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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LE TIERS-MONDE QUI RÉUSSIT. NOUVEAUX MODÈLES. (2003)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Philippe d’Iribarne, avec la participation d’Alain Henry, LE TIERS-MONDE QUI RÉUSSIT. NOUVEAUX MODÈLES. Paris: Les Éditions Odile Jacob, 2003, 281 pp. [Les deux auteurs nous ont accordé conjointement le 1er mars 2017 leur autorisation de diffuser en accès libre à tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales. L’autorisation nous a été communiquée par M. Alain HENRY le 1er mars 2017].]

[9]

LE TIERS-MONDE QUI RÉUSSIT.
Nouveaux modèles

Introduction

Soumis à la pression conjointe de la mondialisation en marche et des institutions internationales, les pays dits « en développement » sont sommés de se réformer. Pendant longtemps on les a plaints, et leur situation a même suscité quelque compassion, plus ou moins empreinte de culpabilité, au sein des pays riches. Mais le vent a bien tourné. Les succès des pays dits émergents, d’Asie et dans une certaine mesure d’Amérique latine, sont largement considérés comme une preuve que ceux qui le veulent vraiment peuvent s’en sortir. C’est avant tout, affirment maintenant les augures des institutions internationales, FMI en tête, une bonne gouvernance, au sein des institutions publiques comme dans les entreprises, jointe à l’acceptation sans réserve des disciplines du marché, qui est le nœud de la question. La corruption des détenteurs du pouvoir, public et privé, l’insuffisante transparence de leurs actions, le manque de démocratie, sont les coupables. C’est grâce à des réformes courageuses dans ces domaines que les pays actuellement en retard pourront rejoindre progressivement le peloton de ceux qui montrent la voie et prendre toute leur place dans une économie [10] mondialisée. Le chemin est clair, il suffit de vouloir l’emprunter.

Face aux pressions qui s’exercent ainsi, les responsables ou citoyens ordinaires des pays intéressés sont divisés et souvent embarrassés. Ils sont en général très désireux que leur pays se modernise économiquement, que s’y développe une économie prospère capable de fournir à la fois des emplois rémunérateurs et des ressources qui permettent d’améliorer la qualité des services publics (santé, éducation, etc.). Ils sont souvent conscients que ses institutions, publiques et privées, fonctionnent mal. Ils désirent que se mette en place un exercice de l’autorité plus démocratique et plus transparent, et que, là où elle sévit, il soit mis fin à la corruption. Ils admettent pour beaucoup qu’une « bonne gouvernance » (qu’ils connaissent ou non le terme), à diverses échelles de pouvoir, est un ingrédient essentiel du développement. Ils sont conscients que tout cela concerne leur société dans son ensemble, qu’une modernisation superficielle ne saurait suffire et que de multiples remises en cause sont nécessaires, dans les habitudes parfois les mieux ancrées. Et, simultanément, ils tiennent à leur identité, à leur culture. Ils ont le sentiment que, sous couvert de modernisation, un néocolonialisme rampant tente de leur imposer des pratiques qui leur sont profondément étrangères, les menaçant de leur faire perdre leur âme. Les institutions internationales et les héritiers ultralibéraux des « Chicago boys » sont l’objet de maintes critiques. Dans les entreprises rachetées par des groupes européens, américains ou japonais, où le nouveau maître impose, de manière parfois brutale, ses propres méthodes de management, on observe une certaine rancœur. De larges pans de l’opinion dénoncent une mondialisation déshumanisante. Chez les plus critiques, les réactions au mouvement de modernisation vont jusqu’à alimenter une haine de l’Occident, vu comme [11] son inspirateur, qu’accompagne un repli identitaire mêlé parfois à un fondamentalisme virulent.

Il peut être tentant, face à de telles réactions, de dire que les intéressés ne savent pas ce qu’ils veulent, que s’ils désirent bénéficier des avantages d’une économie et d’institutions modernes, il faut qu’ils soient prêts à en payer le prix, que c’est à eux de faire leurs choix et d’en assumer les conséquences. Toute référence à une spécificité quelconque des pays considérés est alors rejetée, comme mauvaise excuse visant à masquer un manque de volonté politique. La mention de spécificités culturelles suscite des réactions particulièrement hostiles. Les plus zélés y voient un pur prétexte couvrant un refus d’engager des réformes qui porteraient atteinte aux intérêts de ceux qui profitent du statu quo, ou comme le symptôme d’un conservatisme borné. Une sorte de fondamentalisme modernisateur, drapé dans ses certitudes, se dresse alors, raideur contre raideur, bonne conscience contre bonne conscience, dénonciation contre dénonciation, face aux fondamentalismes réactionnaires. Mais faut-il vraiment en venir là ?

