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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ La politique canadienne : quelle maîtrise du développement en économie ouverte ?  (1986)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Christian DEBLOCK et Jean-Jacques GISLAIN, “ La politique canadienne : quelle maîtrise du développement en économie ouverte ? ” in ouvrage sous la direction de Lizette Jalbert et Laurent Lepage, Néo-conservatisme et restructuration de l’État. Deuxième partie: Nouvelles politiques économiques (pp. 107-134) Collection Études d’économie politique. Montréal : Les Presses de l’Université du Québec, 1986, 274 pp.

Introduction

L'économie canadienne a connu, du début des années 1960 au milieu des années 1970, un rythme de croissance soutenu et un développement industriel indéniable. Plus encore que la performance économique du Canada durant ce temps, performance souvent sous-estimée, voire ignorée dans les études économiques comparatives, ce sont les particularités et l'originalité de ce que nous pouvons appeler le modèle de développement canadien qui ne manquent pas d'étonner. En particulier, le fait que les autorités soient parvenues, durant cette période, non sans difficultés toutefois, à concilier les contraintes qu'imposent à l'économie canadienne un degré d'ouverture sur l'extérieur relativement élevé et l'étroitesse de ses relations avec les États-Unis, avec les objectifs politiques d'une croissance équilibrée et d'un développement industriel national plus diversifié, plus introverti et aussi plus autonome vis-à-vis de ces derniers.

La performance de l'économie canadienne durant cette période est-elle imputable au keynésianisme de compromis et à la voie mitoyenne entre le libéralisme de principe et l'interventionnisme de nécessité suivie par les autorités politiques ou bien est-elle le résultat heureux d'un certain nombre de conditions favorables qui auraient permis de combiner fordisme et capitalisme de filiale ? Le débat est, depuis longtemps, au Canada, largement ouvert sur les causes de la croissance. Il l'est d'autant plus que, d'une manière générale, les politiques économiques du gouvernement fédéral ont toujours fait l'objet de très vives critiques.

Pour les uns, partisans d'un plus grand laisser-faire et d'une plus grande libéralisation des échanges, les succès de l'économie canadienne incomberaient davantage au dynamisme de l'industrie [note 1] ou aux effets de la réduction graduelle des barrières tarifaires durant l'après-guerre [note 2] qu'à l'interven-tionnisme actif, générateur de distorsions dans l'allocation des ressources, des deux principaux paliers de gouvernement. Pour les autres, partisans au contraire de l'intervention de l'État, que ce soit au nom de la recherche du plein emploi ou au nom de l'indépendance économique et politique du Canada, la politique économique a trop manqué de détermination dans la poursuite de ses objectifs [note 3], trop manqué aussi de cohérence d'ensemble [note 4] et de coordination à l'échelle nationale [note 5], pour que les résultats ne soient pas autrement que fort mitigés.

Ces débats ne sont pas sans importance dans la mesure où, comme se font fort de le souligner les deux courants, il existe un rapport entre d'un côté, les difficultés d'adaptation structurelle que connaît actuellement l'économie canadienne et de l'autre côté, d'une part la conduite des politiques durant cette période, d'autre part, les impasses auxquelles les ont conduits les changements qui sont survenus dans les conditions environnantes du modèle. Ces changements ont été suffisamment majeurs pour remettre en cause le modèle de développement suivi par le Canada dans le passé, soulever une nouvelle problématique du développement et contraindre le gouvernement fédéral à réorienter en conséquence tant ses politiques de sortie de crise que son approche générale quant à la conduite des affaires économiques [note 6]. En particulier, il faut noter les changements qui sont survenus dans l'environnement international du Canada. Tout d'abord, les liens commerciaux, déjà étroits, avec les États-Unis se sont considérablement resserrés depuis le tournant de la décennie 1980. Le resserrement de ces liens a eu deux conséquences: la première, de rendre désormais l'économie canadienne extrêmement dépendante d'un marché qui représente plus de 75% de son commerce extérieur, et la seconde, de réduire la marge de manoeuvre dont disposent les gouvernements fédéral et provinciaux dans l'élaboration de leurs politiques économiques.

Ensuite, les rapports qu'entretiennent le Canada et les États-Unis ont changé de nature. Sur le plan politique, tout d'abord, le Canada se trouve confronté aux politiques de réaffirmation de puissance que poursuivent les États-Unis, tant sur le plan militaire qu'économique, et à une stratégie de leur part beaucoup plus continentaliste que par le passé en raison du recul relatif dont ils sont l'objet au sein de l'économie mondiale. Sur le plan économique, ensuite, le resserrement des liens commerciaux entre les États-Unis et le Canada n'est pas étranger au processus de restructuration qui s'est enclenché à l'échelle continentale sous l'effet de la crise. Les mouvements récents dans les flux de capitaux entre les deux pays et la rationalisation des opérations de production au sein des grandes entreprises internationales au Canada même laissent entrevoir dans le futur, une intégration beaucoup plus grande des deux marchés et de nouvelles spécialisations des deux côtés de la frontière.

