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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Catherine Teiger et Hélène DAVID, “L'interdisciplinarité ergonomie-sociologie, une histoire inachevée.” Un article publié dans la revue Travail et emploi, no 94, avril 2003, pp. 11-30. Revue trimestrielle française de recherche en sciences sociales publiée depuis 1979. À caractère pluridisciplinaire et international, elle propose des analyses de chercheurs français et étrangers en sociologie et économie du travail, de l’emploi et des relations professionnelles, en histoire, droit et psychologie du travail, en sciences de gestion et sciences politiques. [Autorisation accordée par l'auteure le 20 janvier 2010 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales]

[11]

Catherine Teiger * et Hélène DAVID **

L'interdisciplinarité ergonomie-sociologie,
une histoire inachevée
.”


Un article publié dans la revue Travail et emploi, no 94, avril 2003, pp. 11-30. Revue trimestrielle française de recherche en sciences sociales publiée depuis 1979. À caractère pluridisciplinaire et international, elle propose des analyses de chercheurs français et étrangers en sociologie et économie du travail, de l’emploi et des relations professionnelles, en histoire, droit et psychologie du travail, en sciences de gestion et sciences politiques.



Nous nous proposons, dans cet exposé à deux voix, de tirer des leçons, provisoires, des quelques aventures interdisciplinaires que nous avons menées l'une et l'autre, au long de nos parcours d'ergonome et de sociologue du travail, séparément puis ensemble à l'heure actuelle. Nous appuyons tout particulièrement nos réflexions sur nos pratiques dans une recherche interdisciplinaire en cours sur les soins à domicile au Québec (DAVID et al., 2000), à laquelle nous participons toutes deux depuis quelques années avec Esther CLOUTIER, statisticienne et ergonome, qui en expose dans ce numéro les résultats de façon plus détaillée (CLOUTIER, DAVID, TEIGER, 2003). Nous commencerons par présenter, à tour de rôle, comment nous avons « rencontré » l'interdisciplinarité au cours de notre itinéraire de recherche focalisé sur le travail. Puis chacune précisera, à partir de ses propres expériences, ce que l'autre discipline apporte à la sienne et, réciproquement, ce que sa discipline apporte à l'autre. Nous n'avons pas cherché le consensus sur ce point. Enfin, nous reviendrons sur l'interdisciplinarité, sur les différentes façons de l'envisager, sur certaines des questions théoriques et méthodologiques qu'elle pose et sur les conditions qui nous semblent aujourd'hui nécessaires, sinon suffisantes, pour développer des pratiques de coopération interdisciplinaire. Pratiques qui sont destinées à enrichir la compréhension de notre objet commun, le travail et les personnes au travail, et à permettre à chacun de progresser dans l'articulation de la compréhension et de l'action, objectif sur lequel nous nous retrouvons toutes deux. Nous ne prétendons pas ici refléter l'opinion de nos communautés dans lesquelles existent de nombreux courants de pensée. Il s'agit bien de propos personnels, partiels et parfois partiaux, qui n'engagent que leurs auteurs, même si certains s'y reconnaissent, et qui sont destinés à susciter le débat.


Des chemins différents
menant à l'interdisciplinarité

Après avoir fait quelques rappels d'ordre général sur le positionnement de l'ergonomie par rapport à l'interdisciplinarité, nous exposerons comment, à partir de quelles expériences et dans quelles limites, cette interdisciplinarité a fait son entrée dans nos pratiques (Cf. encadrés 1 et 2).

L'ergonomie, une discipline au carrefour

Trois particularités de l'ergonomie directement en rapport avec le projet interdisciplinaire peuvent être rappelées en préalable : son émergence au carrefour de plusieurs disciplines, sa focalisation affichée sur le « problème » et sa volonté de lier connaissance et action, les trois aspects étant indissolublement liés (TEIGER, 1993 a).

Il est de tradition de dire que l'ergonomie moderne est née en Angleterre, à la fin de la deuxième guerre mondiale [1], de la volonté commune de psychologues expérimentaux, de physiologistes et d'ingénieurs qui se reconnaissaient impuissants, chacun de leur côté, à comprendre et à résoudre les « problèmes » provoqués par la rencontre des humains et des machines modernes. Or un « problème » de la vie réelle ne se pose jamais ou rarement d'une façon disciplinaire et présente une intrication des éléments en cause. L'interdisciplinarité est donc constitutive du projet même de l'ergonomie, même s'il s'agit alors d'une interdisciplinarité limitée, dont il est notable que les sciences dites sociales, telles que la sociologie, ne font pas partie pour des raisons qu'il serait intéressant de connaître précisément.

L'ergonomie se veut donc d'emblée « orientée par le problème » (SINGLETON et al., 1967), comme toute science, si l'on en croit l'épistémologue POPPER [2] (in LAZAR, 2001, p. 61). Mais il existe quantité de problèmes pouvant déclencher « l'obscurité des passions », à l'origine du « métier de chercheur », consistant selon GODELIER (2000, p. 12), à « vouloir produire des connaissances nouvelles à propos d'une réalité qui nous passionne ». Les pères fondateurs de l'ergonomie, quant à eux, se donnent pour objectif de « faire la chasse aux problèmes réels, du [12] monde réel, en temps réel » : problèmes d'inadaptation des machines complexes [3] au fonctionnement « d'opérateurs humains intacts et en bonne santé » (SINGLETON et al., 1967), accidents inexplicables, répercussions du travail sur l'organisme humain, fatigue industrielle, effets des conditions d'environnement physique, vieillissement etc...

Le couplage problématique de ce que l'on a longtemps appelé le « Système Homme-Machines » (MONTMOLLIN, 1967) mène alors ces différents spécialistes à se préoccuper ensemble de « l'adaptation du travail à l'homme ». Ce renversement du paradigme classique de l'adaptation appliqué jusque-là à l'être humain (formation, sélection...) les conduit à se focaliser sur « l'étude des échanges régulatifs entre l'environnement professionnel et le travailleur » (PACAUD, 1967) : ni l'étude des propriétés fondamentales de l'humain ni de celles de l'environnement, mais celle des caractéristiques de l'usage fait par l'humain de cet environnement et/ou des effets de celui-ci, autrement dit de l'activité même des personnes, de ses conditions et de ses répercussions. D'où l'importance de l'analyse du travail en situation naturelle, toujours au cœur de la démarche ergonomique, avec des évolutions notoires cependant [4], et du « travail de la demande » (GUÉRIN et al., 1997).

Le troisième point est le souci de produire des connaissances utiles à la compréhension de la réalité mais aussi à l'action sur celle-ci, lorsqu'une transformation apparaît nécessaire pour protéger et/ou promouvoir la santé des travailleurs et l'efficacité du travail. Ce souci se traduit dès l'origine par la volonté d'agir le plus en amont possible des facteurs de risque et de contribuer à la conception des nouveaux systèmes techniques et/ou organisationnels de production ou, à tout le moins, à la transformation de l'existant. Ce point a été longtemps (et reste encore parfois) un objet de controverse dans certains milieux académiques pour qui n'est légitime qu'une science totalement exempte de préoccupations utilitaires [5]. Pourtant Auguste COMTE lui-même ne disait-il pas « Science d'où prévoyance, prévoyance d'où action » ? De ce fait, la caractérisation même de l'ergonomie naissante et sa légitimité scientifique ont longtemps été l'objet de débats académiques et institutionnels dont nous ne traiterons pas ici, encore que la question de la reconnaissance mutuelle (estime réciproque ou condescendance, voire méfiance) joue un rôle non négligeable dans la faisabilité de la collaboration que les disciplines peuvent établir entre elles [6].

Les rapports à l'action sont un objet de débats récurrents mais, pour un certain nombre d'ergonomes, il ne s'agit pas de produire des connaissances et de les « appliquer » ensuite, mais de lier intimement ces deux processus tout au long d'une recherche (ou intervention) qui se veut empirique, dans une démarche inductive de construction progressive des hypothèses orientée par les transformations possibles, en réponse à une « demande sociale » (DANIELLOU, 1992).

Où en est-on aujourd'hui ?

En France, par rapport à la composition d'origine de l'ergonomie, l'ouverture interdisciplinaire s'est à la fois réduite et élargie, le noyau s'est déplacé. Il existe actuellement peu de professionnels en ergonomie (praticiens, enseignants, chercheurs) ayant une formation initiale d'ingénieurs ou de physiologistes. Par contre nombreux sont ceux qui viennent de la psychologie mais aussi de nouveaux horizons très divers (prévention, hygiène et sécurité, sciences biologiques, statistiques, sociologie, sciences de la gestion, syndicalisme... . Et, dans leur pratique, en général, les ergonomes sont impliqués dans des projets collectifs (recherches, manifestations scientifiques, publications), réalisés en collaboration avec des représentants de disciplines et de professions variées (épidémiologie, linguistique, sociologie, relations industrielles, économie, statistique, psychopathologie, informatique, médecine, architecture, design...) et, dans l'entreprise, avec les divers « acteurs » intéressés, y compris les salarié(e)s et leurs représentants. Les ergonomes [13] travaillent, la plupart du temps, en inter-professionnalité, sinon en interdisciplinarité, et leur pratique est, en général, « participative ».

L'intervention ergonomique est alors l'occasion de constituer ce qu'Ivar ODDONE et son équipe ont appelé, dans les années soixante-dix en Italie, une « communauté scientifique élargie »(ODDONE et al., 1981). Ce qui est en question, c'est donc la « posture » adoptée et le type d'implication ou d'engagement des chercheurs, sujet sur lequel, à notre connaissance, il n'existe pas de consensus ni chez les ergonomes ni chez les sociologues et qui déborde notre propos actuel. Mais dans une collaboration éventuelle, un accord sur ce point est indispensable.

