils font trois ou quatre ans, mais l'espèce est increvable

Moment rare, serrer la main d’un mourant

J'assiste à l'extrême-onction administrée à un confrère ; c'est la première fois de ma vie. Je lui serre la main. Serrer la main à un homme qu'on ne reverra sans doute pas de ce côté-ci du réel…

Mort d’un confrère

J'apprends ce matin la mort subite d'un confrère et ami. C'est un coup dur. Comme toujours, l'irruption de la mort frappe de vanité tous les débats, petits ou grands, toutes les misérables misères qui occupent l'esprit. Sous la fulgurance de la mort, tout le reste s'évanouit comme ombre gommée par la lumière.

Mort d’une sauterelle

Une sauterelle sur la galerie. Hier, elle se déplaçait à peine ; ce matin, elle est morte. Un cadavre (homme, oiseau, insecte) est toujours troublant. C'est toujours une « organisation » disparue, partie, soufflée.

Musique et peinture

Aucune comparaison entre la musique et la peinture. En quantité, d'abord : il y a beaucoup plus de musique que de peinture. En disponibilité, également : grâce à la radio, aux disques et aux cassettes, il y a constamment, de par le monde, incomparablement plus d'auditeurs de musique qu'il n'y a de contemplateurs de tableaux.

N

Neige blanche

Ce matin, longue promenade dans le bosquet. Il y a de sept à huit pouces de neige. À cause du vent d'hier, la neige est plaquée même sur le tronc des arbres. On marche dans le blanc. Tout est blanc, dessous, dessus, à côté. Je cherche une image. On navigue dans le blanc, comme un poisson dans l'eau. Dans tant de blanc, il n'y a plus d'orientation. On est partout, donc nulle part.

Nouveau, en faire chaque année?

Un directeur d'école me disait : « Les professeurs veulent faire du nouveau chaque année. » C'est oublier l'enfant qui, lui, se renouvelle chaque année et pour qui le nouveau serait justement de l'ancien pour le professeur. Dans ce métier, si l'on ne sait pas s'émerveiller de l'émerveillement de l'enfant, on le prive de son émerveillement à lui, le seul qui compte et le seul qui le nourrit.

O

Opinions vs observations

Les observations s'additionnent ; c'est ainsi que la science se construit. Mais les opinions ne s'additionnent pas. Et, pourtant, les sondages ne sont rien d'autre. Et cela fait la politique.

P

Pauvreté, la vraie

La pauvreté dans l'Évangile, c'est bien autre chose que ce que l'on pense quand on ne pense pas. Ou que ce que l'on dit quand on répète. Il y a des pauvres qui le sont parce qu'ils n'ont pas cessé de s'appauvrir. Par refus. À la limite, la pauvreté, c'est l'enfer : avoir refusé Dieu.

Pédagogie vs savoirs

La pédagogie n'est pas au-dessus des savoirs constitués, des savoirs décisifs. Pour enseigner la physique, il faut : a) connaître la physique ; b) être pédagogue. Jamais l'inverse.

Peine de mort

Je suis contre la peine de mort pour la raison suivante : un État ne peut pas supprimer une vie à moins de professer la foi dans une autre vie. Autrement, la mort devient un absolu et la vie aussi.

Pentecôte

Je récite lentement la Séquence et le Veni, Creator. Autant de mots, autant de concepts. Forte époque où l'on composait de si fortes prières, si denses, si réalistes, si vigoureuses. Et aussi, pieuses et savantes. Voilà  des prières savantes, je veux dire débordantes de doctrine et pourtant chaleureuses.

Peur de la mort

Je parle de la mort à ma mère.
- As-tu peur ?
- Oui.
- De quoi ? Tu vas aller au ciel.
- Le chemin a besoin d'être battu. »

Peur d’exister

Celui qui n'est pas sûr d'exister, c'est-à-dire d'être aimé, il fait du bruit. Littéralement du bruit : parler fort, claquer les portes, se suicider, à la limite.

Phrase type de politicien

Une phrase type d'un politicien : « Je pense qu'il serait prudent de dire que le pire est passé. » Trois bémols dans une même affirmation, qui n'affirme évidemment plus rien.

Pilotes

Les pilotes me fascinent. Ils ont tous quelque chose en commun : un mélange d'arrogance rentrée, de calme, de certitude. Ils sont encore un peu des êtres à part, comme pouvaient l'être, je suppose, les chevaliers et, beaucoup plus tard, les mécaniciens (les conducteurs) de locomotive.

Politique et christianisme

C'est le christianisme qui a introduit la coupure radicale entre le politique et le destin de l'homme. Sans lui, l'homme serait totalement politique. C'est précisément ce qui arrive dans les États totalitaires. Le politique prend d'autant plus de place que le christianisme se retire davantage.

Politique et rendement

La classe politique avec tous ses conseillers, ses spécialistes, ses professionnels de la chose et de mes choses ; la classe politique, appuyée par des études multiples et toutes fort savantes, la classe politique n'a pas encore accouché d'une solution compréhensible, accessible, cohérente. Un architecte finit par faire un bleu ; un chirurgien finit par ouvrir un ventre ; un homme politique doit finir par proposer quelque chose de clair et de croyable.

