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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Hélène David et Christian Payeur, “Différences et similitudes entre les enseignantes et les enseignants des commissions scolaires.” In Revue des sciences de l'éducation, vol. XIX, no 1, 1993, p. 113 à 131. [Autorisation accordée par l'auteure le 30 janvier 2013 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales]

[113]

Hélène DAVID

chercheure, Université de Montréal

et Christian Payeur

responsable, Service de la recherche, Centrale de l'enseignement du Québec

Différences et similitudes
entre les enseignantes
et les enseignants
des commissions scolaires
.”

In Revue des sciences de l'éducation, vol. XIX, no 1, 1993, p. 113 à 131.

Résumé
Introduction
Situation et cheminement professionnels
Situation domestique, conjugale et familiale
Évaluation de la situation professionnelle
Les aspirations et les projets
Conclusion

La production d'un savoir propre par la pratique du métier
L'absence de hiérarchie professionnelle
Des effets de cohorte appelés à s'estomper
Les particularités du milieu de l'enseignement pour les femmes
Abstract / Resumen / Zusammenfassung
Références


RÉSUMÉ

— Les données d'une enquête auprès du personnel enseignant (N = 1 700) permettent de vérifier certaines hypothèses en ce qui a trait aux comportements des femmes et des hommes au travail. L'analyse met en relief certains points de convergence et de divergence. Dans ce milieu où les femmes sont majoritaires et font sensiblement le même travail que les hommes et où leurs emplois sont qualifiés et leur niveau de rémunération au-dessus de la moyenne, les similitudes l'emportent. Lorsqu'il y a des différences, elles renvoient le plus souvent à des effets de cohorte.

INTRODUCTION

Le milieu de l'enseignement primaire et secondaire se prête particulièrement bien à la vérification d'hypothèses formulées au terme de nombreuses études sur les femmes au travail. Ces interrogations portent sur le poids relatif des conditions structurelles objectives (telles que les conditions d'emploi et de travail dans la sphère marchande ou les tâches et responsabilités dans la sphère domestique), par opposition à celui des caractéristiques individuelles des membres de chaque genre sexuel [1] (telles que la personnalité, la scolarité, les choix professionnels ou la qualification), en tant que facteurs explicatifs de leur situation et de leurs comportements au travail. Le débat qui a cours à ce sujet depuis bientôt deux décennies oppose en gros les tenants de la théorie du capital humain (individuel)  [2] à ceux qui vérifient, dans différentes disciplines des sciences sociales et à partir de différentes méthodes, comment les femmes se font canaliser vers un nombre très restreint de choix professionnels, habituellement au bas de l'échelle, par les politiques et pratiques concernant les conditions d'emploi et de travail même lorsqu'elles ont, au départ, des caractéristiques individuelles égales ou équivalentes à celles des hommes. Et comment ces choix et contraintes influencent, à leur tour, le comportement professionnel des femmes (continuité du cheminement professionnel, absentéisme, rémunération ou niveau atteint dans la hiérarchie ; par exemple, David, 1986).

[114]

Le milieu de l'enseignement est, en effet, un milieu exceptionnel de ce point de vue, car les emplois y sont qualifiés et le niveau de rémunération y est au-dessus de la moyenne, bien que les femmes y soient majoritaires aux deux tiers [3] ; de plus, les postes détenus par les femmes et les hommes sont les mêmes et la rémunération y est fondée sur la scolarité et l'expérience, et non sur le poste détenu. Les données d'une enquête par questionnaire, recueillies entre novembre 1990 et janvier 1991 auprès d'un échantillon du personnel enseignant et professionnel des commissions scolaires encore en emploi ou récemment retraité, et portant sur l'âge, le travail et le cheminement professionnel [4] permettent de procéder à cette vérification [5]. L'analyse qui suit vise à mettre en relief les points de convergence et de divergence selon le genre sexuel parmi le personnel enseignant encore en emploi. On se limitera ici aux grandes lignes de force qui se dégagent de l'ensemble des résultats. Celles-ci ont trait à la situation et au cheminement professionnels, à la situation domestique, conjugale et familiale, à l'évaluation subjective de la situation professionnelle et, enfin, aux projets et aspirations.

L'enseignement est un milieu où femmes et hommes font sensiblement le même travail et ils y sont régis, en tant que salariés, par des normes centralisées consignées dans une convention collective unique [6] ; l'homogénéité des valeurs, des opinions et de la satisfaction au travail du personnel enseignant a aussi déjà été soulignée (Cormier, Lessard, Toupin et Valois, 1980). On ne sera donc pas surpris de constater que les similitudes entre les femmes et les hommes l'empor­tent nettement sur les différences. Lorsqu'il y a des différences, leur intensité varie souvent selon les groupes d'âge, indiquant la présence d'effets d'étapes dans le cycle de vie ou, encore, d'effets de cohorte ou de période. Par effet de cohorte, les démographes entendent une caractéristique d'un groupe d'âge (une cohorte) attribuable aux conditions dans lesquelles s'est déroulé son cycle de vie : par exemple, le niveau moyen de scolarité plus faible des cohortes les plus âgées. Par effet de période, ils entendent les conséquences d'un évènement ou d'une situation qui n'a duré qu'un temps limité et qui a affecté de manière particulière certaines cohortes. Ainsi, dans le milieu de l'éducation, jusqu'en 1965, une pratique courante dans les commissions scolaires obligeait les femmes qui avaient des enfants ou qui se mariaient à démissionner de leur poste. Les effets de période se transforment cependant souvent en effets de cohorte ; par exemple, obligées d'abandonner leur poste dans l'éducation parce qu'elles se mariaient ou avaient des enfants, ces femmes se sont retrouvées, même une fois ces pratiques éliminées, à avoir, à âge égal, moins d'ancienneté que les hommes et à ne pouvoir prendre leur retraite aussi tôt.

Par ailleurs, les analyses qui suivent permettent de voir comment certaines conditions de travail, d'emploi ou de vie familiale semblables ont des effets différents sur les femmes et les hommes car, lorsqu'il y a différenciation sociale fondée sur le genre sexuel au travail, il s'agit souvent de processus complexes et subtils.

[115]

SITUATION
ET CHEMINEMENT PROFESSIONNELS


En tout premier lieu, les femmes et les hommes ne se répartissent pas de la même manière selon l'ordre d'enseignement [7].