Pour conclure ce survol, disons que le découpage ou l'assemblage disciplinaire constitutif de l'ergonomie est historiquement et géographiquement daté (en nous limitant ici au cas français) et, comme tel, évolutif. Dans la phase d'émergence d'une nouvelle discipline, il est nécessaire de s'identifier, donc de se démarquer et de montrer que l'on fait autre chose ou autrement que les autres, et ce d'autant qu'ils sont plus proches [7]. Plus tard, il devient possible de coopérer, en connaissant mieux ses propres possibilités et ses limites. Les frontières ne sont pas fixées et sont continuellement en transformation, selon les évolutions du travail (donc des « problèmes » et de la « demande » sociale), et l'évolution des disciplines, ergonomie et autres. Évolutions qui ne se font pas sans débats, conflits parfois, mais qui se font.

Pour l'ergonomie, en tout cas, l'interdisciplinarité n'est pas un point de départ ni un donné définitif, elle est un projet, une histoire inachevée.


ENCADRÉ 1

L'interdisciplinarité bon an mal an,
au cœur d'un itinéraire de recherche en ergonomie
(C. Teiger)

L'interdisciplinarité fait partie en quelque sorte de mon parcours professionnel dès l'origine, mon évolution « disciplinaire » pouvant se résumer ainsi : médecin de frustration, littéraire et psychologue de formation, ergonome de profession, sociologue d'institution. Pour des raisons personnelles (rencontre de militants syndicaux et de la vie ouvrière, insatisfaction vis-à-vis des études de psychologie en raison d'une place trop réduite donnée au corps et d'une approche trop individuelle à mon goût), j'ai souhaité travailler dans le domaine des conditions de travail. Mais quoi faire et comment ? C'est alors que j'ai entendu parler d'Ergonomie (terme inconnu mais qui semblait pouvoir répondre à mes préoccupations) et du laboratoire du CNAM (dont l'intitulé à l'époque était « Physiologie du travail-Ergonomie »), et dont le personnel était composé de médecins et d'ingénieurs avec Alain VVISNER, lui-même médecin, comme directeur. Que faire d'une psychologue, au demeurant passionnée de psycho-physiologie, d'autant qu'il existait un laboratoire de psychologie du travail tout proche ? Un stage « à l'essai » de six mois m'a donc été proposé et quelques décennies plus tard, j'y suis toujours malgré les aléas institutionnels. J'ai donc d'emblée plongé dans l'interdisciplinarité d'une ergonomie en train de se faire (1), premier aspect qui m'a séduite. Le deuxième aspect a été la chance d'arriver au moment de la première « sortie du laboratoire » de l'ergonomie, fin des années soixante, pour une recherche sur les conditions de travail des ouvrières dans la production de masse, commanditée par un comité d'entreprise et soutenue par l'Institut National de Recherche sur la Sécurité-INRS (LAVILLE, TEIGER, DURAFFOURG, 1972).

Une première période d'exploration

On a dit qu'il y avait deux façons de faire de la recherche (ou deux moments), soit en explorant le gisement, soit en exploitant le filon. Cette période était une période d'exploration sur tous les plans, notionnels et méthodologiques ; tout était à construire, l'objet même de la recherche, la démarche et les méthodes d'analyse (articulation entre entretiens individuels et collectifs, observations et mesures), les modes de coopération avec les différents acteurs de l'entreprise (discussions, restitution, formation), le cadre interprétatif. Et il fallait construire, aussi, la coopération interne à notre équipe interdisciplinaire afin d'articuler les trois points de vue : médical (Antoine LAVILLE), syndical (Jacques DURAFFOURG) et psychologique (2).

______________________

1. Il n'existait pas de cursus de formation complet en ergonomie à l'époque, même au CNAM.

2. L'équipe a ultérieurement intégré un ingénieur, en la personne de François DANIELLOU, qui a permis, entre autres, de prendre le virage vers la conception participative (DANIELLOU, 1992).

[14]

Dès ce moment, les résultats obtenus par une analyse multivariée du travail (en particulier, la mise en évidence de l'écart entre « travail théorique et travail réel » et des composantes de l'activité et de la charge de travail) démontraient que le « problème », était bien celui du mode d'organisation, l'Organisation Scientifique du Travail du taylorisme-fordisme. Mais nous n'avions pas les outils pour « penser » l'organisation dans son ensemble ni les rapports de force dans l'entreprise et nous nous l'interdisions. Ces aspects de la question étaient considérés alors comme du domaine exclusif de la sociologie du travail, sans doute pour les raisons historiques déjà évoquées : les enjeux épistémologiques et institutionnels liés à cette période d'émergence de l'ergonomie en France.

En tant qu'ergonomes, nous pouvions avoir une position critique et fournir des arguments « fondés sur des faits » pour contester les bases soi-disant scientifiques de l'OST, démontrer l'activité mentale méconnue, les stratégies de régulation opératoire mises en œuvre et leur coût physique et psychique etc... et en tirer les conséquences sur la conception des systèmes de travail (DANIELLOU et al., 1982). Nous n'avions pas les moyens de situer nos résultats cliniques ni de savoir dans quelle mesure ils étaient généralisables ; l'intérêt et les limites de l'ergonomie nous sont apparues d'emblée. Nous cherchions donc, chez FRIEDMANN (1950) notamment, des analyses plus larges mais ne coïncidant pas toujours avec ce que nous observions au niveau microscopique des postes de travail, cette ingéniosité à tout prix mise en oeuvre par les travailleurs, spontanément mais « sous contrainte », et non sans dommage pour leur santé,

C'est pourquoi, pendant ces premières années, les années soixante-dix, nous avons commencé à entrer en contact d'abord avec des sociologues et des économistes du travail du CNAM et du CNRS, puis, plus tard, avec des spécialistes d'autres disciplines dont nous ne parlerons pas ici. Ces contacts consistaient alors surtout en échanges à partir de nos travaux réciproques lors de séminaires spécialisés, Il n'était pas toujours facile de comprendre ni de se faire comprendre. Les ergonomes avaient parfois l'impression de jouer les trublions pour ne pas dire les trouble-fête, dans certaines de ces réunions savantes où leurs micro-analyses « de terrain » sur le « contenu » du travail contredisaient ou relativisaient les beaux modèles élaborés à partir des seules statistiques ou des seules déclarations des travailleurs, sans confrontation au réel du travail, et interprétés dans le cadre des paradigmes dominants de l'aliénation et de la déqualification ou, à l'inverse, de l'autonomie ouvrière. Mais nous avons beaucoup appris et tenté d'écrire ! (LAVILLE et TEIGER, 1982, TEIGER et LAVILLE, 1981 ; TEIGER, 1986).

De cette première période datent deux expériences mémorables pour moi, et pleines d'enseignement a posteriori (TEIGER, 1997). La première est une élaboration théorique avec deux économistes du Séminaire d'économie du travail, dirigé par Henri BARTOLI (François MICHON et Jean-François GERME), autour de la notion de « modelage » de la main-d'œuvre (à partir de la rencontre entre le « problème » du rapport âge/travail, de la sélection implicite et de l'exclusion de la main d'œuvre par les conditions de travail en fonction de l'âge et du problème du chômage et de la segmentation de la main-d'oeuvre) ; ce travail commun a réussi grâce, en partie sans doute, à la présence dans notre équipe d'alors d'un « médiateur » entre les deux disciplines, Hughes BLASSEL (BLASSEL, LAVILLE, TEIGER, 1976 ; GERME, MICHON, BLASSEL, 1979 ; LAVILLE et TEIGER, 1980) (3).

La seconde est une tentative de recherche conjointe sur le terrain (bilan d'une auto-organisation de la production lors d'une expérience d'occupation d'usine menée par des ouvrières) avec deux sociologues du laboratoire de sociologie du travail et des relations professionnelles du CNAM-CNRS (4) (Anni BORZEIX et Margaret MARUANI) ; cette tentative est restée inaboutie du fait, entre autres, des conditions de réalisation dont la nécessaire préparation théorique et méthodologique avait été sous-estimée (5), et des publications séparées ont été réalisées (BORZEIX et MARUANI, 1982 ; LAVILLE, TEIGER, TOUTAIN, 1978).

________________________

3. Hugues BLASSEL était alors en formation en ergonomie, à sa sortie de l'École des Hautes Études Commerciales, en vue de développer l'approche des conditions de travail au sein de la Confédération syndicale CFDT. Plus tard, les confrontations avec les économistes se sont centrées sur le couple travail théorique/travail réel recouvrant la mise en oeuvre de compétences dans l'activité (TEIGER C., 1982) et les travaux des ergonomes sur le vieillissement se sont développés avec d'autres coopérations disciplinaires (TEIGER, 1994) et dans d'autres contextes institutionnels (CREAPT-Centre de Recherches et d'Études sur l'Age et les Populations au Travail, entre autres).

