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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Paul Dejean, Haïti: Alerte, on tue ! (1993)
Avant-propos de la 2e partie


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Paul Dejean, Haïti: Alerte, on tue ! Montréal: Les Édition du CIDIHCA [Centre international de documentation et d'information haïtienne, caraïbéenne et afro-canadienne], 1993, 301 pp. édition numérique réalisée avec le concours de Jacques CHARLES, bénévole, sociologue, membre du REJEBECSS-Haïti. [Livre diffusé en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de la direction du CIDIHCA accordée le 2 septembre 2019]

[231]

HAÏTI : ALERTE, ON TUE !

DEUXIÈME PARTIE

Avant-propos

Cette deuxième partie de l'ouvrage, dont les événements de la première partie englobent une période s'étendant du 30 septembre 1991 à décembre 1992, s'arrête à la mi-mars 1993.

Étant donné la rapidité avec laquelle se bousculent les événements en Haïti, il m'a semblé utile d'apporter un complément, un addenda, à ce qui est maintenant devenu la première partie de l'ouvrage déjà en cours de montage à Montréal [1].

Les événements se bousculent et, paradoxalement, la crise s'étire... Raison de plus pour fournir, à l'opinion internationale, le plus de pistes de réflexion possibles pour que les amis de plus en plus nombreux que compte dans le monde le peuple d'Haïti, puissent avoir en main tous les éléments d'un puzzle, facile à reconstituer, au départ, mais que tant d'intérêts puissants, rapaces et honteux s'acharnent à transformer en un imbroglio indéchiffrable.

Les ennemis de la liberté et de la démocratie s'efforcent de maintenir le peuple d'Haïti dans l'ignoble situation d'apartheid où ils ont décidé de le confiner, dès les premiers jours de son indépendance, avec l'active et imbécile complicité de cette infime frange de la « société haïtienne » que, dans la première partie de cet ouvrage, je n'ai pas hésité, à qualifier de « lumpen-aristocratie » et de « lumpen-bourgeoisie ». À celle-ci, s'est agglutinée une partie de ce que certains continuent d'appeler « la classe moyenne » ou « les classes moyennes », sans jamais arriver à définir clairement ce concept ni à évaluer l'importance numérique de ceux qu'ils englobent dans cette appellation.

[232]

Complicité imbécile, parce qu'inéluctablement suicidaire. Complicité imbécile, parce que l'on ne peut, indéfiniment, barrer la route à un peuple debout, qui réclame, pour toutes ses filles et tous ses fils, le droit d'exister et de vivre comme êtres humains à part entière.

À cette fin, le peuple d'Haïti a fait choix, massivement, librement, démocratiquement, le 29 mars 1987, d'une arme, sa Constitution. Arme imparfaite certes, mais précieuse, parce qu'elle lui a permis de tenir tête au déchaînement de la violence et de l'arbitraire militaires, conseillés, alimentés, portés à bout de bras par les deux plus irréductibles pôles de domination de notre Caraïbe, le politique (Washington) et le religieux (le Vatican).

Depuis, contre vents et marées, le peuple d'Haïti, de l'intérieur, mais aussi de l'extérieur, résiste, les mains nues, avec l'arme de son droit, de sa Constitution. Son choix, lucide et définitif, il le réaffirme, massivement, constamment. Il vote sans ambiguïté et sans désemparer.

Le 16 décembre 1990, vote des urnes, massif, discipliné, exemplaire, avec pour témoins toutes les instances internationales se réclamant de la démocratie ;

Les 6 et 7 janvier 1991, vote de l'indignation. Mobilisation à mains nues, sans précédent dans son ampleur et déterminante, contre le retour offensif du makoutisme duvaliériste.

Le 7 février 1991, vote du cœur. Présence massive, joyeuse, enthousiaste et fraternelle, à d'innombrables rassemblements dans tout le pays à l'occasion de l'installation du président. Les jours d'avant avaient connu une activité tout aussi massive, fébrile, débordante et bénévole, qui, en un tournemain, a donné au pays tout entier un air de fête. Du jamais vu, pas même après le 7 février 1986 ! Des centaines et des centaines de comités, rivalisant partout d'imagination, d'ingéniosité et d'ardeur. Maisons, murs, rues, routes, chemins vicinaux, places publiques, nettoyés, rafistolés, décorés. Oui, vote du cœur : vibrant de chaleur, de lumière et d'espoir. Nos très nombreux amis présents peuvent en témoigner.

Depuis le coup d'État du 30 septembre 1991.

- Vote du sang des milliers de victimes de la terreur militaro-makout. Vote du sang et des larmes de tous les leurs.

- Vote des bras et des pieds des dizaines de milliers de boat peo-ple, des centaines de milliers de réfugiés, exilés à l'extérieur et surtout à l'intérieur (plus de 300 000).

[233]

- Vote de refus ou d'absence, puisque toute manifestation non putschiste est vouée à la boucherie, même des funérailles. Refus ou absence de toute mascarade électorale ou autre, imaginée par le pouvoir de facto, telle « l'élection », la « sélection » du 18 février 1993, malgré les énormes moyens d'argent et de propagande, d'autant plus généreusement distribués, qu'ils sont le fruit de la drogue, de la contrebande, de la mise en coupe réglée des biens de la nation et de la mainmise militaire et makout sur tout l'appareil d'État.

- Vote du « béton » en diaspora ou, comme beaucoup aiment mieux le dire, dans « le dixième », partout où vivent des communautés haïtiennes de taille. New York, Miami, Chicago, Boston, Montréal, Paris, Mexico, Martinique, Guadeloupe, et combien d'autres encore, ont décrété la permanence. Rassemblements monstres : vingt mille, cent mille, deux cent mille et plus.

Peuple d'anciens esclaves, peuple devenu, il y aura deux siècles dans dix ans, symbole et porte-flambeau de la liberté des peuples. Peuple devenu, depuis le 7 février 1986, par un choix massif, lucide et obstiné, symbole et porte-flambeau de la démocratie effective pour tous les peuples et pour tous, dans tous les peuples. Le double rêve de liberté et de démocratie du peuple d'Haïti, témoin et prophète, s'accomplira coûte que coûte !

[234]


[1] La présente partie s'ajoute sans le modifier au texte d'origine, qui constitue maintenant la première partie.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 6 novembre 2019 8:31
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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