Tableau 1

Répartition des femmes et des hommes selon l'ordre d'enseignement (N = l 700)

Ordre d'enseignement

Femmes

Hommes

Total

Primaire

703

67,3%

147

22,4%

850

50,0%

Secondaire

276

26,4%

348

53,2%

624

36,7%

Formation professionnelle

66

6,3%

160

24,4%

226

13,3%

Total

1 045

61,5%

655

38,5%

1 700

100,0%

X2 = 339,49       p = 0,0000     V de Cramer = 0,45 [8]


Les deux tiers des femmes se retrouvent au primaire ; un quart sont au secondaire alors qu'elles sont presque absentes du secteur professionnel (6%). Le tableau 1 indique par contre qu'un peu plus de la moitié des hommes est concentrée au secondaire, l'autre moitié étant répartie à peu près également entre le primaire et l'enseignement professionnel. Chez les femmes, cette répartition se maintient parmi les différents groupes d'âge tandis qu'elle varie davantage chez les hommes. Les hommes de moins de quarante ans sont plus nombreux au primaire alors que les plus âgés le sont davantage au secondaire (58% des 45-54 ans) et au professionnel (29% parmi les 45-54 ans ; 44% parmi les 55 ans et plus). Il s'agit là en grande partie d'un effet de période, car à l'époque où les études en pédagogie étaient sanctionnées par des brevets, l'enseignement au cycle primaire était réservé aux femmes alors que l'enseignement au secondaire était officieusement pensé pour les hommes.

Au cours de la dernière décennie, en particulier, la baisse du taux de natalité et les politiques gouvernementales de restrictions budgétaires ont eu comme conséquence d'augmenter l'instabilité d'emploi dans le milieu de l'éducation. Mais les formes d'instabilité subies en emploi ne sont pas les mêmes chez les femmes et les hommes, et c'est leur répartition selon l'ordre d'enseignement, plutôt que le genre sexuel en soi, qui en rend compte. Pour les femmes, le fait d'enseigner au primaire est associé à moins de précarité [9], alors que c'est l'inverse ailleurs, mais surtout au secteur professionnel. Parmi les hommes, l'appartenance aux ordres d'enseignement primaire ou secondaire est associée à moins de mises en disponibilité et de précarité qu'ils subissent davantage dans le secteur professionnel. L'appartenance au secteur professionnel semble effectivement réduire la possibilité de changer de situation de travail [10], ce qui diminue les chances de demeurer en emploi.

[116]

L'absence de précarité est fortement associée à un nombre élevé d'années travaillées dans l'enseignement (surtout 20 ans et plus d'expérience) tant pour les femmes que pour les hommes, et le seuil d'âge, fort élevé (40 ans), au-delà duquel la précarité est moins présente, est le même pour les deux genres sexuels. Par contre, une scolarité élevée est liée à l'absence de précarité seulement chez les hommes, comme on peut le voir au tableau 2.

Tableau 2

Pourcentage de femmes et d'hommes ayant un statut précaire
selon leur niveau de scolarité (N=l 696)

Statut précaire

Scolarité

Femmes (%)

Hommes (%)

15 ans ou moins

19,9

31,5

16 ans

19,2

14,0

17 ans

12,7

7,7

18 ans

9,4

8,9

19 ans ou plus

9,8

3,2

Total (N = l 696)

15,5

10,9

(162)

(71)


Plusieurs dimensions de la durée différencient aussi le cheminement professionnel des enseignants et des enseignantes. Tout se passe comme si celles-ci demeuraient dans le milieu de l'enseignement plus longtemps que les hommes, mais y connaissaient un parcours davantage scandé de périodes d'interruption ou de réduction du temps de travail. Cette différence est d'ailleurs congruente avec les résultats d'études sur les trajectoires professionnelles des femmes. Ainsi, commentant les résultats de l'enquête de 1984 sur la fécondité au Canada, Kempeneers (1987) a noté que d'avoir deux enfants ou plus constitue encore pour les femmes (même celles des cohortes les plus jeunes) un obstacle majeur à un cheminement professionnel continu.

Ainsi, 42% des femmes et 25% des hommes ont utilisé des mesures d'aménagement [11] ou de réduction du temps de travail au cours des cinq dernières années. Ces pratiques sont étroitement associées aux activités de reproduction des femmes, car on constate que 44% de celles qui ont pris un congé de maternité ou d'adoption au cours des cinq dernières années ont aussi réduit leur temps de travail par un congé sans traitement à temps partiel (c'est-à-dire qu'elles ont choisi de travailler à temps partiel sur une base régulière) alors que cette proportion n'est que de 20% chez les autres femmes. C'est sans doute pourquoi le recours à des mesures de réduction du temps de travail différencie surtout les femmes des hommes parmi les 35 à 39 ans ; le pourcentage de femmes de ce groupe d'âge qui les utilise s'élève à 57%, alors qu'il change à peine pour les hommes.

[117]

Le nombre d'interruptions [12] depuis le début de la carrière dans l'éducation est également associé au genre sexuel. Mais dans ce cas, c'est parmi les 40 ans et plus que les femmes ont accumulé davantage de ruptures du lien d'emploi que les hommes. Les femmes de 40 ans et plus ont néanmoins plus d'expérience (années de travail dans l'enseignement) que les hommes à cause de leur entrée plus hâtive dans le milieu de l'enseignement. Il est fort plausible que des ruptures succes­sives du lien d'emploi, le plus souvent liées aux charges et responsabilités familiales qui leur étaient dévolues, aient cependant fait perdre à une partie des femmes la reconnaissance de plusieurs de ces années (ancienneté). Il s'ensuit qu'à expérience égale, celles-ci doivent continuer à enseigner plus longtemps que les hommes avant d'avoir droit à une pleine rente de retraite ; elles seraient alors moins nombreuses à avoir pu quitter parce que moins nombreuses à satisfaire aux conditions nécessaires à la prise de retraite avec pleine rente [13].

On constate en effet que parmi les 40 à 54 ans, l'écart entre les années travaillées dans le milieu de l'éducation (expérience) et le nombre d'années d'expérience reconnues (ancienneté) est plus grand que chez les hommes ; il arrive en effet plus souvent que les femmes aient moins d'années d'ancienneté que d'expérience. Cet écart est associé chez elles au nombre d'interruptions (rupture du lien d'emploi), alors qu'il ne l'est pas pour les hommes.

Il n'en demeure pas moins que les femmes ont généralement tendance à avoir plus d'années d'ancienneté que les hommes, comme on peut le voir au tableau 3. Cela est plus prononcé parmi les classes d'âge plus avancées, mais est également décelable parmi les autres classes d'âge (à l'exception des 35-39 ans), même si la relation n'est pas statistiquement significative.

