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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Ali DAHER, sociologue, “Les lieux de culte islamiques et l’immigration. Le cas montréalais.” Montréal: Texte inédit, 17 avril 2011. Les Classiques des sciences sociales, 2011. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 17 avril 2011 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Ali DAHER

Les lieux de culte islamiques et l’immigration.
Le cas montréalais
.

Montréal : Texte inédit, 17 avril 2011. Les Classiques des sciences sociales, 2011.

A. INTRODUCTION
B. DESCRIPTION DES GENRES DE LIEU DE CULTE
1. Madrassa
2. Khanqah, takiyah, zawiya
3. Ribat
4. Mosquée
5. Le moussala  ou lieu de prière
6. housseiniyya
C. RÔLE DE LIEU DE CULTE
a. En général
b. En immigration
D. LES ÉLÉMENTS INFLUENÇANT L’IMPLANTATION D’UN LIEU DE CULTE
a. Le genre
b. Le zonage
c. Le voisinage
CONCLUSION


A. Introduction

Contrairement à la majorité des traditions religieuses, dans la tradition islamique le lieu  n'a que peu d'importance pour faire les prières. Cette spécificité est causée par les prières quotidiennes qui sont au nombre de cinq ainsi que par l’obligation coranique voulant que la prière « demeure, pour les croyants, une prescription, à des temps déterminés » [1], ce qui demande au croyant d’accomplir 1- la prière de Fadjr (l’aube) entre l’aube franche et le lever du bord supérieur du soleil; 2- la prière de Zouhr (midi) après que le soleil eût décliné du Zénith et jusqu’à ce qu'il soit à mi-course dans le ciel; 3- la prière de Asr (après-midi) une fois que le soleil est à mi-course dans le ciel; 4- la prière de Maghrib (le coucher du soleil) lorsque le soleil est couché; 5- la prière de Icha (la nuit) quand la nuit noire est atteinte.

Étant donné que l’heure de chaque prière se situe entre deux limites bien déterminées, rend la pratique des cinq prières quotidiennes dans une mosquée difficile. Pour cela le musulman peut faire chacune des cinq prières quotidiennes là où il se trouve durant le laps de temps que représente son heure fixée. C’est pour cela que, chez les musulmans, il est dit : "la Terre entière est une mosquée" et que la prière peut être pratiquée en tout point de la terre. On rapporte même que le Prophète de l’islam a dit: "la terre est un lieu de prosternement (masjid) fait pour moi" [2].  C’est-à-dire que la terre est en quelque sorte une « mosquée ».

Les musulmans, où qu’ils se trouvent, n'ont besoin d'aucune marque spéciale pour considérer tel endroit ou tel bâtiment comme lieu de prière. En fait, la prière peut se faire n'importe où, le lieu choisi sera "sacralisé" [3], si possible caché par rideau, délimité du moins par une natte. [4] Cependant, le lieu pour la prière doit être propre et convenable à un bon recueillement. Pour cela "Il suffit à un ouvrier de chez Renault ou Citroën n'importe où en France d'avoir accès à un robinet d'eau propre pour faire son rituel de purification, et de tourner sa tête vers l'est, dans la direction de la Mecque, pour transformer un couloir d'usine en une mosquée, un espace de prière." [5] Et  pour cela par exemple, à Montréal, les musulmans avaient l’habitude de faire la prière au stade Olympique pour célébrer la fin du jeûne.

Mais quoique l’islam soit une religion qui n’a pas besoin de décorum et n’alloue pas une grande importance à l’endroit pour faire les prières, la « mosquée » comme institution a gagné en importance. Elle a joué et joue toujours un rôle important dans la vie quotidienne des musulmans dans les pays islamiques. Et avec l’arrivée des immigrants musulmans en Occident, la « mosquée » a commencé à occuper une place dans le décor de l’espace public. Ainsi, il est devenu rare de trouver une grande ville européenne ou américaine sans « mosquée » [6].

Dans cet article nous allons  faire une description des différents genres de lieux de culte ou d’adoration islamique en mettant l’accent sur ceux qui existent à Montréal et, dans une deuxième étape, nous allons se pencher sur le rôle de ces lieux de culte en général et particulièrement en situation d’immigration tout en expliquant les causes qui ont profité aux genres les plus répandus.

 

B. Description des genres
de lieu de culte

Durant sa longue histoire, l’islam a connu plusieurs genres de lieux consacrés à l’adoration qui ont été désignés par l’appellation générique « ma’bad » ou lieu d’adoration. Ces lieux avaient des noms et fonctions différents. Nous allons décrire brièvement les différents genres.

1. Madrassa

Madrassa, en langue arabe, signifie tout court, école. En Occident, le terme ‘Madrassa’ est actuellement connu comme étant une école religieuse. Celui qui fréquente cette institution est Talib (=étudiant en arabe), d’où dérive le fameux terme Talibans ou les étudiants qui ont fréquenté les écoles islamiques. Historiquement ˝madrassa˝ n’est pas seulement un endroit d’éducation ordinaire, c’est également un lieu d’adoration où les fidèles viennent apprendre les préceptes du Coran et peuvent faire leur prière. Habituellement le ˝madrassa˝ ne possède pas un minaret pour qu’un muezzin appelle les fidèles à la prière du haut, alors que pour une mosquée, le haut-parleur est partie prenante. Les madrassas datent de l’avènement de la période Seldjoukide (une dynastie de la tribu dominante des Oghuz, une confédération de tribus de Turcs 1038-1307). Les Seldjouks ont créé ces lieux de culte pour enseigner l’islam sunnite et contrer les Fatimides (une des grandes dynasties arabes de tendance chiite 909-1171) qui avaient l’Azhar comme institution pour la diffusion de l’idéologie chiite. Les Seldjouks utilisaient les madrassas aussi bien pour les prières que comme endroit de sépulture. Bref, actuellement, un madrassa est un lieu de culte où les musulmans viennent apprendre les préceptes du coran et peuvent faire leur prière. Partout dans le monde islamique il y a des madrassas. À lui seul, le Pakistan compte entre 13000-15000 madrassas dans lesquelles étudient plus que 2000000 étudiants.

2. Khanqah, takiyah, zawiya

Les khanqahs (dans le monde persan), les takiyahs (dans le monde turc) et les zawiyas (dans le monde arabe) sont des lieux pour le culte et le savoir, où se réunissent des musulmans qui ont consacré leur vie à l’adoration, la méditation et la pratique des exercices spirituels. Ces lieux sont fondés soit par des responsables politiques, de grands personnages proches du pouvoir ou par des maîtres spirituels soufis. Les Khanqahs, les takiyas et les zawiyas sont des fondations religieuses qui se rapprochent des fondations monastiques chrétiennes. Ces lieux sont généralement composés d’un bâtiment possédant des cuisines, des bains et des petites chambres. Ils étaient proches des couvents chez les chrétiens. Ils bénéficiaient de donations et surtout des waqfs [7] qui leur étaient alloués. Le khanqah, le takiya et le zawiya sont devenus par la suite les endroits privilégiés pour le soufisme islamique. À la tête de chaque « couvent » il y a un maître spirituel.

3- Ribat

Le ribat est une institution islamique qui possède trois fonctions: militaire, religieuse et éducative. C’est un lieu d’adoration et de défense. Un lieu où des combattants volontaires, de pieuses personnes, des bénévoles musulmans et leurs familles vivaient, pratiquaient leur religion et consacraient leur vie à la défense de l'islam.

Le ribat est donc un couvent forteresse établi généralement sur les frontières de l'empire islamique, auquel on pouvait appeler à l'aide les garnisons des frontières et de l'intérieur du pays. Les gens vivant dans ces établissements sont appelés morabitouns, des personnes qui sont liées, qui se rassemblent. D’ailleurs du verbe arabe rabata (lier, attacher) dérive le nom de la capitale du Maroc, Rabat, ainsi que le mot Almoravide [8], qui est un terme francisé de l’arabe almorabitouns (ceux qui prennent position).

