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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Pierre Lavoie, Andrée Demers et Aline Drapeau, “Le fardeau des aidantes informelles des personnes âgées en perte d’autonomie et le fardeau de l’évaluateur: requestionnement des choix évaluatifs.” in ouvrage sous la direction de Judith Légaré et Andrée Demers, L’évaluation sociale: savoirs, éthique, méthodes. Actes du 59e Congrès de l’ACSALF 1991, pp. 167-186. Montréal: Les Éditions du Méridien, 1993, 372 pp. [Autorisation accordée par la direction de l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[167]

L’évaluation sociale :
savoirs, éthique, méthodes.

Actes du 59e Congrès de l’ACSALF 1991.

Le fardeau des aidantes informelles
de personnes âgées en perte d’autonomie
et le fardeau de l’évaluateur :
requestionnement des choix évaluatifs
.”

Par Jean-Pierre
LAVOIE
Andrée DEMERS et Aline DRAPEAU

Jean-Pierre Lavoie est chercheur au Département de santé communautaire du Centre hospitalier de Verdun (DSC Verdun).

Andrée Demers est chercheure associée au Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la prévention (GRASP) et au Département de sociologie de l’Université de Montréal.

Aline Drapeau est chercheure au Département de santé communautaire du Centre hospitalier de Verdun et à celui de l’Hôpital Général de Montréal (DSC Verdun et DSC HGM).

[168]
[169]

Introduction

Les résultats de l’évaluation des effets d’« ateliers de soutien » destinés aux personnes soutenant à domicile une personne âgée en perte d’autonomie montrent que la participation à ces ateliers augmente le fardeau de ces personnes aidantes. Ces résultats inattendus, antinomiques avec la problématisation proposée par les concepteurs du programme, sont fréquents dans les évaluations de programmes en santé communautaire. Reflètent-ils des déficiences de la problématisation ? Découlent-ils du devis et des outils de mesure utilisés pour l’évaluation ? Traduisent-ils un effet réel ou s’agit-il d’un artefact ? C’est là le type de questions que soulève généralement l’absence de résultats ou des résultats contraires.

Notre objectif n’est pas ici de tenter d’expliquer ces résultats. Nous voulons plutôt réfléchir sur leur production et sur les limites des choix évaluatifs qui ont été posés. Quelles sont les questions auxquelles l’évaluation tente de répondre et corollairement quelles sont celles qu’elle ignore ? Comment se font les choix méthodologiques ? Ces questions amènent à réfléchir au cadre de référence dans lequel se dessinent le programme et son évaluation et à souligner les limites des devis expérimentaux ou quasi-expérimentaux lorsque les effets attendus ne se manifestent pas. Surtout, elles invitent à réfléchir à comment les rapports sociaux entre les concepteurs ou les gestionnaires de programmes et les évaluateurs, entre les évaluateurs et les organismes subventionnaires participent à produire ces résultats.

[170]

L’intérêt du cas sur lequel se fonde cette réflexion réside dans sa banalité au sens où ni les concepteurs, ni les évaluateurs ne prétendent innover. Comme nous le verrons, il s’agit de systématiser une intervention déjà très répandue et largement éprouvée dans d’autres contextes, en utilisant des outils de mesures déjà validés. Le projet est également banal quant à la division du travail entre concepteurs et évaluateurs. Les premiers pensent l’intervention et posent les questions auxquels les seconds devront répondre, les évaluateurs ne participant pas à la construction de l’intervention.

Penser l’intervention...