Tableau 3

Pourcentage de femmes et d'hommes
selon le nombre d'années d'ancienneté, par classe d'âge (N = l 606)

Années d'ancienneté (expérience reconnue)

Années d’ancienneté (expérience reconnue)

Âge

1-4

5-9

10-14

15-19

20-24

25-29

30 +

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

%

%

%

%

%

%

%

%

%

%

%

%

%

%

30-34

40,7

45,2

45,3

45,2

14,0

9,5

-

-

-

-

-

-

-

-

35-39

11,7

8,1

14,1

19,4

53,1

53,2

19,5

17,7

1,6

1,6

-

-

-

-

40-44

4,9

2,5

3,5

1,2

16,3

20,2

24,3

46,6

45,5

29,4

5,6

-

-

-

45-49

0,8

1,5

2,7

-

10,3

7,7

15,7

19,1

23,0

52,1

42,5

19,6

5,0

-

50-54

2,1

2,8

2,8

-

10,6

8,3

15,5

8,3

19,0

22,9

21,1

32,1

28,9

25,7

55 +

-

1,6

4,4

4,8

4,4

20,6

8,8

12,7

17,6

20,6

17,6

22,2

47,1

17,5


[118]

Quant aux différences de scolarité, elles se manifestent aussi sous forme d effet de cohorte, car ce n'est que parmi les 40 à 54 ans que les femmes sont moins scolarisées que les hommes, le seuil de différenciation se situant à 16 ans de scolarité. Le lien entre le niveau de scolarité et l'âge est beaucoup plus étroit chez les femmes parmi lesquelles la scolarisation diminue considérablement avec l'âge. On se rappellera que jusqu'à l'abolition des écoles normales, il y a une vingtaine d'années, les femmes étaient beaucoup plus nombreuses à obtenir des brevets B ou C, correspondant à 14 ou 13 années de scolarité, tandis que les hommes se dirigeaient davantage vers le brevet A, alors équivalent à 15 années de scolarité et maintenant à un baccalauréat en éducation. Les années supplémentaires de scolarité ont été acquises par la suite, à l'université, le plus souvent en cours d'emploi.

Compte tenu que dans le milieu de l'éducation, depuis la fin des années 60, la rémunération est uniquement fonction des années de travail dans l'enseignement (expérience) et de la scolarité, et que celle-ci a un poids environ trois fois plus lourd que l'expérience en termes de hausses salariales (Centrale de l'enseignement du Québec et ministère de l'Éducation du Québec 1989) les femmes ont un revenu inférieur à celui des hommes puisqu'elles ont moins de scolarité, surtout parmi le personnel de 40 ans et plus. Cet écart augmente avec l’âge [14], bien que le seuil de différenciation demeure à 40 000 $ pour tous les groupes. Ce n'est que parmi les moins de 35 ans que la rémunération n'accuse pas de différence selon le genre sexuel, ce qui est largement attribuable à l’exigence actuelle d'un baccalauréat à l'entrée, sauf au secteur professionnel.

On peut donc affirmer que les différences de situation professionnelle entre les femmes et les hommes (ordre d'enseignement, scolarité, rémunération expérience et ancienneté) sont tributaires d'évènements passés dont les conséquences ont surtout marqué le cheminement professionnel du personnel de 40 ans et plus ; elles devraient donc être en voie de se résorber. Ces différences entraînent toutefois souvent des conséquences qui vont, à leur tour différencier les femmes des hommes. Il s'agit d'un enchaînement et d'une accumulation de décisions et de comportements, dus à des contraintes ou à des choix culturels qui ont structuré des cheminements professionnels distincts, et dont les avantages et inconvénients s'avèrent souvent différents pour les femmes et les hommes. Pour ne donner qu'un exemple, la moitié (49%) du personnel de 45 à 49 ans qui a 15 ans et plus d'expérience a des revenus bruts de 40 000 $ et plus mais ce n'est le cas que pour 31% des femmes alors que 76% des hommes se situent dans cette catégorie de revenus. C'est que pour progresser dans l'échelle de rémunération, au-delà de 15 ans d'expérience, seule la scolarité joue et les femmes en ont sensiblement moins que les hommes (seulement 21% des femmes ont plus de 16 ans de scolarité alors que c'est le cas de 58% des hommes de ce groupe d'âge).

L'accent mis ici sur certaines caractéristiques qui différencient la situation et le cheminement professionnels des femmes et des hommes ne doit toutefois [119] pas faire oublier que celles-ci existent dans un contexte de très grande homogénéité professionnelle.

SITUATION DOMESTIQUE,
CONJUGALE ET FAMILIALE


Les dimensions de la vie privée du personnel enseignant s'avèrent conformes aux normes sociales, longtemps en vigueur, qui imposaient une forte différenciation entre les femmes et les hommes dans la division du travail social. Nombre de celles qui ont fait le choix d'une profession ont dû sacrifier une vie familiale ou conjugale. Il faut donc tenir compte de l'existence de mécanismes de sélection à l'égard des femmes qui ont fait carrière dans l'éducation, en raison de leur obligation de choisir entre les exigences d'une profession et celles d'une vie familiale dont elles auraient eu, le plus souvent, la responsabilité et les charges. Toutefois, l'atténuation de ces différences parmi les groupes d'âge plus jeunes indique que ces normes perdent graduellement du terrain.

Bien que l'état civil des hommes soit semblable à celui des femmes, ils vivent avec une conjointe plus souvent que les femmes ; chez les femmes, cette proportion diminue graduellement avec l'âge, passant de 78% parmi les 30-34 ans à 53% parmi les 55 ans et plus, tandis que chez les hommes, elle oscille entre 80 et 89%, sans rapport linéaire avec l'âge [15].

Tableau 4

Proportion du personnel enseignant qui vit avec une conjointe ou un conjoint
selon le genre sexuel et l'âge (N = l 700)

Âge

Femmes (%)

Hommes (%)

30-34 ans

78,0

84,4

35-39 ans

74,6

85,3

40-44 ans

71,3

89,2

45-49 ans

71,2

83,9

50-54 ans

66,7

85,5

55 ans et plus

53,3

80,3

Total

70,4

85,3


Les différences de revenu entre conjoints sont aussi semblables à ce qu'on retrouve à l'échelle de la société : les revenus des conjoints des enseignantes ont tendance à être plus élevés et celui des conjointes des enseignants, plus faibles, cet écart s'élargissant chez les groupes plus âgés. Dans ce cas, il n'est pas certain qu'il s'agisse d'un effet de cohorte [16]. Il se peut, en effet, que, dans les années à venir, l'écart s'élargisse à mesure que les cohortes avancent en âge si, pour des raisons liées à la division sociale du travail, les conjointes des enseignants, tout comme les femmes dans l'ensemble de la société, continuent à avoir moins de [120] disponibilité pour le travail salarié ou à entrer dans des emplois moins qualifiés ou dévalorisés.

En ce qui a trait au partage des tâches [17] parmi les personnes qui ne vivent pas seules (N = 1 498), les femmes estiment faire plus que leur part et les hommes, moins ; cette différence, bien que moins prononcée, existe même parmi les plus jeunes. Bien qu'approximative, cette évaluation est congruente avec des résultats de recherche plus précis à ce sujet. Une enquête récente (Le Bourdais, Hamel et Bernard, 1987) auprès d'un échantillon de ménages québécois vivant en couple révèle que les femmes effectuent 75% des heures hebdomadaires du travail domestique du ménage. Lorsque les deux membres du couple ont un emploi, le nombre d'heures de travail domestique de la femme passe de 38 à 29 heures par semaine, mais davantage à cause de la réduction du nombre d'heures de travail domestique effectué par le ménage qu'à cause d'une participation accrue de l'homme.