Les lieux d’adoration qu’on vient de mentionner ne sont plus actuellement très répandus. L’intérêt pour les ribats et les khanqahas a grandement diminué, même dans les pays majoritairement musulmans. Par contre, d’autres lieux d’adorations ont vu leur cote de popularité augmenter. Parmi lesquels on peut citer les genres suivants : masjid, jame’ et moussala qu’on trouve partout dans les pays où les musulmans sont majoritaires ainsi que dans les pays d’immigration. Chacun de ces termes a une signification différente.

4. Mosquée

Il existe deux formes de mosquée: 1) le masjid (lieu de prosternation) ou la mosquée tout court et 2) al-jame' ou la «mosquée du rassemblement» ou la «mosquée cathédrale» ou la «mosquée du vendredi ».

Le mot masjid dérive du verbe sajada. Le verbe sajada en langue arabe, veut dire se prosterner; al-soujoud, le prosternement ou la prosternation; al-masjad de l'homme est la partie du corps qui touche la terre lorsqu'on se prosterne, c'est-à-dire le front, le nez, les mains, les genoux et les pieds; et enfin masjid signifie le lieu où on accomplit le prosternement. Le terme français mosquée, qu'on utilise actuellement, est "introduit dans la langue française au XVIè siècle. Mosquée est une transcription de l'arabe masjid qui signifie: lieu où l'on se prosterne." [9] Ce terme "est la calque moderne d'un vieux latin du Moyen Âge, moschet, ou bien de l'italien moschette, eux-même dérivés de l'arabe masjid[10].

L’utilisation du terme al-Jame', pour désigner le lieu de culte islamique est très fréquente. Ce terme est dérivé de la racine linguistique arabe J.M.A', qui signifie rassembler, assembler. Le rôle de la mosquée est de rassembler les musulmans, d’où son nom la «mosquée du rassemblement.» La racine arabe J.M.A' est à la base de plusieurs autres termes importants en l'islam. Ainsi de cette racine dérivent les termes suivants: Jouma', ou le jour de Vendredi, c'est durant les prières de vendredi (d’où le deuxième nom de cette institution: la «mosquée du vendredi») que les musulmans se rassemblent en masse; Jama'at signifie assemblée, association, union, ces termes sont utilisés comme nom pour plusieurs organisations islamiques, comme par exemple: Jama'at al-ikhwan al-mouslimîn [11], association des frères musulmans, Jama'at al-jihad al-islamiyya, association du jihad islamique, Jami'at al-Tabligh [12].

Dans le passé, il y avait une différence entre le masjid et le jame’. Le masjid était habituellement le lieu où les musulmans faisaient les prières quotidiennes, tandis que le jame’ était le lieu où les prières quotidiennes se déroulaient qu’elles soient individuelles ou communatires. C’est dans le jame’ que généralement les musulmans faisaient les prières du vendredi et les prières lors des fêtes. Tout lieu de rassemblement (jame’ ou mosquée de vendredi ou de rassemblement) était aussi un lieu de prosternation (masjid). Mais tout lieu de prosternation (masjid) n’était  pas un jame’ (une mosquée de vendredi). C’est dans le jame’ que, dans le passé, la prêche principale du califat était prononcée, de façon que pour savoir qui a le pouvoir entre ses mains il suffisait d’aller au jame` (la mosquée cathédrale) pour écouter le discours de l’imam qui habituellement louait l’homme le plus fort.

Actuellement, les deux termes, « jame’ » et « masjid », sont devenus tellement semblables, de façon que, dans les deux établissements les musulmans font les prières quotidiennes et prêchent les vendredis.

La «mosquée du rassemblement» ou « mosquée du vendredi » al-Jâme' et le lieu de prosternation al-masjid se distinguent des constructions qui les entourent par deux genres de symboles: les minarets et les coupoles [13]. L'existence d'une source d'eau est indispensable pour la «mosquée du rassemblement» al-Jâme' et le lieu de prosternation  al-masjid. Chaque mosquée a un endroit spécial pour faire les ablutions.

 À l'intérieur de ces institutions, il y a une salle pour les prières, surtout pour les prières communautaires du vendredi midi. Cette salle n'est généralement pas meublée, mais souvent, des tapis couvrent le sol [14]. Parfois la flore et habituellement la géométrie et l'arabesque se déploient sur les murs ainsi que des versets coraniques écrits en langue arabe. Même ici au Québec, un coin à l'arrière, séparé par un paravent, est réservé aux femmes. Aucune photographie, ni statuette, ni dessin, sauf parfois une maquette de la Ka'aba (la pierre sacrée).

Toute salle de prière est munie d'un mihrab, une niche pratiquée dans le mur qui indique la direction de la Mecque, où se tient aussi la chaire à prêcher et où l’imam se met débout pour le prêche du vendredi. Habituellement, les fidèles se rangent en longues files parallèles, tournées vers La Mecque dont la direction est définie par le mihrab.

5. Le moussala  ou lieu de prière

Le moussala veut dire un endroit pour faire les prières. Les termes moussala, lieu de prière; salat, prière; et salla, prier, dérivent de la même racine linguistique arabe, composée des lettres: S.L.A. Le terme moussala est un terme ancien qui a pris de la popularité récemment à cause de sa simplicité.

Au début, le moussala était un endroit où les musulmans faisaient leurs prières les matins des fêtes [15] ou lors des occasions spéciales (prière pour obtenir la pluie, prière de remerciement). C’était un large espace à l’extérieur de la ville, loin des souks et des conglomérations résidentielles. Dans ces moussalas il n’y avait ni toit, ni clôtures, ni décorations, ni source d’eau pour faire les ablutions, ni coupole, ni minaret pour appeler à la prière et ni niche pour indiquer la direction de la Mecque.

Par la suite, une nouvelle forme de moussala a vu le jour. Il s’agit de simples lieux de prière érigés dans certains endroits et destinés aux voyageurs et caravaniers pour le repos et les prières. 

Cette deuxième forme de moussala, simple, économique et sujet de déplacement facile et continu, est devenue à la mode dans les pays d’immigration où la clientèle musulmane n’est, dans un pays ou une ville, que pour une durée limitée. On rencontre ce genre de moussala au CÉGEP, à l’université, aux centres de détention, aux aéroports, etc. Le moussala n'exige presque aucun investissement économique. Pas de grands discours dans le moussala, une lecture modeste est suffisante. Pas de rassemblements de masses, car en général, le nombre des croyants qui le fréquente est réduit. Ce genre de lieu de prière n'a pas de signes extérieurs qui attirent l'attention. Une chambre dans un appartement loué par un musulman peut servir à ce genre de lieu. Une chambre dans une université, dans une prison prêtée aux détenus de religion islamique, peut être considérée comme un moussala.

La ressemblance entre le mot arabe « moussala » et français « mausolée » est intéressante. Apparemment, les Croisés ont trouvé dans les pays islamiques qu’ils ont occupés des lieux nommés « moussala » dont plusieurs abritaient les tombes de politiciens, de dirigeants, de notables, etc. Ces derniers, pour s’assurer que leurs tombes ne seraient pas après la mort fouillées ou détruites, demandaient à être enterrés dans un endroit destiné à la prière et au repos. Ils allouaient, de leur vivant, une somme d’argent dans ce but [16].

6. housseiniyya

Il y a un autre terme utilisé seulement par la secte chiite qui sert à designer les lieux de culte. Il s’agit du terme housseiniyya. Le quatrième calife, vicaire du prophète Mouhammad, était 'Ali Ibn Abi Taleb. Il était aussi le premier Imâm suprême infaillible, mais uniquement pour la secte chiite. Son fils Houssein était le troisième Imâm suprême, pour cette même secte. Houssein et sa famille ont été massacrés. De son nom, Houssein, les chiites ont composé un terme "Houssein-niyya"et l’ont attribué à des institutions dont ils commémorent la mort de Houssein. Par la suite, le rôle de ces endroits s'est élargi. Les Housseinniyya servent aujourd'hui à toutes sortes d'activités ainsi qu’à la prière. C'est le cas de certains lieux de prière chiites au Québec, tel le Housseinniyya Ahl al-beit, qui était au 5733 Sherbrooke Ouest et qui a déménagé au 4075 Avenue De Courtrai.