Les ateliers de soutien constituent un type d’intervention auprès des aidantes informelles de plus en plus privilégié par les Centres Locaux de Services Communautaires (CLSC) et par certains groupes communautaires (SARPAD, Société d’Alzheimer, centre communautaire St-Michel...). Cette forme d’intervention a fait l’objet de plusieurs écrits dans la littérature américaine (Clark et Rakowski, 1983 ; Gallagher, 1985 ; Glosser et Wexler, 1985 ; Haley et al., 1987 ; Hausman, 1979 ; Kahan et al, 1985 ; Lazarus et al., 1981 ; Winogrond et al., 1987 ; Zarit et Zarit, 1982) et canadienne (Gendron, 1988 ; Jutras, 1988 ; Jutras et Renaud, 1987 ; Nguyen, 1988 ; Société d’Alzheimer, 1988 ; ). Les objectifs des interventions qui y sont décrits sont variés : améliorer la performance de l’aidante informelle comme soignante (Pinkston et Linsk, 1984) ; améliorer ses méthodes de coping (Lazarus et al., 1981) ; améliorer son réseau de soutien social ( Robinson, 1988) ; réduire le fardeau (Haley et al., 1987 ; Liptzin et al., 1988). Même si la réduction du fardeau subjectif ne constitue pas l’objectif premier explicite de tous les types d’ateliers de soutien, tous touchent à des dimensions de celui-ci. Les réactions négatives face à l’aidé, le manque de sentiment de compétence, la marginalisation et l’isolement inhérents à la tâche d’aidante informelle sont identifiés par plusieurs comme concourant à l’augmentation du fardeau ressenti ou comme des dimensions de celui-ci (Corin, 1987 ; Deimling et Bass, 1986 ; Houlihan, 1987 ; Kosberg et Cairl, 1986 ; Pearson et al., 1988 ; Poulshock et Deimling, 1984 ; Zarit et al., 1980).

[171]

Dans le cas des ateliers de soutien dont il est ici question, le modèle conceptuel privilégié par les concepteurs repose sur le cadre proposé par Zarit et Zarit (1982), soit la combinaison « information-soutien-résolution de problèmes ». La combinaison de ces éléments peut avoir un effet additif pour diminuer le fardeau. Plusieurs auteurs avancent le fait que l’acquisition de connaissances amène un sentiment de compétence chez l’aidante qui implique des changements comportementaux. Gallagher (1985) cite la théorie de Bandura sur le self efficacy. Lazarus et al. (1981) vont dans le même sens en affirmant que l’augmentation de la compréhension de la maladie et l’augmentation de nouvelles façons de communiquer avec le malade, ont contribué au fait que l’aidante ait le sentiment d’avoir un plus grand contrôle sur sa vie. Il réfère au locus of control de Rotter. Kahan et al. (1985) soulignent également que l’acquisition de nouvelles connaissances est un facteur important dans la diminution de la perception du fardeau, mais que les autres composantes des ateliers (soutien-résolution de problèmes) le sont également. Glosser et Wexler (1985) insistent davantage sur l’importance du soutien dans ces ateliers. Selon elles, ce que les participantes ont trouvé le plus utile était de sentir que d’autres personnes avaient à rencontrer les mêmes problèmes qu’eux. Ce phénomène est d’ailleurs aussi rapporté par la Société d’Alzheimer du Québec (Maheu, 1988).

À partir de ces théories sur le fardeau et sur les effets à attendre d’ateliers de soutien, les concepteurs ont proposé les liens causais suivants entre l’intervention et la réduction du fardeau présentés au schéma 1.

L’intervention développée et à évaluer consiste en une série de dix ateliers hebdomadaires d’une durée de deux heures. Il s’agit d’un projet multi-sites impliquant cinq CLSC et un Centre communautaire. Pour permettre d’une part de standardiser l’intervention d’un site à l’autre et d’autre part de la généraliser, les concepteurs ont prévu préparer un guide pédagogique à l’usage des intervenants. L’expérimentation a été réalisée en 1990, dans la région métropolitaine de Montréal.

[172]

Schéma 1
Cadre conceptuel des ateliers de soutien



Penser l’évaluation...

La demande d’évaluation des concepteurs porte sur les effets des ateliers. Pour eux, la pertinence et le construit théorique sous-jacent à l’intervention sont acquis. Quant à l’implantation, il s’agit uniquement de s’assurer que l’intervention est bien mise en place telle que prévue, c’est-à-dire qu’elle rejoint la clientèle visée et que les intervenants utilisent le guide pédagogique de façon conforme. Ce guide, bien que spécifiquement conçu pour ces ateliers, ne fait pas l’objet [173] d’une demande d’évaluation. L’hypothèse à vérifier est que les ateliers de soutien concourent à diminuer le fardeau ressenti par les premières aidantes. L’autonomie des évaluateurs est restreinte au « comment » mesurer ces effets.

La dominance du modèle quasi-expérimental

Le choix du modèle quasi-expérimental s’impose très rapidement. Premièrement, les évaluations des effets d’interventions analogues recensées dans la littérature utilisent toutes un devis quasi-expérimental. Deuxièmement, il s’agit du type d’évaluation le plus « subventionnable ».