C'est l'hypothèse de l'existence de mécanismes de sélection à l'égard des femmes qui ont fait de l'enseignement leur profession qui semble le mieux rendre compte du fait que les femmes ont eu moins d'enfants que les hommes, même si le nombre d'enfants augmente avec l'âge des répondants, tant pour les hommes que pour les femmes ; chez celles-ci, un nombre élevé d'enfants semble difficilement conciliable avec une grande disponibilité professionnelle. Elles sont plus

Tableau 5.

Répartition du nombre d'enfants selon le genre sexuel et l'âge (N=l 700)

Âge

Aucun enfant

Femmes

Hommes

TOTAL

Un enfant

Deux enfants +

Total

Un enfant

Deux enfants +

Total

30-34 ans

43

20

37

100

17

12

16

45

%

43,0

20,0

37,0

100,0

37,8

26,7

35,6

100,0

35-39 ans

44

24

70

138

12

15

41

68

%

31,9

17,4

50,7

100,0

17,6

22,1

60,3

100,0

40-44 ans

75

48

177

300

21

28

118

167

%

25,0

16,0

59,0

100,0

12,6

16,8

70,7

100,0

45-49 ans

74

61

150

285

30

23

146

199

%

26,0

21,4

52,6

100,0

15,1

11,6

73,4

100,0

50-54 ans

41

21

85

147

11

10

89

110

%

27,9

14,3

57,8

100,0

10,0

9,1

80,9

100,0

55 ans et plus 18

18

7

50

75

11

3

52

66

%

24,0

9,3

66,7

100,0

16,7

4,5

78,8

100,0

TOTAL

295

181

569

1045

102

91

462

655

%

28,2

17,3

54,5

100,0

15,6

13,9

70,5

100,0


[121]

nombreuses, en effet, à n'avoir jamais eu d'enfant (28% des femmes ; 16% des hommes) tandis que les hommes sont toujours proportionnellement plus nombreux (sauf parmi les plus jeunes qui n'ont peut-être pas encore complété leur famille) à avoir deux enfants ou plus (71% des hommes ; 55% des femmes).

Les charges [18] (estimées) du personnel enseignant ne sont pas identiques non plus. Avoir charge d'enfants résidant sous le toit familial ne différencie pas les femmes des hommes mais, parmi les répondants qui ont une telle charge (1 102 = 65% de l'échantillon), elle est estimée plus lourde pour les femmes. La lourdeur de cette charge est estimée d'après le nombre d'enfants qui résident sous le toit familial en tenant compte du partage des tâches qui y existe.

Avoir charge de personnes dépendantes autres que les enfants ne différen­cie pas non plus les hommes des femmes ; parmi les 49% (N = 839) qui ont de telles charges, seule la tâche des femmes de 45 à 49 ans est estimée plus lourde que celle des hommes du même âge. La charge financière ne différencie pas non plus les hommes des femmes et, parmi les personnes qui disent avoir une telle charge (1 232 = 73%), ce n'est que parmi les 45 à 49 ans qu'il y a une différence, cette charge étant estimée plus lourde pour les hommes.

Tout comme pour la vie professionnelle, on constate donc que ce qui distingue les femmes des hommes dans leur vie domestique, conjugale et fami­liale est conforme aux résultats d'une division du travail social qui a longtemps imposé aux femmes une situation de subordination sociale ainsi que le fardeau des responsabilités et des tâches domestiques, alors que les responsabilités pécu­niaires incombaient aux hommes. Si certaines des conséquences ont tendance à s'atténuer parmi les groupes d'âge plus jeunes (effets de cohorte), d'autres durent bien longtemps et l'égalité complète ne semble pas encore être une réalité. Et on ne peut prévoir comment évolueront certaines autres tendances dans l'avenir. Mais ces différences ne doivent pas dissimuler le fait que dans cette sphère de la vie, la situation du personnel de l'enseignement se caractérise également par une relative homogénéité dont on retrouve la trace dans leurs jugements, aspirations et projets.

ÉVALUATION DE
LA SITUATION PROFESSIONNELLE


Pas plus que l'âge [19], le genre sexuel n'est générateur de jugements différents portés sur sa situation de travail parmi le personnel enseignant des commissions scolaires. Cela avait d'ailleurs déjà été constaté sans équivoque, il y a une dizaine d'années (Cormier et al, 1980). Ce qui distingue les hommes des femmes dans leurs situations professionnelle ou domestique n'est pas, non plus, générateur de variations en ce qui a trait à leurs perceptions d'aspects globaux de leur situation de travail.

Les réponses aux questions à ce sujet se concentrent fortement autour de certains choix qui ne sont pas sans contradiction. Ainsi, 89,9% de l'ensemble des [122] répondants estiment leur tâche lourde [20], 77,4% ont l'impression de manquer de temps, 73,9% considèrent leur vie de travail stressante et 53,3% disent devoir fournir de l'énergie pour se motiver. Par contre, 69,7% ont l'impression que leur travail leur permet de se réaliser et, malgré cette évaluation globale ambivalente, 77,8% affirment qu'ils choisiraient (probablement ou certainement) à nouveau la même profession. C'est ce qui amène les chercheurs à parler de l'attachement des enseignantes et des enseignants à leur profession en termes de « passion déchirante » (David et Payeur, 1991) ou encore « d'un amour blessé, vécu douloureusement » (Centrale de l'enseignement du Québec, 1988b).

Quant à l'importance accordée à certaines caractéristiques de ce travail et à la satisfaction qu'ils en retirent, les similitudes l'emportent aussi sur les différences : plus des trois quarts des répondants considèrent très importantes quatre des onze caractéristiques du travail [21] proposées. Il s'agit d'avoir un travail intéressant (81,3%), d'avoir un bon climat de travail (80,4%), de sentir que son travail est utile (79,5%) et d'avoir une sécurité d'emploi (78,6%). Quelques différences distinguent les femmes des hommes, mais ce n'est habituellement que pour un seul groupe d'âge (et seulement parmi les quatre groupes de 40 ans et plus). Ainsi, il n'y a que six caractéristiques auxquelles les femmes d'un groupe d'âge particulier accordent plus d'importance (un travail intéressant, non répétitif, utile, en relation avec des personnes, un bon climat de travail et la sécurité d'emploi) et deux (un travail non répétitif et en relation avec des personnes) dont elles s'estiment plus satisfaites que les hommes.

Les principales sources de satisfaction et d'insatisfaction demeurent celles qui ont déjà été identifiées par plusieurs autres recherches antérieures. Par ordre d'importance on retrouve la matière enseignée, les rapports avec les élèves, les congés et les vacances, la préparation des cours, les rapports avec les collègues enseignants et les autres collègues de travail (de 92 à 86% de satisfaction). En ce qui a trait à l'insatisfaction, elle atteint son maximum à l'égard de la valeur accordée à la profession dans la société, puis à l'égard des budgets de fonctionnement, des changements dans les familles et, ensuite, à l'égard de trois dimensions de la mobilité professionnelle (ouvertures vers des postes hiérarchiques, mécanismes de changements de postes et possibilités de changer de poste), l'insatisfaction étant partagée par 78 à 56% des répondants.