Le Housseiniyya est l'institution chiite par excellence. C'est un lieu modeste, constitué d’une grande salle qui ressemble, par son contenu, plus à une mosquée qu'à un moussala. Cependant Housseinniyya n'a ni minaret ni coupoles, comme la mosquée. Par contre, ses murs sont décorés, en plus des versets coraniques, par les noms des Imâms chiites, considérés comme infaillibles, par des photographies des imams et des grands ayatollahs ainsi que les photos des martyrs.


C. Rôle de lieu de culte


a. En général

En parlant de la prière et du culte en islam il faut se rappeler que le musulman peut à chaque instant tourner le visage vers la Mecque et se mettre à prier. Qu'il soit dans un wagon de métro qui circule entre les stations Jean-Talon et Berri, dans un restaurant au Faubourg ou un café de la rue Saint Denis, dans un auditorium à l'UQAM ou dans une classe au CÉGEP du Vieux-Montréal, etc., le musulman peut se mettre à prier, sans préparation, sans ablution même, ignorant tout ce qui l’entoure. Donc, la prière peut se faire partout. L'endroit n'a que peu d'importance. Une interrogation découle de cette situation : est-il nécessaire, pour les musulmans, d’avoir un lieu spécifique, destiné uniquement aux prières ?

La description des lieux d’adoration mentionnés ci-haut, montre que chacun de ces lieux avait une fonction principale d’où découlait sa nomination. À côté de cette fonction principale, le lieu servait aussi à d’autres activités. Car force est de souligner que les fonctions des lieux de culte, dès le début de l’islam, tendaient à se confondre de façon que nous puissions y trouver, dans un même lieu, deux ou plus des ces institutions : une école, une bibliothèque, un gymnase, un couvent, une salle de réunion, un camp militaire, un palais de justice, un dortoir, un abri pour les étrangers, etc. [17]

Il se peut que cette caractéristique découle du fait que l’adoration pour les musulmans, qui suivent à la lettre l’exemple du Prophète, est une conception large qui ne se limite pas au culte, compris comme étant des pratiques réglées par la religion pour rendre hommage à dieu. Or il semble que l’adoration, pour les musulmans traditionalistes, va au-delà des prescriptions cultuelles et des cérémonies religieuses pendant lesquelles un office est souvent célébré, des prières sont faites et des obligations sont remplies. Cette notion va au-delà des prescriptions relatives à ce qu’on appelle les cinq piliers de l’islam liant le musulman à Allah (confession de foi, prières, aumône légale, jeûne, pèlerinage) pour embrasser une liste des prescriptions réglant ses relations avec les autres (musulmans et non musulmans) et dictant son comportement dans la société en général. De cette façon, toutes les transactions dans la vie quotidienne du musulman - du droit privé à l’héritage, de l’alimentation au divorce en passant par le mariage, du droit pénal à la défense et à la politique - deviennent une sorte d’adoration. Cette situation a aidé une bonne partie des ulémas musulmans, actifs sur la scène politique des pays islamiques, à adopter une conception holistique voyant dans l’islam une religion qui ne fait pas une séparation entre la vie spirituelle, la vie sociale et la vie politique. Cela englobe donc les rites, les croyances, les activités sociales ainsi que les contributions personnelles au bien-être de ses semblables. D’où le fameux slogan, que brandissent ceux qui veulent utiliser l’islam dans leur combat politique, qui insiste sur trois facettes inséparables de l’islam, composé de trois (D): L’islam est Dîn (religion), Dawlat (État ou organisation politique) et Dunya (monde, société ou organisation sociale), selon la formule de Mohamed Arkoun [18].

Mêler les activités n’est pas une innovation. Le premier lieu de culte islamique construit par le Prophète, la mosquée de Médine, était destiné à combler les différentes nécessités de la petite communauté musulmane- composée d’environs 70 personnes qui ont émigré avec le Prophète de la Mecque à Médine [19].

La tendance donnant au lieu de culte islamique un rôle polyfonctionnel se nourrit, non seulement de la tradition prophétique très chère aux cœurs des musulmans, mais aussi de la situation de l’islam dans un pays donné. La communauté est-elle en situation minoritaire ou majoritaire ? Quel est l’état de droit et de liberté dans cette société ? Les communautés minoritaires ont-elles le droit et la liberté d’exprimer ouvertement leur opinion, d’avancer leurs revendications, de manifester leur désaccord avec les politiques des dirigeants ? Quel sentiment ou vision intériorise la minorité ? A-t-elle peur de la majorité ? Fait-elle confiance aux systèmes, aux dirigeants, à la classe politique et à l’Autre en général? La réponse à ces questions influence le genre et le rôle du lieu de culte qu’une communauté musulmane implante dans un pays donné.

Dans les pays islamiques où l’islam est la religion de la majorité, des mosquées du rassemblement  (Jâme') se construisent dans les grandes villes. Ces institutions sont destinées presque uniquement au culte et surtout à la prière. Les autres activités se font dans des endroits spécifiques qui leurs sont destinés: comme les écoles, les bibliothèques, les centres culturels, etc.  L’État contrôle et subventionne ces lieux en formant et en payant les employés qui véhiculent un discours conforme au discours officiel. C’est le cas, par exemple, de l’Arabie Saoudite, du Maroc, de la Syrie, etc., où des mosquées du rassemblement contrôlées par ces États sont répandues dans les grandes villes. En effet, les imams de ces mosquées prononcent généralement des prêches complaisants avec les politiques du gouvernement.

Dans ces pays, on trouve aussi de simples mosquées (masjid) étatiques ou privées que l’État essaye de mettre sous son contrôle. Si la population est en harmonie avec la politique du gouverneur ou s’il n’y a pas un islam politique bien organisé ou structuré ou si l’islam politique a été soumis par force, ces simples mosquées ne jouent que le rôle d’un lieu pour les prières. Le personnel ne confronte pas ou  n’ose pas à affronter la politique officielle.

Mais, dans les pays islamiques où l’islam est la religion de la majorité, où l’islam politique est organisé et structuré et existe une mouvance islamique qui n’est pas en harmonie avec les dirigeants et où  il y a des mouvements de contestation, des partis islamistes, l’État construit ses propres  mosquées, les contrôle, désigne le personnel et les subventionne. En parallèle, l’islam politisé recourt à la construction des simples mosquées (masjid) ou des lieux de prière (moussala) qui sont utilisés pour différentes activités [20]. L’État ne contrôle pas ces institutions. L’argent nécessaire à leur construction, à leur maintenance et à aux besoins du personnel qui le sert vient de la communauté musulmane et non pas de l’État. Le discours véhiculé est contestataire et critique envers les politiques officielles. C’est par exemple le cas de certaines de ces institutions qui ont été construites par les partis politiques à caractère religieux en Algérie, en Égypte, en Turquie, etc.

Dans les pays islamiques où existe un groupe musulman minoritaire, les adeptes de cette minorité font recours aux lieux de culte simples, ne demandant pas beaucoup d’investissement, ne sont pas très visibles et permettant plus d’intimité et de discrétion. Ils essayent de se soustraire au contrôle des autorités pour pouvoir prendre en main la direction de leurs institutions religieuses. Pour cela, ils optent pour la construction des lieux de culte les moins exigeants économiquement et les plus discrets tels que les simples mosquées (masjid) et les lieux de prière (moussala). Pour eux, un seul lieu est suffisant pour les différentes activités. C’est, par exemple, le cas de certains des ces lieux qu’on trouve chez les sectes islamiques minoritaires au Pakistan, en Iran, en Arabie Saoudite où le pouvoir, qui est entre les mains de la secte majoritaire, ne subventionne pas et exercent une pression sur les adeptes de la secte minoritaire.

Dans les pays non islamiques, où il y une minorité musulmane, les membres de cette minoritaire font recours aux lieux de culte qui sont simples, ne demandent pas beaucoup d’investissement et qui permettent plus d’intimité et de discrétion pour ne pas être visibles. Ces minorités veulent se soustraire aux contrôles des autorités pour être indépendants dans la direction de leurs institutions religieuses. Elles optent pour la construction de lieux de culte moins exigeants tels que les simples mosquées (masjid) et les lieux de prière (moussala). Elles donnent à ces institutions un rôle polyfonctionnel. C’est le cas des communautés musulmanes qui existent au Canada et au Québec par exemple.