Pourtant, les résultats des évaluations recensées s’avèrent peu concluants. En ce qui concerne l’effet des ateliers sur le fardeau, seuls Kahan et al. (1985) et Montgomery et Borgotta (1989) observent une diminution de celui-ci. La grande majorité des chercheurs constatent plutôt l’absence d’effets significatifs, tant sur le plan statistique que sur le plan clinique (Greene et Monahan, 1989 ; Toseland et al., 1989 ; Toseland, 1990 ; Whitlatch et al., 1991 ; Winogrond et al., 1987 ; Zarit et al., 1987). Les résultats concernant la dépression et l’anxiété ne sont guère plus concluants. Si Greene et Monahan (1989) notent une diminution significative des scores de symptomatologie dépressive, Haley et al. (1987), Mohide et al. (1990), Toseland et al. (1989), Whitlatch et al. (1991), Zarit et al. (1987) n’observent aucune modification significative. Par ailleurs, la majorité de ces évaluations comportent des limites méthodologiques importantes. Ainsi, plusieurs études reposent sur des échantillons minimes, souvent moins de 40 sujets, incluant les témoins ; les clientèles sont disparates ; les niveaux de départ de fardeau et de symptomatologie dépressive sont très variables ; des variables concomitantes importantes ne sont pas contrôlées sous prétexte d’attribution au hasard dans les groupes. L’incapacité à valider ou à invalider, sur la base de ces études, les ateliers de soutien comme mode d’intervention auprès des aidantes est alors attribuée à ces limites méthodologiques.

L’évaluation des effets a été conçue pour répondre à la demande d’évaluation des concepteurs tout en tentant de pallier les limites des évaluations antérieures, notamment en augmentant le nombre de [174] sujets soumis à l’intervention. Un devis quasi-expérimental avec groupe témoin et mesures répétées avant et après l’intervention a été utilisé pour évaluer les effets de celle-ci sur le fardeau ressenti par les premières aidantes.

Les résultats

Pour participer à l’étude, les aidantes devaient apporter une aide quotidienne depuis 6 mois et plus à un aidé âgé de 50 ans et plus ; 96 aidantes ont accepté de suivre les ateliers et de participer à l’étude. Le groupe témoin a été composé d’aidantes répondant aux mêmes critères de sélection que le groupe expérimental. Le recrutement des témoins s’est fait par l’intermédiaire de dix CLSC de la région métropolitaine de Montréal. Les résultats d’analyse présentés ici portent uniquement sur les personnes ayant répondu aux deux phases d’enquête, soit 58 sujets expérimentaux et 62 témoins.

Les résultats observés [1] vont à l’encontre des résultats attendus. Le fardeau ressenti par l’aidante a été mesuré par le Burden Interview (BI) développé par Zarit et al. (1985). Cet instrument vise à déterminer dans quelle mesure les aidantes perçoivent que différents aspects de leur vie sont influencés par leur implication auprès de l’aidé. Comme l’indique le tableau 1, le fardeau ressenti a augmenté chez le groupe expérimental et il a diminué chez le groupe témoin alors que l’hypothèse de départ est à l’effet que la participation aux ateliers devait favoriser une réduction du fardeau ressenti. Le même tableau aide à préciser ce résultat : en fait, les participantes aux ateliers rapportent une augmentation du fardeau sur la dimension du sentiment de surcharge, alors que les témoins rapportent une réduction du fardeau sur la dimension de la vie sociale. Si on revient au modèle théorique supportant les ateliers de soutien, on peut constater que l’effet est nul sur deux des trois dimensions où un effet positif des [175] ateliers était attendu, alors qu’il est négatif pour la troisième dimension.

L’effet des ateliers a également été analysé en fonction du niveau de dépression qui est souvent considéré comme mesure équivalente au fardeau [2]. Le niveau de dépression chez l’aidante a été mesuré par le Generalized Contentment Scale (GCS) (Hudson, 1982). Ces résultats sont rapportés au tableau 1. Aucune variation du niveau de dépression n’est observable chez le groupe expérimental tandis que le groupe témoin rapporte un niveau de dépression plus élevé à la deuxième phase d’enquête.