LES ASPIRATIONS ET LES PROJETS

Les aspirations et les projets professionnels pour les cinq années à venir ne se différencient pas, non plus, selon le genre sexuel ; on peut par contre y lire les traces du rapport difficile et ambivalent du personnel enseignant à son travail. Qu'il s'agisse de l'intention de changer quelque chose à sa situation professionnelle (44,2% disent avoir cette intention), des démarches entreprises à cet égard (58,5% des personnes qui ont l'intention de modifier leur situation en ont entrepris), de l'intention de prendre davantage de congés ou de vacances (38,5% en ont l'intention), ou encore de celle de quitter son poste (19,2% l'ont).

[123]

En ce qui a trait à l'âge souhaité pour prendre sa retraite, parmi les 45 à 54 ans, pour qui la prise de retraite commence à pointer parmi les perspectives d'avenir, les hommes choisissent un âge plus tardif que les femmes. Les données de notre échantillon du personnel enseignant retraité confirment que ce souhait devient réalité, car elles indiquent qu'au cours des cinq dernières années, de 17 à 36% des femmes (selon les années) ont pris leur retraite avant 56 ans tandis que cela n'a été le cas que pour 0 à 8% des hommes ; de plus, 90% de ces femmes disent avoir librement choisi le moment de quitter, alors que ce n'est le cas que de 76% des hommes. Cela est d'autant plus étonnant que les résultats de recherche portent plutôt à faire l'hypothèse que les femmes souhaitent prendre leur retraite plus tardivement, ayant commencé leur carrière plus tard ou ayant dû l'interrompre (Szinovacz, 1990).

Mais ces résultats sont difficiles à interpréter, car on peut supposer qu'à âge égal, une proportion plus importante des femmes que des hommes qui voulaient quitter ont pu le faire et l'ont déjà fait. D'une part, pour celles qui cotisent au régime de retraite des enseignants (RRE) (46% des enseignantes de 45 ans et plus), les diverses modalités de prise de retraite prévoient toutes que les femmes peuvent en profiter en ayant cinq ans de moins que les hommes — alors que les autres régimes de retraite, dont le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), ne font pas de telles distinctions. D'autre part, si leur carrière n'a pas été interrompue, bien des femmes peuvent atteindre le nombre requis d'années de cotisation au régime de retraite plus tôt que les hommes, car elles ont souvent commencé à travailler plus jeunes, étant sorties de l'école normale plus rapidement. L'âge moyen de prise de retraite, qui était de 56,6 ans chez les femmes et de 58,2 ans chez les hommes en 1988-1989 (Ouellette, 1990), en est un bon indice.

On aurait aussi été porté à croire que les facteurs de la vie privée influ­enceraient davantage les femmes dans la détermination de l'âge de retraite souhaité. Szinovacz (1990), par exemple, a souligné que les résultats de recherche mettent en relief que les raisons à l'origine de la prise de retraite ne sont pas les mêmes chez les hommes et les femmes. Celles-ci invoqueraient davantage les besoins des membres de leur famille et de leur conjoint alors que les hommes considèreraient davantage leur état de santé ou les politiques en vigueur dans leur entreprise. Pourtant, parmi les répondants de 45 ans et plus qui vivent avec un conjoint, pas plus les caractéristiques de ceux-ci ou de celles-ci (travail, retraite, niveau de revenu) que l'écart d'âge entre les conjoints ne sem­blent influencer les répondants, femmes ou hommes. On note seulement que l'âge de la retraite souhaité est affecté par l'âge de leur conjoint ou conjointe. Il est plus hâtif lorsque que le ou la conjointe est plus jeune et s'élève lorsque celui-ci ou celle-ci est plus âgé. Cela confirme la tendance générale des répondants à souhaiter un âge de retraite plus bas lorsqu'ils sont plus jeunes.

Les différences qui caractérisent les femmes et les hommes dans certains aspects de leur vie privée (vie avec conjoint, charges, nombre d'enfants) sont [124] rarement une source d'influence majeure sur l'élaboration de leurs projets d'avenir [22] ; il s'agit plutôt d'une question de degré. Par exemple, à conditions égales quant aux charges, les femmes et les hommes sont sensibles aux mêmes facteurs, mais les femmes le sont davantage. Lorsqu'on examine les influences de la vie privée sur la formulation des projets, on constate que la situation des dépendants se démarque comme source d'influence pour les répondants qui ont charge d'enfants résidant sous le toit familial, mais la différence est plus marquée parmi les femmes. Ainsi, parmi les femmes qui n'ont pas charge d'enfants résidants, 55% estiment que la situation des personnes qui dépendent d'elles influence leur projets alors que ce pourcentage s'élève à 91% chez celles qui ont charge d'enfants résidants. Parmi les hommes, les proportions équivalentes sont de 63% et 86%. Lorsqu'on ne retient que les personnes qui estiment ne pas être en mesure de réaliser certains projets [23] (N = 532), 50% des femmes sans charge d'enfants résidants estiment que les projets des personnes qui dépendent d'elles constituent un obstacle important à la réalisation de ces projets, mais cette proportion s'élève à 82% chez celles qui ont charge d'enfants résidants. Parmi les hommes, la proportion est de 41% parmi ceux sans charge et de 63% chez ceux qui en ont une.

Il en va de même en ce qui a trait à la charge financière. Parmi les femmes sans charge financière, 48% estiment que la situation des personnes qui dépen­dent d'elles exerce une influence sur leur projets, mais cette proportion s'élève à 90% chez celles qui ont des charges financières. Parmi les hommes, la proportion passe de 52% chez ceux qui n'ont pas un tel fardeau pécuniaire à 86% chez ceux qui en ont un. Le fait d'avoir des charges financières fait également de la situation de personnes dépendantes un obstacle qui contrarie la réalisation de projets de manière un peu plus prononcée pour les femmes. Parmi celles qui n'ont pas de charge financière, 43% estiment que la situation des personnes qui dépendent d'elles constitue un contrainte à leurs projets alors que c'est le cas de 87% de celles qui ont des charges financières. Chez les hommes, la proportion passe de 38% chez ceux sans charge à 76% parmi ceux qui ont une telle charge.

CONCLUSION

Il ressort assez nettement des résultats présentés que, parmi le personnel enseignant des commissions scolaires, les similitudes entre les femmes et les hommes sont plus prononcées que les différences sur le plan du rapport au travail, des aspirations et des projets d'avenir. Les différences sont plus marquées, par contre, en ce qui concerne les cheminements professionnels et les situations de la vie domestique.