Évidemment, dans certains pays non islamiques, les musulmans forment des minorités religieuses reconnues par la société, les forces politiques et la loi. Ils ont le droit et la liberté d’exprimer leur opinion, de revendiquer et d’exercer leur culte ouvertement et sans crainte. En dépit de cela, nous trouvons que ces minorités optent généralement pour l’implantation des lieux de culte polyfonctionnels, simples, discrets. La cause peut être expliquée par le manque d’argent et de subvention, par la mauvaise structuration du leadership islamique, par l’existence récente des communautés musulmanes en immigration. La cause peut aussi être expliquée par la nouvelle expérience de l’existence des musulmans dans une situation minoritaire ou par la peur et la non confiance envers le pouvoir et l’État surtout que les musulmans ont une expérience non louable avec les dirigeants, la police et les représentants de l’ordre dans leur pays d’origine. Elle peut être expliquée par le lourd passé de confrontation entre l’Orient musulman et l’Occident chrétien, par l’esprit du colonisé, du marginalisé et de l’humilié. Pour toutes ces causes nous pouvons dire que les communautés musulmanes en immigration optent, généralement, pour la taqiyyah [21] (la dissimulation). Or la situation des minorités musulmanes, sunnites, chiites ou autres, après les événements du 11 septembre, commence à devenir semblable à celle qui a été vécue par les minorités chiites dans les pays islamiques à majorité sunnite. Cette situation minoritaire favorise la discrétion et l’implantation de lieux de culte modeste, moins exigeants et polyfonctionnels.

Sans doute, dans certain pays occidentaux, il peut y avoir des mosquées de rassemblement,  al-Jâme',  munies de symboles: les minarets et les coupoles et où les Musulmans peuvent faire les prières de vendredi et écouter l’imam prêcher. Dans ces pays, des grandes mosquées, des mosquées cathédrales, ont été construites, comme par exemple celle de Paris ou de Rome. Ce sont les gouvernements français, italiens, maghrébins, saoudiens qui ont aidé à la construction et au maintien de ces mosquées. Ainsi, les responsables de ces mosquées et le discours qu’ils véhiculent, même s’ils ne sont pas directement contrôlés, doivent prendre en considération et respecter les pays donateurs, soit le Ministère des Cultes français ou italiens soit le gouvernement saoudien ou marocain, etc. Ainsi ces mosquées du rassemblement ne sont pas la création des communautés musulmanes immigrantes mais peuvent être considérées plus comme des ambassades créées par certains pays islamiques que comme de lieux de culte, dans le sens large et islamique du mot.

b. En immigration

Les musulmans, vivant dans les pays d’immigration, sont exposés à une double misère, psychologique et matérielle, que seul le lieu de culte est capable d’éliminer. D’une part, la majorité est formée des gens de la première génération; des immigrants nouvellement arrivés dans une société où leur intégration se heurte à une image négative et des préjugés; ils ont perdu tout lien social et n’ont plus de repères; plusieurs n’arrivent pas à trouver un travail malgré leur degré élevé de scolarité; une bonne partie est vouée au chômage ou au bien-être social. D’autre part, surtout après les événements du 11 septembre, une majorité a le sentiment de se trouver dans un environnement ou d’être enfermée dans un espace hostile. Ces gens se sentent attaqués et cherchent un endroit qui les protège, les sécurise et les valorise. Ils veulent se trouver parmi des gens qui les respectent et leur procurent la confiance. Et, c’est en entrant à la mosquée qu’ils fuient cette double misère pour trouver la tranquillité d’esprit. C’est ainsi que la mosquée a acquis et gagné, ces dernières années, en terre d'immigration, de plus en plus de terrain. Elle est devenue polyfonctionnelle. Elle a réussi à substituer, la famille, les amis, la communauté, les anciens temps et les habitudes laissés dans le pays natal.

Ainsi la mosquée en terre d'immigration est :

- Un lieu de culte, de prosternation et d'adoration : les portes de toutes les mosquées québécoises ne sont pas toujours ouvertes comme c'est le cas dans les pays islamiques. À Montréal, toutes les mosquées ouvrent leurs portes pour la prière en commun (salat al-juma') à l'heure de midi, pour accueillir les fidèles. Elles accueillent aussi les fidèles qui se réunissent pour les prières des fêtes, et pour certaines occasions (naissance du prophète et durant le mois du jeûne, ramdân). Quelques-unes offrent leur service, pour les prières du coucher du soleil (salât al-magrib) et du soir (salât al-'isha), comme c'est le cas de la mosquée al-oumma qui se trouve sur le coin de la rue Sainte Dominique et Sainte Catherine.

- Un lieu de rassemblement : pour une bonne partie des musulmans québécois, le loisir et ses modalités ainsi que les endroits de rencontres sont très limités. Les musulmans fréquentent la mosquée pour se rassembler en communauté, en groupe et pour se rencontrer. Car c'est le lieu de rencontre le plus licite (halal) et le plus recommandé qu’ils préconisent. Pour cette raison, on réalise l'importance de la mosquée et le rôle qu'elle joue, en terre d'immigration, comme lieu de rencontre, pour rassembler les fidèles qui sont dispersés dans toute la ville.

- Un lieu d'affirmation et d'attachement à la communauté : la mosquée est un lieu où le musulman peut déclarer son islam sans crainte, sans objection, sans critique. L'endroit où il se sent à l'aise avec ses confrères, ses coreligieux, entre des gens avec qui il arrive facilement à communiquer. C'est le seul espace où il rencontre des gens qui parlent le même discours, se comportent de la même façon, utilisent le même vocabulaire, ont les mêmes sentiments, visent les mêmes buts. Ces sont des gens qui forment une petite communauté musulmane, appartenant à la grande communauté musulmane mondiale, al-oumma al-islamiyya. Pour l'immigrant musulman la mosquée représente, dans un monde étrange, inconnu, l'espace où il peut s'affirmer. C'est le seul espace "islamisé", c'est-à-dire qui se conforme aux règles islamiques, où les musulmans se sentent égaux, semblables et unis.

 - Un lieu de propagande : la mosquée est l'endroit par excellence pour diffuser une littérature islamique, organiser des cours sur l'islam, enseigner le coran, s'occuper de l'éducation des fidèles et les prémunir contre les valeurs non musulmanes auxquelles ils s'exposent. Dans toute mosquée, on trouve une bibliothèque et des coins de lectures, où on débat les différentes questions.

- Un lieu de formation : la mosquée vise à la formation et l'uniformisation de la pensée des fidèles. Ces sont des réseaux qui servent à mobiliser, recruter, organiser les musulmans récemment immigrés; mais aussi à re-islamiser ou au moins de rattacher les anciens immigrants et surtout leurs enfants à la communauté musulmane, pour entretenir le plus possible le sentiment d'identité musulmane. 

- Un centre d'affaire sociale : la mosquée est lieu où les affaires courantes des membres de la communauté peuvent être prises en charge. Elle représente souvent un centre d'entraide sociale et de service économique où on peut trouver des solutions à la toxicomanie, à l'alcoolisme et au décrochage scolaire. Certaines mosquées et les organisations affiliées représentent des lieux où les nécessiteux peuvent espérer une aide. On ramasse argent et vêtement pour aider les pauvres musulmans d'ici et d'ailleurs.

- Un lieu d'affirmation identitaire : la mosquée, pour le musulman immigré peut se transformer  en un lieu de rupture et de retrouvailles. Un lieu de rupture avec la société réelle et un lieu des retrouvailles avec la oumma, la communauté musulmane, qui n'existe que dans l'imaginaire. Elle sert comme une terre pour une nouvelle immigration. C'est comme une nouvelle immigration: de la société non musulmane vers l'islam; une immigration du temporaire et l'instantané vers le permanent et le durable, de la souillure vers la pureté, du profane vers le sacré. La mosquée est un îlot existant hors temps et hors espace qui assure la perpétuation de l'identité islamique.

- Un centre sportif : c’est une bonne « innovation » de la part des musulmans canadiens qui ont  réussi à donner un nouveau rôle à la mosquée. De plus en plus des mosquées au Canada commencent à avoir des gymnasiums, comme c’est le cas  de Kingston ou de Toronto [22].