Postes - Service en progrès?

Je reçois, le 17, une lettre datée du 10 et estampillée du 12, venant de Montréal. Ce n'est pas un cas extrême, mais c'est symptomatique du « progrès ». En 1940, une lettre partant de Métabetchouan coûtait 0,03$ et elle atteignait Montréal le lendemain, par le train.

Pourquoi écrire?

Je relis les trois textes que j'ai écrits pour Radio-Québec. Ils sont bons, cultivés, réfléchis. Et puis ! À quoi, à qui cela sert-il ? En cette fin de siècle, à quoi cela sert-il d'écrire d'assez fortes choses sous l'invasion des barbares ?. Quelqu'un lira ce qui précède, ce sera un barbare, et il dira : « Pour qui se prenait-il, ce Desbiens ? »

Pouvoir

Jamais je n'ai été si longtemps à la fois, et si souvent, dépressif. Je ne suis pas fait pour vivre sans pouvoir réel. Voilà le paradoxe.

Pouvoir qui écrase

Je vois, dans mon petit milieu, que tout est question de pouvoir. Les vierges sont rares. Chacun écrase tant et dès qu'il peut. Quand un petit parle pour les petits, c'est parce que lui, il est petit. Haussez-le, et il écrase, instantanément, un autre petit.

Prier

On est en train de nous faire accroire que prier est une technique, un métier. C'est du charriage. Prier est une chose simple. Simple, mais difficile. Difficile n'est pas synonyme de compliqué. La conscience des médiocres est compliquée. L'Évangile est simple. L'Évangile est difficile, mais simple. Il n'est pas compliqué.

Prière

La prière est l'acte le plus efficace que nous puissions faire. Ce que nous faisons ensuite de bon et de profitable tire son efficacité des moments que nous avons passés en contact avec celui qui, seul, fait ; qui seul, crée.

Prière à Marie

« Souvenez-vous, ô très douce Vierge Marie, qu'on n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré vos suffrages ou demandé votre intercession ait été abandonné .. » Aucune demande explicite dans cette prière. C'est un pur chantage à la « réputation » de Marie comme secours des chrétiens. Auxilium christianorum.

Prière de mes 19 ans

On ne fait, dans toute sa vie, qu'une seule prière sérieuse. La mienne, je l'ai faite dans un creux d'humiliation et de misère extrêmes, à 19 ans. C'était : « Seigneur Jésus, utilise-moi pour ta gloire, et ta gloire, c'est le cœur de l'homme. » J'ai été exaucé, j'ai commencé de l'être, j'ai peur du reste, je maintiens ma prière.

Prière du jour

« Merci, Seigneur, parce qu'il fait soleil, parce qu'il fait froid, parce qu'il fait silence. Ce dernier luxe… »

Proverbe espagnol

Un Frère yougoslave, qui a passé 25 ans de sa vie en Argentine et qui travaille au Cameroun depuis 10 ans, me cite un proverbe espagnol : Mejor ser cabeza de raton que cola de leon. (Vaut mieux être une tête de rat qu'une queue de lion.) Voilà un proverbe qui aura fait du chemin.

Pur, impur

L'impur se reconnaît impur (à l'évidence !) ; le pur se sait... pur. Cela explique la dureté de celui-ci ; la miséricorde ou la complicité de celui-là. Le pur est menacé par la cruauté ; l'impur, par la complicité.

Pyramides

Les pyramides sont des constructions éternelles, pour la raison qu'elles sont déjà tombées. Déjà tas, déjà entassées sur elles-mêmes.

Q

R

Race

On a une race ; on n'appartient pas à une race. La race, c'est une éthique et non pas une zoologie.

Remerciements

Une inconnue me téléphone. Elle a suivi le cours de philosophie que j'ai donné à l'Académie de Québec à l'automne 65 ou 66. Elle dit que je l'ai marquée et pour deux raisons : 1) j'avais l'air d'aimer ma matière, 2) je lui ai donné le goût d'Alain ! Il y a longtemps que je veux vous appeler, me dit-elle. Elle me rappelle une phrase d'Alain, que je citais à l'époque : « L'inutile est la marque de l'humain. »

Rencontre causée par la parole

L'été dernier, Weld et Faucher me disaient que notre rencontre était née de la parole ; que c'est une parole qui l'avait provoquée (Les insolences) et que, pour l'essentiel, elle consistait en paroles.

Rencontre de Jésus

L'autre soir à Montréal, je marchais dans la rue. Un jeune homme m'aborde : « Vous auriez pas 0,25$, Monsieur ? » « Oui, Monsieur. » Et je lui donne 0,35$. Après, j'ai honte. C'est 5$ que j'aurais dû lui donner. Ce jeune homme, c'était Jésus. Je ne me dompte pas.

Responsabilité

Dans l'exécution d'une tâche que l'on a commandée, on doit assumer le bon et le mauvais ; la réussite et les accrocs.