Le mouvement de modernisation, dans les pays qui ont ouvert la voie, aurait-il été, et continuerait-il à être, quelque chose de si simple que l’on puisse en dégager quelques recettes du bien qu’il suffirait d’appliquer sans dévier ? Les maîtres de vertu ont aussi leurs failles ; les faillites piteuses de quelques grandes entreprises américaines données en modèle il y a peu viennent encore de le montrer. La lutte contre la corruption, la démocratie, la bonne gouvernance, sont certes une question d’institutions, mais ces institutions ne produisent pas leurs bienfaits de façon mécanique. Encore faut-il que ceux qui ont à les mettre en œuvre y adhèrent, leur donnent vie, soient fidèles à leur esprit au-delà d’une lettre qu’il n’est souvent que trop facile de détourner. Tenir compte de cela amène [12] à être attentif aux hommes, dans leur faiblesse certes, mais aussi dans leur désir de bien. Et, dès lors, comment ignorer la diversité des formes que ce désir peut revêtir ? Au sein même des sociétés européennes, ou de cultures européennes, le mouvement de modernisation n’a pas, et de loin, été synonyme de standardisation rigoureuse. Leurs institutions politiques sont loin d’être identiques. Leurs droits diffèrent. Il en est de même de leurs méthodes de management. Ces institutions, ces droits, ces méthodes, sont fortement marqués par la diversité de leurs cultures politiques [1]. Ainsi la manière américaine de concevoir la vie en société et le gouvernement des hommes, les formes de civisme ou de devoir professionnel que l’on rencontre aux États-Unis diffèrent sensiblement de celles qui prévalent en France, en Allemagne ou en Suède. Même s’il impressionne moins qu’il y a vingt ans, le Japon s’est acquis une place enviable dans l’économie mondiale en étant loin de copier servilement les institutions et les pratiques venues d’ailleurs ; s’il s’est ouvert aux influences étrangères, c’est pour y trouver une source d’inspiration non pour imiter sans réfléchir.

Cette adaptation des institutions aux cultures au sein desquelles elles prennent sens serait-elle moins nécessaire dans les pays en développement ? L’accès aux bénéfices de la modernité, économique et politique, serait-il tellement incompatible avec les singularités de leurs cultures qu’il leur faudrait résolument oublier celles-ci, soit qu’ils développent en leur sein un secteur « moderne », supposé fonctionner en état d’apesanteur culturelle, qui grignoterait progressivement ce qui y reste d’institutions et de pratiques « traditionnelles », soit qu’ils s’engagent plus  globalement dans une sorte de conversion culturelle ; le [13]  seul choix qui leur serait offert serait alors de savoir laquelle des sociétés dites modernes ils vont prendre précisément comme modèle. Faut-il croire vraiment qu’une sorte de lavage de cerveau, si tant est qu’il soit réellement possible, est pour certains pays un prix à payer inévitable ? Sans doute, si les pays qui sont ainsi sommés de se transformer étaient uniformément marqués par une combinaison d’inefficacité, d’autocratie et de corruption, si leurs cultures se résumaient à des coutumes faisant obstacle au progrès, pourrait-on se poser la question. Mais leur réalité est infiniment plus complexe.

Ceux qui ont l’expérience de ces pays savent bien qu’il existe déjà des îlots de modernité, d’efficacité et de bonne gouvernance jusque dans ceux d’entre eux qui apparaissent globalement comme les plus critiquables (les plus en difficulté, dirait-on dans une autre perspective). Ainsi il existe partout des entreprises remarquables par leur gestion et leurs performances (et pas seulement, quoi qu’on en dise parfois, des ateliers d’un autre âge où des multinationales avides, servies par des compradores locaux, exploitent une main-d’œuvre à bas salaires) [2]. La question est de savoir quels enseignements on peut tirer de leur existence. Signifie-t-elle qu’il est possible de moderniser les pays concernés malgré leur culture, en luttant contre celle-ci, ou au moins en l’ignorant, grâce à l’importation de modèles étrangers qui permettraient de construire ex nihilo une sorte de contre-société ? Ou signifie-t-elle, au contraire, qu’il y a du bon dans leur culture, même en matière de gouvernance, et que l’on peut moderniser ces pays en s’appuyant sur celle-ci ?