4. Laboratoire créé par Jean-Daniel REYNAUD.

5. Au milieu des années soixante-dix, le syndicat Habillement-Cuir-Textile (HA-CUI-TEX) de la CFDT, avec qui nous avions déjà une double expérience de travail en commun de recherche sur les conditions de travail dans une entreprise de confection industrielle de gants de protection (TEIGER, LAVILLE, DURAFFOURG, 1974), et de formation syndicale, nous a demandé de faire avec lui une sorte de bilan d'une expérience d'occupation d'usine avec réorganisation de la production menée par des ouvrières (les PIL), sur le modèle de l'expérience menée précédemment à l'usine LIP par des ouvriers, Il a fait la même demande aux sociologues du CNAM de l'époque. Nous avons donc fait le projet de mener nos analyses séparément avec nos méthodes propres et de confronter nos résultats pour en faire un rapport commun pour le syndicat. Mais, en raison précisément des méthodes « disciplinaires » utilisées séparément et pas exactement dans le même laps de temps, nos résultats et leurs interprétations différaient tellement qu'il nous a été impossible de concevoir un rapport commun cohérent, et nous avons dû faire des publications distinctes. L'ouvrage des sociologues (BOIZEIX, MARUANI, 1982) a été réalisé à partir d'entretiens hors entreprise, réalisés essentiellement avec des responsables syndicales et plutôt à la fin de l'expérience (l'occupation avec reprise et vente de la production par les PIL a duré plusieurs mois mais s'est achevée par la fermeture de l'entreprise de confection et le changement de fabrication) ; leur analyse était centrée sur les acquis des ouvrières en tant que femmes et les découvertes qu'elles avaient faites de leurs capacités à gérer, y compris les aspects financiers de cette expérience qui avait transformé leur vie personnelle et leurs rapports aux autres, aux hommes et à la famille en particulier ; par contre, les acquis au plan de l'auto-organisation du travail leur paraissaient alors bien décevants. L'article des ergonomes avec le responsable du syndicat (LAVILLE, TEIGER, TOUTAIN, 1978), a été réalisé à partir d'entretiens et d'observations dans l'atelier, à différents moments de l'expérience, ainsi qu'à partir de la réflexion collective menée au cours de sessions de formation syndicale ; l'analyse était centrée précisément sur les acquis au plan des réorganisations concrètes des modes de production, des nouvelles façons de travailler, expérimentées et mises en pratique ou, au contraire, abandonnées par les ouvrières et sur leurs argumentations montrant les possibilités de « travailler autrement » (supprimer le travail à la chaîne, réduire les contraintes de temps...) mais aussi les limites d'une telle expérience lorsque les moyens matériels sont conçus pour une parcellisation du travail (par exemple, machines à coudre ne pouvant réaliser que des coutures rectilignes), bel exemple de technique vue comme « cristallisation des rapports sociaux », selon l'expression de FREYSSENET (1992).

[15]

Croiser les analyses et intégrer les résultats

Personnellement, j'en ai tiré la leçon de mener, lorsque la question d'une approche interdisciplinaire se pose, une recherche conjointe sur le même objet et au même moment et même, si possible, de participer aux analyses les uns des autres et pas seulement de partager ou de mettre en commun des résultats acquis séparément.

C'est l'expérience aboutie que j'ai pu faire un peu plus tard, au début des années quatre-vingt, avec une sociologue du travail québécoise, Colette BERNIER, lors d'une recherche sur la question, très controversée à l'époque, du déterminisme technologique et de l'influence de l'informatisation naissante sur la qualification/déqualification dans le secteur des emplois de services administratifs, dans des institutions financières et d'enseignement (BERNIER et TEIGER, 1985, 1990). Les résultats combinés des deux approches ont mis en évidence à la fois des éléments nouveaux dans l'activité (des « compétences masquées », TEIGER et BERNIER, 1992) qui ont pu être pris en compte dans la négociation de la (re)qualification officielle de ces emplois, et des différences notables selon les situations concrètes et les types d'organisation locale, montrant que le déterminisme technologique n'était que relatif.

Notre pratique de recherche a été l'objet d'un compromis négocié entre les deux approches et cette première coopération dans une recherche commune avec une sociologue, comme ce serait le cas avec d'autres spécialistes, a obligé l'ergonome que je suis à revenir à l'essentiel de ses notions et méthodes et à les expliciter suffisamment pour les rendre accessibles et convaincants, tout en assimilant au moins partiellement les notions et méthodes de la sociologie ; ce qui a été une occasion de « formation permanente » réciproque. Cette recherche était menée dans le cadre de l'Institut de Recherches Appliquées au Travail à Montréal (6) où j'avais d'abord rencontré Hélène DAVID avec qui nous avions fait un projet de recherche-formation-action qui n'a pu aboutir alors. Mais, de cette période, date notre désir de travailler un jour ensemble qui s'est concrétisé quinze ans plus tard, avec la recherche sur les soins à domicile au Québec qui se poursuit actuellement avec Esther CLOUTIER (voir dans ce numéro, CLOUTIER et al., p. 75) (7).

_______________________

6. Cet institut, l'IRAT, disparu depuis, avait un statut voisin de celui des ISST français (instituts Supérieurs des Sciences du Travail), c'est-à-dire issu d'un accord entre les organisations syndicales de salariés et l'université. Ses objectifs et ses pratiques étaient très proches de ceux du laboratoire d'ergonomie du CNAM.

7. D'autres expériences interdisciplinaires ont jalonné mon itinéraire mais il serait trop long de les évoquer ici ; je mentionnerai seulement la dernière en date, une recherche réalisée sur les pratiques d'écriture et de lecture de techniciens en formation d'ingénieurs, avec une linguiste (Françoise ROUARD) et un sociologue (Frédéric MOATTY) (MOATTY, ROUARD, TEIGER, 2002).



[15]

Encadré 2

L'interdisciplinarité, pour dépasser les limites de la sociologie ?
(H. David)

Ne pouvant aucunement parler au nom des sociologues du travail de mon milieu, je ne peux qu'évoquer comment ma pratique personnelle de la sociologie du travail et du mouvement ouvrier m'a fait découvrir l'ergonomie (inexistante au Québec à l'époque) et m'y intéresser au point d'envisager sérieusement la possibilité d'entreprendre une formation dans ce domaine. Au début des années soixante-dix, j'ai quitté l'enseignement universitaire pour l'Institut de recherche appliquée sur le travail, institut de recherche lié au mouvement syndical (cf. note 6). À cette époque marquée par l'effervescence sociale et politique, le cadre et le climat universitaires me semblaient trop hermétiques aux débats sociaux et au dynamisme des mouvements sociaux. Une posture critique limitée à ma seule discipline me semblait également insuffisante.

[16]

La tentation de l'ergonomie...

Dans le cadre des travaux que j'ai réalisés dans cet institut sur différents aspects de l'organisation du travail, j'ai travaillé étroitement avec des représentants d'organismes syndicaux à différents niveaux (programmation de recherche, consultations, définition des projets, discussions sur les dossiers à diffuser, formation, etc...). Ces contacts variés ont certainement facilité la tenue de débats, à l'intérieur du mouvement syndical, sur de multiples questions auxquelles il était confronté concernant l'organisation du travail, ce qui répondait à mes préoccupations concernant l'utilité de mes travaux de recherche. Simultanément, cette interaction constante avec le milieu syndical m'a rapidement fait prendre conscience des limites de la sociologie du travail telle que pratiquée à l'époque. En effet, les problèmes de « la vie réelle » ne se posent pas de façon disciplinaire, mais de façon globale et ils présentent une intrication des éléments en cause, comme on l'a souligné supra.

Plus précisément, il me semblait que les outils propres à (a sociologie ne me permettaient pas de cerner suffisamment, ni d'identifier les conséquences de l'activité réelle de travail tant sur la santé et la morbidité que sur les habiletés, les savoir-faire, l'expérience, le rapport au travail, les rapports collectifs au travail, questions sur lesquelles les différents syndicats souhaitaient obtenir des réponses et des outils pour l'action (1). D'autre part, l'application de connaissances scientifiques dans le but de faire le tour d'une situation concrète et de proposer des orientations en vue de la transformer exige presque toujours l'apport de plusieurs disciplines ; la combinaison la plus appropriée varie évidemment selon l'objet à l'étude. D'où la nécessité d'approches interdisciplinaires car la problématique de l'interdisciplinarité est nécessairement en rapport avec celle de l'application, comme le souligne HAMEL (1999), et comme le montrent aussi les raisons de l'émergence de l'ergonomie mentionnées supra. Concernant l'organisation du travail, cette dernière s'avérait évidemment la discipline qui pouvait le mieux contribuer à combler ces lacunes.

Ce n'est que récemment que j'ai pu réaliser des projets interdisciplinaires associant la sociologie et l'ergonomie. lis portent sur la question du vieillissement au travail. lis font suite à une fréquentation assidue des travaux des ergonomes sur le vieillissement au travail à cause de la pertinence et de la qualité de leurs travaux réalisés en Angleterre et en France notamment (DAVID, 1997).

Les facteurs qui structurent la problématique du vieillissement au travail tels que l'importance des politiques publiques de la vieillesse ainsi que celle des conditions de travail dont le poids sur la fin de vie est considérable, m'ont incitée à développer plus activement des échanges avec d'autres disciplines, mais en particulier avec des ergonomes dont les recherches portent sur cette question, notamment dans le cadre de l'organisation d'un colloque pour le mouvement syndical (DAVID, 1990). Puis, plus récemment, dans le cadre d'une collaboration franco-québécoise soutenue qui a donné lieu à deux séminaires (en 2000 et 2002) réunissant des chercheurs de nombreuses disciplines : anthropologie, démographie, épidémiologie, économie, ergonomie, génie, médecine, psycho-dynamique du travail, psychologie, sociologie, statistique (DAVID, CLOUTIER et al., 2001) et qui se poursuit encore.

____________________________

1. Cette réflexion était un peu courte et ne remontait pas jusqu'à la question de fond qui a trait à l'objet même de la sociologie du travail. À ce sujet, voir M. DURAND (1987) et A. BORZEIX dans ce numéro.

... et la fidélité à la sociologie

Un projet de recherche exploratoire sur l'organisation du travail en tant que soutien ou obstacle aux stratégies de travail protectrices des auxiliaires sociales et familiales (aides-soignantes) et des infirmières dans un service public de maintien à domicile, dont Esther CLOUTIER était la responsable, a enfin permis de réaliser le désir de longue date d'une collaboration interdisciplinaire avec C. TEIGER. À l'occasion de ce travail, à travers un double processus de distanciation et de réappropriation, j'ai assumé à nouveau mon choix initial de la sociologie du travail, non seulement en cernant mieux ses limites, mais en redécouvrant ses apports uniques. S'est ainsi vérifiée ainsi empiriquement l'affirmation de GODELIER (2000, p. 13) selon laquelle l'interdisciplinarité ne peut-être le fait d'un chercheur individuel (bien qu'il/elle doive acquérir une vaste culture qui déborde sa propre discipline) et ne peut se construire qu'à partir d'une équipe qui constitue alors un « travailleur collectif à tête et bras multiples ».