- Une école : les mosquées ouvrent leurs portent durant les fins des semaines pour l’apprentissage du coran et de la langue arabe aux enfants de la communauté musulmane, ainsi que pour l’enseignement des rites et dogmes religieux.


Voici un extrait tiré du site du Centre Culturel Islamique de Québec (CCIQ) qui résume le rôle de la mosquée en immigration :

— La mosquée est notre point de rassemblement. C’est notre édifice religieux dans lequel sanctifierons Allah Talla ensemble.

— Et il n’est point de duplication quant à l’érection d’autres mosquées sur un même territoire. Nous avons besoin d’un endroit officiel reconnu et que cet endroit soit la maison d’Allah. Et la maison de nous tous :

— la maison du travailleur où il ira se rencontrer avec ses frères, prier et réciter quelques versets du Coran.

— la maison de l’étudiant où il y trouvera refuge pour une mise au point avec soi-même et ressource à sa foi.

— la maison de l’écolier dans laquelle il fera ses premières initiations de groupe en religion et en langue arabe.

— la maison de l’adolescent où il viendra participer avec ses parents à la prière du vendredi, où il pourra écouter les plus initiés qui lui racontent la vie de notre Prophète Mouhammad (Salla Allahou Alaihi Wa sallam) et des prophètes qui sont passés avant lui.

— la maison du passager qui cherche un lieu où prier dans la quiétude.

— la maison de l’étranger où il trouvera d’autres musulmans avec qui partager sa solitude et ne pas se sentir déployé.

— la maison de celui qui, frappé un quelconque chagrin de la vie, voudrait chercher support et aide.

— la maison dans laquelle les musulmans de Québec pourront enfin célébrer dans la joie leurs fêtes religieuses ou encore l’arrivée de leurs nouveaux-nés ou encore le départ vers l’au-delà d’un des leurs.

Cette maison qui sera la nôtre sur cette terre étrangère pour glorifier Allah Taala. Ce rappel est pour nous tous, que la mosquée a un rôle que parfois nous oublions.


D. Les éléments influençant
l’implantation d’un lieu de culte


Le fait, que les contacts et les relations des communautés ethnoculturelles se tissent directement avec les municipalités et que les revendications et les demandes (construction des lieux de culte, stationnement, changement du zonage, etc.) sont adressées en premier lieu à ce palier gouvernemental, pose un lourd fardeau sur les épaules des municipalités et les pousse à trouver les solutions convenables. De cette façon, l’insertion et ou l’implantation des immigrants et plus largement des communautés culturelles dans l’espace public devient un enjeu central pour les municipalités.

C’est un fait a pris de l’ampleur avec la montée de l’immigration et la diversification ethnoculturelle des grandes villes ainsi qu’avec la décentralisation du pouvoir municipal et le développement local qui donnent théoriquement du moins plus de liberté aux municipalités dans la solution des problèmes.

Dans le tissu diversifié des grandes villes, tous les groupes ethnoculturels ne posent pas les mêmes défis aux municipalités et à la population. Certains groupes marquent fortement l’espace urbain, tandis que d’autres passent incognito. Souvent, les signes invisibles du différent sont remarqués et accentués tandis que les manifestations solennelles et bruyantes du semblable sont ignorées et négligées. Certains groupes sont moins visibles alors qu’ils marquent fortement l’espace public, alors que d’autres groupes sont plus visibles malgré leurs comportements discrets.

Parmi ceux qui ont fortement « coloré » l’espace public et aidé fortement à l’augmentation de la diversification ethnoculturelle des grandes villes occidentales figurent les groupes musulmans. Ceux-ci ont une tendance à se visibiliser ou à être vus tant sur le plan individuel [23] que sur le plan groupal [24] ainsi que sur le plan de la perception, vu la conjecture mondiale qui depuis plusieurs années les place dans l’œil de l’aigle, leur moindre mouvement et demande étant mis sous la loupe, ce qui les rend très perceptibles par les autres groupes. À cause de leur spécificité religieuse (la nécessité d’avoir des lieux de culte à proximité des lieux de travail) ils pensent qu’ils ont le droit d’implanter des lieux de culte au plein centre ville, dans les zones commerciales ou industrielles. Cette situation pose parfois des challenges allant à l’encontre de l’intérêt général (exemption des taxes municipales et foncières) et crée des nouveaux défis aux municipalités dans la gestion du territoire et demande des nouvelles pratiques de gestion de la diversité.

L’implantation d’un lieu de culte par les musulmans dépend des facteurs qui peuvent être repartis en trois groupes : le genre de lieu de culte, le zonage et voisinage.

a. Le genre

 

En faisant la description des lieux d’adoration en islam nous avons signalé que, autre que son utilisation pour les prières, chaque genre avait une fonction principale d’où découlait sa nomination. À coté de la fonction principale, le lieu servait à d’autres activités. Ainsi lorsque la principale activité d’un lieu de culte cesse d’être nécessaire, le genre cesse d’exister ou devient rare. Il est alors remplacé par un genre plus pratique qui répond aux besoins des musulmans et a la situation dans laquelle ils se trouvent.

La description des lieux d’adoration montre aussi que chaque genre est différent par l’architecture, la visibilité ou la discrétion, la simplicité ou la complexité et les fonds nécessaires à la construction. Si nous laissons tomber les ribats, et les khanqahas qui à cause du déclin de leur rôle ont pratiquement, même dans les pays majoritairement islamiques, disparu, d’autres lieux d’adoration ont vu leur cote de popularité augmenté. Parmi lesquels on peut citer les genres suivants : masjid,  jame’, moussalla et madrassa.

Il va de soi que l’implantation d’une mosquée de rassemblement, c’est-à-dire une mosquée cathédrale (jame’), avec minaret et coupole, demande la mobilisation de plus de fonds pour sa construction qu’une simple mosquée (masjid). La mosquée cathédrale est plus visible et fréquentée par des foules. Par conséquence elle suscite plus de controverse et de résistance de la part du voisinage et de la municipalité [25]. Tandis que l’implantation d’un moussalla qui ne demande ni permission, ni architecture et ni fonds, peut se faire en toute discrétion sans soulever ni controverse et ni résistance.

Vu la situation économique, sociale, politique et organisationnelle précaire d’une partie des musulmans au Québec ainsi que les préjugés qui les entourent, il n’est pas étonnant de réaliser que les lieux de culte islamique les plus répandus sont ceux qui ne demandent pas beaucoup de fonds, ni de visibilité, ni d’organisation et ni de pression sur les municipalités. Pour cela, on réalise que les moussallas (lieux de prière) et les masjids (lieux de prosternation) sont répandus en situation d’immigration surtout là où les populations musulmanes sont d’implantation récente, précaire et ou temporaire, tels les collèges et les universités par exemple.

Les moussallas constituent la première étape dans la construction de l’islamité en immigration. Ils répondent aux conditions minimales : lieu pour les prières, les rencontres et les réunions, les hallaqas (cours ou séminaires pour l’étude du Coran et la Tradition du prophète).  Habituellement, dans les nouveaux quartiers, les moussallas qui s’implantent dans une chambre d’appartement loué par un musulman, se transforme, avec l’augmentation du nombre des musulmans, en masjid. Comme moussalla, il a fonctionné d’une manière discrète et informelle. Mais lorsque le nombre des musulmans, leur va-et-vient et leur possibilité financière augmentent, le moussalla se transforme en masjid et l’institutionnalisation de ce lieu de culte devient une nécessité. Une permission de la part de la municipalité est donc demandée. C’est ainsi que les relations avec les municipalités débutent et la question du zonage commence à se pointer.