Nous voudrions montrer, dans cet ouvrage, que c’est [14] la deuxième hypothèse qui est la bonne ; que, lorsqu’on prend la peine d’analyser précisément les îlots de modernité qui tranchent par rapport à leur environnement, on trouve que la culture locale (comprise comme ce à travers quoi les situations et les actions prennent sens) [3] est venue donner sens aux nouvelles pratiques qui s’y sont répandues, jouant ainsi un rôle décisif dans l’adhésion dont elles ont été l’objet.

Cette conviction s’est imposée à nous en menant des recherches, au sein des divers continents et dans des pays situés à des niveaux de développement très divers, sur le terrain, limité mais essentiel en matière de développement et plein d’enseignements quant aux rapports entre le gouvernement des hommes et la culture, du fonctionnement des entreprises [4]. Nous avons été marqués par la rencontre, au sein de pays en développement, d’entreprises industrielles qui constituaient des exemples remarquables de réussite. Nous nous sommes interrogés sur le secret de leur succès, dans des environnements a priori peu favorables. Le mode de gouvernance qui fondait ce succès reposait bien dans tous les cas sur une combinaison de distribution du pouvoir, de transparence et d’éthique. Mais, et cela était moins attendu, nous avons été frappés par l’alchimie qui s’était mise en place dans chaque cas dans l’alliance du plus moderne avec le plus enraciné dans la culture locale. Il s’agissait d’entreprises [15] résolument modernes, pas seulement dans leur fonctionnement technique mais dans l’appel à des outils de management importés des pays industriels, outils qui leur parvenaient à travers l’influence de la maison mère, quand il s’agissait de filiales de groupes internationaux, ou via les conseils de consultants internationaux. Les succès obtenus reposaient manifestement sur une action volontaire et persistante des responsables pour lutter contre les dérives associées aux formes dominantes de management des pays concernés. Et pourtant, leur fonctionnement restait à bien des égards profondément traditionnel, pas seulement dans des aspects résiduels, inentamés par l’acquisition de nouveaux outils, mais dans la manière même dont ces outils étaient mis en œuvre. Il n’y avait pas seulement juxtaposition, ou compromis, entre la dimension moderne et la dimension traditionnelle, mais union intime. C’était comme si les références les plus modernes prenaient chair par l’entremise de formes locales. C’est en prenant sens en fonction de conceptions locales de l’existence que ces références suscitaient l’adhésion du personnel qui les mettait en œuvre de manière efficace, et devenaient un vecteur effectif de succès au lieu de ne rester que la matière de tentatives de réformes avortées. C’est ainsi, en s’appuyant sur des ressorts propres, dans chacun des cas, à la culture locale, que la transformation du fonctionnement de l’entreprise a réussi.

Notre propos, dans cet ouvrage, est d’élucider pareille alchimie. Nous l’avons écrit avec la conviction qu’une telle élucidation est attendue par ceux qui, en de multiples lieux, cherchent à moderniser leur pays sans renoncer à leur culture. Cette conviction s’est développée au cours de conférences et de séminaires faits dans de multiples pays d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, à destination de responsables d’entreprises, d’universitaires ou d’étudiants. Constater qu’il existe une pluralité de voies vers [16] l’excellence économique a été pour eux une source d’espoir dans l’avenir de leur pays.