[17]


De quelques apports
d'une discipline à l'autre
 [8]

C'est sur notre expérience de collaboration que se fondent en grande partie les propos qui suivent [9] ; Cette collaboration se poursuit à l'heure actuelle à travers un projet de plus grande envergure. Cette expérience permettra certainement d'approfondir et de raffiner tant notre pratique de l'interdisciplinarité que notre réflexion à ce sujet. Nous tentons notamment d'appliquer certaines des conditions qui nous semblent nécessaires pour avancer réellement dans la pratique interdisciplinaire, conditions que nous explicitons plus loin dans ce texte.

Rappelons toutefois qu'il est impossible, en ce qui nous concerne, de parler de LA sociologie, de L'ergonomie étant donné que plusieurs courants différents coexistent dans nos deux disciplines...

Ces courants ont été mis en relief par plusieurs sociologues depuis une quinzaine d'années. Plusieurs ouvrages ont rendu publics les questionnements des sociologues du travail sur toutes les dimensions de leur discipline ; questionnements qui ne sont pas sans rapport avec les transformations du travail et de l'emploi (LEGENDRE, 1997). C'est le cas, également pour les évolutions et les tendances de l'ergonomie, dont un certain nombre d'ouvrages récents tentent de faire le point (DESSAIGNE et GAILLARD, 1998 ; DANIELLOU, 1996 ; BENCHEKROUN et WEILL-FASSINA, 2000 ; SPÉRANDIO, 1994).

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de comparer les processus de recherche de la sociologie du travail et de l'ergonomie, il faut aller au-delà des objets de recherche et de la méthodologie requise pour les définir et les analyser car les finalités de leur démarche sont le plus souvent différentes. La sociologie est généralement peu soucieuse de retombées spécifiques à court terme dans un milieu précis. Son influence est plus diffuse et, lorsqu'elle est recherchée, elle prend plutôt la forme d'activités-conseil et/ou d'enquêtes pour les pouvoirs publics, par exemple ; c'est ce que WEISS (1986) nomme une « influence conceptuelle ». En ergonomie, par contre, dès que le travail sur la demande sociale s'amorce, le dialogue avec les demandeurs s'oriente vers les liens entre le processus de recherche, le processus de transformation que cette activité en elle-même enclenche, et le projet de transformer certaines conditions de travail au terme de la recherche, comme il a été précisé supra. Nicole VÉZINA, ergonome, et Suzanne STOCK, épidémiologiste (1999) le montrent bien, dans leur analyse d'un projet interdisciplinaire qu'elle ont réalisé ensemble, en soulignant de façon analogue, comment l'écart entre l'objectif d'intervention de l'ergonomie et l'objectif de mesure des changements de l'épidémiologie, qui amène à conceptualiser très différemment la notion d'intervention, fait percevoir différemment les résultats de cette recherche par chaque discipline, bien qu'elle ait été menée conjointement.


Les apports de l'ergonomie
à la sociologie

D'un point de vue de sociologue, l'approche ergonomique apporte à la sociologie du travail à la fois ses méthodes et techniques, l'obligation d'un positionnement du chercheur comme acteur dans les milieux de travail où il intervient, et la prise en compte d'un objectif de transformation des conditions de travail. Du point de vue de l'ergonome, l'intérêt de l'analyse ergonomique tient à son attention au « détail » du travail concret, à la nécessité de confronter le « dire » et le « faire » et à la prise en compte des acteurs sociaux dans la production de la connaissance et la transformation des conditions de travail.

Le point de vue d'une sociologue

L'approche ergonomique paraît avoir un intérêt pour les sociologues sur trois points.

Le premier est que les outils conceptuels, méthodologiques et techniques d'observation et d'analyse de l'activité réelle de travail très fins qu'utilise l'ergonomie permettent de repérer les compromis opératoires. Cela semble indispensable à la compréhension du travail alors que les représentations du travail construites par la sociologie excluent presque toujours l'activité réelle au profit des rapports sociaux de production. Bien que l'une et les autres s'affectent mutuellement, l'activité de travail n'est le plus souvent utilisée par la sociologie qu'à titre d'indicateur de notions conceptuelles qui renvoient à des cadres d'analyse théoriques d'interprétation des transformations de modèles de société (division du travail, rapports de production, rapport au capital, structure des emplois, etc... [10]). Les principaux courants de la sociologie du travail postulent que le travail et les rapports sociaux de production constituent un vecteur central de toute société, encore davantage dans la société industrielle, [18] et qu'ils jouent un rôle déterminant dans les processus de production de la société et donc de transformations sociales (DURAND, 1987 ; LINHART, 1991 ; LEGENDRE, 1997 ; BORZEIX, 2003).

Il faut toutefois noter un renouveau d'intérêt récent pour l'activité réelle de travail, dont témoignent notamment plusieurs communications que de jeunes sociologues ont présentées aux journées du CÉE de mars 2002 [11]. Ainsi, intéressé par la recomposition des classes populaires, ALONZO (1997) a réalisé une monographie auprès de caissières d'une grande surface qui met en relief le rôle du travail et de l'emploi chez les femmes de ces milieux ainsi que leurs stratégies de résistance à la règle patronale, soutenues par leurs collectifs de travail. CARDON (2003) a présenté une étude de cas sur la mise en place d'un outil de groupware pour la facturation, dans une entreprise de télécommunications ; ses résultats notent la coexistence de deux types de coopération, une de proximité et l'autre à distance. L'évaluation de l'introduction de l'outil informatique, qui va modifier le poids relatif de chacune, dépend de l'importance accordée à ces types de coopération pendant l'activité de travail. La présentation de CARTRON, pour sa part, montre l'intérêt des employeurs de franchises de fast-food pour une main-d'œuvre jeune surqualifiée, même dans un contexte de rationalisation extrême et d'organisation du travail industrielle, ainsi que les stratégies paradoxales de ces jeunes, souvent étudiants (surinvestissement dans le travail et dimension ludique, malgré son intensité). Dans ces trois cas, l'accent mis sur l'analyse de l'activité réelle fait ressortir l'importance de différentes modalités de coopération et/ou des collectifs de travail. Autre étude qui porte sur les jeunes, la monographie de COLLARD (2003), sur des agents de services d'ambiance et de gestion de l'espace de gares de banlieue, questionne la capacité des outils sociologiques à saisir la nature de ce travail de service, en rapport étroit avec les usagers, dont les activités ne peuvent être prescrites avec précision.

Ces différentes études ont en commun non seulement de se centrer sur l'activité réelle de travail - à la différence de la majorité des travaux en sociologie du travail - mais aussi d'associer celle-ci à des processus plus larges ainsi qu'à des situations hors travail, le lien entre les deux contribuant à en faire ressortir la signification.

Le second intérêt de l'approche ergonomique est l'explicitation des rapports qui se nouent entre les chercheurs et les sujets/objets de la recherche par l'étape préliminaire du « traitement de la demande ». Ce processus oblige le/la chercheur à se manifester en tant qu'acteur impliqué dans une démarche commune avec ses intérêts propres et à tenir compte de ceux de ses interlocuteurs. En sociologie, malgré sa focalisation sur les rapports sociaux, la posture du chercheur est souvent proche de celle du narrateur invisible et omniscient du roman traditionnel ; on la suppose sans effet sur le milieu à l'étude à cause de la distance délibérément maintenue entre observateurs et observés.

Le troisième est l'objectif de transformation des conditions de travail, si fondamental en ergonomie et, pour cette raison, étroitement emmaillé à ses pratiques de recherche. Cet objectif l'a ainsi amenée à explorer différentes façons de reconnaître, de définir et d'attribuer une place dans le processus de recherche aux acteurs sociaux, objet de l'investigation, et à leurs savoirs propres. Il s'agit là d'une condition souvent considérée nécessaire pour que la recherche ait des retombées réelles dans un milieu. Cela se traduit par une systématisation de ces pratiques aux différentes étapes de la recherche.

Le point de vue d'une ergonome

L'apport de l'analyse ergonomique du travail à la sociologie se situe, d'un point de vue d'ergonome, également sur trois plans principaux :

Le premier apport de l'analyse ergonomique du travail est dans le détail « révélateur » d'autre chose que de ce que la théorie sociologique permettait d'attendre, puisque le grain d'analyse et son point de focalisation sont différents. Ce détail de l'activité permet une conceptualisation ou une reconceptualisation à partir des faits observés, comme proposaient de le faire, du reste, les sociologues GLASER et STRAUSS (1967) avec leur « grounded theory ». Par exemple, le concret de l'activité du travail (correspondant en partie seulement à ce que les sociologues ont appelé longtemps le « contenu du travail » ou au « travail concret » de NAVILLE (1957) remet en question certaines représentations sociales, comme celle de « travail répétitif », jamais aussi répétitif qu'on le croit, de « travailleurs vieillissants », de « stratégies de régulation opératoire », de « qualification », de « représentation pour l'action » et même de « travail ».

Le second apport se situe au plan méthodologique : la confrontation des résultats issus des entretiens, des observations, des mesures, de l'étude des [19] traces de l'activité et, surtout, la restitution de ces résultats aux personnes participant à l'étude et leur participation à l'élaboration finale fait émerger et permet de discuter des éléments impossibles à saisir autrement. L'écart entre le dire et le faire permet de faire (re)surgir certains aspects de l'activité trop intériorisés, assimilés (sur-apprentissage, difficultés inattendues), ou occultés (voir les idéologies défensives mises en évidence par la psycho-dynamique du travail) et qui ne sont pas évoqués spontanément dans un entretien, a fortiori lorsque celui-ci est unique. La familiarisation des « interven­ants » (praticiens ou chercheurs) avec la situation concrète, acquise dans la durée de l'étude ergonomique « sur le tas », est un autre élément qui favorise l'expression des intéressés et le dialogue avec eux sur leur travail et ses répercussions, en suscitant une activité réflexive : à la fois prise de conscience et nouvelle élaboration (TEIGER, 1993 b).