S

Salaire au mot

Note pour les économistes de l'avenir : on donne un « cachet » (c'est leur mot) de 50$, avant impôts. Or, j'ai dû mettre, au bas mot, six ou sept heures sur mon texte. Plus le risque d'être moche. Cela veut dire que je suis paye environ 7$ de l'heure ou (soyons tout à fait mesquin) 0,16$ du mot.

Kipling, dans les années 30, était payé 0,36$ du mot ! On dira : c'était Kipling. Je dis : nous sommes en 1983 ! En vérité, je suis payé pour réfléchir. Et j'ai retrouvé une référence que j'ai maintenant pour longtemps.

Savard, Félix-Antoine

C'était un écrivain pur. Je veux dire : un écrivain de métier. Mais son style sentait le travail et (un peu) l'affectation. Le « soir qui jette des pelletées  d'ombre », ça fait un peu Casgrain.

Savoir écrire

Chaque fois que c'est possible et euphonique, placer le complément direct le plus près possible du verbe. Le bon style se rapproche de « Attention : serpent ! » Ou même : « Serpent ! » Le bon style obéit à l'urgence. L'urgence de l'esprit vif.

Siffler…en voyageant

Dans l'autobus, hier, entre Jonquière et Chicoutimi, j'étais le seul passager. Je sifflotais distraitement « Le Seigneur est mon berger. .. » Je me suis arrêté, tout aussi distraitement. Le chauffeur a continué l'air... J'ai mis quelques secondes à réaliser la chose. Ensuite, on a ri tous les deux.

Sondages

Les observations s'additionnent ; c'est ainsi que la science se construit. Mais les opinions ne s'additionnent pas. Et, pourtant, les sondages ne sont rien d'autre. Et cela fait la politique.

Son de cloche

C'est la nuit, en ce sens qu'il ne fera pas plus noir dans trois heures d'ici. J'entends sonner la cloche de l'église dans le vent, la nuit et la poudrerie. Le son est le langage des ténèbres : on peut comprendre sans voir.

Suicides

Hier soir, une femme-médecin de Montréal m'appelle pour me parler de la situation alarmante des jeunes. Elle me dit que, la semaine dernière, elle a traité (et empêché) 17 suicides dans le seul hôpital où elle travaille. Elle prétend que des groupes musicaux véhiculent de façon subliminale (ô paradoxe) des messages proprement sataniques. Elle veut me rencontrer. Elle prétend avoir vu Mgr Vachon à ce sujet, et qu'il serait atterré.

T

Téléphone de New-York

Entrevue téléphonique avec un journaliste de New York sur la situation du Québec, de 1960 à nos jours. Je m'étonne toujours que l'on puisse me rejoindre au fond du Lac-Saint-Jean pour des questions comme ça.

Temps

Regretter, c'est se comporter en propriétaire du passé ; se soucier, c'est se comporter en propriétaire du présent ; s'inquiéter, c'est se comporter en propriétaire de l'avenir. Or, on n'est jamais propriétaire du temps.

Terrorisme

Le terrorisme est lâche, parce qu'il frappe à l'abri, pour ceux qui le pratiquent.

Toussaint

De la Toussaint de jadis, il ne reste plus guère que le souvenir. Cette gravité aux portes de l'hiver ; la lecture de l'Apocalypse et du hautain règlement de comptes qui nettoie l'Histoire, comme le matin gomme un cauchemar. À l'Évangile, proclamation du paradoxe octane des Béatitudes, jonction des morts et des glorifiés, sous la vigilance frileuse des vivants.

Tribunal

Tant qu'il n'y aura pas un tribunal mondial coercitif, il y aura la guerre. Et mon tribunal, pour être coercitif, devra pouvoir tuer lui aussi.

U

Univers d’un couple

Conférence à Beauport, samedi dernier. Souper et coucher chez des amis. Bonne et simple réception. Attentive. Il reste qu'il n'est pas facile de participer à l'univers d'un couple. Il y a beaucoup d'interdit dans un couple. De références qu'ils sont seuls à comprendre.

V

Vérité

L'expérience, si elle n'est pas ensemencée, éclairée par la raison, demeure animale. C'est le drame de beaucoup d'êtres, même vieux. Ils sont vieux, âgés, mais ils ne sont pas plus avancés qu'un vieux cheval. Né et mort cheval.

Vérité que j’aime

Je crois bien être un peu un homme de vérité. En ceci, au moins, que le mensonge, l'incohérence niée, l'illucidité me hérissent.

Voyager en observateur  attentif

Le soleil couchant projetait l'ombre du train sur la prairie. On distinguait nettement les roues, le châssis, glissant sur l'herbe. Aux endroits où la terre se soulève, l'ombre se rabat sur le train et même disparaît subitement, comme bue par un aspirateur géant.

WXYZ

F I N


Retour au texte de l'auteur: Jean-Paul Desbiens, philosophe et essayiste Dernière mise à jour de cette page le dimanche 9 août 2009 8:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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