b. Le zonage

Dans la cité islamique le choix de l’endroit pour l’installation d’un lieu de culte dépendait de la fonction principale que ce lieu remplissait. Les ribats ou les couvent-forteresses ont été établis généralement sur les frontières. Les khanqahs, les takiyahs et les zawiyas, consacrés à l’adoration, à l’étude, à la méditation et à la pratique des exercices spirituels, sont installés dans des endroits permettant ces genres d’activités. Le jame` ou la mosquée cathédrale ou de rassemblement qui sert pour les prières en commun, les vendredis à midi, est généralement installée au centre de la ville. Le masjid ou lieu de prosternation qui sert pour les cinq prières quotidiennes est situé près des endroits où travaillent et vivent les croyants. Le moussalla était au début un endroit destiné à l’utilisation d’un grand nombre des croyants pour célébrer les prières lors des grandes fêtes islamiques comme l'Eid Al Adha (ou la Fête du Sacrifice qui coïncide avec le point culminant de la période du pèlerinage) et  Eid-al-Fitr (qui marque la fin du mois de jeûne, le neuvième mois du calendrier islamique, le ramadan). Le moussalla était donc destiné pour une utilisation précise, une ou deux fois par an. Il ne demandait rien sauf une vaste place et fut ainsi aménagé en pleine nature à l’extérieur de la ville islamique. Mais lorsque son rôle a changé pour devenir un lieu de culte destiné aux prières quotidiennes d’un petit groupe des musulmans qui vivent temporairement (dans un quartier, une ville, une université, collège) il a déménagé à l’intérieur de la ville islamique. Avec l’arrivée massive des immigrants dans la cité occidentale, ce lieu de culte a pris de l’ampleur,  parce qu’il était toujours un endroit simple, pratique, discret, facile à organiser ne demandant ni d’investissements, ni d’argents et ni de permission de la part des autorités. Il va de soi que l’implantation d’un simple moussalla, qui occupe généralement une chambre dans un appartement résidentiel, dans une usine ou un local dans une université ou un collège, n’entre pas en opposition avec le zonage. Pour établir ce genre de lieu de culte, les musulmans ne s’adressent pas aux instances pour obtenir une permission. Ils ne veulent pas attirer l’attention. Dans certains cas, c’est une permission à l’amiable, conclue entre les musulmans et le directeur de l’institution en question. C’est, par exemple, le cas de l’Université de Montréal qui donne la permission à utiliser un de ses locaux pour les besoins d’un groupe d’étudiants de confession islamique  (l'Association des Étudiants Musulmans de l'Université de Montréal et Écoles Affiliées (aemudm) dispense les prières du vendredi dans la salle C-142 au CEPSUM. C’est aussi le cas de l’Association des Étudiants (es) Musulmans (es) de l’université Laval, où leur salle de prière est située au O 423 du Pavillon Moraud.

Par contre, l’implantation des masjids ou des mosquées tout court et des mosquées cathédrales ne peut pas passer sans attirer l’attention. Ces établissements sont visibles soit par leur architecture distinctive ou par la tenue vestimentaire des gens qui les fréquentent et qui ne sont pas nécessairement les habitants du quartier, soit par l’existence d’une plaque qui est accrochée sur les murs ou les fenêtres et qui divulgue l’utilisation du lieu. Il semble aussi que, la spécificité de l’islam qui demande que chaque prière quotidienne (elles sont au nombre de cinq) se fait durant un laps de temps bien fixé, a laissé sa trace sur le choix de l’endroit où établir le lieu de culte. Le fait que le croyant musulman soit obligé d’aller cinq fois à une « mosquée » éloignée du lieu de travail, ce qui demande beaucoup de temps, a poussé certains groupes musulmans à opter  pour l’établissement de leurs lieux de culte dans les zones commerciales, à proximité des lieux de travail de leurs coreligionnaires. Cela pourrait les mettre en conflit avec les municipalités en ce qui concerne l’achalandage et les règlements de zonage.

L’établissement des lieux de culte islamique ne se limite pas aux zones commerciales. Les musulmans établissent aussi les lieux de culte dans les zones industrielles surtout dans les anciennes usines et fabriques (exemple le Centre Islamique Libanais à Montréal sur la rue Port Royal).

c. Le voisinage

Le voisinage représente un des éléments les plus importants qui affecte l’établissement d’un lieu de culte islamique dans un endroit donné. Une gamme des facteurs affectent directement ou indirectement ce processus. Parmi lesquels nous citons :la langue parlée; la diversité ethnique et religieuse des communautés existantes dans la municipalité; l’ethnie du groupe majoritaire dans la municipalité et son poids; la rivalité entre le groupe islamique et les autres minorités déjà existantes dans la municipalité donnée ; le statut social; les forces politiques actives dans la municipalité.

La population islamique au Québec est composée principalement de deux contingents essentiels: les ressortissants des pays arabes (Liban, Algérie, Tunisie, Maroc) majoritairement francophones et les ressortissants de l'aire indopakistanaise (Pakistan, Inde) principalement anglophones. Les pays francophones qui reçoivent des immigrants attirent plus les immigrants francophones, tandis que les pays anglophones attirent principalement les immigrants anglophones.

La spécificité de la société québécoise où l'on retrouve, bien sûr, une forte majorité francophone, mais aussi une minorité anglophone, établie de longue date et disposant d'institutions économiques et culturelles, fait qu'elle attire une immigration plus diversifiée qu'un pays mono linguistique. Ainsi, la population musulmane du Québec est plus diversifiée, de point de vue linguistique et ethnique, que celles que l'on retrouve dans les autres pays occidentaux ou même dans d'autres provinces canadiennes. La population musulmane de Grande-Bretagne, est surtout d'origine sud asiatique [26]. Celle de la France est surtout d'origine maghrébine. Quant à la population musulmane immigrante en République Allemande, elle est représentée par un grand pourcentage de musulmans d'origine turque [27].

En ce qui concerne le Québec, et compte tenu du bilinguisme qui n'existe réellement au Canada qu'à Montréal, l'immigration islamique dans cette métropole provient de divers pays. Ainsi nous pouvons dire que la population musulmane au Québec est divisée en deux parties: francophone et anglophone. Concernant l’origine nationale, nous pouvons aussi diviser la population musulmane du Québec en deux grandes parties qui correspondent à la division linguistique. La première est composée des Musulmans arabes (d'origine maghrébine - une partie des Musulmans maghrébins est berbère -, libanaise, égyptienne, etc.). La deuxième partie, la plus anciennement installée, est indopakistanaise [28]. En plus, compte tenu d'un taux important d'immigration en provenance de certains pays comme le Liban, l'Iran et l’Irak le pourcentage des Musulmans chiites dans la population musulmane montréalaise est plus élevé que ce pourcentage dans les autres pays du monde. [29]

Les musulmans au Québec sont d'implantation relativement récente. C'est à partir des années 60 que leur immigration commença à augmenter et se diversifier. Selon Statistique Canada on a recensé 12120 musulmans au Québec [30] en 1981 et 108 620 en 2001. Leur nombre actuel frôle les 250000 personnes, selon le « recensement » du leadership islamique québécois. Cela veut dire que le nombre de musulmans a été multiplié par 9 en vingt ans. 75% de la population musulmane est arrivé au Québec après 1990. Leurs arrivées au Canada et au Québec sont en vagues et selon les pays. Leur arrivée débute par la vague indopakistanaise, passe par les vagues iranienne et libanaise. On est actuellement dans la vague algérienne.

Il va de soi que jusqu’à un passé pas non très lointain, les premiers immigrants musulmans, qui appartenaient essentiellement à la première vague, préféraient s’installer dans les quartiers anglophones ou mixtes. Certains facteurs influençaient cette préférence à savoir la langue anglophone de la majorité de ces immigrants musulmans de la première vague indopakistanaise, l’existence des écoles anglophones dans les parties ouest de la métropole (avant l’adoption de la loi 101), leur inclination vers les organisations de la société d'accueil qui s'arriment avec la visée fédérale multiculturelle et leur adhésion à la politique fédérale multiculturelle [31], l’influence d’un discours anglophone au Québec qui se veut défenseur des minorités non françaises.

 De cette façon, la première mosquée a été construite à ville Saint-Laurent rue Laval dans les années 1965 par le CIQ (Comité Islamique du Québec). Et la plupart des lieux de culte islamique se sont installés à l’ouest de la rue Saint-Laurent.  