Le troisième apport, corrélatif du précédent, est la place donnée par l'ergonomie aux acteurs et à leurs savoirs dans la production des connaissances et la construction des propositions de transformation, qui pose autrement la question des rapports sociaux dans l'entreprise et celle de la participation des travailleurs et, plus largement, sur le plan épistémologique, la question de la légitimité des savoirs d'origine différente. Cette dernière question est, du reste, devenue d'actualité dans plusieurs disciplines qui s'intéressent aux rapports entre savoirs théoriques et savoirs d'action sous quelques formes qu'en prenne la formulation.


Les apports de la sociologie
à l'ergonomie

La sociologie, à son tour, fait des apports à l'approche ergonomique. Pour l'ergonome, ces apports se situent principalement dans une contextualisation plus large des questions de recherche, dans leur analyse comme construction sociale, et dans la contribution à un retour réflexif sur les pratiques des ergonomes, qu'il resitue dans le jeu des interactions à l'œuvre dans l'entreprise. Pour le sociologue, la sociologie permet d'aborder la réalité sociale, qui porte le terrain d'observation de l'ergonome, comme le produit d'une construction sociale. Elle offre aussi un cadre d'analyse théorique et méthodologique permettant de passer de résultats d'enquêtes qualitatives ou d'études de cas à un ensemble plus large, d'une application fructueuse aux travaux ergonomiques.

Pour l'ergonome.

L'approche sociologique enrichit l'analyse ergonomique sur cinq points :

Le premier est d'offrir une « mise en contexte large »permettant de relativiser et d'apprécier le degré de généralisation possible de résultats issus d'études de cas et de situations localisées et ainsi, de pouvoir comparer les situations : soit un point de vue « grand angulaire » ou « télescope », par rapport au point de vue « zoom » ou « microscope » ou encore « loupe », qui serait celui de l'ergonome [12].

Le second est la possibilité d'analyse des « causes lointaines », historiques et/ou socio-économiques (une approche macro, même s'il existe maintenant aussi une macro-ergonomie) ouvrant à une compréhension plus large des facteurs en jeu, par exemple les aspects sociaux de la santé au travail par rapport à l'aspect strictement biomédical traditionnel (ainsi, un changement de politique publique sur l'organisation des soins à domicile affecte directement la charge de travail des agents et se répercute sur leur état de santé, cf. DAVID, CLOUTIER, TEIGER, PRÉVOST, 2000)

Le troisième est l'ouverture vers une interprétation non naturaliste des phénomènes rencontrés, avec des notions telles que la « construction sociale » des phénomènes, celle des technologies en particulier (FREYSSENET, 1992), et/ou celle des « rapports sociaux de sexe » se manifestant dans les caractéristiques du travail féminin (KERGOAT, 1982), etc... très éclairante à la fois pour le diagnostic et pour les propositions à élaborer. Par ailleurs, pour l'ergonome, peut-être du fait de son héritage expérimental, la tentation de « naïveté sociale » est toujours présente. Cette relative « ignorance » des rapports sociaux, enjeux, statuts, alliances, conflits et négociations, qui peut être intentionnellement feinte, peut aussi constituer un handicap sur le terrain et dans l'interprétation des résultats. Elle provoque souvent le soupçon des sociologues [13].

[20]

Le quatrième point a trait aux outils proposés par la sociologie pour analyser les évolutions de l'organisation du travail, des modèles sous-jacents aux pratiques gestionnaires, pour repérer les déplacements des enjeux, des acteurs, des lieux de décision, dont l'ergonome ne perçoit que des traces et des effets pratiques au plan de l'activité, et dont la signification est parfois ininterprétable dans un contexte trop restreint.

Le cinquième apport se situe sur un autre plan, celui de l'activité réflexive que les ergonomes tentent de mener sur leurs propres pratiques (DANIELLOU, 1992 ; LAMONDE, BEAUFORT, 2000). L'analyse sociologique peut aider à situer l'intervention ergonomique elle-même dans le système des relations de travail et à réfléchir sur le rôle joué, dans la dynamique de ce système, par les intervenants et leurs pratiques, en interaction avec les acteurs de J'entreprise ou les acteurs institutionnels (RICHARD et BEDR, 1990).

Enfin il faut souligner, comme cela a été mentionné pour l'évolution de la sociologie, que les évolutions récentes de l'ergonomie montrent une ouverture à des thèmes considérés, pendant long temps, « hors champ » comme on l'a dit supra, et appartenant au domaine de la sociologie, tels le travail collectif, par exemple (BENCHFKROUN et WEILLF-FASSINA, 2000). Les ergonomes s'engagent de plus en plus, avec leurs outils, dans l'analyse des pratiques d'organisation du travail, de la gestion du temps de travail, des conséquences du statut d'emploi etc. Mais un tel bilan déborde le cadre de ce papier.

Pour le sociologue...

Deux caractéristiques principales de l'approche sociologique peuvent constituer des apports à l'ergonomie. La première est que la sociologie, abordant toute réalité sociale comme le produit d'un processus permanent de construction sociale, a développé une compréhension systémique des conditions sociales dans lesquelles se déroule l'activité réelle, conditions qu'elle estime structurée par des rapports sociaux au sein desquels les rapports de pouvoir pèsent lourd.

Au sujet du travail, outre des cadres conceptuels et des outils analytiques spécifiques pour saisir les rapports sociaux de production, la sociologie est également en mesure d'incorporer des analyses qui permettent de comprendre la complexité de rapports de travail modelés par d'autres rapports sociaux qui se manifestent, par exemple, par un traitement différentiel de certaines catégories de main-d'œuvre caractérisée par leur âge, leur sexe ou, encore leur origine ethnoculturelle (DAVID, 1994 ; DEX et PHILLIPSON, 1986 ; KERGOAT, 1982 ; TEAL, 1986 ; MARUANI, 1989 ; WALKER, 1996). Elle peut ainsi faire le lien entre les caractéristiques d'un milieu particulier de travail et des rapports sociaux qui caractérisent un certain milieu social ou toute une société et qui se concrétisent, par exemple, par des politiques et pratiques gouvernementales.

Ainsi, les travaux de M. MARUANI (DECOUFLE et MARUANI, 1987 ; MARUANI, 1989 ; MARUANI et REYNAUD, 1993) défendent l'idée que le statut d'emploi structure le statut au travail et qu'à son tour, le statut au travail structure le statut social. Cela incite à porter attention au fait que les conditions de travail des salariées, à formation et expérience égales, vont varier selon le statut d'emploi : une personne à temps partiel ou à contrat à durée déterminée pourra ainsi faire le même travail qu'une autre à contrat à durée indéterminée (CDI) et/ou à temps plein, mais sans qu'on lui reconnaisse la même qualification (et donc les mêmes salaire et avantages sociaux). Ou encore, la qualification peut être la même, mais on ne lui fera pas faire le même travail ou il devra être exécuté dans des conditions plus pénibles. Cette distinction des conditions d'emploi de celles du travail constitue une clé importante pour comprendre les mécanismes systémiques de discrimination à l'égard des femmes, des jeunes ou encore des membres de communautés ethno-culturelles.

Le second apport vient des efforts réalisés au cours des dernières décennies au plan de la systématisation théorique et méthodologique des conditions qui permettent la généralisation des résultats d'enquêtes qualitatives ou d'études de cas à des ensembles plus larges. Ils ont contribué à légitimer ce type de recherches en sociologie, peu reconnu et difficile à faire subventionner ainsi qu'à son essor... On en a énoncé les fondements épistémologiques et on les a articulés à une type de théorie descriptive, à sa validité et à sa fiabilité en explicitant les règles d'un mode d'emploi. Celles-ci recouvrent tant la représentativité des cas, la cueillette, la gestion et le traitement de données de sources diverses, l'administration de la preuve, la construction inductive de l'explication, que le rôle de l'écriture (DENZIN, 1978 ; HAMEL, 1997 ; YIN, 1994).

Bien que les recherches inspirées de l'approche par étude de cas soient très fréquentes en ergonomie et que les exigences méthodologiques de ce type de protocole de recherche soient l'objet de préoccupations méthodologiques, celles-ci sont encore exceptionnellement formalisées (LEPLAT, 2002) ; ces outils sociologiques récents semblent pouvoir lui être un apport précieux.

À l'issue de cet inventaire partiel, on constate que des convergences se font jour entre les domaines abordés par la sociologie et l'ergonomie. Il semble [21] qu'il existe aujourd'hui, dans le domaine du travail, a minima une certaine interdisciplinarité du champ, au-delà des « interdits » précédents, mais aussi qu'il s'est produit ces dernières années une certaine circulation des concepts et des méthodes, chacune des disciplines gardant ses cadres de référence et son centre de gravité. De nombreuses occasions de rencontre ont été suscitées. La pratique de l'interdisciplinarité, plus que jamais nécessaire en raison de la complexification croissante des « problèmes » du travail, et présentant, dès lors, des avantages reconnus, devrait en être facilitée, mais à quelles conditions théoriques et pratiques ? Revenir sur des travaux plus généraux sur les rapports entre les disciplines nous a semblé utile à cette étape, pour mieux situer notre réflexion.

