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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean-Paul Desbiens, Appartenance et liberté. (1983)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean-Paul Desbiens, Appartenance et liberté. Propos recueillis par Louise Bouchard-Accolas. Chicoutimi: Les Éditions JCL., inc., 1983, 205 pp. Une édition numérique réalisée par ma grande amie de longue date, Gemma Paquet, professeure de soins infirmiers retraitée de l'enseignement au Cégep de Chicoutimi. [Autorisation accordée par l'auteur le 20 janvier 2005 de diffuser la totalité de ses publications.]

Préface

Une découverte douloureuse et libératrice

Admettons qu'il s'agisse d'un titre plutôt bizarre pour une préface mais, c'est vraiment le seul qui témoigne de la réalité. C'est le seul titre auquel je n'ai pas de : oui... mais. C'est donc dire qu'il est juste et surtout vrai.

Chaque histoire a son commencement. C'est en mai 82 que les circonstances de mon travail m'ont amenée à rencontrer Jean-Paul Desbiens. J'avais eu connaissance des Insolences, surtout parce que je suis issue d'un milieu nationaliste. Ma famille connaissait le Frère Untel, savait la nécessité de l'éducation et surtout tenait à sa langue comme à un bien, une identité, une racine. Les Insolences ne pouvaient donc m'échapper. Je gardais cependant un souvenir plutôt cocasse du Frère Untel, un souvenir qui, tout compte fait, a définitivement marqué ma démarche, ma conversation avec Jean-Paul Desbiens.

Je devais avoir une quinzaine d'année. C'était en 1967, année du centenaire de la Confédération mais aussi et surtout année du centenaire d'Alma. C'était le 24 juin. J'étais au premier rang des spectateurs de la parade de la dernière vraie Saint- Jean-Baptiste, quand tout à coup arrive un char allégorique où un géant en soutane, tenant dans ses mains une immense hache à deux tranchants vargeait, (le terme n'est pas trop fort) dans cette langue française que nous avions tant massacrée. Massacrée au point qu'elle s'appelait maintenant le joual. Orgueil ou fascination, je n'ai pas pris mes jambes à mon cou mais le coeur, lui, s'est emballé.

Quand Radio-Québe a décidé de filmer, pour la série « VISAGES », une émission sur le petit Frère Mariste, tout cela m'est revenu. J'avais peur, encore, mais j'étais fascinée par l'idée de rencontrer cet homme.

Tous les pièges s'ouvraient devant moi. D'abord celui de la facilité, celui de faire mécaniquement mon job. Celui aussi de prendre des raccourcis, de ne retenir que l'éclat des Insolences. Il y avait bien un peu aussi le risque de la vanité, du snobisme, de la prétention qui hante chacun plus ou moins profondément.

Si je pense pouvoir affirmer que je les ai évités, c'est justement à cause de l'homme que j'allais découvrir. Qu'il soit donc clair pour chacun de vous : j'ai plus qu'un préjugé favorable pour Jean-Paul Desbiens parce que, s'il en était autrement, c'est toute l'humanité, toute la québécitude que je rejetterais d'un revers de la main.

L'écriture de Jean-Paul Desbiens, c'est d'abord l'expression de la nature humaine dans ce qu'elle a de sublime, de misérable, et de concret. C'est le résultat de l'angoisse qui, à un moment ou à un autre, nous refoule, nous replie dans ce qu'un être a de plus profond, de plus vrai : sa connaissance, son vécu, sa pensée. L'écriture, je dirais plutôt la lecture à ce compte-là, dans cette dynamique-là, ne peut être qu'apaisante. Elle dégage, elle libère ceux qui sont empêtrés dans la lecture d'euxmêmes. À vingt-neuf ans, j'étais dans cet état-là. Défaite, sans aucune certitude, tolérante et tolérable. Lui, il ajouterait fébrile.

Sous le soleil de la pitié a été mon premier contact avec Jean-Paul Desbiens. Il aurait suffi à me faire du bien. Mais l'appétit était grand. J'ai à peu près tout lu de lui. À part quelques autres textes, Sous le soleil de la pitié demeure pour moi la plus belle écriture de Jean-Paul Desbiens. Il a, à mon sens, pleinement rempli son objectif de départ :

Ma responsabilité c'est d'être honnête et la seule façon de rester honnête, c'est de m'en tenir à la règle : je parle seulement de ce que je connais par expérience personnelle. On est fort, si on parle de ce qu'on a vécu.

Voilà la force du petit Mariste. Les Insolences, ses éditoriaux à La Presse, ses commentaires dans Le Devoir, sa poésie sont de la même foulée. Son écriture est franche et ramène constamment à la réalité québécoise. Son écriture est vivante parce que concrète, palpable. Son écriture est libératrice parce qu'elle distingue, juge, et surtout parce qu'elle avoue.

Toute l'écriture de Jean-Paul Desbiens, c'est une fresque du quotidien québécois étalé sur près de trente ans maintenant. Jean-Paul Desbiens, c'est aussi le photographe-écrivain de l'âme humaine ; c'est l'oreille de la condition humaine. C'est de tout cela que je voulais parler lors du tournage.

En quatre jours, il a remonté le fil de sa vie. Il est redevenu éducateur et maître. Patient et impitoyable. Il a beaucoup ri, mais, surtout et malgré le fait qu'il demeurait en alerte, il s'est peigné l'âme et s'est généreusement découvert.

Je ne porte pas de jugement sur lui. Je dis que je l'aime parce que c'est un homme libre et fidèle. Il entretient avec lui-même un dialogue, il fouille sa culture pour rendre à chacun de nous, une part de sa vérité que trop souvent l'on cherche à camoufler. Il rend l'homme à l'homme, et ça me suffit

Jean-Paul Desbiens est un homme riche, riche comme il le dirait lui-même de façon significative. C'est sur son dos à lui, à même ses racines, les circonstances de sa vie et sa culture, sa solitude et son angoisse qu'il a assis se pensée libre. Il vit de peu de choses : quelques amis, quelques certitudes, quelques conversations. Un axe de vie. Il se parle, il se regarde avec la même franchise, la même mémoire qu'il regarde les autres. Et ses quelques, ses peu sont pourtant toute sa richesse. Il ne cherche pas à multiplier tout cela, il ne court pas, il est attentif et il partage sa fortune.

J'aurais le goût de dire : Jean-Paul Desbiens est comme une belle chose de notre environnement. On peut passer à côté, sans jamais le voir, sans jamais s'attarder. C'est nous qui en souffririons.

J'ai eu la chance et le besoin de m'arrêter, de le tourner sous toutes les coutures. Je me suis trouvée des ressemblances, et ces ressemblances-là ajoutent à ma vie. À chacun de trouver les siennes.

Ma responsabilité, c'est de vous proposer la conversation que j'ai eue avec lui.

Louise Bouchard-Accolas.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Paul Desbiens, philosophe et essayiste Dernière mise à jour de cette page le dimanche 12 avril 2009 19:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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