Tableau 1
Variation entre le pré et le post-test
des scores du fardeau ressenti et de ses dimensions
et des scores de dépression

Groupe

Ti

t2

Variation
ajustée

F(p)

Fardeau

Exp.

27,6

30,8

1,9

9,4 (0,003)

Tém.

23,2

20,0

-2,1

vie sociale

Exp.

13,5

14,2

0,4

7,5 (0,007)

Tém.

12,8

10,4

-1,5

engagement

Exp.

4,0

4,4

0,1

0,0 (0,999)

Tém.

2,3

2,6

0,1

sentiment de surcharge

Exp.

10,2

12,4

1,4

9,0 (0,003)

Tém.

8,1

7,1

-0,8

Dépression

Exp.

37,1

37,5

0,2

6,0 (0,016)

Tém.

29,9

35,4

3,7


[176]

Les résultats concernant le niveau de fardeau se distinguent de ceux obtenus par la plupart des chercheurs qui ne trouvent généralement aucune influence des groupes de soutien sur le fardeau (Greene et Monahan, 1989 ; Toseland et al., 1989 ; Whitlatch et al., 1991 ; Winogrond et al., 1987 ; Zarit et al., 1987) ou plus rarement, qui obtiennent une diminution de celui-ci (Kahan et al., 1985 ; Montgomery et Borgatta, 1989). L’augmentation notée dans ce projet constitue un résultat inédit. L’inattendu des résultats ne se limite pas à l’augmentation du score de fardeau chez les participantes aux ateliers, il concerne également la faiblesse de celui-ci au point de départ : le score moyen que nous avons observé se situe autour de 25 comparativement à des moyennes variant de 35 à 45 dans d’autres études (Kahan et al., 1985 ; Toseland et al., 1989 ; Zarit et al., 1986 ; Zarit et al., 1987). Encore plus déroutant, les scores de fardeau et de dépression évoluent en sens inverse et le score initial de symptômes dépressifs est élevé. Hudson (1982) fixe un niveau de 30 comme indice de dépression probable, alors que les groupes d’aidantes considérés dans cette recherche présentent des scores initiaux de 30 et de 37.

Deviner l’explication...

Diverses explications de ces résultats peuvent être tentées. Une lecture simplement mécanique remet en question l’intervention et le cadre conceptuel qui la sous-tend : soit que les participantes possédaient déjà les habiletés, les connaissances et le soutien que les ateliers visaient à leur faire acquérir, ce qui questionne la pertinence de l’intervention ; soit que les ateliers, malgré le besoin réel des participantes, ne réussissent pas à modifier ces déterminants du fardeau, ce qui questionne alors l’efficacité de l’intervention ; soit qu’il n’y a pas de liens entre les habiletés, les connaissances et le soutien et le fardeau ressenti par les participantes, ce qui invalide le construit théorique de l’intervention.

L’explication de ces résultats peut également résider dans les limites du devis et des mesures à saisir le changement réellement engendré par les ateliers. Ils pourraient, par exemple, être attribués à [177] un biais de désirabilité sociale. L’échelle de fardeau comportant plusieurs énoncés difficiles à verbaliser pour les aidantes (ex : souhaiteriez-vous pouvoir confier à d’autres la responsabilité d’avoir à s’occuper de...), leur détresse pourrait au départ s’exprimer davantage dans une échelle de symptomatologie dépressive dont les énoncés ne concernent pas directement la relation d’aide. Les ateliers de soutien présentant comme normales des réactions de colère, de découragement, etc., il est possible qu’elles aient court-circuité la désirabilité sociale et ainsi favorisé l’expression de ces réactions au post-test, augmentant du même coup le score de fardeau ressenti des aidantes. Ces résultats pourraient aussi résulter d’un effet de catharsis. La verbalisation accrue du fardeau favorisée par les ateliers aurait en quelque sorte agit comme un « purgatif » au plan psychologique d’où la stabilisation des symptômes dépressifs malgré un score de fardeau plus élevé. Enfin, ces résultats ne sont peut-être qu’un artefact statistique. Par exemple, le choix des variables s’étant effectué en fonction de la principale variable dépendante, le fardeau, certaines variables concomitantes au score de symptomatologie dépressive ont pu être omises dans l’étude.