Ceci confirme sans équivoque que lorsque les femmes et les hommes partagent les mêmes conditions de travail et d'emploi, les comportements des deux sexes deviennent plus homogènes [24]. Mais ce milieu de travail n'étant pas fermé aux influences sociales plus larges, il porte simultanément les traces de la discrimination à l'égard des femmes qui existe encore à l'échelle de toute la [125] société même si les aspects les plus criants en ont été atténués. Certaines de ces traces, plus anciennes, vont s'effacer presque complètement à mesure que les femmes des cohortes plus âgées, davantage marquées par la discrimination, quitteront le milieu ; c'est le cas des écarts de scolarité ou de rémunération, par exemple. D'autres traces, par contre, indiquent qu'une répartition égalitaire des responsabilités et des tâches domestiques dans la sphère domestique est encore loin d'être la norme. Se manifeste donc un écart important entre certains gains réalisés dans le milieu du travail sur le plan de l'égalité et ce qui reste à faire dans la sphère de la vie privée.

Cet écart, qui se double d'une grande homogénéité des attitudes et des comportements des femmes et des hommes dans leur milieu de travail, porte à penser qu'il existe une forte étanchéité entre la sphère domestique et la vie professionnelle ; on peut l'attribuer à la résistance des milieux de travail, même ceux où les femmes sont majoritaires, à tenir compte des responsabilités et tâches hors travail de leur personnel. Il faudrait toutefois pousser l'analyse plus loin, d'une part parmi les femmes, en comparant celles avec enfants à celles qui n'en ont pas, pour préciser les effets de la charge d'enfants sur leur cheminement professionnel ; il serait également nécessaire de comparer les trajectoires des hommes et des femmes avec des charges équivalentes. La seule exception à cette étanchéité a trait aux dispositions négociées au sujet de l'aménagement du temps de travail qui ont concrétisé, dans ce milieu de travail, la reconnaissance sociale de la maternité, et que les femmes qui ont des enfants utilisent abondamment. Il importe toutefois de s'interroger sur les processus générateurs de l'homogénéité d'attitudes et de comportements dans le milieu de l'enseignement ainsi qu'entre les enseignantes et les enseignants.

La production d'un savoir propre
par la pratique du métier


Des auteurs appartenant à une longue tradition en sociologie du travail ont souvent relevé l'effet homogénéisant de conditions de travail identiques et ont indiqué, de ce fait, l'influence majeure des rapports sociaux de production sur les personnes au travail, qui s'observent jusqu'au niveau des modalités opératoires de l'activité de travail. Bien que les nombreuses analyses sur les conséquences d'un travail, dont les temps et mouvements sont étroitement contrôlés, aient fait du travail à la chaîne l'illustration la plus connue de ce phénomène, le même constat a été fait pour de nombreux autres métiers (Maurice, 1980). Interprétées dans cette perspective, les réflexions récentes de Tardif, Lessard et Lahaye (1991) offrent une piste intéressante d'interprétation par rapport au milieu de l'enseignement. D'après ces chercheurs, les enseignants et les enseignantes produisent un savoir propre qui leur sert à comprendre et à maîtriser leur pratique, malgré le contrôle des savoirs formels qui leur échappe de plus en plus. Dans l'exercice quotidien de leurs fonctions, qui exige la capacité de faire face à des situations variables, se développent des savoirs d'expérience générateurs de certitudes. Ces savoirs originaux portent tant sur les relations et les interactions avec les autres acteurs, dans leur champ de pratique, que sur l'organisation du milieu et les [126] diverses normes et obligations qui encadrent leur tâche, affirment ces chercheurs. Il est possible que ce processus d'accumulation de savoirs d'expérience — à travers la pratique du métier — génère parmi le personnel enseignant un rapport au travail ainsi qu'une appréhension de leur avenir professionnel largement partagés, et que n'infléchit pas le genre sexuel de la personne qui développe ces savoirs.

L'absence de hiérarchie professionnelle

L'absence de hiérarchie professionnelle dans ce milieu majoritairement féminin, à l'inverse des situations habituelles (milieux majoritairement masculins où les femmes sont concentrées dans les emplois au bas de la hiérarchie), peut aussi contribuer à accentuer l'homogénéité sur le plan des attitudes. Certaines études soulignent en effet que dans le milieu de l'enseignement, la finalité de la carrière ne se définit pas en termes de progression hiérarchique, mais à partir du rapport pédagogique aux jeunes qu'on cherche à perfectionner et qui donne lieu à un investissement personnel considérable. C'est pourquoi, ce sont davantage des facteurs intrinsèques à la tâche qui sont sources de motivation et de satisfaction, contrairement à des milieux où un rapport instrumental au travail domine (Biklen, 1986 ; Kallio et Jing, 1985 ; Lowter, Coppard, Gill et Tank, 1982 ; Miller, Taylor et Walker, 1982). Il est également possible que les hommes qui choisissent cette profession à prédominance féminine et qui y persistent, aient des dispositions positives face à ce type de carrière non hiérarchique. Mais il faudrait vérifier la valeur de telles hypothèses dans un milieu où la hiérarchisation est présente, par exemple parmi les cadres, les directeurs et directrices d'école où seulement 20% étaient des femmes en 1985 alors qu'elles représentent les deux tiers du personnel enseignant (Centrale de l'enseignement du Québec et ministère de l'Éducation du Québec, 1989).

Des effets de cohorte appelés à s'estomper

Très souvent les différences entre les genres sexuels s'estompent considérablement parmi le personnel de moins de 40 ans. C'est le cas, par exemple, pour les écarts de scolarité et de rémunération ou, encore, pour le nombre d'interruptions du lien d'emploi. On semble être en présence d'effets de cohorte qu'on ne peut attribuer qu'à l'évolution rapide, au cours des 20 dernières années, de la condition des femmes et aux gains considérables obtenus dans la lutte contre la discrimination systémique.

Il est cependant plus difficile d'interpréter le sens des données pour la catégorie la plus âgée qui, rappelons-le, se distingue souvent de celles d'âge moyen, car les enseignants et enseignantes de 55 ans et plus qui sont encore en emploi se caractérisent non seulement par leur âge, mais aussi par un cheminement professionnel particulier qui les contraint à demeurer en emploi. Contrairement à leurs collègues du même âge déjà à la retraite, la plupart sont encore en emploi parce qu'elles n'ont pas accumulé suffisamment d'années de cotisation au régime de retraite ou parce que leur revenu à la retraite serait insuffisant. [127] Mais les cheminements professionnels qui en sont la cause ne sont pas les mêmes. Les hommes de ce groupe d'âge, davantage concentrés dans le secteur de l'enseignement professionnel (44%), se distinguent surtout par leur faible nombre d'années d'expérience dans l'enseignement (seulement 34% en ont 30 ans ou plus) et donc d'ancienneté (seulement 18% en ont 30 ans ou plus) parce que, notamment, ils ont souvent longtemps pratiqué ailleurs le métier qu'ils enseignent maintenant, alors que les femmes ont un nombre élevé d'années d'expérience dans l'enseignement (69% en ont 30 ans ou plus) et d'ancienneté (47% en ont 30 ans ou plus). Mais leur faible scolarité (64% des femmes et 45% des hommes en ont moins de 14 ans) les confinent à des niveaux de revenus assez faibles (77% des femmes et 52% des hommes ont un revenu brut inférieur à 40 000 $).