Retour sur l'interdisciplinarité,
ses pratiques et ses conditions

Il semble avoir existé un courant ancien de valorisation des rapports entre les disciplines appartenant aux sciences humaines et sociales et aux sciences de la vie, qui disparaît et resurgit régulièrement, avec une très grand flottement dans les définitions : inter-, pluri-, multi- disciplinarité ? Ce que recouvrent ces notions voisines a évolué au cours du temps et n'est sans doute pas absolument équivalent chez tous ceux qui en parlent et les prônent, mais les pratiquent encore rarement. Pourtant, depuis quelques années, les discours sur ce thème se sont multipliés tant il est maintenant assez largement reconnu qu'aucune discipline ne peut rendre compte, à elle seule, des phénomènes qu'elle se donne pour objet, ce que d'aucuns proclamaient depuis longtemps, tels le psycho-biologiste Jean PIAGET disant en 1940 : « Aucune forme de pensée, à quelque niveau qu'on la considère, n'est capable d'embrasser simultanément en un tout cohérent la totalité du réel ni de l'univers du discours ». D'où la constatation que les avancées scientifiques se font souvent « aux marges, aux interfaces entre les disciplines » (SALOMON-BAYET, 1992).

En 1924 déjà, Marcel MAUSS déclarait, dans une communication à la Société de Psychologie, à propos des relations entre sociologie et psychologie que « c'est aux confins des sciences, à leurs bords extérieurs, aussi souvent qu'à leurs principes, qu'à leur noyau et à leur centre, que se font les progrès » (p. 290) et il proposait comme objet de recherche commun « l'étude de l'homme complet, concret » (p. 304). Mais les termes employés par M. MAUSS dans son argumentation sont remarquables de la façon dont il concevait les choses à cette époque d'émergence de la sociologie en France. Il ne parle pas d'inter- ou de multi- ou de trans-disciplinarité, mais bien des « rapports réels et pratiques de la psychologie et de la sociologie » . Or, c'est la défense du territoire qui semble être le sujet sensible et les rapports souhaités se bornent à des propositions d'échanges de « services » permettant à chacune des disciplines de faire avancer ses « propres attelages » à condition de s'engager à respecter les « bornes » et à éviter « incursions » et « conflits » [14]. Il n'est pas du tout question de collaborer.

Les choses ont évolué, et certains historiens des sciences ou épistémologues semblent déceler actuellement « une nouvelle ouverture entre disciplines » qu'on peut opposer, selon DOSSE (1995), à « l'éthique du conflit qui caractérisait l'époque antérieure », car « chaque discipline se pense désormais comme une modalité particulière d'explication et non pas comme un moyen de dépasser les erreurs des autres » [15]. Pour cet auteur, l'époque des années quatre-vingt marque un tournant et « semble se caractériser par une série de réconciliations » [16]. La raison en serait la crise du déterminisme qui a touché aussi bien les sciences dures que les autres et à qui l'on doit le « développement d'une logique de l'indétermination » propice a « l'établissement d'un nouvel équilibre entre la compréhension philosophique de l'action humaine et l'explication scientifique des comportements »(JOURNET, 1995, p. 42) [17].

[22]

Mais la question reste posée au plan des pratiques : quelles collaborations possibles entre disciplines, et quelles en sont les conditions de faisabilité satisfaisantes pour tous ? L'inventaire des apports réciproques de l'ergonomie et de la sociologie que nous avons amorcé peut évidemment s'appliquer de manière réflexive au projet d'élaborer des pratiques de recherche interdisciplinaire. C'est ce que nous tenterons de faire en précisant quelles sont les conditions de pratique qui, à notre avis, permettent et favorisent l'avancement d'une réelle interdisciplinarité.


Quelle définition pour quelle pratique ?

La question de la dénomination d'une telle pratique n'est pas la moindre, même si ce n'est pas central dans notre propos. Il est clair que les termes ne sont pas fixés. Par exemple, à la demande de Maurice de MONTMOLLIN (2001, p. 31), le logicien Jean-Blaise GRIZE se risque à préciser le type de rapports possibles entre disciplines et propose « trois approches dont chacune a sans doute ses mérites. On peut :

- examiner le sujet du point de vue de chacune des disciplines séparément : multi-disciplinarité ;
- emprunter les principes communs à plusieurs d'entre elles : trans-disciplinarité ;
- partir des activités de pensée sous-jacentes à toutes les disciplines : inter-disciplinarité ».

Aucune de ces définitions n'évoque véritablement la collaboration entre les disciplines, c'est-à-dire un travail en commun sur un objet commun qui ne soit pas seulement une juxtaposition de résultats issus des différentes approches, mais une intégration résultant des échanges théoriques et méthodologiques et, surtout, d'une pratique commune à certains moment, et qui soit l'occasion de construire et d'expérimenter une approche nouvelle pour chacun.

C'est ce que nous tentons de faire, dans la recherche sur les soins à domicile exposée ici que nous appelons « interdisciplinaire ». Sur la figure 1 (cf. p. 24) apparaît schématiquement l'apport de chaque discipline représentée dans l'équipe (sociologie, ergonomie, statistique épidémiologique), à différents niveaux d'analyse et le produit central : le modèle (provisoire) de notre objet d'étude commun, l'activité de travail des personnels de soin en relation avec les différents éléments de l'environnement (DAVID, CLOUTIER, TEIGER, PRÉVOST, 2000).

Cette conception de l'interdisciplinarité est partagée actuellement par des auteurs appartenant à d'autres champs disciplinaires. Ainsi on trouve, chez VAN DUSSELDORP (1992), les six critères suivants pour la caractériser :

  • l'étude d'un même objet
  • simultanément
  • par des représentants de disciplines différentes
  • qui travaillent en étroite collaboration
  • et qui échangent constamment des informations
  • en vue d'aboutir à une analyse intégrée de l'objet en question.

C'est un point de vue voisin qu'exprime aussi GODELIER (2000), à propos de l'interdisciplinarité qui, selon lui, « naît de la coopération entre plusieurs disciplines qui s'attellent à l'analyse d'une même réalité » » (p. 16) et « ne peut se construire qu'à partir d'un travail d'équipe de chercheurs pratiquant des disciplines distinctes sur la base d'un présupposé évident, à savoir qu'aucune approche spécialisée n'épuise la connaissance d'un objet, d'une réalité ».


Quelles conditions nécessaires,
sinon suffisantes, pour une collaboration satisfaisante ?

Les conditions nécessaires sont de deux ordres conditions structurelles externes institutionnelles et conditions fonctionnelles internes à l'équipe de recherche.

Conditions structurelles externes

Des conditions structurelles externes, d'ordre organisationnel et institutionnel, apparaissent indispensables pour mener un travail interdisciplinaire sérieux.

La première condition a trait à la reconnaissance par les institutions gestionnaires de la recherche et autres bailleurs de fonds, de la pertinence et de la nécessité de travaux interdisciplinaires et du respect de l'autonomie des chercheurs dans le développement de ces projets.

Mais il importe de bien saisir comment les facteurs institutionnels externes au champ du savoir affectent les possibilités de réalisation de projets interdisciplinaires. Par exemple, depuis environ une décennie au Canada et au Québec, les principaux organismes subventionneurs ont restructuré profondément leurs politiques et leurs pratiques de financement de la recherche. Celles-ci sont maintenant davantage axées sur la « solution de problèmes » ou sur des objectifs de développement assez précis. À cette fin, on encourage la création de réseaux de recherche interdisciplinaires et inter-universitaires sur des problématiques spécifiques relativement larges pour lesquelles on tend, de plus en plus, à ne reconnaître (et financer) qu'un seul réseau. Cette reconnaissance officielle de l'interdisciplinarité est cependant paradoxale. La pression aux regroupements en réseaux accorde aux porteurs des problématiques [23] dominantes des moyens considérables et, donc, une capacité accrue d'imposer leur vision tant à l'intérieur de leur réseau qu'à l'extérieur. Les chercheurs qui souhaitent poursuivre leurs travaux à l'extérieur de ces réseaux, entre autres à cause de conceptions scientifiques différentes des questions à l'étude et de choix d'autres types de méthodologies, risquent de voir se tarir considérablement le financement de leurs recherches. N'étant pas généré par le processus de recherche, mais plutôt imposé hors contexte, ce mode d'interdisciplinarité, fortement structuré par des rapports de pouvoir à l'intérieur des champs de recherche, prend un tout autre sens, comme le souligne HAMEL (1999), référant à un certain discours qui vise à soumettre la production du savoir à des considérations économiques.

La seconde est le respect, par les mêmes instances, de la dimension temporelle de ce type de pratique de recherche collective : la durée nécessaire à l'acculturation réciproque, à la maturation de la confrontation conceptuelle et de l'élaboration collective d'une pratique nouvelle pour chacun, à la production de résultats intégrés et, enfin, à l'activité réflexive de chacun et de tous qui permet de capitaliser l'expérience et transforme, en retour, les approches disciplinaires. Une telle pratique est très chronophage à court terme mais très bénéfique à moyen et long terme.

La troisième condition est en partie liée à la précédente, il s'agit de l'existence de lieux d'échanges, de reconnaissance, de valorisation des productions dans lesquels l'interdisciplinarité aurait un droit de cité complet, au-delà des déclarations d'intention qui ne se traduisent pas en décisions concrètes (soutien à la création et stabilité suffisante des équipes, ouverture des supports de publication, reconnaissance des contraintes spécifiques de ce type de pratique scientifique dans l'évaluation des chercheurs, des projets ou des équipes, notamment de la temporalité différente de celle de la plupart des recherches disciplinaires...).

Sur ce plan, il reste bien du chemin à faire, en France du moins, et subsistent encore bien des risques d'exposition aux « cordes de rappel disciplinaires » (VINCK, 1992, p. 154) et MONTMOLLIN n'hésite pas à écrire, de façon polémique, en 2001 : « En France (...), l'appartenance disciplinaire procède de réglementation quasi juridique. Les comités (...) défendent férocement leurs territoires (...), les immigrés sont mal considérés. Les batailles deviennent sanglantes lorsqu'il s'agit de se partager les subventions ... » (p. 30).