Depuis quelques années, il y a eu un changement dans les endroits où les lieux de culte islamiques s’implantent. L’Ouest du Grand Montréal reste un endroit préféré mais il devient de plus en problématique pour les musulmans de s’y implanter. Tandis que l’Est commence à voir les lieux de culte islamique. Quelques éléments ont influencé et influencent toujours cette tendance :

- La langue et l’ethnie de la nouvelle immigration islamique : dans les dernières décennies, il y a eu un grand changement dans la nature de l’immigration islamique. Les guerres du Liban et du golf, la situation dans les territoires palestiniens occupés, le drame algérien et l’immigration en provenance des pays du Maghreb ont changé le visage de l’immigration islamique au Canada. Ces guerres qui se déroulent dans des pays de langue arabe ont poussé les musulmans arabes à immigrer. Le Québec, étant un pays d’immigration, a accueilli une partie de ces immigrants musulmans et arabes. Ce qui a accentué le poids de l’ethnie arabe parmi les immigrants musulmans qui arrivent pour vivre au Québec. Cela n’est pas sans conséquence sur l’implantation de nouveaux lieux de cultes islamiques, surtout qu’un grand pourcentage de ces  musulmans qui sont arrivés et arrivent à Montréal (Algériens, Tunisiens, Marocains, Libanais) qui ont une affinité avec la culture française et une bonne connaissance du fait français. La majorité de ces immigrants ne parlent pas l’anglais et sont familiarisés avec le fait français. Pour cela ils se dirigent vers la partie est de la Ville pour vivre et se loger. En plus, le coût moins cher du loyer dans ces localités est un élément additionnel qui attire ces gens qui sont dans la plupart des cas dans une situation économique modeste.

- Le problème palestinien : la première et la deuxième intifadas, la guerre du Liban et de Gaza ont aggravé  la situation au Proche-Orient et ont grandement détérioré les relations entres les Juifs et les Arabes partout dans le monde. Au Québec, la communauté juive jouit d’une présence et d’une influence accentuées, surtout dans les quartiers anglophones et non catholiques. Dans le passé l’implantation des lieux de culte islamiques dans ces quartiers ne suscitait pas beaucoup de réticence de la part de la communauté juive. Car les musulmans, qui s’y installaient, étaient des Pakistanais (les Arabes ne formaient qu’une minorité musulmane vivant parmi les anglophones). Auparavant plusieurs points communs réunissaient les immigrants musulmans et juifs. Ils étaient des partenaires dans les revendications pour les droits aux minorités religieuses. Ils faisaient front commun lors des élections et des referendums. Mais avec l’arrivée massive des immigrants musulmans et surtout arabes, la situation n’est pas restée la même. Il semble que les Juifs ont le sentiment d’être menacés par ces nouveaux arrivants. Cela peut être senti, par la lettre que quelques leaders de la communauté juive ont envoyée au Premier ministre israélien Ariel Sharon, advenant la fermeture du consulat israélien à Montréal [32]. Dans cette lettre les leaders de la communauté juive se plaignent de leur sort et les difficultés qu’ils ont à confronter devant l’arrivée massive des Arabes au Québec.

Ces éléments réunis ont fait que les nouveaux immigrants musulmans, à majorité arabe et francophone, s’installent dans l’Est de l’île, dans les quartiers à majorité francophone du Gand Montréal. Dans le passé, les musulmans ne se dirigeaient pas vers l’Est pour implanter leurs lieux de culte et aucun musulman de la première vague, la vague indopakistanaise, n’habitait pas et ne travaillait pas dans ces endroits. Par contre, aujourd’hui, les lieux de culte islamique commencent à s’installer et à se multiplier à Saint-Léonard, Montréal Nord, Saint-Michel, Bélanger, Jean Talon Est, etc. Ce sont les musulmans Libanais, Marocains, Tunisiens et Algériens qui sont majoritairement Arabes et qui viennent des pays francophones qui ont lancé ce mouvement, à cause des obstacles, de différente nature,  qui se dressent devant l’implantation des lieux de culte islamique dans les quartiers, à l’Ouest de l’île, où les anglophones – majoritairement disciples de l’Église de la reforme et de la religion juive – ont leur mot à dire sur ces dossiers.


Conclusion

Durant sa longue histoire, l’islam a connu plusieurs genres de lieux consacrés à l’adoration, qui ont été désigné par l’appellation générique « ma’bad » ou lieu d’adoration. Ces lieux avaient des noms et fonctions différents. Leur description montre que chacun d’eux avait, à coté de sa fonction principale (couvent, école, forteresse, lieu de repos, dortoir, etc.), d’autres activités parmi lesquelles nous trouvons des activités cultuelles. Dès le début de l’islam, les fonctions tendaient à se confondre (prière, enseignement, consultation, réception, méditation, sépulture, défense) de façon que, dans tout lieu de culte islamique, nous puissions trouver une ou plus des ces institutions : une école, une bibliothèque, un gymnase, un couvent, une salle de réunion, un camp militaire, un palais de justice, un dortoir, un abri pour les étrangers, etc. Cette tendance qui donne au lieu de culte islamique un rôle polyfonctionnel se nourrit de la tradition prophétique très chère aux cœurs des musulmans, de la situation des musulmans dans un  pays donné.

Dans les pays islamiques, où l’islam est la religion de la majorité, des mosquées du rassemblement  (Jâme') se construisent dans les villes et les villages. Ces institutions sont destinées presque uniquement au culte et surtout à la prière. Les autres activités se font dans des endroits spécifiques destinés à ces buts : les écoles, les bibliothèques, les centres culturels, etc.

Dans les pays islamiques, où un groupe islamique minoritaire existe, ce dernier fait recours aux lieux de culte simples, ne demandant pas beaucoup d’investissement, ne sont pas très visibles et permettant plus d’intimité et de discrétion, tels que les simples mosquées (masjid) et les lieux de prière (moussala). Les autres activités se font dans ces endroits.

Dans les pays non islamiques, où il y une minorité islamique, cette dernière, voulant se soustraire aux contrôles des autorités et être indépendant dans la direction de ses institutions religieuses, opte pour la construction de lieux de culte moins exigeants tels que les simples mosquées (masjid) et les lieux de prière (moussala). Elle donne à ces institutions un rôle polyfonctionnel. C’est le cas des communautés islamiques qui existent au Québec pour qui le lieu de culte a réussi à substituer, la famille, les amis, la communauté, les anciens temps et les habitudes laissés dans le pays natal.

Au Québec, les communautés musulmanes, car il s’agit vraiment des communautés et non pas d’une seule communauté, ne sont pas des communautés locales. Elles ne sont pas des communautés limitées géographiquement selon les limites des arrondissements ou des municipalités. Elles sont des communautés culturelles qui débordent les limites des arrondissements pour englober tous les musulmans, qui appartiennent soit à une secte, un pays, un courant, une école ou soit à une tendance [33]. Elles ne sont pas tellement impliquées sur le plan local. Elles sont des communautés qui fournissent l’aide et le support quasi-totalement à leurs membres. Leurs activités sont quasi-exclusivement destinées à leurs membres qui sont en bonne partie répandus dans toute la ville et non pas dans une localité. Les musulmans se distinguent selon plusieurs critère: la langue, le tenue vestimentaire, la physionomie, la religion, les habitudes, etc. Leurs transactions avec l’entourage sont minimes. Leur implication sociale dans la vie des quartiers est encore difficile. Les relations entre les pratiquants de cette religion et la société d’accueil ne sont pas encore bien établies. Les contacts du leadership islamique avec les institutions, les politiciens, les élus locaux et les institutions en général ne sont pas faciles. Ni les musulmans qui sont nouveaux et sans expérience dans le pays sont habitués à faire des transactions avec les résidents et les municipalités, ni les municipalités savent comment approcher ces nouveaux arrivants. Tout cela crée, dans certains quartiers, quelques réticences concernant leur acceptation et les projets, qu’ils essayent de mettre sur pieds, rencontrent certaines résistances.



[1] Coran sourate 4; verset 103.

[2] Voir Lissan al-'arabe, Ibn Manzour, matière M.

[3] Exceptés : les cimetières, les lieux des anciennes tombes, les endroits rendus impurs par les sangs versés «abattoirs », les lieux où se rassemblent les animaux, les bains publics, les salles des ablutions, une propriété illégalement saisie.