Devant ces résultats autres que ceux attendus, le chercheur est réduit à un jeu spéculatif pour les expliquer, allant de la remise en cause de la méthodologie à une remise en cause de l’intervention, sans pouvoir tester l’une ou l’autre hypothèse à partir des données recueillies. En fait, le chercheur est confronté à la faiblesse de son choix méthodologique : le devis quasi-expérimental est fait d’abord pour tester des hypothèses, pas pour expliquer les résultats.

De la constatation à l’explication

Ce cas est loin d’être unique dans les annales de l’évaluation des interventions en santé communautaire. On peut certes à un premier niveau reconsidérer le choix des outils ou des résultats à mesurer comme nous l’avons suggéré plus haut. Rappelons par ailleurs que ces résultats à attendre et que les outils de mesure privilégiés ont été déterminés à partir d’une revue rigoureuse de la littérature. Ils s’imposaient autant a priori qu’a posteriori ils s’avèrent peu heuristiques. La critique de ce cas, qui reflète l’incapacité du devis quasi-expérimental [178] à expliquer des phénomènes complexes, doit dépasser ce premier niveau pour plus fondamentalement s’interroger sur les choix épistémologiques qui ont été posés (ou qui se sont imposés).

L’évaluation des ateliers de soutien aux aidantes informelles est fondée sur une approche épidémiologique qui privilégie le recours aux devis de nature expérimentale ou quasi-expérimentale avec des mesures prises en pré-test et en post-test ainsi qu’aux échelles de mesure standardisées et validées. Cette approche, dominante dans le domaine de la santé, vise essentiellement à mesurer les effets (variables dépendantes) tout en contrôlant un ensemble de phénomènes (variables de confusion) qui pourraient obscurcir les effets de l’intervention ou du programme (variable indépendante). Avec ce type d’approche, l’évaluateur est à même de constater les résultats obtenus et ce, dans la mesure où les effets en question sont prévus lors de la planification de l’évaluation. L’approche se révèle en fait essentiellement descriptive et linéaire (Goldberg, 1982). Une telle approche est appropriée lorsqu’il s’agit d’imputer un effet simple (diminution de l’incidence d’un problème de santé) à une intervention également simple (ex. administration massive d’un vaccin), dont le processus actif est connu à partir des recherches cliniques et qui demeure stable dans le transfert d’un contexte social à l’autre.

Mais lorsque les effets observés ne sont pas ceux attendus, l’approche épidémiologique ne permettant pas de saisir le processus de changement introduit par l’intervention, il est impossible à l’évaluateur d’explorer l’alchimie qui s’est produite chez les participants en cours d’intervention. Il n’a à sa disposition qu’un ensemble restreint d’informations tirées d’outils de cueillette conçus plus pour la mesure et le contrôle que pour l’explication. Cette lacune n’est que partiellement compensée par les informations obtenues lors de l’évaluation de l’implantation et de la mise en œuvre, puisque celle-ci s’intéresse à l’intervention et non à la dynamique du changement chez les sujets de l’étude. Celle-ci peut, en effet, lorsque l’intervention réalisée est différente de celle prévue, expliquer des résultats obtenus différents de ceux attendus. Ceci ne s’applique pas dans le cadre de ce projet, l’intervention réalisée étant très près de celle prévue.

[179]

Le choix du paradigme épidémiologique, dans le cadre de cette recherche, est d’autant plus inapproprié que le domaine d’étude, l’effet de la situation d’aide sur l’aidante informelle, malgré un nombre impressionnant de recherches, demeure conceptuellement sous-développé. Ce sous-développement est illustré par la grande variabilité dans les mesures des répercussions de la situation d’aide qui sont toutes considérées plus ou moins équivalentes : restriction de vie sociale, détérioration de la relation aidante/aidé, santé physique (trois des principales dimensions du fardeau ressenti), estime de soi, anxiété, dépression, etc... Pourtant, certains de ces éléments sont fort probablement antérieurs à d’autres comme la restriction de la vie sociale et la dépression (Pearlin et al., 1990), ou tout au moins non-équivalents, comme le fardeau ressenti et la dépression (Stommel et al., 1990).