Une présentation des enseignements généraux tirés de ces recherches aurait été insuffisante. Il était essentiel de faire toucher du doigt, aussi concrètement que possible, les processus qui interviennent dans une telle rencontre d’actions novatrices et d’appui sur des traditions. Il fallait donc partir de l’analyse de situations singulières. Quatre cas d’entreprises industrielles résolument modernes nous ont paru spécialement éclairants, dans leur diversité. Trois sont des filiales de grands groupes multinationaux : une entreprise agroalimentaire mexicaine ; une entreprise marocaine de composants électroniques ; une entreprise pétrochimique d’Argentine. Un quatrième est une entreprise publique : la société de distribution d’électricité du Cameroun [5]. Les niveaux de développement du pays concerné sont significativement différents, de même que le caractère plus ou moins avancé de la démarche de progrès réalisée au sein de l’entreprise. Les dimensions du management qui prennent le plus de relief diffèrent également : la motivation des hommes dans les cas mexicain et marocain, la mise en place d’un système de délégation et de contrôle au Cameroun, la lutte contre la corruption en Argentine. Il en est de même encore des formes traditionnelles sur lesquelles l’entreprise a pu s’appuyer : au Mexique, une famille de frères, où on s’aide mutuellement à croître ; au Maroc, une confrérie unie autour d’un saint homme, où règnent rectitude et confiance ; au Cameroun, un groupe uni autour d’un rituel partagé codifiant [17] minutieusement les opérations que chacun est amené à faire ; en Argentine, un réseau d’amitié au sein duquel prévaut une interprétation rigoureuse des principes moraux.

La manière dont se réalise ainsi l’alliance du traditionnel et du moderne, de l’universel et du local, a quelque chose de très étrange pour qui a l’habitude d’opposer ces catégories [6]. À propos de chacun des cas, nous commencerons, dans un premier temps, par laisser de côté l’aspect culturel. Nous nous intéresserons à ce que les questions de management rencontrées ont d’universel. Nous considérerons les démarches mises en œuvre pour répondre à ces questions, en faisant résolument abstraction, dans les propos qui nous ont été tenus à leur sujet, de tout ce qui témoigne de la manière singulière dont les acteurs donnent sens aux situations qu’engendre l’usage des outils qu’elles conduisent à utiliser, s’approprient ces outils. Nous verrons qu’à s’en tenir à ce niveau, on peine à comprendre le rôle de certains aspects « étranges » des dispositions prises, alors qu’ils paraissent constituer aux yeux des acteurs un ingrédient nécessaire du succès. De plus, on se demande comment des transformations de l’ampleur de celles que l’on a observées ont pu être effectivement mises en œuvre, au-delà des bonnes intentions de leurs promoteurs. Nous changerons alors de registre pour analyser l’univers mental au sein duquel les transformations réalisées et les méthodes utilisées à cet effet ont pris sens pour les intéressés. Cela nous permettra, dans un troisième temps, de comprendre pourquoi les réformes faites [18] ont été aussi efficaces, quels ont été les éléments clefs, parfois paradoxaux aux yeux des experts en management, qui ont permis le succès obtenu.

De multiples enseignements, qui concernent à la fois la connaissance et l’action, peuvent, verrons-nous, être tirés de ces cas.

Les théories du management peinent, actuellement, à articuler convenablement l’universel et le local. Le débat fait rage entre ceux, majoritaires, qui défendent le caractère universel des bonnes pratiques de management, et ceux qui mettent en avant leur aspect local. De fait, les deux thèses apparaissent l’une et l’autre à la fois justes et insuffisantes. Qu’il s’agisse d’exercice de l’autorité, de mobilisation des hommes, de démarche éthique ou autre, il existe bien, à un haut niveau d’abstraction, de grands principes de gestion, de portée universelle. Mais quand, se préoccupant d’exécution, on rentre dans le concret de l’action, il devient nécessaire de prendre en compte le local. Le trouble vient de ce que les théoriciens du management tendent à confondre ces deux niveaux. Ils justifient par des principes de portée universelle ce qui n’est que modalités d’application singulières, marquées par les sociétés particulières où elles ont pris corps. Or, pour bien démêler en quoi de telles pratiques témoignent effectivement de principes universels et ce qu’elles ont de contingent, il est nécessaire de révolutionner la manière dont les théories du management considèrent les rapports entre les outils de gestion et les hommes qui s’en servent. Au lieu de se contenter de s’intéresser aux outils en faisant abstraction des hommes, il leur faut prendre en compte la manière dont l’usage des outils s’intègre dans l’univers mental, et donc culturel, de ceux qui les mettent en œuvre. Le champ même des phénomènes qu’il devient nécessaire de prendre en compte se trouve considérablement élargi, ce qui représente pour la discipline, ainsi tenue de s’ouvrir [19] à des approches qui lui sont traditionnellement étrangères, une mutation terriblement exigeante.