[4] L. Gardet, L'Islam : religion et communauté, p.121 Paris,  Desclée de Brouwer, 1982.

[5] Fatima Mernissi, Soultanes oubliées, p. 91, Éditions Albin Michel, Paris 1990, 298 pages.

[6] En 1950 a été créée la Fédération des associations islamiques des États-Unis et du Canada. Cinquante-deux mosquées y ont adhéré. Leurs fidèles étaient principalement des Libanais et des Syriens. Il y avait aussi quelques groupes de musulmans des Balkans. Ce chiffre ne comprend pas les mosquées afro-américaines, qui étaient au nombre de cent environ (La société américaine, Revue électronique de l'USIA, volume 2, numéro 1, mars 1997.)  Il y a actuellement entre 1500-2000 grandes mosquées aux États-Unis, Selon une étude du Council on American-Islamic Relations, CAIR. Voir : http://www.cair-net.org.  Il y avait en France dans les années 80 plus de mille "mosquées", il y en a trois mille aujourd'hui et autant sinon plus, de lieux de prières secondaires comme les caves, les appartements, les garages et tous autres lieux similaires, voir : http://editionles12.polymania.com.

[7] Les biens  Waqf sont des biens de toute nature, rendus inaliénables, selon une action de bienfaisance.

[8] Les Almoravides sont des guerriers pratiquant un islam strict venus du Sahara occidental.

[9] Dassetto Felice, Bastenier Albert, p. 56, L'Islam transplanté, Éditions EPO, 1984, Bruxelles, 200pages.

[10] Encyclopaedia Universalis, 1990, Tome 15.

[11] Un mouvement islamique, né en Égypte, mais  répandu dans tous les pays arabes et immigration.

[12] C'est une organisation fondée en Inde dans les années vingt, elle ne préconise pas la politique, mais prêche une stricte pratique de la religion.

[13] À Montréal les mosquées munies des minarets et coupoles sont rares. On trouve une sur le Chemin Laval à Ville St-Laurent et une autre sur la rue St Dominique au centre ville.

[14] Le dictionnaire Robert de la langue française, n'éloigne pas l'hypothèse que le terme français moquette aurait pour valeur initiale "tapis de mosquée". Car selon les anciennes formes du terme moquette "serait le même que mosquée, par les variantes disparues: mosquet, mosquette et musquet".

[15] Au Québec, les musulmans font, parfois, les prières de la fin du jeûne au stade Olympique, pour les Montréalais et au Paladuin, à Brossard,  pour les musulmans de la rive sud.

[16] Voire  le livre “Almassajid fil islam” du  Sheik Taha al-Wali, Beirouth, Dar al-Ilm lil-Malawiin, en langue arabe.

[17] Du temps des Sarazins on appelait mosquée tout lieu de réunion honnête, et ce nom s’appliquait aussi bien  à  un club où l’on jouait aux échecs qu’à une école ou à un souk quelconque. La mosquée était ouverte jour et nuit.….  On y hébergeait les voyageurs, les mendiants, les sans-abri : on y venait en foule aux heures où le muezzin appelait les fidèles à la prière, mais l’on s’y rendait également en dehors de ces heures-là pour y retrouver ses amis, bavarder, faire une partie d’échecs, apprendre et commenter les nouvelles. C’était là que les poètes faisaient entendre leurs œuvres, que les conteurs et les avaleurs de sabre amusaient le public, là encore que se donnaient les rendez-vous d’amour et que s’installaient les écrivains publics; et une foule nombreuse s’y promenait, s’y reposait  et y flânait chaque jour au soleil, et chaque soir à la clarté des lampes. Voir Aly Mazahéri, L’age d’or de l’Islam, Éditions EDDIF 1996, Première édition Hachette 1951,  page 32.

[18] Célèbre philosophe et historien de l’islam, décédé le 15 septembre 2010.

[19] Dans ce petit endroit construit par les moyens du bord, auvents couverts de palmier enduits d’argile et soutenus par des troncs de palmier, le prophète dispensé toutes les affaires de la jeune communauté musulmane. Il recevait les délégations, logeait les compagnons, traitait les affaires du jeune État, enseignait les disciples, soignait les malades, prononçait les sermons, célébrait la prière collective. Il servait donc comme demeure pour le prophète et ses compagnons, salle communautaire, école, hôpital, salle de réception et enfin comme lieu de culte. On raconte que le prophète a permet aux Chrétiens venant de l’Éthiopie de danser dans la mosquée de Médine lors de la réception de leur délégation. Ahmad Fikri , Masjid Al-Quairawan , Dar Al-Maaref, le Caire 1936, p.41.

[20] Il suffit de donner l'exemple de l'Algérie, l'Égypte et l'Intifada palestinienne, où la Mosquée représentait et représente le lieu de confrontation par excellence avec les pouvoirs en place. Celui qui domine les mosquées domine les masse et la rue.

[21] La taqiyyah est une sorte de stratagème religieux utilisé par les minorités chiites. Elle consiste à adopter par la parole ou par l’acte un comportement manifestement différent de la réalité de l’état, visant à dissimuler la vérité et la croyance devant les ennemis, par peur ou en vue de protéger la vie, la fortune ou l’honneur. Cette habitude est développée et ancrée dans l’histoire de la minorité chiite qui  a subi la pression de la part du pouvoir de la majorité.

[22] THE OTTAWA CITIZEN, SATURDAY JULY 12, 2003 “Canadian Muslims creating a new culture”.

[23] Tenue vestimentaire, hijab, barbe.

[24] Lieux de culte marqué par une architecture spéciale, minaret, coupole, prière en commun les vendredis qui crée un problème de stationnement.

[25] En 2002 les résidents et la municipalité de Brossard ont bloqué la construction d’un centre islamique en avançant différents arguments (taxes, aménagement d’un parc, trop de circulation, trop de va-et-vient) dont un très étrange avancé par un citoyen lors de la consultation publique. Ce citoyen avançait la peur de voir les États-Unis bombarder le lieu.

[26] Menski, Werner. 1995. "Nationalité, citoyenneté et musulmans en Grande-Bretagne". In Islams d'Europe. Intégration ou insertion communautaire ?, Robert Bistolfi et François Zabbal (dirs), p. 133-140. Paris: Aube.

[27] En République Fédérale Allemande, on compte 1,6 millions de musulmans d'origine turque (Uçar, 1995). Uçar, Ali. 1995. "Pratiques sociales et références religieuses". In Islams d'Europe. Intégration ou insertion communautaire?, Robert Bistolfi et François Zabbal (dirs), p. 226-230.

[28] D'après le recensement de 1991, Statistique Canada avance les nombres suivants: musulmans d'origine maghrébine (Maroc, Tunisie et Algérie) 8030; libanaise 6715; indopakistanaise (Pakistan, Inde et Bangladesh) 7645.

[29] Le pourcentage des chiites à Montréal dépasse, selon les estimations des leaders de cette communauté, le 30%, alors que dans le monde, il est moins de 15%. “La construction de l’islamité et l’intégration des Musulmans au Québec dans le discours de leurs leaders”. Ali Daher. Thèse de doctorat. Université du Québec à Montréal, Juin 1998.

[30] Les religions au Canada, Statistique Canada, recensement de 1991, cat.93-319, juin 1993.

[31] Cela touche les institutions gouvernementales, les partis politiques, les organismes primaires et même les communautés et les individus qui ont des orientations fédéralistes.

[32] Internet,  Jerusalem Post.  Aug. 8, 2002 “Montreal loses a consul-general”, By GIL HOFFMAN.

[33] Quoique les dogmes et les piliers soient à peu près les mêmes, les musulmans montréalais appartiennent à des sectes confessionnelles très variées. Il y a la branche sunnite avec ses écoles de jurisprudence : les malékites, les shaféites, les Hanafites et les Hanbalites. La branche chiite et ses sectes : les chiites duodécimains, les chiites ismaéliens, les alaouites, les druzes. Les nouvelles tendances comme les ahmadis, l'islam américain de Alijah Muhammad, de Malcom X et de Louis Farakhan. Le soufisme, représentée par les confréries naqshabandiya, qâdriya, shâdhilliyya, Tijaniyya.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 12 mai 2011 6:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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