Il s'agit, là, de questions touchant le fonctionnement des institutions qui sont à la fois « un lieu et du temps » et dont la vertu est (ou devrait être) d'accepter d'abriter ce qui n'est pas encore défini (SALOMON-BAYET, 1992, p. 131). En particulier il serait nécessaire de soutenir une ouverture encore plus large de la coopération interdisciplinaire dans le champ du travail, bien au-delà de l'ergonomie et de la sociologie, comme certains tentent de le faire déjà empiriquement avec la linguistique, l'économie et les sciences de la gestion, la psychologie et la psycho-dynamique du travail, les sciences de l'éducation, la recherche évaluative, l'anthropologie, le droit et même la philosophie morale et l'éthique qui seraient utiles, pour comprendre, par exemple, les questions qui se posent de manière spéciale dans le secteur des soins aux personnes [18].

Outre l'énoncé de ces conditions, il y a aussi lieu d'identifier un certain nombre de facteurs institutionnels actuels, mais porteurs de certaines traditions qui se sont cristallisées, afin de mieux cerner certains éléments qui facilitent ou font obstacle à des échanges et des collaborations interdisciplinaires. Nous prendrons ici l'exemple de la situation québécoise pour laquelle il serait intéressant d'approfondir l'analyse, afin de vérifier si certains constats sur le vif sont bien fondés.

Ainsi, il semble qu'un certain nombre de facteurs qui caractérisent la situation de la sociologie du travail, notamment une place beaucoup moins importante qu'en France, facilitent ou non les échanges et la réalisation de projets interdisciplinaires. Historiquement, la sociologie du travail n'a jamais été une spécialisation majeure dans les unités d'enseignement universitaires du Québec ; de plus, une tendance centrifuge s'est manifestée par l'embauche de sociologues dans des unités d'enseignement ou de recherche autres que les départements de sociologie (relations industrielles, gestion, santé au travail, syndicalisme) et plus proches de la pratique et de l'intervention, donc plus sensibles à la pertinence de l'interdisciplinarité. Cela a cependant entraîné une certaine perte d'influence des paradigmes de la sociologie du travail à l'intérieur même de la discipline et des départements de sociologie.

Par ailleurs, on peut aussi noter que le poids relatif des champs d'enseignement et de recherche en sociologie a considérablement évolué depuis les années soixante, alors que la sociologie du travail commençait à faire sentir sa présence. Depuis environ deux décennies, la sociologie de la santé a pris

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Figure 1


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une place considérable, ce qui n'est pas sans lien avec les hausses importantes des coûts des soins de santé ; s'ajoute maintenant un renouveau d'intérêt pour les rapports interculturels, certainement lié à l'essor des mouvements migratoires et à ce que qui est perçu comme des « problèmes d'intégration sociale ». La sociologie du travail a connu un certain déclin. Il se manifeste concrètement par plusieurs indices tels que le financement de la recherche, le volume de recherches, les programmes et postes universitaires, la diplômation de 2e et 3e cycle (LEGENDRE, 1997). La place du travail et de l'emploi, à l'intérieur de ces problématiques, est colorée par des préoccupations instrumentales. Ces différents facteurs constituent sans doute des incitations pour les sociologues du travail à développer des alliances avec celles et ceux qui oeuvrent dans les autres sciences du travail.

[25]

Du côté de l'ergonomie québécoise, des facteurs un peu différents contribuent également, pourrait-on croire, à inciter les chercheurs à s'intéresser davantage aux autres sciences du travail et à réaliser des projets interdisciplinaires. Notons, en particulier, la faible autonomie institutionnelle de l'ergonomie, qui est enseignée à l'université au sein d'unités disciplinaires très diverses (biologie, kinanthropologie, sciences de la gestion, sciences administratives, relations industrielles, génie...) ainsi que l'absence d'un programme de doctorat. En recherche, une certaine concentration des ergonomes à l'Institut de Recherche sur la Santé et la Sécurité du Travail (IRSST) qui a une mission de prévention à l'égard des lésions professionnelles, soulève la question de la place de cette science du travail qui se focalise sur l'activité humaine dans un milieu de recherche très axé sur les dispositifs techniques et où, concernant l'humain, les modèles dominants sont issus de l'épidémiologie.

Par contre, l'interdisciplinarité est un thème de réflexion très actuel dans l'institution IRSST (PRADETTE, 2002) qui a récemment organisé deux rencontres sur le sujet [19].

Enfin, pour conclure sur ce point des conditions institutionnelles, il conviendrait peut-être de s'interroger plus largement, à la suite de VINCK (1992, p. 160) dans son bilan des pratiques d'interdisciplinarité soutenues par le PIRTTEM-CNRS [20], sur la pertinence actuelle de la référence disciplinaire : « rien n'est moins évident que la discipline soit une référence pertinente. Ne faudrait-il pas alors pratiquer une certaine forme d'in-disciplinarité ? En fait la clôture (disciplinaire) va de pair avec l'ouverture et c'est plutôt dans un système d'équilibre et de tensions dynamiques que toute démarche scientifique se situe ».

Conditions fonctionnelles internes à l'équipe

La première des conditions pour qu'une coopération interdisciplinaire soit fructueuse est encore évoquée par GODELIER (2000, p. 16) quand il précise à propos de son « travailleur collectif à tête et bras multiples » [21] déjà évoqué : « je ne veux pas dire que tout est dans tout mais le contraire, que chacun doit savoir quelle est sa part et savoir la faire ». Chacun doit posséder la maîtrise de sa discipline et avoir conscience de ses potentialités mais aussi de ses limites conceptuelles et/ou méthodologiques.

L'objectif, en effet, n'est pas que chacun devienne « interdisci­plinaire », ce qui est ni possible ni même souhaitable mais que chacun devienne « multi-cultivé » (GODELIER, 2000, p. 13). C'est la seconde condition pour qu'un minimum de compréhension mutuelle puisse s'établir. Cette exigence d'acculturation réciproque est unanimement soulignée dès qu'il s'agit d'interdisciplinarité, afin de « ne pas être un autodidacte dans la discipline des autres » (SALOMON-BAYET, 1992), pour pouvoir communiquer et confronter efficacement notions et démarches et pouvoir faire un retour sur sa propre discipline pour la faire évoluer. Il s'agit de construire un dispositif informel d'apprentissage collectif réciproque.

On rencontre alors immédiatement la pierre d'achoppement du langage, pour ne pas dire du jargon interne à chaque communauté. Il n'existe pas, à notre connaissance de lexique des sciences du travail et d'une discipline à l'autre et même à l'intérieur d'une même discipline, chacun ne donne pas forcément la même signification aux mêmes mots ou dénomme différemment une même réalité. On l'a bien vu à propos de la confrontation interdisciplinaire autour du concept de travail (PIRTTEM, 1992) ou, lors de ces journées, à propos des usages « discutés » de concepts migrateurs ou « nomades »(STANGERS, 1987), tels que régulation, représentation, stratégie, etc... ou de concepts-valise, comme l'actuel omniprésent « compétence ». Un énorme travail reste à faire pour clarifier de telles notions et pouvoir se comprendre et en débattre sans vouloir parvenir à une définition commune et consensuelle ! En revanche, il est évident que de nouvelles notions intégratrices ont été forgées à partir des expériences variées de confrontations interdisciplinaires des dernières années, outre celles de la sociologie et de l'ergonomie, et dont il serait intéressant de faire un bilan comme l'a fait récemment le réseau « Langage et Travail » (BORZEIX et FRANKEL, 2001).

Outre ces considérations générales, il existe d'autres conditions de fonctionnement interne pour une équipe interdisciplinaire, telles que fonder la coopération sur une logique de l'échange et une « éthique du respect de la différence », selon l'expression de VINCK (1992, p. 152), à l'opposé de l'idéologie de la [26] hiérarchie des disciplines, et reconnaître l'importance de la composante relationnelle liée au degré de confiance et d'affinité entre les personnes impliquées. Ceci influe sur « la capacité à construire un consensus sur des objectifs ou sur des mécanismes de régulation », comme le note encore VINCK (1992, p. 10) qui rappelle un constat déjà formulé dans les années cinquante (WOHL, 1955) : « le succès de la recherche interdisciplinaire dépend autant de la « synchronisation des concepts et des modèles que de celle des humeurs et affinités sociales des chercheurs ». Et il conclut : « l'interdisciplinarité n'est donc pas seulement une question d'épistémologie ; il convient de ne pas oublier que l'identité des chercheurs se joue aussi dans ces pratiques ».

Pour notre part, lors du bilan de notre recherche exploratoire interdisciplinaire (DAVID et al., 2000), nous avons insisté aussi sur la dimension de plaisir dans le travail, pour ne pas dire de jubilation, si l'on en croit SALOMON-BAYET (1992, p. 130), commentant l'interdisciplinarité dans les travaux du PIRTTEM, déjà cités : « tout chercheur jubile, avant même le temps de la synthèse, de la multiplication des points de vue sur l'objet de la recherche », et ceci est loin d'être négligeable !

Au sujet des facteurs institutionnels internes au champ du savoir qui facilitent ou font obstacle au développement d'initiatives interdisciplinaires, il y aurait lieu, à l'aide de branches de la sociologie autres que celle du travail (sociologie des sciences, des groupes professionnels), de pousser plus loin la réflexion à partir d'une problématique des conditions de production des connaissances.

Enfin, il faudrait également, au cours d'un projet, réfléchir aux pratiques réflexives concrètes à développer simultanément au déroulement de la recherche. Il serait nécessaire d'identifier, de noter, de discuter, d'analyser différents événements, épisodes, questions qui mettent au jour, souvent soudainement et de façon inattendue, les différences d'approche à plusieurs niveaux et qui exigent des prises de décisions afin de poursuivre le travail (VÉZINA et STOCK, 1999) et en faire un élément constitutif du projet.