Les particularités
du milieu de l'enseignement pour les femmes


En ce qui a trait aux enseignantes en particulier, il faut prendre garde de généraliser les résultats précédents à l'ensemble des femmes sur le marché du travail. Comparées à ces dernières, elles sont en effet plus scolarisées, elles détiennent des emplois plus qualifiés et mieux rémunérés et connaissent un cheminement professionnel plus continu.

Dans le milieu de l'enseignement, le dégagement des femmes à l'égard des tâches et responsabilités de la sphère domestique se manifeste par le fait qu'elles ont eu moins d'enfants ou qu'elles vivent moins souvent avec un conjoint que les hommes. Il y a donc là un effet de sélection, dont on ne peut estimer l'ampleur, mais dont la conséquence est une population de femmes dont le degré de disponibilité face au travail les rapproche davantage des hommes. Tout se passe comme si les femmes, pour ne pas avoir un fardeau de tâches qui nuirait à leur travail professionnel, avaient dû et devaient encore sacrifier certains aspects de leur vie privée puisque l'inégalité dans le partage des tâches domestiques est encore de rigueur. Paradoxalement, la lourdeur de certaines charges ne semble cependant pas exercer une influence très marquée sur le rapport au travail, les aspirations et les projets des femmes. Auraient-elles développé des stratégies (dont les coûts à assumer dépassent la portée de cette recherche) qui feraient en sorte que, malgré des charges plus lourdes dans la sphère domestique et leurs conséquences sur le cheminement professionnel, les femmes ne se démarquent pas pour autant des hommes dans leur rapport au travail et dans leurs projets ?

Abstract

— This article analyses data obtained in a survey of teachers (N= 1 700) in order to examine various hypotheses relating job conditions to the behavior of men and women. This analysis demonstrates certain areas of convergence and divergence. In those conditions where women form the majority and do the same work as men, and when their job qualifications and pay level are above the mean, there are similiarities. There are differences however, for those conditions related to the effects of a cohorte principle.

Resumen

— Los resultados de una encuesta ante el personal docente (N = l 700) permiten verificar ciertas hipótesis en lo que respecta a la conducta de las mujeres y de los hombres en el trabajo. El análisis destaca ciertos puntos de convergencia y de divergencia. Las similitudes prevalencen en este medio en que las mujeres son la mayoría y hacen básicamente [130] el mismo trabajo que los hombres, en que los empleos son calificados y en que el nivel de remuneración está por sobre el término medio. En gênerai, cuando hay diferencias, son asociadas a los efectos de cohortas.

Zusammenfassung

— Die Ergebnisse einer Umfrage unter Lehrkräften (1 700 Personen) lassen gewlsse Hypothesen uberprüfen, bezüglich der Verhaltensweisen von arbeitenden Frauen und Männern. Die Analyse stellt gewisse konvergierende und divergierende Punkte heraus. In diesem Milieu, wo die Frauen in der Mehrzahl sind und im Grunde die gleiche Arbeit leisten wie die Männer, wo die Stellen genau designiert sind und wo die Lohnhöhe unter dem Durchschnitt liegt, uberwiegen die Ähnlichkeiten. Wo es Unterschiede gibt, weisen sie meist auf eine Art « Herdenwirkung » hin.

RÉFÉRENCES

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[131]

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[1] L'expression « genre sexuel » est utilisée ici, de préférence à « sexe », pour souligner le rôle majeur des rapports sociaux de sexe dans ce processus de construction sociale (Varikas, 1992).

[2] Pour un exposé succinct des travaux de ce courant, voir Ornstein (1982) et pour une réfutation de cette thèse telle qu'elle est défendue par certains auteurs canadiens, voir Denton et Hunter (1982).

[3] Depuis plus de 20 ans, la proportion des femmes parmi le personnel enseignant des commissions scolaires oscille autour des deux tiers (de 63 à 68%) (Gouvernement du Québec, 1971, 1979 ; Centrale de l'enseignement du Québec et ministère de l'Éducation du Québec, 1989 ; Payeur et David, 1990).

[4] Âge, travail et cheminement professionnel, recherche réalisée sous la direction d'Hélène David et Christian Payeur grâce à une subvention du ministère de l'Éducation du Québec. L'échantillon particulier du personnel enseignant représente 6% des 77 000 enseignantes et enseignants et nous avons obtenu un taux de réponses de 55,7%. Après avoir rendu l'univers des répondants semblable, en termes de structure d'âge, à la population enseignante, il est resté 1 700 répondants parmi lesquels les femmes et les hommes ont sensiblement le même profil d'âge. Les répondants ont été regroupés en six catégories d'âge de cinq ans, à partir de trente ans. Les femmes y sont légèrement sous-représentées (61,5%) pour des raisons liées aux choix d'échantillonnage : d'une part, les moins de trente ans, parmi lesquels les femmes sont particulièrement nombreuses, ont été exclus de l'échantillon, leur taux élevé de précarité rendant leur représentativité très difficile ; de plus, le secteur de l'enseignement professionnel du secondaire a été .surreprésenté afin d'avoir un nombre suffisant de répondants pour pouvoir faire ressortir les particularités de ce secteur. Le rapport de recherche sur le personnel enseignant (David et Payeur, 1991) est disponible sur demande à la Centrale de l'enseignement du Québec.

[5] Nous remercions de leur contribution Yvon Desjardins, qui a travaillé à la réalisation de l'enquête, Claudette Richard, qui a réalisé le traitement statistique des données pour la rédaction de cet article et en a lu et commenté les différentes versions, ainsi que le rédacteur en chef et les arbitres du comité de lecture de la revue de leur lecture attentive et de leurs judicieux commentaires.

[6] À la convention collective unique s'ajoutent des ententes locales qui aménagent l'application de certaines mesures négociées au niveau national telles que les horaires, le calendrier scolaire ou encore les congés mobiles.

[7] Par ordre d'enseignement, on entend habituellement le primaire et le secondaire ; compte tenu des différences majeures qui distinguent le secteur de l'enseignement professionnel du secondaire général, il a été surreprésenté dans l'échantillon et sera ici traité comme s'il s'agissait d'un ordre distinct.

[8] La plupart des catégories d'analyse de cette recherche étant d'ordre nominal, les tests statistiques utilisés pour mesurer la force de l'association entre les variables, consistent en des mesures dérivées du X2 : Phi dans le cas des tableaux 2 x 2 et le V de Cramer pour les tableaux à catégories plus nombreuses. Ces deux mesures varient de 0 à 1 et le V de Cramer est calculé d'après le phi en y apportant de légères modifications afin d'en établir la limite supérieure à 1. Les associations retenues ont été choisies en fonction de deux critères : a) que la probabilité de ne pas être dues au hasard (X2) soit de 0,000 et moins et b) que la force de l'association mesurée par le test statistique approprié (phi ou V de Cramer) soit de 0,1 5 et plus. Cette sélection a éliminé un grand nombre d'associations qui, tout en étant statistiquement significatives, reflétaient davantage la sensibilité du X2 aux grands nombres que la présence d'éléments signifiants. Les valeurs des phi et des V de Cramer ne sont cependant pas précisées dans le texte parce qu'on ne peut les utiliser à des fins comparatives.