Le faible développement théorique s’observe également dans le cadre conceptuel de l’intervention proposée, même si celui-ci est dans l’ensemble plus développé que celui de nombreux programmes ou d’interventions où, souvent, aucune référence à un cadre conceptuel explicite n’est faite. L’alchimie par laquelle la diffusion de connaissances et l’échange entre pairs entraînent des effets au niveau du fardeau ressenti et de la dépression demeure inconnue. Plus largement, cet aspect est insuffisamment abordé dans la littérature relative à ce type d’intervention. Ainsi, certains « intermédiaires » devant expliquer l’effet de l’intervention sur le fardeau ressenti tels le sentiment de compétence de l’aidante et la marginalisation de celle-ci sont en fait des dimensions du construit qu’est le fardeau ressenti. Mais, plus fondamentalement, on aurait pu penser a priori que l’échange entre personnes aidantes et la diffusion d’informations sur la difficulté du rôle d’aidante aurait comme effet une prise de conscience accrue du fardeau, donc une augmentation du fardeau ressenti, plutôt qu’une diminution de celui-ci.

Cette double constatation questionne le chercheur/évaluateur. Malgré la pauvreté assez évidente du paradigme épidémiologique en évaluation d’interventions ou de programmes complexes, celui-ci demeure dominant dans le domaine de la santé, entre autres chez les organismes subventionnaires. C’est alors que le chercheur en évaluation [180] est confronté à des choix douloureux. Pour obtenir des fonds de recherche, il doit trop souvent choisir entre une approche pauvre mais reconnue (épidémiologique) et une autre possiblement plus féconde (anthropologique, par exemple), mais difficilement finançable en raison de « validités interne et externe douteuses ». D’autre part, une telle approche est sécurisante pour l’évaluateur qui peut alors se retrancher derrière des données validées et des résultats objectifs qui lui évitent toute remise en cause (Guba et Lincoln, 1989) et surtout qui lui évitent de poser un regard critique sur l’intervention, chasse-gardée des concepteurs.

Dans le cadre de cette recherche évaluative, comme dans de nombreuses autres, les évaluateurs se sont collés de façon très, et fort probablement trop, fidèle au modèle développé par les concepteurs. Il s’agit ici d’une approche qui ramène l’évaluateur à un rôle essentiellement technique, il remplit la commande qu’il reçoit sans trop la questionner, et surtout sans questionner la cohérence théorique de l’intervention. Face à une intervention à évaluer, l’évaluateur/cher- cheur doit donc jouer son rôle et s’assurer que celle-ci repose sur un schème conceptuel clair, logique et validé, surtout lorsque celui-ci est implicite. Il se doit d’éviter de participer à un exercice où les programmes, les interventions ou les évaluations produisent des résultats autres que ceux attendus, sans se donner les moyens pour comprendre la dynamique qui engendre les effets produits.

De l’évaluation technocratique
à l’évaluation critique


En se collant trop aux demandes et questionnements des concepteurs, le chercheur/évaluateur se met alors essentiellement au service des gestionnaires. Cette approche est qualifiée de « managérisme » par Guba et Lincoln (1989). L’évaluateur adopte alors une approche essentiellement réactive, il ne joue pas son rôle de critique face à l’intervention et au cadre conceptuel qui la sous-tend. Ainsi, son rôle d’évaluateur semble inhiber chez lui le chercheur et le spécialiste en sciences sociales. Transgresser cette règle implique de remettre en cause l’expertise des concepteurs, de les exposer à travers le regard critique sur l’intervention au regard critique des évaluateurs.

[181]

Dans cette approche évaluative orientée par le gestionnaire et l’intervenant, l’évaluateur participe également à une approche technocratique par laquelle le besoin, l’intervention et le résultat sont définis par les premiers. Dans quelle mesure cette définition du besoin, de l’intervention ou du résultat correspond-t-elle à celle des aidantes ? Les indications se font plus nombreuses comme quoi il y a discordance. Les ateliers ont connu des difficultés de recrutement, laissant entendre que ce type d’intervention ne constitue pas d’emblée une demande des aidantes. Smith et al. (1991) soulignent que les aidantes participeraient aux ateliers pour des raisons très pratiques, telles une meilleure connaissance des ressources, et non pour y réduire leur niveau de fardeau ou de détresse, qu’elles acceptent. Comment alors évaluer l’intervention qui leur est destinée sans tenir compte de leurs attentes, sans leur participation à la définition des questions d’évaluation ? Elles sont cependant confinées à un rôle strict de sujets d’intervention et de recherche. Pourtant l’évaluation constitue une occasion unique de donner la parole aux clients, de les faire participer à la définition des enjeux que présentent les services qui leur sont destinés. L’approche « managériale » en évaluation ne fait que s’inscrire dans cette logique d’exclusion des sujets.