Faute d’une telle réforme, l’utilisation des théories du management dans les pays en développement risque fort d’être souvent contre-productive, tant les contextes culturels y sont marqués par des différences de taille par rapport à ceux qui prévalent là où les pratiques habituellement données en modèle ont été conçues. Les théories usuelles supposent que chacun remplit dans l’entreprise un rôle professionnel parfaitement déconnecté des relations personnelles, de connivence ou d’hostilité, qu’il entretient avec ses collègues, supérieurs, subordonnés, clients, etc. Ces relations sont supposées relever d’une vie privée séparée par une sorte de muraille de Chine d’une sphère professionnelle rattachée à la vie publique. Bien sûr cette manière de voir ne constitue jamais qu’une approximation plus ou moins lâche de la réalité. Mais on peut admettre que, dans la plupart des sociétés de cultures européennes, une telle approximation n’est pas dépourvue de sens et permet même de construire des guides utiles pour l’action. Dès que l’on sort de ces sociétés, et en particulier dans les pays en développement, cette approximation devient beaucoup plus hardie, au point d’exclure des pans essentiels de la réalité. La prise en compte des interférences entre relations personnelles et exercice des fonctions professionnelles devient un ingrédient fondamental d’une bonne gestion. Cela complique singulièrement la tâche, d’autant plus que la forme que prennent les relations personnelles, et donc la manière dont on peut les mobiliser au service d’un management efficace tout en neutralisant les dérives dont elles sont porteuses, varie énormément d’une société à l’autre. Mais ce serait faire l’autruche que de prétendre qu’on peut s’en dispenser.

Il existe de nos jours un vif souci, spécialement au sein des institutions au service du développement, de [20] repérer et de diffuser les best practices. Mais ces institutions tendent à le faire en négligeant le fait que, considérées dans leur dimension opérationnelle, et pas seulement dans les principes généraux qui les inspirent, ces pratiques n’ont de validité qu’au sein d’un certain contexte. Ce caractère relativement local des pratiques qui méritent d’être ainsi données en exemple doit être pris en compte dans la manière de les recenser et de les diffuser. Simultanément, il n’en rend que plus utiles ce recensement et cette diffusion. Des pratiques qui ne concernent qu’une zone géographique limitée ont moins de chance d’avoir été spontanément repérées et décrites, et donc d’être faciles à connaître par leurs utilisateurs potentiels, que d’autres dont la portée serait universelle. Il en résulte que les innovations dont de telles pratiques sont porteuses se diffusent mal. Permettre que cette diffusion change d’échelle est de nature à provoquer un accroissement substantiel de l’efficacité des entreprises des pays concernés, et de faire accéder ces pays à un développement plus rapide.



[1] Philippe d’Iribarne, La Logique de l’honneur ; gestion des entreprises et traditions nationales, Paris, Seuil, 1989.

[2] Un certain nombre de telles entreprises sont décrites dans L’Afrique des entreprises, publié par le Groupe de l’Agence française de Développement, La Documentation française, 1998.

[3] La difficulté à saisir ce rôle de la culture vient de ce qu’il y a souvent confusion, quand on se sert de la notion de culture, entre d’une part des habitudes, des pratiques, des manières traditionnelles de faire, et d’autre part des cadres de pensée, des manières de donner sens, d’interpréter les événements. Nous développerons ce point, essentiel, dans le chapitre 6.

[4] Dans le cadre de recherches menées par Gestion et Société, centre de recherche du CNRS (Centre national de la Recherche scientifique) français. On trouvera en annexe des précisions sur ces recherches.

[5] À côté de deux cas situés en Amérique latine et de deux autres situés en Afrique il serait intéressant de présenter des cas analogues situés en Asie. Pour le moment, nos recherches n’y ont pas encore porté sur des entreprises qui méritaient d’être montrées en exemple. Nous espérons pouvoir compléter notre ouvrage sur ce point dans une prochaine édition.

[6] Nous avons du reste mis nous-mêmes du temps à la comprendre (et les premières tentatives faites en ce sens, dans diverses publications, apparaissent, avec du recul, peu satisfaisantes). Ce n’est que progressivement, en rapprochant des analyses faites initialement dans des pays différents à des moments différents, que la façon commune dont s’opère une telle alchimie est devenue plus claire.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 19 mars 2017 9:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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