[9] Sont considérées comme ayant un statut précaire les personnes (13,7% de l'échantillon) qui ont répondu avoir travaillé au cours de l'année 1989-90 avec un contrat à temps partiel ou à la leçon, à titre de suppléant occasionnel ou à taux horaire sans contrat. Cette proportion est beaucoup plus faible que le taux réel de précarité, qu'une enquête de la Centrale de l'enseignement du Québec en 1987-1988 a estimé à 28%, mais qui ne peut être recensé par les fichiers informatisés et mis à jour annuellement par les commissions scolaires (Centrale de l'enseignement du Québec, 1988a).

[10] Les changements de situation de travail comprennent des changements d'ordre, d'école, de commission scolaire, de catégorie professionnelle, de champ d'enseignement, de secteur, mais toujours sans rupture du lien d'emploi. Avoir pu changer de situation de travail indique qu'on est dans un bassin d'emploi où, lorsqu'on n'a plus son poste, on peut en obtenir un autre plutôt que d'être mis en disponibilité.

[11] Les modalités d'aménagement ou de réduction du temps de travail comprennent le congé sans traitement à temps partiel (le travail à temps partiel régulier), les congés de perfectionnement, de maternité/adoption ou parental, de maladie, sabbatique ainsi que les autres congés pour occuper des fonctions ailleurs.

[12] Par opposition à des congés ou à des mises en disponibilité, les interruptions signifient une rupture du lien d'emploi et donc la perte des différents avantages reliés aux années d'expérience reconnues (ancienneté).

[13] Les années de cotisation au régime de retraite correspondent à celles dont l'ancienneté est reconnue. La rente maximale de 70% du salaire correspond à 35 années de cotisation, chacune donnant droit à une rente de 2% du salaire.

[14] À l'exception des 55 ans et plus où l'écart est le plus faible de tous. Les 55 ans et plus semblent former une cohorte distincte de celles de 40 à 54 ans. Les répondants du groupe le plus âgé ont tendance à être moins scolarisés et à enseigner davantage au secteur professionnel du secondaire, à avoir des revenus personnels plus faibles, à avoir eu davantage d'enfants et à être plus souvent veuf, séparé, divorcé ou membre d'une communauté religieuse que célibataire ou marié. De plus, les femmes de ce groupe d'âge ont davantage tendance à enseigner au secondaire, à avoir davantage d'années d'expérience et d'ancienneté que les autres femmes, tandis que leurs collègues masculins ont tendance à avoir beaucoup moins d'ancienneté que les hommes plus jeunes.

[15] Notons également la différence importante en ce qui a trait à l'âge des conjoints des personnes qui ne vivent pas seules : les hommes ont fortement tendance à avoir des conjointes plus jeunes et les femmes, des conjoints plus âgés. Cet écart, qui existe pour tous les groupes d'âge, a tendance à augmenter au-delà de 40 ans.

[16] Dans les études sur les écarts de salaire entre les femmes et les hommes (David, 1986), on constate habituellement que les écarts sont moindres quand les salaires des hommes sont plus faibles (par exemple, lorsqu'ils sont plus jeunes ou dans des catégories d'emploi moins qualifiées).

[17] Après avoir affirmé que, dans une maison, les personnes partagent plus ou moins les tâches domestiques, le questionnaire demandait à la personne si, chez elle, les tâches étaient accomplies seulement par elle, surtout par elle, à part égale, surtout par d'autres ou seulement par les autres.

[18] Trois indices de charges ont été construits à partir de plusieurs variables. L'indice de charge d'enfants divise le nombre d'enfants sous le toit familial par l'évaluation faite du partage des tâches et donne un ratio possible de 0,33 à 3,00. Une charge légère équivaut à moins de 1 (ex. : un enfant / un partage des tâches égal = 1/2) ; une charge moyenne équivaut à 1 (ex. un enfant / le poids total ou presque des tâches domestiques = 1/1) ; alors qu'une tâche lourde équivaut à un ratio de plus de 1 (ex. : 3 enfants ou plus/un partage égal des tâches = 3/2). L'indice de charge d'autres personnes dépendantes est construit de la même manière, les enfants sous le toit familial étant remplacés par des personnes de la famille du répondant, qui vivent ou non sous le toit familial, et à qui on apporte plus ou moins d'aide non financière. L'indice de charge financière, quant à lui, additionne le nombre d'enfants qui dépendent encore financièrement du répondant et l'aide financière apportée à d'autres personnes de la famille qui ne vivent pas sous le toit familial, puis divise cette somme par le fait de vivre ou non avec un conjoint, en supposant que les coûts sont moindres lorsqu'on partage certaines dépenses régulières de la vie domestique à deux.

[19] Pour plus de détails sur les rapports entre l'âge et les variables examinées dans cet article, voir le rapport de recherche mentionné à la note 4.

[20] Quatre réponses étaient possibles à chacune de ces questions ; elles ont été ici regroupées en deux catégories : 1) pas ou peu et 2) assez ou beaucoup ; les résultats présentés ici correspondent à cette seconde catégorie.

[21] Il s'agissait de : 1) avoir de l'autonomie, pouvoir prendre des décisions. 2) avoir un travail intéressant, 3) avoir un travail non répétitif, 4) pouvoir travailler dans de bonnes conditions physiques, 5) avoir une sécurité d'emploi, 6) avoir un bon salaire, 7) avoir de la reconnaissance de la part des autres, 8) avoir un bon climat de travail, 9) sentir que son travail est utile, 10) travailler en relation avec des personnes et 11) travailler en équipe.

[22] La question portait sur certains éléments de la vie personnelle pouvant influencer les projets et énumérait la situation financière personnelle, la santé, la réalisation de soi, la situation du conjoint, ses projets, la situation des personnes dépendant du répondant et leurs projets.

[23] On demandait s'il y avait des projets que la personne aimerait réaliser au cours des cinq prochaines années, mais que les circonstances ne lui permettaient pas de mener à terme.

[24] Par exemple, dans des entreprises où le travail que font les femmes et les hommes est semblable, on constate que lorsqu'il y a une majorité d'hommes, l'ancienneté moyenne tant des hommes que des femmes est sensiblement plus élevée (entre 9 et 17 ans) que dans les entreprises qui font faire le même travail surtout par des femmes (où l'ancienneté n'est que de un à six ans) ; on attribue l'ancienneté plus élevée du personnel dans les entreprises où les hommes sont majoritaires aux possibilités beaucoup plus grandes, tant pour les femmes que pour les hommes, d'améliorer leur situation sur le plan salarial et par rapport à leur cheminement de carrière (Dussault, 1983).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 8 mai 2015 10:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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