Enfin, il faut souligner la faiblesse du Canada au sein d'une économie mondiale soumise depuis le début de la crise, d'un côté, à de profonds bouleversements géo-économiques et, de l'autre, aux forces contradictoires de deux nécessités pour le capital que sont la mondialisation des échanges et la protection de l'espace national. Le recul du Canada dans le commerce mondial, déjà observable dans la deuxième moitié la décennie 1970 et, parallèlement, le repli sur l'espace continental nord-américain constituent désormais pour celui-ci des contraintes fortes en matière de développement et de relance économique. Le problème est double. D'un côté, la dépendance extérieure vis-à-vis des États-Unis réduit de plus en plus la contrainte extérieure à une seule dimension, les États-Unis, mais de l'autre, bien qu'il soit un partenaire privilégié de ces derniers, le Canada ne dispose ni de la garantie d'accès au marché américain ni du rapport de force nécessaire pour s'imposer comme partenaire à part égale.

C'est, en partie du moins, en rapport avec ces changements qui sont survenus dans l'environnement international du Canada qu'il faut analyser les tentatives de réorientation des politiques industrielles et commerciales qui ont été entreprises par le gouvernement libéral de Pierre Elliot-Trudeau durant son dernier mandat. C'est également en rapport avec ces changements qu'il faut analyser le choix politique du gouvernement conservateur actuel de faire « de l'adaptation positive » [note 7] et du libre-échange avec les États-Unis, deux des gran-des priorités de sa politique, dite de « renouveau économique » [note 8]. L'une et l'autre des deux approches ont clairement identifié les réalités et les contrain-tes nouvelles auxquelles doit répondre, sur le plan international, le Canada. La réponse et les stratégies de restructuration préconisées ont toutefois été différentes. L'objet du présent texte est d'examiner l'option présente.

La première partie du texte retrace l'évolution de la politique écono-mique canadienne depuis le début de la décennie en rapport avec ces changements et présente l'argumentation défendue par le gouvernement conservateur en faveur de l'adaptation positive et du libre-échange. La seconde partie tente, quant à elle, de soulever un certain nombre de questions sur la possibilité réelle d'une maîtrise du développement en économie ouverte dans le cadre d'une stratégie de relance et de redéploiement qui, premièrement, laisse en grande partie au marché et à l'entreprise privée le soin de déterminer l'orientation que prendra le développement économique futur du Canada et qui, deuxièmement, fait du « défi de l'intégration », durant la décennie présente, le moyen de préserver l'autonomie du Canada dans le contexte de repli de celui-ci sur l'espace nord-américain. Nos interrogations porteront sur deux points:

1) la capacité de répondre, dans le cadre de cette stratégie, aux contraintes d'un nouvel environnement international ;

2) le degré d'autonomie dont pourra jouir l’État dans l'utilisation des instruments de souveraineté politique dans le contexte d'un marché nord-américain intégré auquel devrait conduire un éventuel accord de libre-échange.

Notes:

Note 1: Michaël Bliss, The Evolution of Industrial Policies in Canada: An Historical Survey, Ottawa, Conseil économique du Canada, étude 218, 1982.
Note 2: Roy A. Matthews, Adaptation structurelle et politiques industrielles. L'évolution du secteur manufacturier de 1960 à 1981, Ottawa, Conseil économique du Canada, 1985.
Note 3: Diane Bellemarre et Lise Poulin-Simon, Le plein emploi Pourquoi?, Montréal, PUQ, 1983.
Note 4: Canada, 1980.
Note 5: Michaël Jenkin, Le défi de la coopération. La politique industrielle dans la fédération canadienne, Ottawa, Conseil des sciences du Canada, étude de documentation no 50, 1983.
Note 6: Nous devons préciser que la dimension internationale ne constitue qu'une des dimensions de la présente crise. De la même façon les changements dans l'environnement international ne sont qu'une des causes des difficultés que connaît l'économie canadienne. Deux autres dimensions sont importantes: la conduite des politiques économiques et les mutations dans les conditions de la croissance.
Note 7: L'OCDE donne de l'«adaptation positive» la définition suivante : « L'ajustement positif implique que des ressources soient transférées de la production de biens et services dont la demande diminue vers la production de ceux dont la demande augmente, que des ressources soient transférées des productions moins efficientes vers des productions plus efficientes, que des ressources soient retirées des productions pour lesquelles d'autres pays acquièrent un avantage comparatif. Les politiques peuvent être considérées comme positives si elles facilitent ces transferts ou bien, lorsqu'elles tendent à réaliser d'autres objectifs.... si elles le font d'une façon qui minimise leurs effets négatifs éventuels sur l'économie ». OCDE, Pourquoi des politiques d'ajustement positives? Recueil de documents, Paris, 1979.
Note 8: L'expression a été utilisée à la fois par le gouvernement libéral et par le gouvernement conservateur.

Retour au texte de l'auteur: Christian Deblock, économiste, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 3 février 2007 9:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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