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L'interdisciplinarité en actes, dans le domaine des recherches sur le travail en est encore à ses premiers balbutiements. Beaucoup sont convaincus qu'il s'agit là d'une approche indispensable à l'heure actuelle, et non seulement d'une mode (PRADETTE, 2002), pour que les recherches contribuent à l'élaboration de solutions aux problèmes qui, à l'instar d'autres sciences humaines et sociales et « contrairement à ce qui se passe pour les recherches en mathématiques », par exemple, « qui n'ont de compte à rendre qu'à la théorie à laquelle elles se réfèrent, doivent en rendre compte à la réalité du monde » (BAILLY, 1990).

En particulier dans le domaine du travail, l'intégration des approches est cruciale pour comprendre et non seulement expliquer les phénomènes. Comme on l'a déjà souligné, les approches macro d'une certaine sociologie saisissent bien les grandes tendances, les causes lointaines et les aspects collectifs significatifs, mais permettent souvent de « constater » sans expliquer. Les approches très micro comme celle de l'ergonomie, de leur côté, qui s'attachent aux facteurs proches risquent de se perdre dans les détails de l'activité immédiate, de ne pas voir suffisamment les relations avec des choix organisationnels, politiques et économiques et de ne pas pouvoir anticiper les conséquences des évolutions en cours.

Mais l'interdisciplinarité en actes ne se fait pas toute seule, par simple bonne volonté. Ce type d'approche nécessite des conditions personnelles et institutionnelles pour que la rencontre entre représentants de disciplines différentes se transforme en processus commun d'apprentissage collectif et continu, aboutissant à un résultat qui soit davantage et autre chose que la somme de ce que chacun aurait produit isolément. De ce point de vue, il est nécessaire d'élargir encore la palette des disciplines en collaboration, et de réfléchir sur la façon d'intégrer les résultats provenant des différentes approches pour les rendre accessibles aux acteurs concernés.

Enfin il est nécessaire de continuer de faire de l'interdisciplinarité un objet de recherche, à un niveau méta-, c'est-à-dire en menant une activité réflexive sur les expériences en cours, en recueillant si possible, en parallèle à la recherche, des données sur « l'interdisciplinarité en train de se faire ». On pourrait ainsi espérer aller plus loin que ce que permet une réflexion a posteriori et saisir, entre autres, les moments de confrontation potentiellement conflictuelle et d'élucidation de ce que l'on a appelé les « arêtes ». La question du renouvellement des concepts et des méthodes de chacun se trouve ainsi posée.

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* Ergonome, CNRS-CNAM, Paris. Email : teiger@cnam.fr

** Sociologue, GRASP, Université de Montréal, Montréal.

Email : helene.david@videutron.ca

[1] L'Ergonomics Research Society est née en 1949, la Société d'Ergonomie de Langue Française date de 1963.

[2] Pour POPPER, '"le seul moyen d'accéder à la science, c'est de rencontrer un problème, d’être frappé par sa beauté, d'en tomber amoureux, de lui faire des enfants-problèmes, de fonder une famille de problèmes..." (in LAZAR, 2001, p. 61).

[3] Machines de guerre d'abord (conduite des avions de chasse, des radars de sous-marins) et machines civiles ensuite, dans la période de la reconstruction et de la modernisation industrielle d'après-guerre en Europe.

[4] L'analyse du travail est un héritage des psychologues industriels des années trente qui proclamaient déjà : "l'analyse du travail est la chose la plus longue et la plus difficile car c'est elle qui pose avec précision le problème scientifique pour celui qui cherche. Prétendre pouvoir résoudre un problème (sans l'analyse préalable du travail reviendrait à prescrire des médicaments à un malade sans l'avoir examiné" (LADY, 1933, in RESCHE-RIGON, 1984).

[5] Ce débat n'est pas propre à l'ergonomie, comme en témoigne encore l'ethnologue GODELIER (2000, p. 15) qui défend les recherches en sciences sociales qui, selon lui "appartiennent dès le départ à la sphère de la recherche fondamentale. Elles peuvent avoir des applications mais elles ne sont pas fondamentalement motivées par cela" et il ajoute “car il n'existe pas véritablement de recherche appliquée mais il existe des applications de la recherche". Les "retombées" sont un objet de réflexion d'actualité pour certains chercheurs en sciences sociales qui fournissent divers modèles de ce qu'ils appellent les recherches sociales appliquées (RSA, cf. DAVID et CARPENTIER-ROY, 2000).

[6] Cf. L'opinion condescendante des sociologues des années soixante-dix sur l'ergonomie, évoquée par Annie BORZEIX (2003), dans son article, du fait de l'orientation exclusive de l'ergonomie vers l'analyse du "contenu" du travail avec des "objectifs immédiats et modestes" et "d'atténuer les souffrances et d'améliorer l'ordinaire", objectifs taxés par certains alors de réformisme.

[7] Ce qui peut expliquer sans doute, en partie, la non participation de la sociologie et de l'économie du travail à la création de l'ergonomie, en France du moins, alors que plus tard des sociologues d'origine se sont même formés en ergonomie.

[8] Réflexion en cours, loin d'être complète....

[9] Ceux-ci complètent l'article que nous avons signé avec E. CLOUTIER dans ce même numéro, qui documente de manière détaillée, sur certains points particuliers, ce processus d'élaboration conjointe.

[10] Ce qui est pertinent et nécessaire, mais qui ne doit pas occulter la nécessité de connaître le travail réel, toujours autre que le travail prescrit.

[11] Il serait fort intéressant de faire l'inventaire des recherches sociologiques antérieures ce type de recherches inspirées de l'ethnologie ou, plus spécifiquement, des travaux de l'École de Chicago, et qui ne se limitent certainement pas à celles de D. Roy, M. BURAWOY ou BEAUD et PIALOUX, plus connues ; mais cela dépasse le cadre de notre propos actuel.

[12] "L'ergonome est myope", se plaît à dire avec humour M. DE MONTMOLLIN, (1984). Pour nous, il s'agit plutôt des propriétés de l'instrument choisi (la loupe en l'occurrence) que des caractéristiques essentialistes de celui qui regarde.

[13] Ainsi Marcelle STROOBANTS (1992, p. 35), conteste le "modèle du travailleur" sous-jacent à certains travaux d'ergonomes qui le représenteraient comme "plutôt bon et docile sujet expérimental" que salarié manipulé par une politique patronale réfléchie" car, selon elle, "les ergonomes, forgés aux sciences fondamentales et donc plongés dans les ressorts de l'être (psychologique et physiologique) du travailleur, l'ouvrent éventuellement sur les facteurs physiques de l'environnement comme si l'être social et ses déterminants ne pouvaient qu'échapper".

[14] Dans son allocution adressée aux psychologues, M. MAUSS s'emploie d'abord, avec beaucoup de prudence, à les rassurer sur ses intentions : "Mais n'ayez crainte. Nous sommes les premiers, ayant le sens du droit, à vouloir respecter vos bornes" puis se demande "quelles sont les collaborations à rechercher, et quels conflits éviter quelles incursions des uns sur le terrain des autres devons-nous nous épargner ?" (p. 284), et il se défend d'évoquer les questions qui risquent de fâcher : "Et comme je ne pose pas la question de méthode, celle des points de vue où nous pouvons et devons nous opposer, mais comme je pose la question des faits communs à l'étude desquels nous devons collaborer à divers points de vue, marquer ces confins, c'est déjà dire où on peut désirer voir se diriger nos recherches" (p. 290). Il intitule ensuite ses différents chapitres : "Services récents rendus par la psychologie à la sociologie" (p. 291) puis '"Services à rendre par la sociologie à la psychologie" (p. 298) et, enfin, il aborde les questions à lui poser en s'adressant ainsi à la psychologie : "Quelles questions avons-nous à vous poser (...) sur lesquelles nous attendons vos progrès pour pouvoir à notre tour faire avancer nos propres attelages ?"

[15] Cf. l'expression similaire de J.-C. PASSERON (1996), cité par A. BORZEIX (2003), qui parle, lui, du "dégel des frontières disciplinaires".

[16] L'auteur parle d'une série de réconciliations telles que : réconciliation du sujet avec lui-même, de l'individu avec la société, et enfin réconciliation entre méthodes, disciplines et modalités du savoir" (JOURNET, 1995, p. 42).

[17] De son côté et de son point de vue composite d'homme de lettres, sociologue, éditeur, fonctionnaire international, Roger CAILLOIS (1913-1978) proposait une "théorie des regards obliques", consistant à croiser les sciences entre elles pour mieux comprendre les mécanismes de l'imaginaire (RABOURDIN et STERN, 1999).

[18] Ces dimensions sont nécessaires pour aborder la façon dont les "dilemnes éhiques" (MUNOZ-DARD, 1998, p. 97) des soignants se traduisent dans leur activité et les conséquences sur leur santé et les collectifs de travail.

[19] L'une de ces journées, à l'initiative d’Esther CLOUTIER a réuni (en juillet 2000) des chercheurs québécois des unités "Organisation du travail", "Ergonomie" et "Sécurité de l'IRSST et d'autres centres de recherche et d'enseignement et des ergonomes français participant, par ailleurs à un colloque interdisciplinaire dans le cadre du programme franco-québécois sur le vieillissement au travail ; l'autre (printemps 2002) s'adressait à l'ensemble des chercheurs en Santé et Sécurité du Travail du Québec.

[20] Programme Interdisciplinaire de Recherche sur Technologies, Travail, Emploi et Modes de Vie, mis en place par le CNRS en 1984 et supprimé en 1992. Un colloque de bilan des actions soutenues "Travail : Recherche et Prospective" a eu lieu à Lyon, du 30 novembre au 2 décembre 1992.

[21] Peut-on imaginer une métaphore hardie de l'interdisciplinarité vue comme un être hybride moitié Hydre de Lerne, moitié pieuvre ?



Retour au texte de l'auteure, Mme Hélène David, sociologue Dernière mise à jour de cette page le dimanche 20 janvier 2013 18:27
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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