Enfin, comme les résultats observés nous éloignent du modèle conceptuel qui justifiait la mise en place d’ateliers de soutien, la question de la pertinence de l’intervention présentée ici doit être reconsidérée : dans quelle mesure la prise de conscience ou la verbalisation du fardeau est-elle souhaitable ? Doit-on généraliser une intervention dont on ne connaît pas vraiment les effets ?

Or, la question de la pertinence d’une intervention ne doit pas être considérée en dehors du contexte, du système d’intervention ou programme dans lequel elle se situe, ce qui est, cependant, très souvent le cas. Ce simple constat élargit l’univers de l’évaluation et en modifie la perspective en réintroduisant le contexte socio-politique comme composante du jugement à porter. Si nous appliquons ce principe pour juger des résultats que nous avons obtenus, le contexte peut faire complètement basculer le jugement. En effet, favoriser une prise de conscience sans être en mesure de répondre aux besoins de soutien concrets qui risquent d’en découler, soulève un problème [182] éthique fondamental. Les ateliers de soutien ne peuvent alors constituer une intervention isolée. Pris isolément, ceux-ci représentent une intervention discutable qui permettrait d’abord aux CLSC, et à l’État en général, de se donner bonne conscience face aux problèmes des aidantes informelles. Si, par ailleurs, les ateliers de soutien constituent un maillon d’une programmation plus large visant à apporter du soutien et des ressources tangibles aux aidantes, il en va autrement. Malheureusement, le devis expérimental obnubile le contexte, comme si une intervention était bonne ou mauvaise en soi, sans référence au contexte plus global où elle s’insère.

La question de la pertinence vient également renforcer notre argument précédent quant au rôle de l’évaluateur dans la définition des questions d’évaluation : simple technicien qui se limite à calquer ses évaluations en fonction des objectifs des programmes ou des interventions, il risque, d’un point de vue plus micrologique, d’omettre de poser les questions de pertinence sociale des programmes ou des interventions et de reproduire un système composé de parties qui ne constituent pas un tout. D’un point de vue plus micrologique, il risque de demeurer au service de ceux qui font les programmes ou les interventions, c’est-à-dire les gestionnaires ou les intervenants, plutôt qu’au service des interventions elles-mêmes et de ceux qu’elles veulent servir. Le rôle de l’évaluateur est non seulement de recueillir les données permettant de juger de l’intervention mais également d’identifier tous les acteurs concernés par l’évaluation, les usagers en premier, et de leur permettre de s’exprimer sur l’intervention hors des limites étroites d’un questionnaire fermé.

[183]

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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[1] Nous avons procédé à des analyses de covariance avec le programme Manova pour mesures répétées. Les variables dépendantes et les covariables sont traitées lors de l’analyse de covariance sous forme de contraste entre les valeurs du prétest et les valeurs du post-test, par l’inverse de la méthode d’Helmert. Les covariables ont été sélectionnées en fonction de leur association avec la variable dépendante. Les covariables retenues sont des variables socio-démographiques.

[2] Jusqu’à tout récemment (Gallo, 1990), le fardeau ressenti et la dépression étaient considérés comme deux approches alternatives pour mesurer les réactions à la prise en charge. Mais, comme le fardeau est une mesure qui oblige l’aidante à faire le lien avec la prise ne charge alors que la dépression est mesurée sans référence à la situation spécifique, Stommel et al. (1990) ont remis en cause cette équivalence. Selon eux, la dépression et le fardeau réagiraient différemment à la prise en charge. Le fardeau serait plus sensible aux aléas quotidiens, par conséquent plus sensible aux ateliers de soutien, alors que la dépression serait un phénomène cumulatif, moins fluctuant. Compte tenu de cette controverse, nous avons décidé de mesurer l’effet de l’intervention sur le fardeau ressenti et sur les symptômes dépressifs.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 7 octobre 2020 10:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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